« A l’encre de la vérité »

Le club presse vous présente  » À l’encre de la vérité », un récit fictif et captivant inspiré par des témoignages que nous avons recueillis auprès de personnes transgenres de notre connaissance. Plongez dans cette histoire pour y découvrir la réalité complexe de la transidentité. Que ces quelques pages, où chacune rend hommage à ce combat, puissent être une ouverture vers un monde plus inclusif.

Marine Souche-Millet – Jared Cavaillès-Grillot

Découvrez les témoignages qui ont inspiré ce roman graphique :

Le premier témoignage est de Jared :

« Bonne année à tout le monde! Pour moi cette année signe un nouveau départ et que cela (vous) plaise ou non. Cela fait quelques années maintenant que la situation me pèse et il faut aujourd’hui que je mette un nom dessus. J’ai ruminé toute la nuit, dormant à des intervalles de 30-40 min, me demandant comment si ça allait se passer… En bref, une nuit pourrie surplombée d’angoisse et de stress. Je suis transgenre (et gay de ce fait). C’est comme ça et pas autrement. Je souhaite à présent qu’on s’adresse à moi en tant que « monsieur », qu’on me genre au masculin, et qu’on m’appelle Jared. Je ne répondrais plus à mon deadname, ni même aux surnoms qu’on m’a donnés tout au long de ma vie, etc. Je ne dis pas que ça sera facile, ni automatique, mais je vous demande de faire l’effort, l’automatisme viendra plus tard. Je vais peut-être en décevoir certains, peut-être même en dégoûter, mais vous savez quoi? Je me dois d’être MOI. Je serais blessé par la perte de certains, oui, sûrement, mais comprenez qu’il s’agit de ma vie, pas de la vôtre. Non, ce n’est pas une « phase », ni même une erreur de jugement. Je ne vous demande pas de l’accepter, mais de le respecter. Si j’avais pu en avoir le choix, j’aurais évidemment choisi la norme! Je sais à quoi je m’expose, mais je préfère ça à me cloisonner dans le silence et la déprime. Je préfère voir mon corps changer, avoir mal, subir le regard des autres et en tirer de la satisfaction, que de vivre dans un corps et une vie qui ne m’appartiennent pas. Certaines personnes étaient déjà au courant, ou s’en doutaient simplement. Rien de nouveau sous le soleil, comme on dit (du moins pour vous)! Je remercie donc de tout mon coeur toutes les personnes qui comprendront et respecteront mes paroles. Je vous aime fort. Sur ce, bonne année à tous et passez de bonnes fêtes. », tel était le message qu’ont reçu mes proches dans la nuit du 31 décembre 2023 au 1er janvier 2024. Oui, il s’agit bien ici de moi, co-auteur et illustrateur de cet article dédié à la transidentité, Jared Cavaillés-Grillot. C’est ainsi mon propre témoignage que j’apporterai à cet article, et ce de manière parfaitement publique.

Peux-tu partager ton parcours personnel en tant que personne trans, y compris quand tu as réalisé ton identité de genre et comment tu l’as vécu de ton côté?

Je l’ai réalisé il y a quelques années. Je pense que cette idée me tourmentait depuis l’enfance mais je n’ai juste jamais su mettre des mots sur ce mal. De plus, j’ai, au collège, développé une haine particulièrement stupide et élevée face au concept de la transidentité (et je m’en excuse sincèrement à mon entourage qui a dû subir ça pendant une certaine période). Cela a été quelque chose d’assez difficile à accepter de mon côté, ça a été progressif mais difficile. Je me suis voilé la face sur énormément de choses avant de finalement réaliser et accepter qui j’étais (tenter d’expliquer ce sentiment par une orientation sexuelle différente de la norme, garder le fait de me définir par « elle » mais juste avoir un style vestimentaire particulier, etc). Du côté de mes proches, c’était quelque chose d’évident à leurs yeux, que j’allais m’en rendre compte à un moment ou un autre. Aujourd’hui je suis assez fier et heureux d’avoir fait mon coming out. Il était temps!

Quels ont été les moments les plus difficiles de ta transition? Les plus heureux?

Le parcours de transition de genre est quelque chose de difficile de manière générale. Me concernant, les moments les plus durs sont sûrement les baisses de moral dues au mégenrage permanent (de la part de proches qui comptent énormément pour moi essentiellement). Du moins, celui qui n’est pas excusé, ni corrigé. Je ne m’attends évidemment pas à ce que le changement soit automatique, cela va de soi. Me connaître en tant que « elle » pendant des années et soudainement changer en « il », bien sûr que c’est difficile. Mon seul souhait soit qu’il y ait des efforts de fournis. Outre ça, ma transition relève de quelque chose d’épanouissant pour moi. J’ai reçu énormément de retours positifs quant à l’annonce de ma transidentité, malgré le fait que ça a été quelque chose de très anxiogène pour moi (sensation permanente de commettre une erreur, de faire quelque chose de mal). J’en ressors tout de même avec de bonnes notes (me sentir plus confiant, me trouver plus beau, etc)!

Peux-tu partager quelques-uns des défis les plus courants auxquels tu es confronté au quotidien?

Un défi auquel je me confronte régulièrement est le fait de me faire genrer correctement par autrui (que ce soit des proches ou non). Je me « bats » régulièrement avec ma famille et mes amis pour que l’on me genre correctement. Je l’admets entièrement que ce n’est pas chose aisé, beaucoup m’ont vu grandir à leurs côtés en tant que « elle », et ce pendant des années, et je ne leur en voudrais pas de faire des erreurs. La seule chose que je réprimande en revanche, c’est de ne fournir aucun effort. Outre ce problème-ci, je ne me suis pas encore frotté, et heureusement d’ailleurs, à d’autres problèmes. J’ai eu la chance de ne pas avoir subi de moqueries ou de harcèlement face à ça (ce que beaucoup des personnes concernées ont vécu). À vrai dire, c’est bien quelque chose dont je me moque. La transphobie ou l’homophobie ne relèvent pas d’opinions, mais de délits, et ça, certains ont encore du mal à l’enregistrer. Donc cela ne m’atteint pas entièrement (je ne dis pas que je suis infaillible, loin de là).

Le courageux chemin que tu as emprunté te permet-il d’être plus heureux maintenant?

Oh oui! M’en rendre compte a constitué une étape douloureuse pour sûr, mais je suis bien plus heureux aujourd’hui. Cela va paraître idiot, mais depuis l’annonce de mon coming out à mes proches, je me trouve beau (il faut savoir que ma relation avec mon apparence a toujours été plus que complexe). Je me sens aussi plus sûr de moi, confiant, et ce, malgré le fait de n’avoir pas officiellement entamé de parcours médical (injections de testostérone, mammectomie, etc), je me sens mieux, bien mieux qu’avant.

Quels sont les problèmes légaux et les obstacles juridiques auxquels les personnes trans sont confrontées?

Ayant tout juste « débuté » ma transition, je n’ai pas encore fait face à ce genre de problèmes. Et n’ayant pas pour but de commencer la longue liste de démarches administratives maintenant, ce n’est pas aujourd’hui que j’apporterais un témoignage solide. J’ai eu cependant vent que le côté juridique prenait énormément de temps à se mettre en place (pour certains, cela s’est étendu à plusieurs années). Le plus gros que je risque d’accomplir cette année (scolaire évidemment) est un « changement de prénom » sur Pronote (simplement remplacer mon deadname, ou morinom en français dans le texte, par une phrase: « [deadname] dit… »). De plus, étant majeur, cela me sera en quelque sorte plus « aisé », si je puisse dire. Peut-être apporterais-je des précisions plus tard dans le temps, qui sait?

D’après toi, quelles seraient les solutions pour contribuer à un environnement plus sûr et plus inclusif des trans dans la société?

Je pense que l’élément essentiel à la construction d’un environnement plus sûr et inclusif des personnes transgenres dans la société est l’information. Le fait d’être informé pourrait réduire considérablement, premièrement, cette haine constante et grandissante envers le concept même de transidentité, puis également permettre aux gens concernés de se découvrir, de s’ouvrir des portes en quelque sorte. Je pense sincèrement que si j’avais été mis au courant de tout ça bien plus tôt dans ma vie, j’aurais compris ce qui me causait tant de tort, ce qui m’empêchait d’être moi, de m’accepter tel que je suis, et aussi d’endiguer cette haine qui grandissait en moi fut un temps. L’idéal serait de commencer le plus tôt possible, dans l’enfance. Certains crieront probablement au drame en entendant ces mots, mais je pense fortement que c’est le mieux à faire. Plus l’information nous parvient tôt, au mieux on « digère » l’information (on l’entend et l’écoute surtout).

Notre deuxième témoin a gardé l’anonymat :

Peux-tu partager ton parcours personnel en tant que personne trans, y compris quand tu as réalisé ton identité de genre et comment tu l’as vécu de ton côté ?

Et bien je fais partie de ceux pour qui cela a toujours été une évidence. Quand on est petit, du moins là où j’étais, il n’y pas encore de vraie distinction entre les filles et les garçons. C’est plus tard que la séparation se fait, avec les corps et les intérêts qui changent. C’est là que j’ai commencé à sentir un décalage injuste avec mes copains. Je ne comprenais pas vraiment pourquoi on ne me traitait plus comme les autres petits garçons. Bien sûr je ne suis pas bête et je ne l’étais pas à ce moment-là non plus. Je savais bien pourquoi ce comportement général avait changé. Juste, je ne voulais pas de cela. Pendant beaucoup d’années je me suis trouvé bizarre de me sentir ainsi car tout le monde disait que je devais me comporter “comme une fille” et que sinon je n’étais qu’un garçon manqué.

Je me suis donc retrouvé dans une situation bizarre de la primaire jusqu’à fin du collège, où je ne pouvais pas être un garçon car ils ne me considéraient pas comme “des leurs” mais je ne pouvais pas non plus être considéré comme une vraie fille. Tout d’abord je n’en avais pas l’envie, et ensuite j’avais un comportement considéré comme trop masculin pour me faire accepter de ce côté-là. Bref, je me suis retrouvé seul, tiraillé entre mon incompréhension, mes doutes et ma propre intolérance envers moi-même.

C’est seulement à la fin du collège qu’un camarade va m’apprendre le terme « transgenre ». Je me rappelle avoir retenu une larme lorsqu’il m’a expliqué de quoi il s’agissait dans les grandes lignes, sans le moindre jugement, et surtout sans savoir que je me sentais totalement concerné. J’ai alors fait mes recherches de mon côté et ce fut comme une révélation et une délivrance à la fois. Je ne voulais plus me qualifier de bizarre et d’incapable mais plutôt de normal et d’incompris. Cela a fait toute la différence pour ma santé mentale.

Après y avoir bien réfléchi, j’ai commencé à en parler autour de moi, à mes plus proches amis. On a commencé à m’appeler par mon prénom actuel, à me considérer enfin comme le garçon que j’ai toujours été. Plus tard, j’en ai parlé à ma famille. J’ai eu l’immense chance d’être soutenu et aimé malgré la réticence évidente de certains de ses membres.

Aujourd’hui je suis heureux et épanoui en tant que moi, en tant que garçon, en tant que fils, grand-frère, cousin, petit-ami, et simplement ami.

Quels ont été les moments les plus difficiles de votre transition ? Les plus heureux ?

C’est plus complexe qu’il n’y paraît comme question ! Surtout que c’est le genre de chose qui est très personnel et qui change donc selon chaque individu.

Ce qu’il me vient instantanément c’est le fameux coming-out. Le moment d’annoncer à ses proches que finalement l’identité qu’ils ont connue pendant 14 ans s’envole pour laisser place à une autre bien différente. La peur de perdre les gens qu’on aime est absolument horrible. L’impression que de s’être enfin trouvé va nous faire perdre tellement plus qu’on en arrive à douter de si ça en vaut vraiment la peine. J’ai fait le choix d’être moi et je ne regrette rien.

Je pense que le plus difficile vient de l’ignorance des gens sur le sujet. Entre les préjugés qui bousillent nos chances sociales ou même les personnes violentes parce qu’elles sont convaincues de choses totalement fausses ! C’est terrifiant. J’ai déjà été menacé de mort plusieurs fois. On m’a suivi jusqu’à chez moi. On m’a insulté gratuitement. Et plus simplement on a parlé sur mon dos juste pour que les gens m’évitent. J’en veux aux personnes violentes. Vraiment. Mais je ne peux m’empêcher de me dire que si elles avaient été mieux informées, si leurs parents avaient mieux connu le sujet, si tout cela était moins tabou et que les gens étaient curieux sans être méchants, alors peut-être qu’en fait on aurait pu s’entendre ?

Sinon de manière assez logique, les moments les plus heureux actuellement ça a été les réactions des personnes qui m’ont et me soutiennent toujours le plus aujourd’hui. Un mélange réconfortant de soulagement et de fierté se dégage de ces souvenirs-là. Le soutien inconditionnel de ma copine par exemple n’est pas constitué d’un seul moment mais fait clairement partie des événements les plus agréables de ma transition.

Bientôt je vais faire modifier ma carte d’identité. Ce n’est pas encore passé donc je ne vais pas trop m’étaler dessus mais j’ai vraiment hâte ! C’est une belle étape très symbolique dans mon parcours.

As-tu été soutenu par ta famille ? Rejeté ?

            Comme je l’ai dit précédemment, j’ai eu la chance d’être soutenu par ma famille. Bien sûr il y a des personnes qui étaient réticentes, qui ne comprenaient pas trop. Mais il s’agissait d’une partie de ma famille que je n’ai pas vue depuis des années et qui a donc une image très figée et modelée de moi. Puis je n’ai pas été rejeté pour autant donc tout va bien.

            Tout le monde n’a pas réussi à adopter mon nouveau prénom immédiatement mais personne ne s’est opposé au changement non plus. Tout s’est arrangé avec le temps !

Peux-tu partager quelques uns des défis les plus courants auxquels tu es confronté au quotidien ?

            Étonnement, ce n’est pas mon identité qui me crée le plus de problèmes au quotidien. Mais bien sûr il y a son lot de soucis comme pour tout.

            Premièrement il y a les gens qui se comportent différemment une fois qu’ils apprennent que je suis trans. Tout se passait bien puis d’un coup on me traite un peu comme un alien. Ce n’est pas bien grave en soi, sauf quand ça arrive souvent. Là, ça devient un vrai défi de le supporter. Et c’est sans parler des comportements souvent méchants et transphobes qui me sont soudainement destinés parfois.

            Un autre défi, beaucoup plus léger cette fois, est d’expliquer aux personnes dans l’administration pourquoi je ne me reconnais pas lorsqu’on m’appelle ou pourquoi je me présente avec un prénom différent de celui sur mes papiers. Souvent ça donne une situation vaguement gênante mais surtout drôle. Après tout ce n’est pas de la mauvaise foi, j’ai juste une forte tendance à oublier que je me suis appelé différemment un jour ! Merci à toutes les personnes qui prennent le temps de m’écouter marmonner tout bas pourquoi j’ai réussi à oublier mon prénom…

Le courageux chemin que tu as emprunté te permet-il d’être plus heureux maintenant ?

OUI. Enfin oui mais non. Il me permet d’être plus heureux aujourd’hui c’est une évidence et dire l’inverse serait une forme de déni des plus extravagantes. Cependant je tiens à préciser que c’est aussi tout le travail que j’ai fait sur moi-même pour mieux me comprendre et me connaître, mon entourage proche, mes soutiens émotionnels et mes passions qui me rendent heureux. Comme n’importe quel ado au final. On a tous nos combats et je pense que s’en sortir rend tout le monde heureux.

Quels sont les problèmes légaux et juridiques auxquels les personnes trans sont confrontées ?

            Je suis tout juste un jeune adulte alors je ne me suis pas encore vraiment frotté aux problèmes juridiques pour mon plus grand plaisir.

            Cependant je sais qu’à mon niveau j’ai déjà quelques soucis de paperasse. Exemple simple qui parlera sûrement à beaucoup de monde, LE BAC. Je suis en pleine démarche de changement de prénom auprès de la mairie et si je me débrouille mal je vais me retrouver dans un bazar pas possible où plusieurs noms vont apparaître dans mes dossiers. Normalement ça va aller, mais c’est chiant.

            Sinon il y a les petits jobs. Selon le secteur, un employeur ne va pas forcément réussir à nous faire appeler par notre prénom  partout tout en restant dans la légalité.

            TOUS les papiers que je faisais ces dernières années vont devoir être refaits pour être valides. Mon recensement, mon attestation de JDC, ma carte d’identité, mon permis, et tous les autres papiers importants non mis à jour.

            Et le dernier exemple qui me vient, c’est le sport en équipe. Dans le cas d’une équipe non mixte évidemment, sinon le problème ne se pose pas. Je ne peux pas intégrer d’équipe d’hommes car il y a un F sur ma carte d’identité, mais dès que je vais prendre un traitement hormonal (testostérone) je ne pourrais plus non plus faire partie d’une équipe féminine car ce serait considéré comme de la triche. Et dans les deux situations, si j’arrivais quand même à m’inscrire, dans les compétitions la testostérone peut-être considérée comme du dopage et donc de la triche. Vaut mieux se la jouer solo du coup !

D’après toi, quelles seraient les solutions pour contribuer à un environnement plus sûr et plus inclusif des personnes transgenres dans la société ?

            Pour moi la réponse est la même que n’importe quel sujet concernant une communauté subissant des injustices et des violences. Il faut en parler librement et sans tabou. Il faut également que les gens soient plus curieux au lieu de simplement se contenter de l’image très fausse des personnes que nous sommes. Cela prendra encore bien des années voire des générations. Mais si nous en parlons comme de n’importe quel sujet, alors cela évoluera. Il n’y a pas de formule magique. Il faut du temps et beaucoup de patience je pense !

Voici notre troisième témoignage (anonyme également) :

Peux-tu partager ton parcours personnel en tant que personne trans, y compris quand tu as réalisé ton identité de genre et comment tu l’as vécu de ton côté?

Je suis agenre, cela signifie que je ne m’identifie ni au genre masculin, ni au genre féminin. J’utilise des pronoms principalement neutres, et parfois masculins. Cela a débuté dès le plus jeune âge avec le ressenti général des personnes transgenres (sentiment de malaise permanent face à la catégorisation liée au genre). C’est Internet qui m’a ouvert la voie, j’ai commencé à m’informer sur la communauté queer et cela et m’a permis d’en apprendre plus sur mon identité de genre ainsi que sur mon orientation sexuelle. La réalisation de mon identité de genre a été plutôt progressive, passant par diverses étapes avant d’atteindre le stade auquel je suis aujourd’hui. L’art a été aussi un moyen pour moi de m’exprimer à ce sujet, créant, par exemple, un personnage « autoportrait » me servant de toile pour mes expérimentations en quelque sorte.

Quels ont été les moments les plus difficiles de ta transition? Les plus heureux?

Je n’ai pas eu encore accès aux procédures médicales pour une transition physique. Je vais où me porte le vent, cependant mon physique ne m’aide pas forcément pour l’affirmation de mon identité de genre (même si cela n’est pas censé importuner normalement). Changer de pronoms a pour moi été quelque chose d’assez difficile (difficultés liées au changement de manière générale), même si aujourd’hui cela m’apporte énormément de bonheur.

As-tu été soutenu par ta famille? Rejeté?

Je n’en ai que très peu parlé pour le moment, seuls certains de mes amis et membres de ma famille sont au courant (mère/oncle paternel), mais rien de plus. J’ai du soutien malgré quelques petites incompréhensions. Je ne parle pas de tout ça pour le moment, craignant un probable rejet de la part du reste de ma famille (ils ne seront probablement jamais capables d’accepter un tel fait). Cependant je ne compte pas rester dans cet état-là aussi longtemps.

Peux-tu partager quelques-uns des défis les plus courants auxquels tu es confronté au quotidien?

C’est surtout une lutte perpétuelle contre soi-même (déprime, dépit…). Le fait de me dire que le monde ne me verra probablement jamais tel que je suis est profondément blessant.

Le courageux chemin que tu as emprunté te permet-il d’être plus heureux maintenant?

Je n’argumenterais pas énormément sur cette partie: oui je me sens bien plus heureux aujourd’hui.

Quels sont les problèmes légaux et les obstacles juridiques auxquels les personnes trans sont confrontées?

Je n’ai, et encore heureux, pas encore rencontré de problèmes juridiques. J’ai cependant récemment appris l’interdiction de l’usage de l’écriture inclusive au sein de documents officiels, ce qui m’attriste et me contrarie fortement, j’y vois ainsi une sorte de régression et une atteinte directe à ma condition en quelque sorte.

D’après toi, quelles seraient les solutions pour contribuer à un environnement plus sûr et plus inclusif des trans dans la société?

Un point essentiel serait pour moi l’information et ce, depuis le plus jeune âge si possible. De plus l’introduction d’infrastructures ainsi que la mise en place de certaines initiatives comme l’écriture pourraient constituer une grande avancée.

Suite à la publication de cet article, nous avons reçu un autre témoignage, de Joshua Desjardins, 19 ans, étudiant.

Je pense que mon parcours est similaire à celui de nombreuses personnes transgenres : à partir du moment où, enfant, je me suis rendu compte de ce que représentait être une fille ou un garçon, j’ai senti qu’il y avait un décalage. Je me souviens me demander pourquoi je n’avais pas pu naître en tant que garçon, ou souhaiter en devenir un car je trouvais que cela me correspondait mieux. Cependant, on ne parlait que très rarement (voire pas du tout) des personnes transgenres, donc je n’avais aucune idée que ce je ressentais était vécu par d’autres personnes que moi, et qu’un terme existait pour le définir. Ce n’est qu’en année de seconde (vers mes 15 ans donc) que j’ai vraiment réalisé ma transidentité. J’ai mis un temps à l’accepter, un temps à l’annoncer à des amis de confiance. Je n’ai reçu aucune mauvaise réaction de leur part, et je m’en estime chanceux, car ce n’est pas le cas de tous.

Les moments les plus difficiles dans une transition sont sûrement les moments où l’on se sent illégitime ou incompris. Ils peuvent notamment arriver lorsqu’on assiste à des vagues de haine contre les personnes transgenres sur les réseaux, à la télévision, ou même dans des discours politiques (les Etats-Unis d’Amérique sont un bon exemple à citer, où de nombreuses lois anti-trans ou anti-lgbt sont votées). Je ressens un profond sentiment d’impuissance, de tristesse mais aussi de colère face à de telles mesures déployées contre une communauté qui ne représente aucun danger.

Les moments de ce qu’on appelle dysphorie de genre sont aussi compliqués à vivre. On peut la définir par « la détresse d’une personne transgenre face à un sentiment d’inadéquation entre son genre assigné à la naissance et son identité de genre ». Elle est renforcée par les stéréotypes de genre qui, malgré une certaine déconstruction à laquelle on assiste aujourd’hui, sont toujours présents. C’est un sentiment complexe à exprimer, mais il peut être décrit comme un profond mal-être qui entraîne une perte de confiance en soi, une mauvaise image de sa propre personne.

Les défis les plus courants pour une personne transgenre sont ceux qu’on peut rencontrer quotidiennement. Se présenter à un groupe par exemple : Devrais-je leur donner mon prénom ou mon deadname (=nom de naissance)? Pensent-ils que je suis une fille ou un garçon ? Sont-ils transphobes ou non, dois-je ne rien dire pour me protéger ? C’est une situation simple et pourtant délicate, qui peut entraîner des conversations maladroites et peu agréables parfois, ou des remarques. Il existe aussi le défi d’annoncer la transition à sa famille, qui n’est pas souvent une étape simple connaissant l’image des personnes trans avec laquelle la génération de nos parents ont grandi. De même, l’annoncer aux amis, aux professeurs, aux employeurs est un constant stress : on peut perdre des amis, mettre en péril son emploi.

Pour les personnes trans avec un entourage hostile, les défis courants sont de subir les moqueries, remarques… ou parfois devoir partir de la maison familiale sous la contrainte.

Les personnes transgenres peuvent être confrontées à certains problèmes légaux et juridiques, notamment au niveau de leurs papiers d’identité. Les procédures de changement de prénom prennent du temps, sont compliquées (et devaient obligatoirement être accompagnées d’un certificat médical jusqu’en 2016). On assiste même parfois à des refus catégoriques. Si la personne transgenre n’a pas encore pu changer son prénom officiellement mais qu’elle a déjà accompli sa transition hormonale et/ou chirurgicale, des complications peuvent se présenter lors des contrôles d’identité, de virements à la banque, rendez-vous, et j’en passe. De plus, la non-binarité n’est toujours pas reconnue en France.

D’autres restrictions existent, comme par exemple l’accès à la PMA , qui n’est autorisé qu’aux personnes avec la mention « Sexe:F » sur leur carte d’identité.

De même dans les domaines sportifs, les personnes trans (notamment les femmes) se voient refuser l’accès aux compétitions officielles alors que le taux d’hormones est contrôlé (alors que même chez les hommes cisgenre, le taux de testostérone fluctue entre 8 et 34 nmol/L… Une grande partie des différences sont donc individuelles, plutôt que liées au genre ou au sexe.)

Je me sens effectivement plus heureux aujourd’hui car je sais que je suis enfin moi-même, même si assumer cette identité vient avec son lot de complications, comme cité ci-dessus.

D’après moi, il suffit de quelques actions simples pour contribuer à un environnement plus inclusif des personnes transgenres. Tout d’abord, il faut arrêter de rendre la transidentité dramatique : être trans n’est pas dramatique, ce qui l’est d’un autre côté ce sont les réactions et la place qu’on donne aux personnes trans dans le monde aujourd’hui.

Pour remédier à cela, on peut faire mention de la transidentité lors des cours d’éducation sexuelle par exemple, faire la distinction entre genre et sexe. Écouter les personnes concernées quand elles parlent des problèmes qu’elles rencontrent et réfléchir à des solutions. Respecter les prénoms et pronoms des personnes qu’on rencontre. Proposer des toilettes mixtes (déjà mis en place dans certaines écoles et entreprises). Combattre la misogynie, l’homophobie et la transphobie, qui sont toutes liées. Suivre des personnes trans sur les réseaux pour connaître leur expérience et s’informer.

En conclusion, éduquer sur ce qu’est une personne transgenre pour éviter la stigmatisation et le mal-être. Être transgenre n’est pas grave, ça n’est pas une maladie, et serait d’autant plus simple à vivre si on ne mettait pas des bâtons dans les roues des personnes trans dès le plus jeune âge.

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