Oui, je suis POUR l’inscription de l’IVG dans la constitution!

Photo : Manifestation à Paris le 29 février 2024, le lendemain de l’adoption du projet de loi par le sénat.

Le Monde, 29 février 2024 par Michel Euler

Triste, dépitée et surtout révoltée, voici mon état d’esprit lorsque je vois des sénateurs et des sénatrices indécis sur l’inscription de la liberté des femmes d’avoir recours à l’IVG à dans la constitution.

Triste, dépitée et surtout révoltée lorsque j’entends le Président du Sénat dire que : « la Constitution n’est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux »

Comment osent-t-ils ?

Le droit à l’IVG si durement acquis par des générations de femmes et si souvent remis en cause a besoin d’être protégé! Alors faut-il l’inscrire parmi les textes fondamentaux de la constitution? Oui, je suis POUR sa constitutionnalisation!

OUI, je suis POUR la symbolique!

Le droit à l’IVG est le résultat d’une conquête. Cette loi portée par Simone Veil et votée en 1975 est une victoire autant féministe que de santé publique. L’inscrire dans la constitution est la suite logique de cette bataille. Elle a évolué pendant ces dernières années avec l’allongement du délai en février 2022 ou bien encore le remboursement à 100% en mars 2013. Elle doit logiquement s’inscrire dans la constitution pour garantir cette avancée féministe. C’est un symbole politique et féministe nécessaire! C’est un hommage au combat de Simone Veil. La constitution est le socle de notre société, sa force est de pouvoir l’adapter à notre société et de protéger le peuple. Le droit à l’IVG y a toute sa place car c’est un droit fondamental.

OUI, je suis POUR que le corps de la femme appartienne à la femme!

Certains diront qu’en France le droit à l’IVG n’est pas menacé. Et pourtant 130 centres d’IVG ont fermé ces dernières années. De trop nombreuses femmes sont obligées de partir à l’étranger pour avorter car les délais pour obtenir un rendez-vous sont trop longs. Bref, la menace est bien là! Le contrôle du corps des femmes peut être plus subtil. Choisir ses vêtements, son métier, devenir mère ou non… Que feraient les femmes si elles avaient vraiment le choix, si le modèle patriarcal dominant n’existait pas? Le corps des femmes est l’objet d’un débat incessant.

Le mouvement #Meetoo, la crise dans le cinéma, la mise en lumière du harcèlement de rue permettent une prise de conscience. Les femmes parlent, les femmes osent, les femmes dénoncent et les femmes sont en droit d’avoir le soutien de toute la société. Elles se sont souvent tues. Il n’y a pas si longtemps, elles ont même trouvé ces comportements normaux ou juste gênants sans oser en parler de peur d’être dénigrées, discréditées, rejetées. Mais maintenant, c’est terminé! Les femmes sont libres, indépendantes et elles comptent bien le faire savoir! Les droits fondamentaux concernent aussi les femmes, et parler de l’IVG afin de le consolider est totalement en accord avec l’émergence féministe actuelle.

OUI, je suis POUR garantir l’IVG!

C’est plus compliqué de remettre en cause un droit constitutionnel qu’une simple loi. Rien n’est jamais acquis! En France, régulièrement, les locaux du planning familial sont attaqués, tagués, abimés par des personnes qui n’acceptent pas ce droit. Même parmi les soignants, il y a des résistants qui essaient de dissuader les femmes d’avoir recours à l’IVG. Le fait que cela soit inscrit dans la constitution, cela donne de la force et un point d’appui pour les femmes qui subissent une contestation sociale. Dans les médias, les discours antiféministes sont aussi présents. A deux jours des débats au sénat, la chaîne d’informations CNews présente l’avortement comme la première cause de mortalité dans le monde.

Nous ne sommes pas à l’abri d’un changement politique qui pourrait remettre en question les droits des femmes. D’ailleurs, Simone de Beauvoir nous avertit lorsqu’elle écrit: «N’oubliez jamais qu’il suffira d’une crise politique, économique ou religieuse pour que les droits des femmes soient remis en question. Ces droits ne sont jamais acquis. Vous devrez rester vigilantes votre vie durant.» Nous ne savons jamais de quoi les lendemains sont faits. Bref, la menace rétrograde est bien là!

OUI, je suis POUR l’exemplarité!

Je suis POUR que la France, pays des droits de l’Homme et du citoyen, serve d’exemple aux autres pays. Surtout que les dérives sont nombreuses, en voici quelques exemples.

Depuis 2020, la Pologne, pays aux traditions catholiques, a rendu l’IVG quasi-illégalle. La loi est tellement restrictive que les médecins ont peur de la pratiquer. Ils risquent trois ans de prison s’ils incitent une femme enceinte à interrompre sa grossesse! Une militante du droit à l’avortement a été condamnée à des travaux d’intérêt général!

En juin 2022, la Cour Suprême des USA annule un arrêt fédéral qui garantissait le droit d’avorter sur tout le territoire. Sans attendre, 14 Etats américains interdisent l’IVG. Le Texas, le Mississipi et d’autres ne prévoient aucune exception en cas de viol!

En Italie, Giorgia Meloni, la Première Ministre, rogne sourdement l’accès à l’IVG. Rappelant à tout va qu’elle est catholique, elle donne aux médecins le droit à «l’objection de conscience» (70% des gynécologues refusent de pratiquer l’IVG au nom de cette notion), ce qui allonge les délais pour avoir un rendez-vous. Le soutien financier a été réduit. Bref, L’avortement devient quasi-impossible. Dans certaines cliniques, l’écoute des battements du cœur est obligatoire avant que la femme prenne la décision d’avorter. Obligation que l’on retrouve en Hongrie depuis que la loi concernant l’IVG a été durcie.

Quelle culpabilisation indécente!

La tendance mondiale et européenne est au recul des droits fondamentaux.

Bref, la menace idéologique est bien là!

Finalement, ce 28 février 2024, les sénatrices et les sénateurs français, malgré certaines archaïques réticences, ont voté POUR, eux-aussi, et la loi est passée. Puis-je m’en réjouir? Pas complètement, quand on sait que certains votent dans ce sens pour ne pas passer pour des «ringards». Hélas, ils ne soutiennent pas les femmes, seule leur image compte…

Vous, les lectrices, continuez à vous battre pour vos droits. Ils ne sont jamais acquis!

Vous, les lecteurs, soutenez les femmes dans leurs choix. Battez-vous auprès d’elles , devenez féministes!

De mon côté, je continuerai à défendre les causes féministes qui me tiennent à cœur parce que OUI, je suis POUR garantir ces libertés si fragiles.

Enfin, au-delà des aspects juridiques, il est important de soutenir et de permettre la mise en œuvre concrète de l’IVG qui est souvent un parcours difficile dû à l’inégalité d’accès aux soins tant sur le plan géographique que socio-économique. L’accès reste le débat! Mais je n’oublie pas les paroles de Simone Veil «Aucune femme ne recourt de gaieté de cœur à l’avortement. C’est toujours un drame et cela restera toujours un drame. »

Lise Brissac – 2nde 13