Marge et centralité

https://www.grizette.com/patisseries-galette-des-rois-toulouse/

Il y a deux thèmes que je souhaiterai rapidement développer sur ce blog, c’est la question des classes sociales et celle de la centralité.

Pour l’heure, voyons en quoi la centralité permet de réfléchir sur la marge ou la limite.

A l’occasion de la nouvelle année, je me suis demandé dans quelle boulangerie j’allais trouver la meilleure galette des Rois. Sous son aspect trivial, cette quête allait me mettre sur la piste d’un effet de centralité assez évident.

Une simple recherche sur le puissant moteur à inférences me renvoie à plusieurs sites, dont un magazine féminin qui m’indique où trouver la meilleure galette à Toulouse.

https://www.toulouscope.fr/vie-pratique/566-ou-trouver-les-meilleures-galettes-des-rois-de-toulouse/

Un site d’ailleurs affiché en premier référencement, c’est-à-dire en lien commercial. Le magazine Grizette propose donc une liste de cinq adresses toulousaines, toutes circonscrites au centre-ville. Qui plus est, ces boulangeries-pâtisseries se situent toutes dans les quartiers bourgeois et petit-bourgeois du centre-ville. Un effet de centralité, c’est-à-dire de convergence vers le centre (et si l’on regarde par rapport au statut social tel que la société le définit, vers le haut) qui édicte une règle selon laquelle le meilleur est ce qui est le plus proche (de quoi ?) du pouvoir, des classes dominantes, des élites, du haut ? Le centre a toujours un pouvoir attracteur, et si l’idée qu’une enseigne  placée dans tel ou tel « beau » quartier c’est forcément mieux, renvoie à des prénotions qu’il faut savoir dépasser. Par extension, ce sont aussi les rues adjacentes qui profitent de ce capital symbolique.

Un deuxième site, « Je veux tout goûter », nous donnera la même liste des cinq boulangeries-pâtisseries préparant les « meilleures galettes ». Les critères énoncés sont tous très subjectifs comme peuvent l’être les critères en matière culinaire. Qualité du feuilletage, aspect, goût… A-t-on comparer d’autres galettes d’autres boulangeries-pâtisseries ? Nous n’en savons rien.

Un troisième site nous renvoie sur les mêmes établissements, hormis une exception, sortie du cadre de la centralité. Il s’agit là d’un simple référencement basé sur quoi ? Il y a trop de concordances pour un produit aussi difficile à classer. Peut-être que l’article de La Dépêche du 9 janvier 2016  conduira les lecteurs sur une piste. Les résultats de l’enquête annoncée aboutissent à la fameuse liste des cinq boulangeries-pâtisseries. En remontant le temps à travers les sites, nous arrivons peut-être là à la source de cette information.

Lucie Paimblanc, la journaliste en question, fait un reportage sur ce thème et dresse la liste des cinq boulangeries-pâtisseries dont il était question plus haut. Un « reportage » dites-vous, mais cette journaliste n’est pas inconnue, puisqu’elle anime son blog « Je veux tout goûter ». Ainsi, une même source peut se diluer à travers l’internet et contribuer à fabriquer une information qui sera rapportée de sites de sites et qui relève davantage d’enjeux stratégiques que d’une objectivité scientifique. Dame ! Internet n’est pas une source scientifique. N’est-ce pas encore cette journaliste qui, l’année dernière, était à l’honneur dans un article du magazine Grisette ? S’agit-il d’un échange de bons procédés, d’un renvoi d’ascenseur ? Un travail sur le réseau social pourrait nous en dire plus… Voilà un peu l’idée de la démarche.

Pour aller plus loin, j’utilise le site « Société.com » qui référence l’ensemble des entreprises et des sociétés civiles immobilières (SCI) en France. Par croisement d’informations et avec un peu de patience, on arrive à faire des connections entre les noms de familles, leur lieu d’habitation et leurs différentes activités. Savoir si la personne possède plusieurs activités connexes, ou bien, plus simplement des biens immobiliers. Et tout cela pour montrer que l’effet de centralité répond parfois à des besoins économiques ou à une stratégie.

Parce qu’à bien réfléchir, peut-on penser juste un instant que le centre-ville serait le centre de production des meilleurs galettes ? Il existe des artisans sérieux dans leur démarche qui produisent d’excellentes galettes en périphérie toulousaine. Mais c’est plutôt le bouche à oreille qui permet d’en découvrir l’existence.

Nous sommes, me semble-t-il au centre de l’enquête que Nicolas Jounin a réalisé avec ses étudiants de Paris 8 et qu’il livre dans Voyage de classes (éditions La Découverte, 2014). Ou bien encore dans ce que Pierre Bourdieu appelle un rite d’institution et dont la fonction est de consacrer. « En marquant solennellement le passage d’une ligne qui instaure une division fondamentale de l’ordre social, le rite attire l’attention de l’observateur vers le passage (d’où l’expression rite de passage), alors que l’important est la ligne. » (« Les rites de passage comme acte d’institution », ARSS, 43, 1982, pp. 58-63)

Ici, évidemment ce n’est pas la galette qui compte mais l’implantation géographique des établissements.

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