Marges, limites et frontières : Le Mirail, un territoire, une entité, quelques éléments d’appréciation

par Mohammed Zendjebil, géographe

Le lac de la Reynerie, octobre 2009, photo NJ

Les événements qui ont embrasé les différents quartiers du Mirail (sans pour autant entrer dans les raisons de cette colère), nous interrogent sur la notion de territorialité en temps de crise. Cela a néanmoins montré les limites d’une politique de la ville peu ou pas profilée pour ces territoires de la géographie prioritaire (« Intégrer les quartiers en difficulté », OCDE (Organisation de coopération et de développement économiques), 1998, 186 pages).

Aux marges de la ville, ces derniers sont mis aux bans de la ville , bien qu’ils soient inscrits dans celle-ci, ils font partie incontestablement de la ville (Collectif, « En marge de la ville, au cœur de la société : ces quartiers dont on parle », Ed. de l’Aube, 1999, 349 pages). Longtemps enclavés, la frontière entre ces quartiers et la ville-centre était flagrante physiquement et dans l’esprit des habitants. L’arrivée du métro a permis en partie de les rapprocher du reste du territoire communal. Cette frontière s’est un peu dissipée, mais pas au point de les sortir de leurs marges périphériques. Les violences urbaines de ces derniers jours montrent en fait que les frontières, les limites, entre ces différents quartiers, s’effacent quand des événements fédérant une identité surviennent.

Ancienne dalle de Bellefontaine, octobre 2009, photo NJ

Ces frontières, jusque-là objectives, dans l’esprit des habitants, s’effacent comme pour montrer que les problèmes auxquels ces territoires sont confrontés, sont les mêmes et donc rassembleurs ; produisant ainsi, une seule et même entité territoriale. Plus encore, la question des frontières territoriales s’est posée, puisque dans les médias, celle-ci s’est agrandie, élargissant les limites du quartier historique (Le Mirail) au reste des quartiers du sud-ouest de la ville. Ainsi, Le Mirail (Bellefontaine, Reynerie et Mirail-Université) est devenu le temps de ces événements, le « Grand Mirail ». Cette appellation relativement récente et employée seulement par l’INSEE pour des raisons statistiques, englobant en sus les quartiers de Lafaourette et Bagatelle.

Ancienne dalle de Bellefontaine, octobre 2009, photo NJ

Les frontières entre ces différents quartiers seraient-elles mouvantes ? Une identité territoriale commune serait-elle attribuée à tous ? On uniformise donc ! Les sciences humaines veillent à ce que cela n’en soit pas le cas, car la méthode d’enquête et d’observation est là pour éviter les écueils ! Cela questionne, et fait penser qu’un territoire n’est aucunement unique, mais traversé de différences intrinsèques à chaque quartier. Les échelles que l’on convoque pour en parler sont également importantes pour ne pas se tromper de point de vue et ne pas loger l’ensemble de ces quartiers à la même enseigne.

Ancienne dalle de Bellefontaine, octobre 2009, photo NJ

Les limites vécues, perçues dans ces territoires sont plus pertinentes à l’échelle des individus, des habitants, dont les histoires individuelles et collectives construisent et déconstruisent les limites et les frontières qu’on voudrait leur signifier dans ces espaces, contrairement aux politiques publiques qui uniformisent le discours et tendent à construire un seul et même territoire au détriment de ce qui s’y passe réellement.

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