Urbanité et franchissement des limites

« Scènes de violence dans le centre-ville de Toulouse le 1er décembre/ photo DDM Michel Viala » © DDM Michel Viala

Qualifiés de « violences urbaines » , les événements de cette fin de semaine interrogent quant à leur violence réelle et à leur emplacement. Le Monde titre « Après les violences du 1er décembre, le gouvernement face à une crise majeure ». Les journalistes sont-ils dépassés et les mots employés, alors que certains parlent déjà d’insurrection ? De quelle « crise majeure » s’agit-il ? D’une crise de la majorité ou bien d’adolescence ? « Selon le procureur de la République de Paris, Rémy Heitz, 378 personnes étaient toujours en garde à vue dimanche soir, dont 33 mineurs » (10%) est-il encore indiqué dans l’article. Y a-t-il un franchissement des limites urbaines, des limites démocratiques et du dépassement des symboles ? Comment peut-on analyser un tel phénomène ?

L’atteinte aux symboles de la république, comme l’atteste les dégradation de l’Arc de Triomphe dépasse les « traditionnelles » atteintes aux biens de personnes anonymes ou collectives, comme les voitures ou le mobilier urbain. Sur France Culture ce matin, il est question de la « crise des gilets jaunes » et du recul des lois concernant la « taxe carbone ». L’environnement est-il au centre du conflit social ou bien seulement un prétexte ? Les « gilets jaunes » n’ont pas de porte-parole, ils ne s’agit pas d’un mouvement syndical ou politique, mais d’un mouvement spontané issu des classes défavorisées, mais également des milieux populistes. Que se passe-t-il ? Voilà à peine un mois, les rues de Toulouse étaient envahies par une foule venue voir « les machines », ces monstres géants qui arpentaient les rues et ce week-end, la foule saccageait la place Jeanne d’Arc. Mais s’agit-il des mêmes personnes ?

« La réalité quotidienne des masses laborieuses » comme l’écrit The Guardian, s’exprime-t-elle autour de la culture française ?

Emmanuel Todd, présenté comme « anthropologue et historien » à la radio, fait autorité en la matière. Il est titulaire d’une thèse d’anthropologie historique soutenue à Cambridge en 1976, et issu de la bourgeoisie éclairée parisienne. Ces méthodes n’ont rien à voir avec celles de l’anthropologie, il n’a jamais fait de terrain au sens exprimé par Patrick Gaboriau. Invité ce matin à la radio, il tente d’expliquer cette « cartographie des colères des français ». Il commente l’État de la France depuis plus de quarante ans. Cet historien et démographe est donc représentatif d’une parole officielle.  Il met en avant le côté culturel des français et de ce qui fait la culture française sur le versant de l’égalité et des valeurs égalitaires, une des spécificités françaises. De par ses traditions, les français seraient capable de franchir les limites imposées par l’État pour montrer l’absence des valeurs égalitaires. « Le mouvement a quelque chose de défensif » dit-il. L’hypothèse serait que la stratification éducative qui se retrouve dans les cartes montrent que les valeurs traditionnelles françaises entre centre et périphérie se sont déplacées, et que les frontières entre les villes de provinces et les grandes villes sont marquées aujourd’hui, notamment en terme d’éducation, par des différences de traitement du point de vue des inégalités, en terme de transport, de service, mais aussi économiques.

Selon lui, l’État ne serait en aucun cas dépassé par les événements, mais au contraire entretiendrait une stratégie pour mieux contrôler à terme la population. « Le gouvernement cherche le chaos pour provoquer cette rupture » dit-il. Pour s’exprimer, il dispose des cartes commandées par RTL et M6 à l’Institut Harris Interactive et donc en connaît les détails. Si comme le prétend RTL 72% des français soutiennent le « mouvement » des Gilets jaunes, en revanche, il ne représentent que 33% des cadres, etc. Nous ne disposons pas de ces informations, mais les services de la préfecture de Paris et lui oui. Nous ne pouvons simplement qu’observer et attendre.

Dans le même temps, le quartier d’Empalot s’embrasait et pas moins de six voitures ont brûlé ce week-end, d’après mon voisin. S’agit-il du même phénomène ou bien un simple mimétisme ? L’urbanité est ainsi attaquée dans ses valeurs et ses limites, ce qui est particulièrement intéressant au titre de notre séminaire. Par urbanité, nous entendons « manière civile des anciens Romains » selon les Trésors de la Langue Française. L’urbanité caractérise ce qui fait la ville par opposition à la campagne. L’urbanité, c’est aussi cette «  politesse fine et délicate, manières dans lesquelles entrent beaucoup d’affabilité naturelle et d’usage du monde. » L’urbanité c’est encore ce qui était mis en avant pour plaire aux automobilistes lors de la campagne de lancement de la sécurité routières, en 2008.

Campagne de publicité de la sécurité routière, 2008

Notons, au passage que tous les automobilistes disposent d’un gilet jaune, par obligation réglementaire du Code de la route depuis le 13 février 2008. C’est un objet commun à tous, que l’on peut voir sur le coin droit à l’avant de certains véhicules depuis quelques semaines. Dans les années 1980, autour du mouvement Solidarno?? les populations polonaises avaient initié le port d’une résistance (composant électronique) au revers de leur veste pour symboliser l’opposition au pouvoir en place. Une sorte de révolte douce. A l’approche de Noël, les opposants au mouvement coiffront-ils les traditionnels bonnets rouge et blanc ?

 

 

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