L’enquête par questionnaire (1)

La fameuse courbe de Gauss

 

En ces temps d’incertitude, nous voyons arriver des « enquêtes par questionnaire » destinées à mesurer l’impact du confinement sur les comportements et les modes de vie. Comme toutes les enquêtes quantitatives, elles se basent sur la construction d’un échantillon, réalisé à partir des réponses obtenues.

C’est cet échantillon qui va fournir la base sur laquelle nous allons nous appuyer pour valider ou invalider nos hypothèses. Cet échantillon est donc très important, et de sa constitution va dépendre sa représentativité.

La fabrique du questionnaire est un art. Elle repose sur une expérience et un savoir-faire. Il existe des ouvrages portant sur la construction du questionnaire, comme celui de François De Singly, et d’autres sur l’analyse des données quantitatives, comme celui de Olivier Martin. Cependant que l’étudiant en école d’architecture souhaiterait pouvoir recourir à un outil simple et rapide, dans l’espoir de valider ses a priori.

Mon propos ne sera pas de synthétiser les deux ouvrages présentés, mais d’essayer de donner quelques « trucs » pour réaliser un questionnaire efficace, simple et fonctionnel.

Comme le souligne François de Singly dans son introduction, « désormais ce sont plutôt les chiffres qui doivent orienter l’action des citoyens et qui servent d’argument majeur ». La production de chiffres est à la base de l’enquête quantitative, comme l’illustre la théorique courbe de Gauss. C’est la même courbe qui organise la distribution des A, des B, des C chez les étudiants. Comme vous pouvez le voir c’est une courbe très théorique et les scrutateurs attendent avec impatience que le pic des personnes atteintes du Coronavirus atteigne le plafond et redescende. (Même si la courbe des personnes contaminées n’est pas une courbe de Gauss, car elle est cumulative, on n’est bien d’accord.)

L’évolution des patients contaminés, guéris et décédés en France, https://gisanddata.maps.arcgis.com

Par exemple, le nombre d’hospitalisation ne fait que progresser, et nous sommes encore loin du plateau (ou du sommet) de la courbe. Dans la mesure où le confinement devrait permettre de réduire le nombre de personnes contaminées, l’amorce du plateau devrait se faire un jour, mais quand ? Pour nous aider à comprendre cette courbe, nous pouvons aller comparer d’autre courbes dans d’autres pays. Cependant, les politiques et le système de santé étant différents, nous ne pouvons pas comparer les données point par point.

Evolution globale du nombre de personnes atteintes du Coronavirus, https://gisanddata.maps.arcgis.com

Voyez la courbe générale des personnes contaminées par le Cornavirus qui amorce un début de cloche de Gauss. Si nous prolongeons cette courbe, par calque, plusieurs hypothèses se profilent. Mais nous n’avons aucune idée du sommet : se produira-t-il à 1, 2 ou 3 millions de personnes ?

Courbe des personnes atteintes du Coronavirus en Tchécoslovaquie, https://gisanddata.maps.arcgis.com

Cette courbe montre que dans un pays comme la Tchécoslovaquie, il est possible d’arriver au plateau après 2000 individus atteints et pas plus. Reporté à la population totale estimée, cela fait environ 18 cas pour 100.000 individus. C’est très approximatif. En France, nous sommes à 70 cas pour 100.000 individus. Cela soulève évidemment des questions comme la sincérité des chiffres et la validité des chiffres. Justement, c’est de cela dont il est question ici.

Je laisse le lecteur parcourir les ouvrages cités, pour aller plus loin. Dans l’enquête par questionnaire réalisés par les étudiants en architecture, la plupart cherchent en réalité à valider des hypothèses ou des affirmations, ou bien à chercher des points de vue différents, partagés, ou cumulatifs. La question de la légitimité de l’enquête ou de sa représentativité pèse peu, bien qu’elle soit toujours présente au moment du jury, par exemple lorsque les invités sont extérieurs à l’école.

Peut-on par conséquent s’affranchir de toute représentativité ou de toute légitimité ? Cela n’est pas certain, mais il faut alors expliquer en quoi l’enquête n’est pas représentative ou légitime.

L’idéal statistique et l’esthétique de la courbe de Gauss font défaut dans la crise que nous traversons à l’échelle mondiale. Car la politique de confinement vise à réduire le nombre de décès, estimé en première hypothèse à 2% de la population, soit 1.280.000 individus (j’ai entendu ça à la radio). C’est-à-dire que le plateau se situerait dans ce cas à la moitié, soit 640.000 décès, ce qui est énorme, et reprend les comparaisons que font les journalistes avec la grippe espagnole ou la peste. Les espoirs du confinement permettent d’envisager de réduire par 100 le nombre de décès dus au Coronavirus, soit 12.800 individus. Bien entendu, les chercheurs disposent d’outils beaucoup plus performants que la régression linéaire et l’extrapolation pour explorer les hypothèses.

Bref, un autre problème qui apparaît dans la constitution de l’échantillon, est le quota. Combien d’individus doivent participer à l’enquête pour établir une base solide ?

A l’échelle d’un quartier de milliers d’habitants, les étudiants se contentent souvent d’une dizaine de personnes. Par exemple, la population d’Empalot est estimée à 5.502 habitants en 2013.

La fiche émise par le SIG-Ville donne une répartition démographique de la population, en genre, en âge, qu’il faudra retrouver dans l’enquête, ou bien s’en distancer, et donne quelques indications pour notre questionnaire.

Nous devons savoir qui sont les enquêtés, homme ou femme, âge, avec une précision relative. Donc, quelques petites questions pour commencer :

• Genre; c’est important pour analyser par sexe (homme/femme);

• Date de naissance, juste l’année selon les besoins. Ce qui permettra de regrouper par tranche d’âge (0-4, 5-9, 10-14, etc. ou 0-14, 15-34, 35-54, etc.);

• Profession (ou le diplôme, le niveau scolaire, etc.);

Dans ce talon sociologique, on pose les questions essentielles pour pouvoir croiser les analyses.

Les étudiants en architecture cherchent davantage des variables qualitatives, qui sont souvent des points de vue, ou des idées nouvelles. Pour cela, il faut introduire des espaces de parole en commençant par :

• Selon vous, ou que pensez-vous de…

En mélangeant les questions quantitatives et les questions qualitatives, on obtient un amalgame qui permet à la fois de recueillir des idées nouvelles et de légitimer ses réponses. Les deux méthodes sont par conséquent complémentaires et bienvenues pour les architectes.

à suivre…

 

=> De Singly, François. Le questionnaire. Coll. L’enquête et ses méthodes, (1992), Armand Colin, 2006.

=> Martin, Olivier. L’analyse de données quantitatives, Coll. L’enquête et ses méthodes, Armand Colin, 2007

 

 

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