Les représentations de l’autre à l’école primaire, introduction

Bien que j’aie eu, dans mon enfance, l’occasion de voyager à travers l’Europe lors des vacances scolaires, et donc de rencontrer divers modes de culture, mon premier choc culturel fut un voyage en Orient (Inde, Népal), à l’âge de 21 ans, voyage que je qualifierais d’ initiatique, car vers un univers encore largement inconnu pour moi, et qui a enrichi mes conceptions de l’Humain et du monde. J’ai appris à relativiser mes points de vue, à ne pas établir de jugement et de hiérarchie de valeurs, et j’ai essayé par la suite de décentrer mes représentations, de les (re)mettre en question. Je m’efforce aussi à éviter catégorisations et stéréotypes. La rencontre de l’Autre est une véritable leçon d’humilité, et elle permet un enrichissement de soi-même. Cette soif de la rencontre de l’autre ne m’a jamais quitté, et a largement guidé mon orientation vers les langues étrangères, pour pouvoir faire des rencontres et échanger. C’est aussi ce qui a motivé mon choix pour cet atelier autour des questions d’altérité, et dont l’intitulé compétences interculturelles à l’école m’a séduite d’emblée. Lieu d’échange, notre blog @lterite abrite des contributions qui illustrent la richesse issue de l’altérité. Par exemple, « L’altérité me questionne, questionne mon identité », m’a fait penser à la célèbre phrase de Montaigne : « parce que c’était lui, parce que c’était moi ». D’ailleurs ne parle-t-on pas d’alter ego, cet autre moi ?

Ces problématiques sont réellement importantes dans le contexte professionnel de l’enseignement. La classe est un univers particulièrement riche, du fait de la pluralité, sinon de la diversité des parcours individuels au sein d’une caractéristique commune, celle d’être des enfants. On pourrait dire que cette collectivité est un microcosme, une somme d’individus susceptibles de s’enrichir des apports mutuels. Le vivre ensemble qu’implique la classe joue un rôle essentiel dans la construction des êtres sociaux et futurs citoyens que sont les enfants. Chacun doit pouvoir trouver sa place et s’épanouir au sein de cette pluralité, de cette diversité de modes de vie, de points de vue, de motivations, de centres d’intérêt… Certains enfants y parviennent plus aisément, plus naturellement que d’autres, mais on doit garder présent à l’esprit que s’intégrer (dans un moule, tel l’œuf dans la pâte?) est une source de difficulté pour beaucoup (cf Sartre :L’Enfer, c’est les autres?). Au cours de mon expérience personnelle (de parent) et professionnelle (intervenante extérieure en anglais, remplacements en collège et CFA, AVS), j’ai vu parfois des enseignants contribuer involontairement ou inconsciemment (cf l‘impensé) à véhiculer des stéréotypes. J’ai aussi assisté à des stigmatisations qui prenaient la forme d’humiliations. En tant qu’AVS j’ai été sensibilisée à la problématique de la différence et du regard des autres. Une des missions de l’enseignant est d’amener les élèves à accepter la différence, mais il doit aussi, parfois, mettre en avant leurs points communs, les valeurs partagées, cette « culture commune » mise en avant dans les textes officiels. Il lui appartient d ‘aider tous les enfants à trouver leur place et à s’épanouir au sein de cette micro-société qu’est la classe, en les éduquant au respect mutuel, en les prévenant contre tout jugement de valeurs (ce qui ne veut pas dire ne pas développer l’esprit critique, tout au contraire!), et en focalisant sur les jaillissements positifs de cette diversité, sur la somme de ces énergies positives, et sur le fait que tous les enfants, quel que soit leur parcours, ont ceci en commun : d’être tous des enfants et des êtres humains. Dans cette optique, la grande mission de l’éducation est, sinon de combattre les stéréotypes, au moins d’apprendre aux élèves à les identifier pour être en mesure de voir au-delà.

Dans un 1er temps nous avons envisagé les stéréotypes dans leur sens négatif, déplorant leur persistance, leur influence négative et le danger qu’ils représentent pour la société. Notre questionnement de départ s’est donc axé sur le travail contre les stéréotypes à l’école. Bien que nous nous soyons heurtées à des problèmes d’ordre organisationnel, le travail collaboratif a élargi nos champs de réflexion respectifs, et nous a permis de partager quelques références documentaires. Finalement nous avons décidé d’étendre notre problématique aux représentations des enfants en général, spatiales ou temporelles.