C est quoi enseigner la culture?

A mon avis, en tant qu’enseignant en classe, nous sensibilisons nos élèves à trois types de cultures distinctes: la culture personnelle de l’enseignant, la culture de l’école, et la culture « française » dans un sens général.

La culture personnelle de l’enseignant provient de l’éducation familiale reçue. C’est à dire la gestuelle, la façon de réagir à certains propos ou gestes, ou encore la manière d’entrer en relation avec les gens. Elle comporte aussi l’expression, soit le vocabulaire, la syntaxe, voire même l’accent régional. Par exemple, pour ma part, ma mère vient de Paris, et mon père du Nord. J’ai alors un accent provenant de région parisiennes, et des expressions “ch’ti”. Je pense également que le type d’études réalisées par une personne apporte une “sous-culture”. Une façon de penser, de faire des choses ou encore une manière de s’exprimer distincte d’autres groupes. Par exemple, je suis persuadée que des étudiants en  ingénierie informatique auront une sous-culture différente à celle d’étudiants de langue littérature et civilisation.

L’enseignant ne va pas enseigner explicitement sa culture personnelle, mais elle fera partie intégrante de la vie de classe implicitement.

La culture de l’école est également transférée implicitement aux élèves, mais à travers “le matériel”. Tout d’abord, la séparation maternelle, élémentaire, collège et lycée ne se fait pas de la même façon dans chaque pays. Par exemple, si je compare l’Egypte et la France, le nombre d’années passées en élémentaire et au collège diffèrent. Dans mon établissement, les élèves sont baignés quotidiennement dans ce cloisonnement qui se réalise “matériellement” avec des bâtiments bien distincts séparés. Le port obligatoire de l’uniforme qui diffère selon les cycles intègre aussi implicitement les élèves dans la culture éducative française.

Les élèves sont quotidiennement en contact avec la culture « française ». Selon moi, la culture française au sens général du terme représente l’apparence du personnel français, ainsi que sa gestuelle. Ces deux éléments diffèrent d’une culture à l’autre, et les élèves sont en contact quotidien avec cette altérité et apprennent à l’accepter et la décoder. 

Aussi, les enseignants utilisent régulièrement des expressions françaises qui sont le reflet d’une façon de penser, de la culture. Les élèves, baignés au quotidien dans cette culture, ne vont pas adopter la façon de penser, mais vont y être sensibilisés et seront ouverts à l’altérité avec les années.

Enfin, les ressources scolaires utilisées sont également le reflet d’une culture. Par exemple, pour travailler le repérage dans le temps, en CP, nous abordons les quatre saisons. En Egypte, il n’y a pas vraiment d’automne et de printemps comme en France, et en hiver il ne neige pas. Pourtant les ressources à ce propos représentent l’automne avec des paysages aux couleurs variées, et l’hiver avec des bonhommes de neige. Cela ne fait pas toujours sens aux élèves qui n’ont jamais vu ces éléments en vrai. Je précise souvent “En Egypte, ce n’est pas comme cela, mais quand tu iras en France, tu verras cela, c’est magnifique!”. Les illustrations de livres ou de jeux peuvent aussi parfois faire défaut avec la culture égyptienne. J’ai un jeu de lecture, dans ma classe, avec le dessin d’une fille sans partie génitale, mais sans culotte non plus. Une parent d’élève m’a contacté à postériori à ce propos… 

En conclusion, je pense que la culture peut se diviser en sub-cultures: la culture de l enseignant, la culture de l école et la culture française au sens général du terme. De plus, la culture s’enseigne plus implicitement qu’explicitement. Par exemple, le prisme culturel, c’est-à-dire la façon de penser, de sentir ou de voir les choses ne peut s’enseigner explicitement. Son apprentissage se fait en contact quotidien avec l’altérité lorsque nous agissons avec l’autre. En revanche, d’autres éléments plus matériels sont sujet à l’enseignement explicite comme la gastronomie, la météo, les expressions gestuelles, etc…

8 réflexions sur « C est quoi enseigner la culture? »

  1. Je suis d’accord par rapport l’idée des différentes cultures s’enrichissant les unes les autres. Mais j’ai quelques questions sur l’enseignement français dans un autre pays : comment on concilie les enseignements français avec ceux du pays dans lequel on enseigne ?
    J’imagine qu’ils ont aussi des enseignants égyptiens, enseignant en égyptiens. Vos supports sont français mais je suppose que les élèves utilisent aussi des supports du programme d’enseignement égyptien.
    Ce sont toutes les interactions entre enseignement français et égyptien qui me pose question, dans le sens comment faites-vous ?
    Cela à l’air assez complexe et intéressant, très riche et compliqué peut être d’enseigner.

    • Je suis vraiment désolée pour ma réponse tardive….
      Merci à Aurélie pour son article très complet et son témoignage.
      Pour répondre à la question : « comment on concilie les enseignements français avec ceux du pays dans lequel on enseigne ? »
      Pour ma part, j’enseigne au Maroc et afin de donner du sens aux apprentissages, on transpose à notre situation ici au Maroc, on fait un maximum de liens.
      C’est le cas par exemple quand nous étudions les mers et océans de France, on va forcément faire le parallèle avec le Maroc : travailler sur la carte du Maroc. Il est important que les élèves connaissent leur pays !
      Cela est particulièrement marqué en géographie mais aussi dans d’autres disciplines.
      Un autre exemple à partager : un travail de fond de sensibilisation aux éco gestes a été mené avec une de mes classes.
      On a alors essayé de privilégier la pédagogie de projet en travaillant en deux langues (donc en collaborant en amont avec mon collègue qui est professeur d’arabe et qui intervient aussi dans la classe).
      La tâche finale de ce projet consistait à ce que nos élèves sensibilisent des élèves scolarisés dans une école rurale (il y a un grand besoin d’information, d’éducation ici)
      Tout cela demande du travail en équipe et de l’anticipation, cela est parfois complexe c’est vrai, mais donner du sens aux apprentissages me parait essentiel.

    • Bonjour,

      Si je comprends bien votre question, vous cherchez à savoir si’il y a des projets communs entre l’enseignement de la langue arabe / les matières enseignées en langue égyptiennes, et l’enseignement en français.
      Je suis en enseignante de CP. Mes élèves n’ont que l’enseignement de la langue arabe qui se fait en alternance arabe littéraire/dialecte égyptien. Y a t-il des projets communs? Non, pas en CP. Les enseignants d’arabe ont l’air d’avoir un programme bien déterminé, avec plusieurs livres et cahiers spécifiques.
      Par contre, lorsque mes élèves sont en cours d’arabe, dans ma salle de classe, et que je prépare, je participe de temps en temps avec eux. Je leur montre que je connais quelques éléments de leur langue. Cela leur montre que j’accepte leur langue, et fais un pas vers eux, tout comme eux apprennent ma langue. Aussi, je communique un peu, en égyptien, avec l’enseignante pour montrer aux élèves que nous coopérons.
      Des projets seraient intéressant à travailler avec les enseignants d’arabe. Cela permettrait de travailler l’interdisciplinarité et l’interculturalité. Cela nécessiterait une décision par les directeurs de l’école et un accord du département d’arabe.

  2. L’article a suscité mon intérêt dans la perception du terme « LES cultures » comme un apport aux individus et aux institutions. De plus contraster LES cultures au terme de LA culture amène au fait que le terme de culture peut prendre différentes formes selon les individus, on peut lier ça aux sociétés de nos jours qui reflètent un caractère multiculturel. Cet aspect de diversité au sein de la culture est accentué par les diverses origines, les réseaux sociaux, les valeurs, les ressources mais aussi par les divers langages.

  3. Votre réponse à la question « c’est quoi enseigner la culture ? » m’a beaucoup plu. Votre démarche et façon de penser la culture sous différents aspects m’a paru très intéressante à lire.
    Le fait d’avoir mis en avant la diversité du terme culture a suscité mon intérêt et m’a éclairé sur la définition de ce terme, d’autant plus avec vos exemples concrets.

  4. Je trouve ton post très intéressant. Il permet de différencier certaines formes de cultures en fonction de la manière dont elles sont amenées en classe : par la culture de l’enseignant, par la culture de l’école et par la culture « française ».
    En effet, en ce qui concerne la culture de l’enseignant, il est intéressant de voir que l’on transmet sans le savoir une partie de leur culture dans leurs dires et dans leurs contenus d’enseignement. Un enseignant qui fait beaucoup de sport et a une culture sportive importante sera donc intéressé par l’enseignement du sport à l’école et de certains sports en fonction de sa culture personnelle, de ses envies et préférences.

    Aussi, je trouve que ton commentaire est très riche d’exemples concrets faciles à comprendre. En effet, lorsque tu parles des saisons, je trouve ton commentaire très pertinent et juste. Il permet de se rendre compte que parfois il faut sortir de nos cases, de notre rigidité que l’on est susceptible d’acquérir malgré nous en temps qu’enseignant et faire attention à la façon dont on enseigne telle ou telle chose afin de ne pas figer et calquer sur des exemples des cultures qui ne correspondent pas forcément au public que l’on a devant nous. Bien sûr, dans les pays qui ne connaissent pas les quatre saisons que l’on a en France il peut être intéressant d’amener cette dimension en temps qu’enseignant français mais il ne faut pas se détacher de l’environnement dans lequel on se trouve au risque de figer les idées des élèves ainsi que de les éloigner de leur propre culture ou simplement de leur propre vécu.

  5. Ce que je retire de cet article est la notion d’équilibre entre les deux cultures. Il s’agit de tenir compte à la fois de l’école française mais aussi du fait qu’elle soit en Egypte. Aucune n’est plus importante que l’autre. C’est la raison pour laquelle c’est intéressant de montrer aux élèves les particularités de la France qu’ils ne connaissent pas sans pour autant oublier les particularités egyptiennes, qui n’ont pas d’égales en France. Cet équilibre est vraiment central pour instaurer le respect de chaque culture sans pour autant en écraser une.

  6. Votre réflexion m’a directement interpellé, elle me paraît très intéressante, et très riche, notamment lorsque vous abordez la question de la culture de l’école, qui est transférée de manière implicite aux élèves, à travers “le matériel’’. En effet, venant des îles, on nous enseignait aussi les quatre saisons, sans forcément avoir une vision très concrète de cela, parce que les quatre saisons n’existent pas. On a seulement la saison pluvieuse, mais en général, il fait beau tout le temps. Je me souviens encore au collègue, on travailler sur le poème de Charles Baudelaire « les chants de l’automne » qui aborde le cycle des saisons et c’est vrai que c’était un sujet qui était totalement éloigner de notre culture, parce que c’était pas du tout contextualiser. Enseigner la culture a l’école implique donc aussi de prendre en compte l’environnement dans lequel on est, mais aussi la culture du public qu’on a en face de nous.

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