Molière, Dom Juan: corrigé du contrôle de lecture

1) De quel auteur Molière s’est-il inspiré pour écrire cette pièce ?

Tirso de Molina, un auteur espagnol, est le premier à avoir présenté le personnage de Don Juan, dans une oeuvre théâtrale intitulée El burlador de Sevilla, l’Abuseur de Séville, représentée en 1630. Molière, quant à lui, situe la pièce en Sicile, mais il ne faut pas oublier qu’au XVII ème siècle, la Sicile est sous la domination espagnole. L’exactitude géographique n’est d’ailleurs pas essentielle, les paysans chez Molière parlant le patois usuel en Ile de France.

Dom Juan et Sganarelle, mise en scène de B. Besson (Créteil, 87)


2) Pourquoi « le sous-titre » de la pièce est-il : « le festin de pierre » ?

Le festin de pierre renvoie aux deux invitations à dîner qui sont lancées dans la pièce: la première, celle de Don Juan à la statue du commandeur, lorsqu’il visite son tombeau. La statue se déplace à l’acte IV, et vient souper chez Don Juan, sans hésiter à lui retourner l’invitation. Don Juan accepte, et c’est à l’acte V qu’il honore cette invitation, ce qui le conduit au châtiment et à la mort. Rappelons que traditionnellement Don Juan est considéré comme « l’homme de vent », celui qui est toujours en mouvement, qui cherche à fuir toutes les lois et toutes les responsabilités, tandis que la statue du commandeur, souvenir du passé, père d’une femme qu’il a abandonnée, représente  les lois humaines et divines qui immobilisent ou écrasent. Cette opposition n’est pas égale, et d’emblée le titre de la pièce associe Don Juan et celui qui le punira.

3) En quoi peut-on dire que Don Juan est « un grand seigneur méchant homme » ?

La présentation que Sganarelle fait de Don Juan en « grand seigneur méchant homme » met en avant la noblesse du personnage (« grand seigneur« ) et l’indignité de ses actions (« méchant homme« ). Don Juan, de fait, est un aristocrate. Il en a les manières (voire par exemple la description de l’habillement du personnage tel que le perçoit Pierrot, à la scène 1 de l’acte 2, ou la désinvolture avec laquelle il traite M. Dimanche. Au lieu de rembourser ses dettes, il feint l’amabilité avec son créancier, ce qui paralyse totalement M. Dimanche visiblement étonné d’être ainsi considéré par un grand seigneur.) On peut penser également que sa façon de secourir Don Carlos relève d’un code d’honneur aristocratique. Selon son père, cependant, il manque aux devoirs de son rang social, en se comportant comme il le fait, c’est à dire en ne respectant aucune loi morale. Mais les conceptions de don Louis semblent bien appartenir à un passé révolu, et le personnage apparaît lui-même assez naïf. La pièce jette finalement le discrédit sur une classe sociale, dont la noblesse n’est que « de sang » et non de « coeur« . En faisant dire à Don Louis: « Qu’avez-vous fait dans le monde pour être gentilhomme?« , Molière ouvre la voie au XVIII et à la réponse fameuse du personnage de Figaro, dans le mariage de Figaro, écrit par Beaumarchais, en 1778 « Vous vous êtes donné la peine de naître, et rien de plus ».

3) Quelle relation entretiennent le maître et le valet tout au long de la pièce ?

Les relations entre Sganarelle et Don Juan sont complexes et dépassent le cadre habituel des rapports entre maître et valet. Bien sûr, Don Juan se comporte en maître exigeant vis à vis de Sganarelle: il lui ordonne d’inviter la statue à l’acte III, veut se débarrasser sur lui des explications qu’il doit à Done Elvire à l’acte I et n’hésite pas à l’acte II à prendre les vêtements de son valet pour fuir, l’échange se révélant évidemment dangereux pour celui-ci. Il le menace également de coups dès que les reproches faits par Sganarelle l’agacent. Cependant il lui propose de souper avec lui,  et lui accorde une certaine liberté de parole, voire l’interpelle alors qu’il se trouve avec d’autres personnages, ce qui crée une complicité moqueuse entre le maître et le valet: « Le ciel, Sganarelle! », acte I, scène 3, avec Done Elvire; « Tu pleures, je pense », acte IV, scène 6, toujours avec Done Elvire). Don Juan se révèle entièrement devant son valet et exprime longuement devant lui sa manière de pensée (acte I et surtout acte V avec la grande tirade sur l’hypocrisie religieuse). Ainsi le valet apparaît comme une sorte de confident dont le maître a absolument besoin pour faire valoir sa singularité.

Sganarelle et Don Juan (m.e.s Daniel Mesguich, 2002)

Sganarelle, de son côté, est également ambigu. Bien sûr, il critique les comportements de son maître devant les autres et n’hésite pas à mettre en garde les femmes rencontrées par Don Juan (Done Elvire par exemple ou Mathurine et Charlotte, à l’acte II). Il affirme ne rester avec un tel maître que par nécessité économique ( Sa dernière parole est « Mes gages, mes gages! »), mais il est clair qu’être le valet d’un tel maître le flatte. Il n’hésite pas à évoquer « mon Don Juan ». Il cherche aussi à le raisonner, comme s’il espérait le ramener à un comportement plus respectueux, et dans plusieurs occasions il se place délibérément de son côté: ainsi, quand il parle de « Nous autres », à l’acte I, devant Done Elvire. Il encourage de même le pauvre à obéir à Don Juan, et copie son maître dans sa manière de traiter M. Dimanche. Il semble finalement que Sganarelle soit assez fasciné par son maître, dont il est un double dégradé, qui n’a pas l’audace d’aller jusqu’au bout des provocations de son modèle, dès lors qu’il s’agit de bafouer les conventions religieuses ou humaines.

Finalement, Sganarelle et Don Juan constituent un couple un peu étrange : chacun a besoin de l’autre pour des motifs différents.

5) La pièce précédente de Molière était Tartuffe, pièce consacrée à l’hypocrisie et à la fausse dévotion. En quoi retrouve-t-on un peu de la même inspiration dans Dom Juan ?

L’acte V est  à mettre en relation avec Tartuffe: on y voit Don Juan en action, faisant l’hypocrite, d’abord vis à vis de son père puis vis à vis de Don Carlos. Avec Sganarelle, il reconnaît ouvertement jouer la comédie et se lance dans une longue tirade justifiant son choix: l’hypocrisie et la fausse dévotion sont les  moyens les plus sûrs pour mener une vie de plaisirs sans être inquiété. « L’hypocrisie est un vice à la mode« , « le personnage d’homme de bien est le meilleur de tous les personnages qu’on puisse jouer aujourd’hui« . Dans cet acte, Molière reprend les thèmes de la pièce Tartuffe, qui avait été interdite l’année précédente, en mai 1664.

Cette illustration est issue du  blog du « pôle Espaces Scéniques de l’option Design & Scénographie de l’ESAD de Strasbourg ». Sont ainsi proposés plusieurs projets de scénographie de la pièce Dom Juan, avec illustrations, maquettes, et analyses.

Pour vous y reporter: Scénographies possibles de Dom Juan

6) Quelles relations Don Juan entretient-il vis-à-vis de l’autorité ?

Don Juan est  hostile à toute forme d’autorité, qu’elle soit représentée par son père avec lequel ses relations sont très conflictuelles, ou par Done Elvire et sa famille qui prônent le respect des engagements et du mariage. Dom Louis fait également allusion au roi, auprès duquel il a été obligé d’intervenir pour éviter des ennuis à son fils. L’autorité suprême est bien sûr l’autorité divine, que Don Juan récuse jusqu’au bout, quitte à en mourir et à être damné.  Cette autorité est présentée sous la forme d’une statue en pierre (lourdeur, immobilisme, durée), qui se trouve aussi être un père, dont le nom est lui-même significatif « le Commandeur »  . Don Juan, malgré tout, échoue dans sa rébellion: s’il a bien tué le « Commandeur » en chair et en os, sa statue en pierre vient l’entraîner, au terme d’une « poignée de main », qui est elle-même le symbole d’un engagement entre deux personnes (alors que justement Don Juan refuse de s’engager durablement).

7) Selon vous, la pièce Dom Juan est-elle une comédie ou une tragédie ?

Pour la valeur comique de la pièce, il faut envisager tous les formes de comique de la pièce.

Le comique est bien sûr très présent dans la pièce. Le comique de mots est à l’oeuvre tout au long de l’acte II, avec le jargon paysan, doublé d’un comique de caractère, avec le personnage de Pierrot, le paysan un peu simple, qui cherche à se faire valoir auprès de sa fiancée Charlotte. De même la scène où M. Dimanche ne peut placer un mot, toujours interrompu par Don Juan, relève de ce même type de comique. Le comique de gestes est aussi présent à l’acte II, lorsque Don Juan frappe Pierrot, ou même à l’acte III lorsque le beau raisonnement de Sganarelle tombe par terre. Le comique de situation se retrouve dans la scène entre Don Juan, Mathurine et Charlotte, la rencontre entre les deux jeunes femmes n’étant pas prévue, et Don Juan étant obligé de courir de l’une à l’autre pour les apaiser. Avec le personnage de Sganarelle, rôle que s’était réservé Molière, lors de la représentation de la pièce, on a affaire au comique de caractère: Sganarelle s’inscrit dans la lignée des valets comiques, à la fois vantards, gourmands et peu courageux: l’éloge du tabac, le déguisement en médecin, les efforts pour s’approprier vin et nourriture, autant de passages qui sont pour un acteur de véritables morceaux de bravoure qui permettent de mettre en valeur leurs qualités d’acteur. Ainsi, le rôle a souvent pu être interprété avec masque ou nez rouge, selon une tradition qui va du clown à la commedia dell’arte.

( Cartoucherie de Vincennes
en 1977 (dir: Ariane Mnouchkine)

Le tragique de la pièce peut se défendre à partir du personnage de Don Juan et de ses victimes. Car si l’on peut éprouver de la pitié pour celles-ci (Done Elvire par exemple est une figure féminine extrêmement attachante), la révolte de Don Juan et son échec dessinent un personnage fascinant qui assume jusqu’à la mort et à la damnation le refus de se soumettre aux lois qui viennent brider l’existence humaine.  Ainsi ces dernières paroles sont dominées par la négation:   » Non, non, rien n’est capable de m’imprimer de la terreur » , « Non, non, il ne sera pas dit, quoiqu’il arrive, que je sois capable de me repentir ». Evidemment cette opposition à toute autorité  et à toute limite du principe de plaisir  est une attitude terriblement puérile, mais avouons que c’est un joli rêve humain. Les grands rebelles de la littérature ont toujours été fascinants, et leurs inévitables échecs devant la réalité relèvent bien du tragique.

La vie est une table, où, pour jouer ensemble,
On voit quatre joueurs : le Temps tient le haut bout,
Et dit : passe ; l’Amour fait de son reste, et tremble ;
L’Homme fait bonne mine ; et la Mort tire tout.

Le monde est une mer ; la galère est la vie ;
Le temps est le rocher ; l’espérance, le port ;
La fortune, le vent ; les orages, l’envie ;
Et l’homme le forçat qui n’a port que la mort.
Le temps comme un vent, comme un torrent il coule,
Il passe et rien ne peut l’empêcher de courir ;
Qui sait combien de maux en un moment il roule,
Croit que cesser de vivre, est cesser de mourir.

La vie est une toile, aux uns elle est d’étoupe,
Aux autres de la fin lin et dure plus ou moins ;
La mort, quand il lui plaît, sur le métier la coupe,
Et l’heur ou le malheur comme les fils sont joints.
D’un éternel repos la fatigue est suivie ;
La servitude aura une ample liberté ;
Où se couche la mort, là se lève la vie ;
Et où le temps n’est plus, là est l’éternité

Comments are closed.

buy windows 11 pro test ediyorum