Baudelaire, Le Spleen de Paris: rêve et exotisme

Le Spleen de Paris ,Charles Baudelaire: Le rêve et l’exotisme

Travail proposé par Camille et Jérôme

Les Petits poèmes en prose de Charles Baudelaire (1821-1867) parurent après sa mort. Ils rejoignent quelques poèmes de sa célèbre œuvre Les Fleurs du Mal et traitent quelques thèmes majeurs tels la société entre pauvres et riches, la place des femmes mais Baudelaire s ’intéressait surtout à la recherche de l’idéal. Pour ce faire, il aimait s’égarer en dehors de la vie et rêver, il aimait penser à l’exotisme tout en décrivant le spectacle de la capitale française. Nous allons donc voir  comment Baudelaire manie le rêve et l’exotisme pour arriver à défendre ses idées. Dans un premier temps nous nous intéresserons à ce qui attire Baudelaire et à comment il nous emmène dans ses rêves et dans une seconde partie nous verrons les idées qu’apporte Baudelaire sur l’exotisme et comment cet exotisme devient un instrument de critique.

Les poèmes de Baudelaire sont principalement axés sur les éléments caractéristiques de l’ailleurs, de l’autre part. D’abord les forces de la Nature telles le Ciel et la Mer qui par leur grandeur et leur majesté sont depuis toujours les clichés du rêve exotique. Baudelaire les cite dans de nombreux poèmes. Le ciel tout d’abord et tous ses attributs, tels les nuages évoqués dans « l’Etranger » (I), « Jaime les nuages … », les trois points de suspension nous amènent à suivre Baudelaire et prolongent doucement cet effet de départ. Il continue d’ailleurs ce mouvement avec plusieurs autre points de suspension « les nuages qui passent… là- bas… là-bas…les merveilleux nuages » ; la répétition des deux « là-bas » successifs nous emporte lentement comme le déplacement d’un nuage qui traverse le monde.

Dans le poème III,  Baudelaire qualifie la mer et le ciel « d’immensité », il s’emerveille devant la « chasteté » de l’azur, il se dit consterné par « la profondeur du ciel » et révolté par « l’insensibilité de la mer » . Tant de termes pour parler du Ciel dans un poème représentant son état d’esprit : le « Confiteor » de l’artiste (III). De même Baudelaire fait souvent allusion à la mer ; il fait des projets « au bord de la mer », il imagine des «bouts de mâts balancés par la houle… » ou désigne les cheveux d’une jeune fille par un « océan », il compare même une simple étoffe aux « ciels » et aux « soleils » dans « La Chambre double » (V). Il utilise à deux reprises l’expression «la mer immense » dans « Les bienfaits de la Lune » il insiste sur l’état de « l’eau informe et multiforme ». D’autre part, sans cesse, dans ses poèmes Baudelaire parle de pays ou régions étrangères. Comme pour nous transporter encore plus loin il rève « d’Orient », « d’Asie » de villes comme « Rotterdam » ou « Lisbonne » ou même sans aller si loin il s’attarde sur le Sud français et ses grandes villes, le « Midi français : Nîmes, Aix, Arles, Avignon, Toulouse, villes bénies du soleil ». Par cette évasion, Baudelaire voit l’étranger comme synonyme de saveurs et produits tropicaux tels « goudron, musc et huile de coco ». De plus il voit le changement comme synonyme de paisibilité, il pense à ces «âmes paresseuses et voluptueuses ». Il s’amuse à rêver au douceur du « paysage tropical ». Il apprécie également la chaleur du climat tropical, il se dit qu’il « doit y faire chaud ». Que ce soit dans « L’invitation au voyage » (XVIII), « Un hémisphère dans une chevelure » (XVII), « Les projets » (XXIV), « Déjà » (XXXIV), et dans d’autres Baudelaire ne cesse de vanter les mérites d’une vie ailleurs, autre part, un vie exotique.

Ce qui excite l’imagination de Baudelaire sont surtout les sensations que lui procurent ces rêves. D’abord les sensations olfactives énumérées à plusieurs reprises, « une délicieuse odeur de fleur et de fruit » ; « les parfums qui te font délirer », il nous fait respirer « dans l’atmosphère, une odeur enivrante, indéfinissable… , dans la case, un puissant parfum de rose et musc… », il veut nous inviter à un voyage « où la vie est douce à respirer » ; il joue avec ces plaisirs que peuvent ressentir les sens humains pour nous faire voyager par nos sens. Il sent une « atmosphère parfumée par les fruits, par les feuilles et par la peau humaine », le sens olfactif semble être très important pour lui qui agite dans l’air un « mouchoir odorant » pour sa belle dans « Un hémisphère dans une chevelure« .
Ensuite il insiste aussi sur les sensations visuelles quand il pense près de la « Baltique » aux « aurores boréales » et aux « reflets d’un feu d’artifice de l’Enfer », il aime regarder « le scintillement des phares » et les « colorations changeantes de la mer » dans » Le Port« (XLI). Il aperçoit un « port » et des « architectures fines et compliquées » dans la chevelure d’une demoiselle. Par ailleurs il s’attarde sur le silence, la sérénité de l’exotisme. Il voit un pays de Cocagne « où le bonheur est marié au silence » (phrase qu’il répète deux fois). Mais il apprécie également « les chants mélancoliques ». Enfin on remarque la présence du gout qui donne une note de sensualité, très forte dans le recueil, il « mordille » des cheveux.

Il nous fait traverser le monde, et quitter cette ville parisienne qu’il connait si bien mais dans sa manière de nous narrer ses envies on voit bien qu’il est en plein rêve, de part la volupté de ces idées, leur profusion et leur abondance qui les rendent irréelles.

En effet dès qu’il nous parle de cette vie d’ailleurs, Baudelaire utilise souvent des pluriels « les soleils couchants », « de belles étoffes » , « les miroirs, les métaux, les étoffes » dans son « Invitation au voyage« . Il écoute les chants « d’hommes vigoureux de toutes nations » et décrit « les pots de fleurs et les gargoulettes rafraichissantes ». Tant de pluriels indiquent l’abondance que procure Baudelaire à ses rêves. Leur trop grand nombre les rendent irréalisables. De plus Baudelaire utilise de nombreuses hyperboles. Il voit le sable comme « éblouissant », il décrit des hanches « si larges » et caractérise le poids de sa chevelure comme « énorme » dans « la Belle Dorothée« . Il imagine des murs « criblés » d’or et un bois « lourd et ténébreux » dans « Les Projets » (XXIV). Il découvre une terre « magnifique, éblouissante » avec des côtes « riches en verdure de toute sorte » dans « Déjà« . Ces citations d’hyperboles sont minimes par rapport à celles présentes dans le texte mais elles traduisent déjà à quel point Baudelaire utilise l’exagération pour nous détacher de la réalité et nous amener au-delà de ce que l’on connait, il veut nous faire rêver. En outre, Baudelaire utilise également la spiritualité ce qui donne un aspect mystique à quelques passages de ses poèmes ; il parle à son « ange », évoque « ces âmes », nous demande d’observer un certain « esprit de mystification » et fait quelques fois référence à « l’Enfer » ou utilise l’adjectif « satanique ». Par tous les moyens Baudelaire veux nous emporter avec lui vers l’exotisme et nous faire quitter cette société par le rêve ce qui va lui permettre de la dénoncer en voulant la quitter.

Dans un deuxième temps, Baudelaire va se servir de l’exotisme et du rêve pour critiquer et partager son engagement auprès de certains principes ou idées qui lui sont personnellement chères.

Le poète nous fait part des choses banales dont il rêve et à travers les  descriptions et les  sensations qu’il nous transmet, il va nous transporter dans son univers d’idées. Qu’il s’agisse de fenêtres ou de simples cheveux, l’auteur y trouve toujours goût au voyage et se met à rêver de mondes imaginaires, « Tes cheveux contiennent tout un rêve » (XVII). Les idées de Baudelaire sont simples et un peu stéréotypées, mais c’est un personnage qui sait de quoi il parle lorsque le thème « voyage » est abordé. C’est en effet un homme qui a beaucoup vu et cela se ressent au long de ces textes comme dans « Le Confiteor de l’Artiste » (III), où le poète nous décrit un paysage et ce qu’il ressent. On peut alors s’apercevoir qu’il a une certaine expérience avec ce genre de panorama. Il a des idées très préconçues du voyage, comme si l’étranger était un paradis, un rêve, un peu inaccessible. Il prône dans ces textes que la ville, l’Occident et la France en particulier sont des terres ou règnent l’ennui et où chaque personne a « l’âme fatiguée des luttes de la vie » (XLI). Baudelaire à travers toutes ces évocations laisse également transparaître son envie personnelle de voyager et de quitter cette bonne vieille France, ne serait-ce que pour aller en Europe, « Lisbonne« , « Batavia » (XLVIII), ailleurs, quitter le pays où il est né, pour découvrir autre chose. Il est vrai que l’on peut croire qu’il ait le goût de l’aventure mais cette envie de partir n’est le résultat que d’une peine ou d’un manque et se traduirait peut-être comme une fuite plutôt qu’un voyage. C’est avec ses poèmes qu’il va lui même partir et rêver à d’autres endroits moins proches de ses yeux mais plus proches de son coeur. Mais Baudelaire laisse parfois transparaître des marques de dégoût y compris pour l’exotisme : il nous laisse penser qu’il est complètement détruit et qu’il n’a plus d’endroit où se mettre ; même l’étranger ne suffirait pas. Lorsqu’il se demande où il veut aller, son âme crie : « N’importe où! n’importe où! pourvu que ce soit hors de ce monde! » (XLVIII).

Il va alors utiliser l’exotisme dans ses poèmes pour critiquer fortement le monde dans lequel il vit, et partager cette colère qu’il ressent. Il fait part de l’égoïsme des hommes et de leur animosité lorsqu’il voyage dans le poème « Le Gâteau » (XV), en décrivant la bataille féroce entre deux individus pour une simple pâtisserie. Bien qu’il soit dans un paysage « d’une grandeur et d’une noblesse irrésistibles » (XV), il rencontre encore les caractères et les défauts humains qui sont applicables aux personnages qu’il croise. Baudelaire est donc déçu par cet exotisme car il a les même traits que la société occidentale.
Un retour à la réalité accentué et brusque se manifeste parfois dans les poèmes, c’est le cas dans « La Soupe et les Nuages » (XLIV) ou encore dans « Le Confiteor de l’Artiste » (III). Baudelaire, dans ce dernier poème se perd, rêve puis revient à l’actualité. Un même paysage, s’il est regardé d’une manière rêvée ou pas, peut avoir deux interprétations différentes. C’est le cas ici du poète qui, d’un seul coup, est complètement dégoûté face à une chose qu’il admirait quelques instants auparavant. Cela produit un effet de retour à la réalité prompt et par conséquent forcé, signifiant que rêver et s’échapper ne peut-être que provisoire ou superficiel, et qu’un retour au réel est obligatoire. Cet exotisme superficiel est aussi mis en avant par Baudelaire dans le poème « Enivrez-vous » (XXXIII), où le poète nous fait ressentir son désespoir à travers des paroles qui évoquent un voyage. Le rêve est la conséquence d’un enivrement qu’il essaye de nous faire partager « il faut vous enivrer sans trêve » (XXXIII), pour échapper justement au monde, qu’il considère comme cruel. D’une certaine manière il accuse ce monde d’être la cause de l’état dans lequel il se trouve.

Baudelaire grâce à la poésie a pu nous faire partager ses idées et ses engagements. Il a utilisé entre autres l’exotisme et le rêve pour nous faire vivre ses envies et nous emporter avec lui en voyage. En route avec lui, il nous a sensibilisé sur des points qui lui sont chers et nous a fait part de ses opinions.

Comments are closed.

buy windows 11 pro test ediyorum