Baudelaire, Le Spleen de Paris: riches et pauvres

Baudelaire, Le Spleen de Paris

Riches et pauvres

Travail proposé par Pierre et Samy

Le Spleen de Paris devait être le pendant prosaïque des Fleurs du mal. Malheureusement, Baudelaire ne put l’achever et il ne fut édité que deux ans après sa mort, en1869. Nous allons étudier le thème « Riches et Pauvres » au travers de quatre poèmes : « Les yeux des pauvres », « Assommons les pauvres », « Le gâteau » et « Le joujou du pauvre ».
Nous nous demanderons comment Baudelaire décrit et interprètel leurs relations au sein de la ville. Nous distinguerons d’abord deux mondes parfaitement opposés puis nous aborderons le sujet de la violence et enfin nous traiterons de la question du regard entre riches et pauvres.

Nous allons maintenant prouver que riches et pauvres appartiennent en fait à deux mondes parfaitement antithétiques séparés par une frontière infranchissable. Dans « Le joujou du pauvre », cette frontière prend la forme d’une grille et d’une route que le narrateur appelle même : « barreaux symboliques». Ici, le monde du riche est décrit avec les termes : « vaste jardin », « joli château », alors que l’autre enfant est au milieu de « chardons et d’orties« . On retrouve un peu de cela dans « Assommons les pauvres » où le mendiant se trouve près du cabaret sans y être vraiment. Mais c’est dans « Les yeux des pauvres » qu’on a le meilleur exemple du lieu interdit avec cette phrase : « c’est une maison où peuvent seuls entrer les gens qui ne sont pas comme nous ». On se rend donc compte ici que le simple mélange ne peut se faire à cause d’une opposition quasi-symbolique des lieux.


On remarque aussi que d’après le narrateur, la misère empêche la distinction entre pauvres. C’est ainsi que dans « Le gâteau », les deux enfants sont décrits avec les termes : « parfaitement semblable », « frère jumeau », « son frère ». On a l’impression que la saleté, la crasse ont gommé les différences entre les enfants. De même, dans « Les yeux des pauvres », le narrateur dit : « Tous en guenilles », ici aussi on a l’impression que les loques des malheureux ont fait disparaitre les marques de l’âge qui les différenciaient. Cette analogie est sensible aussi dans le langage. En effet, deux des miséreux s’écrient : « Que c’est beau ! Que c’est beau!», alors que l’un est bien plus âgé que l’autre, cela aussi participe à la non dissociation des personnages. Le poète n’approuve cependant pas cette condition et rappelle tout de même que malgré la pauvreté, ces personnes n’en sont pas moins humaines : « Et les deux enfants se riaient l’un à l’autre fraternellement, avec des dents d’une égale blancheur. ». Ainsi dans « Le Joujou du Pauvre », l’un de ces « marmots-parias » est comparé à une « peinture idéale sous un vernis de carrossier ».

La violence est très présente dans les quatre poèmes de Baudelaire. En effet, dans « Le gâteau », la scène de combat est décrite crûment, au-delà du réalisme et à la limite du supportable, comme le prouvent les termes : « il fut culbuté », « avec les dents », « cracha un petit morceau sanglant avec un superbe juron patois», « enfoncer ses petites griffes », « à étrangler son adversaire », « une lutte hideuse ». Ce combat est d’autant plus dérangeant qu’il met en scène deux enfants, de plus le narrateur le qualifie de « guerre parfaitement fratricide ». De même dans « Assommons les pauvres », dont le titre est assez évocateur, où la violence est tellement exagérée qu’elle en devient presque burlesque : « un coup de pied lancé dans le dos, assez énergique pour briser les omoplates », « je le battis avec l’énergie obstinée des cuisiniers qui veulent attendrir un beefsteak ». La violence physique est donc très présente dans ces poèmes. Mais on trouve aussi un bel exemple de violence verbale et même morale en la personne de la femme dans « Les yeux des pauvres ». Elle suggère de balayer les miséreux en ces termes : « me sont insupportables ». La violence ne se réside pas tant dans les mots choisis par Baudelaire mais plutôt dans la brusquerie de cette femme qui possède pourtant des « yeux si beaux et bizarrement doux ».

Dans trois des quatre poèmes, le narrateur utilise « je » pour s’exprimer. Cela fait de lui le premier spectateur de la richesse et de la pauvreté, d’ailleurs, il se sert de termes comme : « Ce spectacle », « d’un divertissement », qui montrent que le narrateur s’intéresse au monde qui l’entoure. Ensuite, on se rend compte que tout est très visuel, que ce soit la misère des pauvres : « un petit être déguenillé, noir, ébouriffé », « à la barbe grisonnante », « sale, chétif » ou le faste des riches : « habillé de ces vêtements de campagne si pleins de coquetterie », « verni, doré, vêtu d’une robe pourpre », « le café étincelait ». On sent que l’auteur a voulu dirigé notre esprit par le regard, on remarque de plus que tout ce qui est pauvre est nécessairement noir ou gris contrairement aux riches décrits avec des couleurs vives. Ce choix de couleur renforce encore cet effet visuel. Nous avons dit plus haut que le narrateur était attentif à ce qui l’entourait, mais certaines choses montrent bien qu’il appartient à la classe des nantis. Par exemple, dans « Le gâteau », le narrateur n’aperçoit le « petit sauvage » qu’au moment où celui-ci est sous son nez, pour lui mendier son pain. Il donne l’impression que l’enfant sort du néant : « Devant moi se tenait », il n’utilise pas de verbe de mouvement mais un terme qui traduit une immobilité. Le même principe est utilisé dans « Assommons les pauvres » où le narrateur ne découvre le mendiant qu’à l’instant où celui-ci lui tend son chapeau : « un mendiant me tendit son chapeau ». Ces procédés montrent que les riches ne voient pas les miséreux, qu’ils leursont totalement transparent sauf si ils marchent dessus ! Voyons maintenant le regard que portent les miséreux sur les riches ; le meilleur exemple se trouve dans « Les yeux des pauvres » où l’admiration varie avec l’âge et devient de la béatitude comme le montrent les termes : « Que c’est beau ! Que c’est beau ! », d’ailleurs ces mots sont répétés dans l’exclamation du père et dans celle de l’enfant. De plus on remarque que les yeux et le regard font partis de la description de tous les pauvres décrits dans ces poèmes : « dont les yeux creux, farouches et comme suppliants », « dont un œil impartial découvrirait la beauté », « Quant aux yeux du plus petit » et « je lui bouchai un œil ». Toutes ces récurrences essayent de nous montrer qu’à toutes ces misérables vies, il ne reste plus que le regard, comme si ils en étaient réduits à la vision du monde, à en être que de simples spectateurs, n’ayant plus aucun moyen d’intervenir pour changer leur quotidien.

Nous avons donc découvert ici toute la symbolique du regard chez Baudelaire. Ce dernier a créé autour du thème des riches et des pauvres deux mondes opposés, antithétiques avec une violence sous-jacente très crue. A travers ces poèmes en prose, prenant pour certains la forme d’apologue, Baudelaire prône l’ouverture aux autres et l’égalité des classes.

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