Archive for the ‘Latin’ Category

Latin: Horace, odes, I , 11, Carpe diem

jeudi, octobre 25th, 2012

Ce texte d’Horace fait partie du livre I des Odes (poèmes dont les trois premiers livres sont publiés en 23 ou 22 avant JC). Horace a 42 ans. Il a déjà écrit les Satires et les Epodes, mais avec les Odes il s’inspire plus nettement de la poésie lyrique grecque, en particulier celle des poètes Alcée et Sapho (VI siècle avant JC). Il a ainsi recours à deux strophes écrites selon un modèle de vers grec (asclépiade majeur: – -/- u u /-//- u u/-//- u u/- u/- ou u). La brièveté du poème accentue la force d’un texte destiné à nous faire prendre conscience de la fuite du temps. L’expression « Carpe diem » devenue proverbiale est envisagée ici dans une tonalité beaucoup moins hédoniste qu’on ne le pense ordinairement. Dans quelle mesure Horace nous transmet-il ici une leçon de sagesse fondée sur le constat désabusé du temps qui s’échappe?

Fresque romaine

I Un poème de la sagesse, fondée sur la religion

Il s’agit bien ici d’une leçon de sagesse, comme l’indique le verbe « sapias« , placée avant la première césure importante du vers.

  •  Cette leçon se traduit par la multiplication des expressions qui marquent l’ordre, la défense ou le conseil,  expressions adressées à une interlocutrice identifiée, Leuconoé, mais que le lecteur peut également prendre pour lui.

Le poème débute par deux défenses: « ne quaesieris« / « ne temptaris« , qui sont suivies par deux adresses positives à la deuxième personne: « vina liques« , « reseces » (deux subjonctifs présents que l’on interprète comme proposition principale au potentiel dépendant de « si sapias« ). Le dernier vers est constitué par un impératif « carpe diem« , et à nouveau d’une défense « quam minimum credula postero« .

  • L’emploi de vérités générales confirme cette volonté didactique: « Ut melius quidquid erit pati« . La formule exclamative appuie ici la valeur proverbiale de la phrase.

Cette leçon de sagesse est justifiée par les motifs religieux:

  • Horace présente la vie humaine comme déterminée par des divinités toutes puissantes: « finem di dederint » (l’allitération en « d » semble une sorte de couperet qui accentue le pouvoir divin), « Juppiter tribuit » (l’allusion au père des Dieux impose l’idée d’une justice qui ne saurait se discuter).
  •  En face, les hommes se doivent de ne rien dire, et de rester dans l’ignorance: l’expression « scire nefas » est placée entre les deux coupes du vers, et assimile toute tentative pour deviner l’avenir à un sacrilège religieux (sens de l’adjectif nefas).

Les moyens employés semblent de fait bien ridicules: les « Babylonios numéros » évoquent la superstition des diseurs de bonne aventure, des mages faiseurs d’horoscope. L’éloignement géographique peut traduire une tentation exotique à laquelle il serait dangereux de céder.

 

 Villa d’Oplontis

II Un futur incertain

Mais de l’impossibilité à connaître l’avenir, Horace passe très vite à l’incertitude même d’un futur possible. La totale impuissance humaine devant les événements de la vie est marquée par l’emploi de « pati« , supporter, subir, rejeté à la fin du vers, attitude qui est le propre des humains, verbe qui vient nier le futur que le verbe « erit » faisait pourtant espérer.

  •  Dès lors, la seule attitude  reste la prudence, le renoncement à l’espoir et à la confiance: « spatio brevi spem longum reseces » (l’allitération en sp accentue le renoncement auquel il faut céder), « quam minimum credula postero » (le choix de l’adjectif credula, qui peut prendre le sens péjoratif de « crédule » souligne toute l’inconscience qu’il y aurait à se fier ainsi au lendemain).
  • La mention de l’hiver comme métonymie de l’année, et le rejet en fin de vers de l’adjectif « ultimam » suggère que les deux personnages ont déjà un certain âge et sont conscients du fait que leur temps est compté.

La référence au moment présent (« nunc« , « debilitat« , seul emploi du présent dans un texte qui n’évoque que les temps passés ou futurs) permet à Horace de développer une image (la mer brisée par les rochers contre laquelle elle se jette) qui accentue l’idée de la destruction et livre une image de la vie elle-même: même inconsistance, même impossibilité de la retenir, même fragilité face aux obstacles, ici matérialisés par les rochers (« oppositis pumicibus« ).

Les enjambements qui se multiplient à la fin du poème appuient la fuite inexorable du temps. Surtout bien sûr, le rejet de « aetas » (le temps dans sa dimension personnelle, le temps qui est accordé à chacun), d’autant que l’adjectif « invidia » le personnifie sous les traits d’une puissance hostile, et que le futur antérieur de « fugerit » présente cette perte comme déjà accomplie.

 

Villa d’Oplontis

III Vivre le présent

Face à cette fuite du temps qui ne conduit qu’à la destruction et à la mort, la seule liberté laissée à l’homme, c’est de profiter du présent. Il s’agit bien d’une attitude de résignation mais que le poète cherche à rendre positive en insistant sur l’aspect actif qu’elle implique: choisir et déguster ce que l’instant apporte.

  •   L’expression « vina liques » insiste sur le caractère sensuel de ce comportement face à la vie. De même l’image « carpe diem » fait surgir la fleur et la beauté, et insiste ainsi sur l’unicité d’un moment exceptionnel qui réinstaure le printemps dans un texte jusque là consacré à l’hiver.
  •  Horace emploie des verbes à l’impératif ou au subjonctif, qui traduisent une action concrète et précise: « viva liques« , « carpe« . Si la fuite du temps est impossible à arrêter, il n’est pas question de désespérer, mais de jouir de ce qui est donné.
  • L’adresse même du poème, dédié à une femme (une amie? Une maîtresse ancienne? On peut noter le parallélisme « quem mihi, quem tibi » suggérant la connivence), Leuconoé (prénom grec signifiant celle dont l’esprit est blanc: naïve ou lumineuse?) appelle un moment de partage, de convivialité (« dum loquimur« ), et renvoie à la tradition grecque de poésie liée aux moments de fête et de banquets.

 

Conclusion

Un poème fondateur de toute une tradition littéraire, mais souvent déformé. Ainsi chez Ronsard, le « Carpe diem » devient invitation à aimer et  profiter de sa jeunesse, ce qu’il n’est absolument pas chez Horace, dont la tonalité est beaucoup plus sombre. L’assimilation de la jeune femme à la rose permet à Ronsard d’évoquer la beauté éphémère de l’une et de l’autre, tandis que la Leuconoé d’Horace a acquis une sagesse plus mature, peut-être plus sensible aux complicités de l’instant.

« À Cassandre » Odes « , I, 17 1524,

Mignonne, allons voir si la rose
Qui ce matin avait déclose
Sa robe de pourpre au soleil,
A point perdu, cette vêprée,
Les plis de sa robe pourprée
Et son teint au vôtre pareil.
Las! voyez comme en peu d’espace,
Mignonne, elle a dessus la place,
Las, las! ses beautés laissé choir;
O vraiment marâtre Nature,
Puisqu’une telle fleur ne dure
Que du matin jusques au soir!
Donc, si vous me croyez, mignonne,
Tandis que votre âge fleuronne
En sa plus verte nouveauté,
Cueillez, cueillez votre jeunesse:
Comme à cette fleur, la vieillesse
Fera ternir votre beauté.

Ronsard a donné son nom à un rosier grimpant…

Sonnets pour Hélène (1578), II, 24

Quand vous serez bien vieille, au soir, à la chandelle,
Assise auprès du feu, dévidant et filant,
Direz, chantant mes vers, en vous émerveillant:
« Ronsard me célébrait du temps que j’étais belle. »

Lors vous n’aurez servante oyant telle nouvelle,
Déjà sous le labeur à demi sommeillant,
Qui au bruit de Ronsard ne s’aille réveillant,
Bénissant votre nom de louange immortelle.

Je serai sous la terre, et fantôme sans os,
Par les ombres myrteux je prendrai mon repos;
Vous serez au foyer une vieille accroupie,

Regrettant mon amour et votre fier dédain.
Vivez, si m’en croyez, n’attendez à demain;
Cueillez dès aujourd’hui les roses de la vie.

Idea Leuconoe est un nom de papillon…

 

 

 

Latin: secondes, Pline le Jeune

mercredi, octobre 10th, 2012

Corrigé de la fiche-portrait sur Pline le Jeune

LA_FICHE_portrait Pline_corrigé docx

LATIN, Secondes, Corrigé de la fiche portrait: Sénèque

samedi, septembre 22nd, 2012

Corrigé de la ficheLA_FICHE_portrait Sénèque-corrigé

LATIN (secondes): L’esclavage à Rome

mardi, septembre 4th, 2012

Questions: pour jeudi 13 septembre 2012

Serviteur lors d’un banquet

Mosaïque tunisienne – Fin du IIe siècle apr. JC
Musée du Louvre (Illustration  proposée par le site http://www.mediterranees.net/)

A partir de la page: http://www.antiquite.ac-versailles.fr/esclaves/servi02.htm répondez aux questions suivantes:

1) Comment se procure-t-on des esclaves?

2) Combien d’esclaves Paul-Emile, vainqueur de la bataille de Pydna en 168 avant J.C vendit-il alors?

3) Quel est le peuple connu pour ses pirates. Situez ce pays (voir carte distribuée en cours)

4) Dans quel cas un enfant naît-il esclave? Quel est le terme qui le désigne?

Ovide, L’art d’aimer, livre II, les tristesses de l’amour

samedi, avril 23rd, 2011

Traduction du passage:

Livre II, vers 512 à 534

Mars et Vénus (Fresque retrouvée à Pompéi, Musée archéologique de Naples)

Les sillons ne rendent pas toujours ce qu’on leur a confié avec un bénéfice, et le souffle du vent ne vient pas toujours en aide aux navires hésitants. Ce qui favorise les amants est bien réduit, bien plus grand ce qui les fait souffrir. Qu’ils  se représentent  en leur âme que de nombreuses épreuves devront être supportées.

Aussi nombreuses que les lièvres qui vivent sur le Mont Athos, que les abeilles sur l’Hybla, que les fruits que l’arbre bleu de Pallas produit, que les coquillages sur le rivage, sont les douleurs en amour. Les piqures que nous subissons sont abondamment mouillées de fiel. On dira qu’elle est sortie : toi, celle que tu verras peut-être, pense qu’elle est sortie et que tu vois mal. La porte qui t’avait été promise la nuit t’aura été fermée : supporte également d’allonger ton corps sur le sol sali. Peut-être aussi une servante menteuse dira d’un air hautain  « Pourquoi cet homme assiège-t-il notre porte ? ». Comme un suppliant, flatte le montant de la porte et la jeune fille cruelle,  dépose à la porte les roses que tu as ôtées de ta tête. Quand elle voudra bien, tu approcheras, lorsqu’elle t’évitera, tu t’éloigneras. Il ne convient pas aux hommes bien nés de supporter la lassitude que l’on a d’eux. Pourquoi ton amie pourrait-elle dire : « Echapper à cet homme, ce n’est pas possible ! ». Ses sentiments ne te sont pas contraires  tout le temps. Ne pense pas que supporter les insultes ou des coups d’une jeune fille est honteux, pas plus que d’embrasser ses pieds délicats.

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Ovide: L’art d’aimer: Les raisons d’avoir confiance

jeudi, avril 7th, 2011

Introduction

Après avoir envisagé les lieux propices à la rencontre amoureuse, Ovide revient ici à la finalité de son ouvrage: persuader son élève que tout est possible et qu’il réussira dans son entreprise amoureuse. Sa position est claire: toutes les femmes peuvent être séduites. Et le poète va justifier son propos en affirmant la violence de la passion féminine, à preuve les innombrables héroïnes mythologiques dont les amours coupables ont entraîné morts et destructions…Dans quelle mesure peut-on dire que ce passage est immoral?

Pasiphae et Dédale

(Peinture de Pompéi)

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Latin: L’enlèvement des Sabines, Ovide, L’art d’aimer

samedi, mars 26th, 2011

Livre I, vers 101 à 134

L’enlèvement des Sabines 1626-1629 (Pietro da Cortona, 1596-1669) Musée du Capitole, Rome

Introduction

Après le préambule dans lequel Ovide présente son projet et annonce le plan de son ouvrage, le poète pose d’emblée la question pratique qui se pose au jeune homme désireux de trouver l’amour: où rencontrer les belles, quels lieux sont propices, quelles occasions possibles? Ovide mentionne alors quelques lieux publics, les portiques, le forum, le temple d’Isis et certains moments particuliers, les fêtes d’Adonis, ou les cérémonies hebdomadaires des Juifs de Syrie. Mais surtout il évoque le théâtre et les jeux scéniques qui y sont donnés. C’est ainsi que le poète en vient à mentionner l’enlèvement des Sabines, qui selon la tradition a eu lieu  lors de jeux organisés en l’honneur de Neptune. De quelle manière Ovide présente-t-il cet épisode fondateur de l’histoire romaine, que d’autres auteurs comme Tite-Live et ensuite Plutarque ont envisagé dans leurs ouvrages à portée plus historique et édificatrice?

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Sénèque, Lettres à Lucilius, I, 9, §18-20

samedi, février 19th, 2011

La victoire du sage face à l’adversité: l’exemple de Stilpon

Traduction

de « Hic enim capta patria » à « hoc felicitatem suam fine designat »

Sa patrie était prise, ses enfants perdus, son épouse perdue. Il sortait de l’incendie général, seul, et cependant heureux. A la question de Démétrius, dont le surnom était Poliorcète, à cause des villes qu’il avait détruites, qui lui demandait s’il avait perdu quelque chose, il répondit: « Tous mes biens sont avec moi ».

Voilà un homme courageux et vaillant!Il a vaincu la victoire elle-même de son ennemi. « Je n’ai rien perdu », dit-il. Il le contraint à douter de sa victoire. « Tous mes biens sont avec moi »: la justice, le courage, la prudence, et cela même, ne rien compter comme bien de ce qui peut vous être arraché. Nous admirons certains animaux, qui traversent les feux sans dommage corporel. Combien plus admirable est cet homme, qui à  travers le fer, les ruines et les feux, s’est évadé, indemne et sans dommage! Vois-tu comme il est plus facile de vaincre un peuple entier qu’un seul homme? Cette parole est commune à ce grand homme et au stoïcien: de la même manière, il transporte ses biens intacts à travers les villes dévorées par le feu. En effet, il se contente de lui-même; Il inscrit sa félicité dans cette limite.

Démetrius Poliorcète (336-283) Roi de Macédoine

Commentaire

Introduction :

La neuvième des Lettres à Lucilius pose le problème du sage et de l’amitié. Lucilius, en effet, demande à Sénèque ce qu’il pense de la critique faite par Epicure à l’encontre des cyniques, qui affirmaient que le sage se suffisait à lui-même et n’avait donc nullement besoin d’amis.On sait que pour les Epicuriens, l’amitié était une valeur importante, qui contribuait au bonheur du sage. En interrogeant Sénèque, Lucilius lui demande donc quel point de vue le stoïcisme adopte vis à vis des relations à autrui.

Sénèque reprend la formule des cyniques « sapientem se ipso esse contentum », et se livre dans le passage qui nous intéresse à un éloge vibrant de Stilpon : s’il cherche à nuancer le propos des cyniques sur l’amitié,en affirmant que le sage souhaite le contact avec les autres, et qu’il désire l’amitié,  il reste tout de même d’accord avec ceux-ci , dans la mesure où le sage ne dépend de personne.

I L’exemple de Stilpon

L’ anecdote est elle-même est racontée en une seule longue phrase:

• qui accumule les circonstances négatives : « capta patria », « amissis liberis », « amissa uxore », « ex incendio publico solus » : les trois ablatifs absolus marquent la perte (de la liberté, de sa famille), et le dernier détail isole encore davantage Stilpon qui apparaît presque comme le seul rescapé de la destruction générale.

• qui souligne cependant l’attitude paradoxale de Stilpon : « Et tamen beatus » : l’adjectif est un terme très fort, il peut correspondre à l’idée de félicité, et cette précision donnée avant toute explication même est destinée à susciter la curiosité du lecteur .

• qui donne enfin l’explication de ce comportement par le jeu de dialogue fictif : à l’interrogation indirecte de Démetrius, interrogation dont on peut penser qu’elle se voulait ironique (« Est-ce qu’il avait perdu quelque chose ? »), s’oppose la réponse ferme de Stilpon rapportée au style direct : « omnia bona mea mecum sunt ».

Ainsi de « amitto » à « perdo », tout se concentre sur la personne du sage et la manière dont il envisage le monde autour de lui.

Sénèque

II Le commentaire

Si l’anecdote en elle-même est rapidement racontée, en revanche le commentaire de Sénèque est largement développé :

• il envisage d’abord quels sont les « biens » mentionnés : évidemment rien de matériel, mais « justicia, virtus, prudentia ». Sénèque cite ici les vertus stoïciennes essentielles (il oublie cependant la tempérance). En dernier, il énonce ce qui justifie l’anecdote, et résume finalement sa pensée : ne pas considérer comme un « bien » ce qui peut vous être arraché (« nihil bonum putare quod eripi possit« ).

• il précise ensuite les conséquences de la petite phrase de Stilpon : celle-ci permet de « retourner » la victoire de Démétrius : « Ipsam hostis sui victoriam vicit » (avec le jeu de mots victoria/vinco, vaincre la victoire), idée reprise de manière redondante avec la phrase « dubitare illum coegit an vicisset »).

• il n’hésite pas enfin à multiplier les marques d’admiration vis à vis du philosophe : multiplication des tournures exclamatives (« Ecce vir fortis ac strenuus!» ; « Quanto hic mirabilior vir… »), emploi de comparatifs valorisant Stilbon (« mirabilior », comparaison avec des animaux  mythiques comme la salamandre; « quanto facilius… » : cette formule va plus loin car elle exalte un individu, en rejetant un peuple tout entier) ; jeu sur les rythmes, qui n’exclut pas les redondances (Rythme ternaire : « per ferrum et ruinas et ignes » ; rythme binaire : « inlaesus et indemnis »).

• On peut noter cependant que Sénèque valorise avant tout le courage de Stilpon (« vir fortis ac strenuus ! »). On reste ici dans un contexte  de courage dans l’adversité et de paroles héroïques du philosophe face au pouvoir vainqueur.On peut évoquer dans la même veine  les paroles de Diogène de Cynique à Alexandre le grand:

« Alexandre vint un jour se placer devant lui, tandis qu’il se chauffait au soleil dans le Cranium , et lui dit: « Demande-moi ce que tu voudras. — Retire-toi de mon soleil,» reprit Diogène » Diogène Laërte, Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, VI, II, § 39.

(Le Cranium est le nom d’un gymnase et d’un bois sacré à Corinthe).

Le philosophe cynique Diogène (Jean Léon Gérôme, 1824-1904)

III La conclusion: « le sage se suffit à lui-même »

Enfin Sénèque conclut en soulignant la communauté d’idée entre Stilpon et les Stoïciens, dans la mesure où il s’agit bien d’affirmer que le sage ne dépend de personne. Rappelons que Stilpon (surnommé Le Dur, il faut l’avouer) vécut à la fin du IV siècle avant J.C et qu’il était originaire de Mégare, en Grèce. Il avait subi l’influence des cyniques et il a été l’un des maîtres de Zénon de Citium, fondateur du stoïcisme.

Alexandre et Diogène, Huile sur toile de Nicolas-André Monsiau, 1818

On peut remarquer que s’il évoque « concrematas urbes », Sénèque met surtout en évidence le bonheur du stoïcien : on retrouve le leitmotiv de la lettre « se enim ipse contentus est », et la phrase qui achève le paragraphe parle de « felicitatem ». Le stoïcisme se définit, ne l’oublions pas, comme une philosophie du bonheur.

Conclusion :

Un passage important, parce que révélateur à la fois d’un point de doctrine (« la félicité du sage »), et d’une manière d’argumenter afin de convaincre Lucilius : utilisation d’un exemplum (à la fois exemple et modèle : l’anecdote elle-même, la figure du sage Stilpon). Un exemple que Sénèque avait lui même déjà développé dans son ouvrage De la constance du sage (V, 5 et 6), mais qui pour un moderne reste problématique, tant l’indifférence du sage à la ruine de tout ce qui l’entoure peut apparaître comme monstrueuse.

Notons au passage que racontée par Diogène Laërte, l’anecdote est assez différente de la version de Sénèque:

« Lorsque Démétrius, fils d’Antigone, s’empara de Mégare, il ordonna de respecter la maison de Stilpon et voulut qu’on lui restituât tout ce qu’on lui avait enlevé; dans ce but, il lui demanda une liste de ce qu’il avait perdu : « Je n’ai rien perdu, dit-il, car personne n’a touché à ce qui m’appartient en propre, mon éloquence et ma science » et à cette occasion il l’exhorta avec tant de chaleur à se montrer clément et généreux , que le roi céda à ses conseils ».Vies et doctrines des philosophes de l’Antiquité, II, 11, §115-116.

De la constance du sage (V, § 5 et 6):

« 6. Démétrius , surnommé Poliorcète, ayant pris Mégare, demandait au philosophe Stilpon s’il n’avait rien perdu : « Rien, répondit celui-ci ; car tous mes biens sont avec moi. » Et cependant son patrimoine avait fait partie du butin, ses filles étaient captives, sa ville natale au pouvoir de l’étranger, et lui-même en présence d’un roi qui, entouré d’armes et de phalanges victorieuses, l’interpellait du haut de son triomphe. 7. Stilpon lui ravit ainsi sa victoire, et, au sein d’une patrie esclave, témoigna qu’il n’était pas vaincu, qu’il n’éprouvait même pas de dommage ; car il avait avec lui la vraie richesse, sur laquelle on ne met pas la main. Quant aux choses qu’on pillait et qu’on emportait de toutes parts, il ne les jugeait pas siennes, mais accidentelles et sujettes aux caprices de la Fortune : il n’avait pas pour elle l’affection d’un maître. Tout ce qui en effet arrive du dehors est d’une possession fragile et incertaine ».

Sénèque, Lettres à Lucilius, I, 4, § 3-6

mercredi, février 16th, 2011

Traduction du texte

de « Mors ad te venit… » à amissa non potest »

Mosaïque trouvée à Pompéi: La roue de la fortune (Musée archéologique de Naples)

La mort vient à toi: elle devrait être à craindre, si elle pouvait se trouver avec toi. Mais il est évident que soit elle ne t’atteint pas, soit elle te traverse.

« Il est difficile, dis-tu, d’amener l’esprit au mépris de la vie ». Mais ne vois-tu pas pour quelles raisons frivoles on la méprise? L’un s’est pendu par un lacet à la porte de sa maîtresse, un autre s’est jeté du toit pour ne plus entendre son maître s’irriter, un autre s’est enfoncé une épée dans le ventre pour ne pas être repris dans sa fuite: ne penses-tu pas que la vertu accomplira ce qu’accomplit un excès de crainte?Il ne peut obtenir une vie sûre, celui qui cherche trop à la conserver, qui met au nombre des biens importants le fait de compter de nombreux consuls.

(suite…)

Latin: Lucrèce, éloge d’Epicure

jeudi, décembre 16th, 2010

De natura rerum, Livre I, vers 62 à 79

Traduction

Alors que la vie humaine gisait à nos yeux honteusement écrasée sous le poids de la religion, qui sortait sa tête des régions du ciel, accablant les mortels de son horrible aspect, le premier, un homme un Grec, osa lever au ciel des yeux mortels et le premier, il osa résister. Ni les fables relatives aux dieux, ni la foudre, ni le ciel avec ses grondements menaçants ne l’ont abattu. Au contraire ces éléments ont rendu si ardent le courage de son âme que le premier, il désirait briser les verrous serrés des portes de la nature. Ainsi la vigueur vive de son âme vainquit et s’avança bien au delà des murailles enflammées du monde. Il a parcouru par son intelligence, et son courage l’immensité du Tout, d’où, victorieux, il nous a rapporté ce qui pouvait naître, ce qui ne le pouvait pas, et selon quel système une puissance limitée était accordée aux choses, ainsi que une fin profondément enracinée. C’est pourquoi la religion, terrassée à terre, est à son tour écrasée, sa victoire nous égale au ciel.

Héraclès et l’hydre de Lerne

(suite…)

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