Parole(s) en archipel

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Enseigner les arts plastiques, éduquer aux arts et à la culture, aujourd'hui. Un carnet personnel de C. Vieaux.

Se situer dans les arts plastiques à l’École, aujourd’hui

Se situer dans les arts plastiques à l’École, aujourd’hui

Ce document est élaboré à partir des éléments d’une intervention devant des professeurs d’arts plastiques de l’académie de Montpellier, le 15 janvier 2014, au musée Fabre.

Le parcours d’éducation artistique et culturelle est d’actualité [1]. Il doit pleinement s’articuler aux enseignements, donc au premier chef aux disciplines artistiques, et ouvrir sur une pluralité de domaines et de situations, dans et hors l’École [2]. Pour autant, les agencements et les équilibres entre les apprentissages sous-tendus par les enseignements et les activités induites par les rencontres culturelles ne vont pas de soi. D’ailleurs, ils sont parfois contraints par des conceptions idéologiques ou des convictions militantes, elles aussi dans et hors l’École. La réflexion que porte ce document vise donc à donner quelques repères pour aider les enseignants à identifier les sources et la nature de nombre de débats relatifs à la place des arts de la culture à l’École. Par conséquent, ce faisant, il s’agit de bien se situer au profit de l’éducation des élèves vis-à-vis des courants de pensée qui influent sur ces discussions ou disputes. Ceci pleinement à partir d’un ancrage dans l’enseignement des arts plastiques, tel qu’il est aujourd’hui.

 Pour indication, l’après-midi, le séminaire comprenait les conférenciers et les interventions suivants :

  • Pierre BAQUÉ, Professeur des universités (Paris 1), ancien conseiller de ministres de l’Éducation nationale : Les arts et l’école : une longue marche
  • Jean-Yves MOIRIN, Inspecteur général de l’Éducation nationale honoraire, ancien Doyen du groupe Enseignements et éducation artistiques : L’expérience esthétique de l’élève dans l’enseignement des arts plastiques
  • Christian VIEAUX, Inspecteur général de l’Éducation nationale en charge des arts plastiques, groupe Enseignements et éducation artistiques : Se situer dans les arts plastiques à l’École, aujourd’hui
  • Valérie ARRAULT, Professeur des universités (Montpellier III) : Quelle mission pour l’enseignement des arts plastiques à l’université ?

 

Présentation

Organisé par l’IA-IPR d’arts plastiques de l’académie, Mr Cyril BOURDOIS, ce séminaire avait pour objectif de rappeler à tous les professeurs d’arts plastiques de ce territoire, débutants ou de longue expérience, l’histoire de la discipline, ses jalons et ses ancrages. Les différents intervenants étaient ainsi porteurs d’éclairages divers et complémentaires.

Toutefois, pour l’Inspection générale, il ne s’agissait pas dans ce contexte particulier de faire une communication d’ordre didactique ou strictement portant sur l’histoire des arts plastiques à l’École. L’intention était de situer cet enseignement vis-à-vis des courants de pensée qui traversent et animent les positions de nombre d’acteurs de l’éducation artistique et culturelle.

En effet, chacun parmi les professeurs spécialistes du second degré, mais aussi dans le monde des artistes, des intervenants artistiques et culturels, des professionnels de la culture, des décideurs politiques et économiques de l’éducation artistique et culturelle, est porteur — plus ou moins consciemment — des arguments ou des effets de débats parfois vigoureux. Les professeurs d’arts plastiques y contribuent eux-mêmes et s’affrontent parfois à d’autres conceptions sur le sujet. D’autres groupes sociaux des arts et de la culture, dans et hors du monde de l’enseignement, font de même, à l’aune de leurs missions, de leurs enjeux d’expansion ou de leurs histoires singulières. Parfois excessives et visant à exclure, les positions soutenues militent cependant presque toutes pour faire droit aux arts dans l’École. Pour autant, les doctrines qui s’expriment se révèlent fréquemment antagonistes et ne sont pas sans nourrir des craintes chez les professeurs.

Ainsi, et c’est normal sur un sujet si vivant et porteur de grandes ambitions, il y a encore nombre de contradictions et de controverses. Des impensés, des malentendus, des lieux communs s’exercent encore dans et autour des enseignements et de l’éducation artistiques. Les professeurs d’arts plastiques, au gré des politiques des ministères de l’Éducation ou de la Culture, au sein même de leur communauté éducative, y sont particulièrement exposés. Avec leurs collègues d’éducation musicale, ils sont dans la scolarité obligatoire à la fois le cœur et la charpente de l’éducation artistique pour tous les élèves. Ils tiennent ainsi une position essentielle, souvent minorée, parfois jalousée. Sans doute pour eux est-il utile de mieux connaître la carte de ces querelles.

Cette intervention tentait donc d’apporter quelques outils pour que chacun, fort de ses convictions et de ses acquis, dépositaire d’une culture professionnelle commune et bien souvent d’un itinéraire de formation singulier, puisse mieux penser ce qu’il doit incarner du point de vue de sa mission de professeur d’arts plastiques.


La création artistique est une problématique enseignable : y accéder est un droit pour tous les élèves/tous les citoyens

Si dans leur immense majorité, les professeurs d’arts plastiques sont porteurs de cette conviction et de l’engagement de contribuer à un enseignement démocratique et républicain des arts, il convient de rappeler que l’enracinement de la dimension artistique dans l’École ne va pas de soi.

  • Les arts plastiques à l’École : un dessein moderne

L’histoire de l’enseignement des arts plastiques ne s’est pas écrite sereinement. Cette discipline ne s’est pas développée dans le continuum, garanti par l’institution, des cycles de la scolarité [3], ni dans une expansion régulière et bien reconnue de sa sphère de diffusion. Concernant l’enseignement du second degré, le récit historique permet de repérer différentes scansions qui, presque toujours, marquent des ruptures.

Les premières et les plus lointaines l’ont porté des conceptions anciennes de l’éducation aux arts libéraux hors l’École vers de premières formes scolaires visant, soit une formation aux arts mécaniques, soit la perpétuation des valeurs des apprentissages artistiques académiques [4]. D’autres, de moins longues histoires, ont soutenu la promulgation de l’épanouissement de l’expression personnelle contre la dimension coercitive et normative de l’enseignement [5]. Quant à l’ouverture sur la création contemporaine, elle n’est déjà plus si récente. Énoncée au détour des années 70, elle fut soutenue au moyen de dispositifs complémentaires à l’enseignement dans les années 80, puis inscrite dans les objectifs de programmes de la discipline au débouché des années 90 [6]. Enfin, cette marche vers une conception moderne de l’enseignement des arts plastiques est régulièrement heurtée de quelques soubresauts selon que les priorités y soient données aux problématiques que porte la création, aux techniques d’expression plastique ou à la culture artistique. Autant de ponctuations posées selon l’air du temps, sous l’influence d’inspecteurs généraux, de conseillers de ministres, de lobbys…

Enseignement du dessin, puis de dessin et arts plastiques, puis des arts plastiques, la constitution de cette discipline, si elle est marquée de renouvellements parfois douloureux, sous-tend toujours un ample mouvement d’élargissement des domaines qu’elle s’est donné la volonté d’embrasser [7]. Toutes ces étapes, dans leurs actualités successives, ont été porteuses de progrès considérables pour contribuer à faire droit aux arts à l’École et de surcroit à l’art en train de se faire. Même s’il ne s’agissait pas nécessairement toujours d’une définition commune de l’art, ou d’une conception partagée des finalités éducatives qui pouvaient lui être liées, ce mouvement a puissamment connecté l’enseignement des arts plastiques sur les questions que porte la création.

Faisant, dans le creuset de la pratique artistique, le pari de l’intelligence sensible dans l’École, l’enseignement des arts plastiques s’est aussi pensé une didactique. L’investissement sur le potentiel cognitif de la relation à l’art y est central. Il articule dans la pratique trois composantes majeures constitutives des apprentissages visés : le faire, l’éprouver et le réfléchir. C’est une approche éducatrice moderne, au juste aplomb du champ artistique qu’elle couvre, probablement bien adaptée à la diversité contemporaine des élèves. Mais, c’est aussi un paradigme bien différent de la tradition scolaire française où la transmission des connaissances académiques prime encore sur toutes les démarches d’apprentissages en actes, précisément fondées sur la pratique et l’expérimentation.

  • Quatre conceptions dominantes de l’éducation artistique, marquées de lointains héritages, interfèrent encore sur la manière dont on se représente l’enseignement des arts (plastiques) à l’École

Toutefois, ces évolutions cohabitent avec diverses représentations toujours vivaces, qui sans être toutes dénuées d’intérêt, sont porteuses d’histoire, mais entrent en contradiction avec la réalité contemporaine des enseignements artistiques à l’École. Elles portent des valeurs potentiellement à la source de déséquilibres dans la formation générale scolaire et qui ne laissent guère de place à une conception large et intégrée des arts dans l’enseignement scolaire.

  • Le primat des savoir-faire de corporation : il s’agit dans cette conception de donner toute priorité à la perpétuation des langages et des codes du métier et du groupe social des arts. Ce schéma de pensée induit rapidement qu’il n’est possible de véritablement parler d’enseignement artistique que dans la seule sphère de la formation des artistes. Avant, il ne peut s’agir que de sensibilisation [8].
  • Le primat des connaissances culturelles : dans la tradition d’une éducation aux arts libéraux, l’éducation artistique peut y être essentiellement utile à faire maîtriser des codes culturels dans la concurrence économique et sociale. Dans cette conception, la formation artistique est alors fondamentalement un complément conceptuel et culturel pour les élites et les emplois de prestige [9]. Elle tend à favoriser les approches culturelles théoriques de la question de l’art.
  • Le primat des compétences techniciennes : dans la tradition d’une ancienne conception des arts mécaniques, il est prioritaire d’équiper les citoyens de savoirs utiles [10]. L’enseignement artistique à l’École doit alors principalement répondre aux besoins techniques ou technologiques de la société. Il est peut-être utile de se demander en quoi aujourd’hui le numérique, son économie et les produits culturels qu’il sous-tend pourraient réitérer cette conception.
  • Le primat de la créativité : l’exercice libre de toute expression artistique y est posé comme un principe « intrinsèquement » émancipateur. L’expression personnelle est alors toujours supérieure aux visées des apprentissages scolaires [11]. Dans cette conception, il faut alors surtout donner place dans l’École à l’épanouissement de l’individu.
  • Quelques rappels sur la nature et l’esprit de l’enseignement des arts plastiques au collège et au lycée

Dans une période d’érosion de la formation continue des professeurs, où à l’issue des concours de recrutement la formation initiale professionnelle a récemment connu de grandes transformations et divers soubresauts, il ne semble pas inutile de redire l’inscription de l’enseignement des arts plastiques dans le second degré. Chacun mettra en perspective ces énoncés, non exhaustifs, avec les conceptions précitées.

  • L’enseignement des arts plastiques est inscrit dans la formation générale scolaire : dans le commun de la scolarité obligatoire, il n’a pas de visées professionnelles ;
  • Il se fonde sur la pratique : il fait éprouver et réfléchir aux élèves des processus de création, ce faisant il développe leur expression artistique personnelle, les équipe des outils pratiques, techniques et réflexifs pour manipuler et justifier des langages artistiques et les instruit d’une compréhension incarnée de la question de l’art ;
  • Il s’ancre dans les questions que porte la création artistique : ses contenus sont enracinés dans les pratiques artistiques de référence (œuvres, démarches, réceptions, diffusions), il ne s’agit pas d’un enseignement qui s’adosse et procède des stricts discours sur l’art (esthétiques, théoriques, historiques…). Il s’en nourrit, mais demeure principalement attentif aux processus de création dont il se donne les moyens de dégager des questions enseignables ;
  • Il équipe les élèves d’une compétence à l’œuvre ouverte sur l’art de leur temps : conception intégrant une pluralité de domaines et leurs hybridations qui sont considérées dans l’évolution des problématiques artistiques, de leur production et réception, et sont constitutifs d’une culture artistique et plastique opérante aujourd’hui, dans le monde contemporain.

L’enseignement des arts plastiques donne donc le primat aux pratiques et à l’intelligence sensibles. Il s’agit bien de développer des compétences et de faire accéder aux savoirs en expérimentant et en éprouvant par une pratique de type artistique. Il investit fortement sur la force de proposition des élèves. Il y est bien question de susciter la diversité des expressions, le goût du projet, la possibilité de s’octroyer le droit d’avoir des démarches. Il propose un contrat éducatif original. Pour le professeur, il est question d’élaborer une réflexion didactique et d’opérer des choix pédagogiques afin de toujours construire du commun dans la classe (des compétences, des aptitudes et des connaissances partagées) en cultivant la pensée divergente des élèves (la possibilité de recevoir la singularité sans jamais s’isoler dans cette singularité qui ne serait alors visée que pour elle-même). Il s’appuie sur le potentiel cognitif de la relation à l’art pour faire appréhender et soutenir l’investigation des problématiques artistiques et plastiques.

  • L’enseignement actualisé des arts plastiques s’enracine dans une conception socioconstructiviste des apprentissages

Une didactique des arts plastiques s’est progressivement formalisée durant les années 80. En grande partie au moment où l’enseignement visé s’est explicitement tourné, d’une part vers les questions que pose le champ contemporain de la création artistique et, d’autre part, vers la reconnaissance de l’élève en tant que sujet pensant et agissant, à qui l’on propose de faire des choix. Les conceptions nouvelles déviaient ainsi d’anciens modèles de conditionnement transmissif, hérités de schémas basés sur la reproduction de canons esthétiques ou la répétition de normes techniques. Mais, il ne s’agissait pas alors seulement de rompre avec des schémas de transmission, descendants et impositifs, de savoir-faire très normés, dans une filiation plus ou moins assumée d’un ancien enseignement académique des beaux-arts ou dans la conservation de la forme scolaire du dessin d’imitation. Une autre rupture s’est jouée avec des considérations soutenant un certain culte de la créativité et s’exprimant à l’École dans les suites des événements de mai 1968. En arts plastiques, diverses activités d’expression développées pour elles-mêmes, en apparence plus ouvertes, n’étaient pas dans ce mouvement toujours enracinées dans des contenus artistiques repérables, ou même fécondes en termes d’apprentissages.

Les conceptions nouvelles de l’enseignement des arts plastiques entraînaient ainsi la transformation de nombre de pratiques professionnelles sous l’impulsion majeure d’un corps d’inspection, lui-même en renouvellement et en expansion, et des réseaux de formateurs qu’ils constituaient de manière synchrone à la création des missions académiques pour la formation des personnels. Cependant, ce fut un mouvement long et au développement national inégalement réparti, parfois insuffisamment étayé théoriquement. Beaucoup d’académies étaient éloignées des départements universitaires encore naissants préparant le Capes d’arts plastiques, et ne disposaient pas en retour de l’apport des affectations issues de ces recrutements. Dans ce regard rétrospectif, il convient en effet de ne pas oublier que l’obligation d’enseignement de la discipline au collège n’était pas encore garantie. De même, le corps enseignant en arts plastiques demeurait marqué de filières de formations initiales hétérogènes ou par l’absence de formation initiale disciplinaire pour un grand nombre de maîtres [12].

L’élaboration didactique en arts plastiques issue des années 80 et 90, si elle est spécifique dans ses buts disciplinaires, se rattache cependant à la sphère des conceptions croisant des modalités béhaviouristes et socioconstructivistes des apprentissages [13]. De telles approches ont été initiées en arts plastiques dès le milieu des années 1970. Qualifiées en partie sous l’intitulé de « cours en proposition », elles ont été soutenues massivement depuis le début des années 1990. Elles ont marqué un saut qualitatif sur le plan didactique, opérant un passage d’objectifs centrés sur les techniques, au moyen de l’activité pratique (stricte pratique plastique à visée techniciste ou, plus tard, stimulation de la créativité), vers des objectifs culturels dans une praxis (l’action-réflexion). Il s’agit là d’un véritable retournement, une des finalités essentielles devenant la construction d’une conscience critique de la dimension artistique.

Cette démarche entraîne la construction d’une dialectique entre l’agir et le penser, dans un mouvement articulant le sensible et le sensée. Les dimensions liées à l’investigation et au projet personnel sont au cœur du processus d’apprentissage. Elles suscitent la possibilité d’une divergence des intentions et des moyens entre les élèves. Le professeur doit donc fonder un dialogue structurant pour faire reconnaître la diversité de ce qui a été produit artistiquement. Il veille à favoriser le retour critique sur les conditions matérielles et les dimensions notionnelles des productions, ainsi que sur les interrogations auxquelles elles ouvrent. En conséquence, l’argumentation sur ce qu’elles sous-tendent ou soutiennent est visée. Il s’agit d’aboutir sur l’énoncé conscient et informé de ce qu’elles ont permis de découvrir et qui fonde un savoir culturel commun. Les composantes métacognitives jouent donc un rôle important.

Pour autant, cette forme dite du « cours en proposition » en arts plastiques, connait désormais un découpage très/trop mécaniquement réitéré et très insuffisamment interrogé dans nombre de formations (incitation, effectuation, verbalisation, champ référentiel artistique). Il n’est plus aujourd’hui le seul horizon pédagogique de l’enseignement des arts plastiques.

Toutefois, cette mise en perspective d’une certaine histoire didactique et pédagogique de l’enseignement des arts plastiques permet d’en rappeler à nouveau le corps de doctrine, et en premier lieu qu’il s’agit d’un enseignement fondé sur la pratique, par conséquent véritablement artistique, et pas seulement culturel :

  • Aux fondements de cette conception actualisée des arts plastiques, la création artistique est une problématique enseignable à tous les élèves , il s’agit d’une éducation de la sensibilité par la pratique sensible ; cet enseignement ne se satisfait donc pas de la transmission a priori des seules connaissances académiques (techniques et culturelles) et ce faisant s’oblige à tenir compte des conceptions préalables des élèves ;
  • La pratique artistique y exerce l’altérité, les situations d’apprentissage conduisent à en penser les conditions de constitution, de réception et de partage qui sont puissamment à l’œuvre en art ; cet enseignement intègre des dimensions socio-comportementales (et de citoyenneté) ;
  • Cette pratique artistique est motrice, elle déplace, élargit et instruit des représentations culturelles initiales, communes et singulières ; cet enseignement procède d’une dialectique entre le faire et le réfléchir qui structure et étaie le connaître comme la sensibilité.

Christian Vieaux, janvier 2014

 

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Pour télécharger l’article : Se situer dans les arts plastiques

 

[1] Article 10 de la loi d’orientation et de programmation pour la refondation de l’École de la République, publiée au Journal officiel du 9 juillet 2013 et circulaire n° 2013-073 du 3-5-2013 MEN – MCC

[2] « Durant son parcours d’éducation artistique et culturelle, à l’école, au collège et au lycée, l’élève doit explorer les grands domaines des arts et de la culture dans leurs manifestations patrimoniales et contemporaines, populaires et savantes, nationales et internationales. Le parcours se fonde sur les enseignements, tout particulièrement les enseignements artistiques et l’enseignement pluridisciplinaire et transversal d’histoire des arts, propice à la construction de projets partenariaux. » ; « Le parcours d’éducation artistique et culturelle conjugue l’ensemble des connaissances acquises, des pratiques expérimentées et des rencontres organisées dans les domaines des arts et de la culture, dans une complémentarité entre les temps scolaire, périscolaire et extra scolaire. » Circulaire n° 2013-073 du 3-5-2013 MEN – MCC, BOEN n° 19 du 9 mai 2013.

[3] Si la loi Ferry (1880-1882) a inscrit dans l’école commune des enseignements obligatoires de chant et de dessin, l’atteinte de cette obligation et la normalisation de ces enseignements s’y sont faites sur une longue période, se confrontant aux objectifs recherchés et à la qualification des instituteurs. La continuité des enseignements artistiques de l’école au collège puis au lycée n’est donc pas un acquis des fondations de l’Ecole publique, laïque et républicaine. Concernant le second degré, l’enseignement du dessin au lycée — dit pendant des décennies « dessin d’imitation » — a été rapidement présent dans l’horaire dûaux élèves, ceci dès le lycée napoléonien créé en 1802. Evoluant en finalités et contenus, jusqu’à l’invention des arts plastiques, il a longtemps été porté par une majorité de professeurs aux statuts secondaires et aux qualifications et modalités de recrutement hétérogènes, ceci jusqu’à la création du Capes d’arts plastiques en 1972. L’enseignement devenu de « dessin et arts plastiques » perdurera ainsi au gré des réformes, sans toucher tous les élèves car tous n’entraient pas dans l’enseignement général de second degré. Il perdra définitivement son caractère obligatoire au lycée, lors notamment de la séparation du collège et du lycée, dans le cadre de la loi Haby en 1978 qui instituera le collège unique. L’objectif d’obligation de cet enseignement sera ainsi reporté sur le collège et ne sera in fine véritablement atteint qu’après les efforts et les effets induits par la loi sur les enseignements artistiques en 1988.

[4] Voir sur ce point, Du dessin aux Arts Plastiques, repères historiques et évolution jusqu’en 1996, Marie — Jeanne BRONDEAU-FOUR et Martine COLBOC-TERVILLE

[5] Notamment au détour des propositions issues du colloque d’Amiens en 1968. Colloque d’Amiens : Association d’études pour l’expansion de la recherche scientifique. Pour une école nouvelle, formation des maîtres et recherche en éducation. Actes du Colloque d’Amiens, Mars 1968, Paris, Dunod, 1969.

[6] 1977 : Création de la Mission d’action culturelle en milieu scolaire au sein du ministère de l’Éducation nationale.

1984 : Mise en place des ateliers de pratiques artistiques.

1988 : Loi relative aux enseignements artistiques.

1993 ; Protocole d’accord interministériels (éducation, culture, jeunesse et sport).

1996-1998 : Rénovation des programmes d’enseignement des arts plastiques au collège.

[7] Ainsi le programme de 1977 parlait de langage et d’expression plastiques et signalait l’ouverture sur la lecture de l’image (support de la communication visuelle, dessinée ou photographiée) et les images séquentielles (cinéma et télévision), sur l’architecture et l’artisanat d’art. Le programme de 1985 faisait état des productions artistiques du passé et du présent, des images fournies par les médias, des objets, de l’architecture, de l’urbanisme, des technologies nouvelles productrices d’images (la photographie, la vidéo, le cinéma, l’informatique…). Les programmes de 1996-98 posaient une définition plus dynamique et plus large, situant les arts plastiques au collège comme couvrant l’ensemble des domaines artistiques où se constituent et se mettent en question les formes (peinture, sculpture, dessin, architecture, photographie, ainsi que les nouveaux modes de production des images et les nouvelles attitudes artistiques). Les programmes de 2008 poursuivaient ce mouvement articulant une pluralité de domaines de création autour de trois champs : pratiques bidimensionnelles, graphiques et picturales ; pratiques tridimensionnelles, sculpturales et architecturales ; créations photographiques et cinématographiques, analogiques et numériques.

[8] Cette conception est fortement présente au sein du ministère de la culture qui exerce la tutelle sur les écoles supérieures d’art, considérant l’enseignement artistique comme étant nécessairement spécialisé, et tous les autres processus comme une éducation artistique et culturelle fondée sur un principe de sensibilisation.

[9] Cette conception avait prévalu avant la Révolution française et s’est poursuivie avec la naissance de la République, période où il s’agissait de s’approprier et de manipuler les codes issus de l’ancien régime pour les tourner vers les élites de la République.

[10] Cette conception s’est manifestée lors de la période pré-industrielle et s’est amplifiée après la première exposition universelle de 1851. Les écoles d’art ou les académies des beaux-arts étaient renforcées pour la formation des artistes, l’objectif visant à soutenir les codes culturels dominants et à s’engager dans le jeu de la concurrence artistique entre les nations. En quasi retour, les formations scolaires et professionnelles étaient essentiellement orientées vers la maîtrise des techniques artistiques appliquées aux industries et aux usages du dessin dans divers métiers. Une césure prenait alors forme entre les arts dits majeurs et les arts dits appliqués.

[11] A noter que cette conception n’a pas attendu le colloque d’Amiens pour y faire entendre sa voix. Elle devait, dans une certaine mesure aussi contribuer à orienter les programmes de l’école en 1909 qui laissait, au nom du principe de liberté, une place à l’expression du sentiment, au titre de la notion de dessin d’invention ou d’imagination.

[12] Il convient de considérer que dans le courant des années 80, et jusque tardivement dans les années 90, dans un très grand nombre d’académies, hors Ile de France, pour faire face aux obligations créées par la massification de l’enseignement au collège, il a été fait appel à de nombreux maîtres auxiliaires en arts plastiques, issus principalement de filières des écoles d’art en régions, dans des curriculum artistiques encore très cloisonnés, mais aussi parfois strictement techniques ou relevant des métiers d’art. Par ailleurs, une part importante de l’enseignement était assurée par des professeurs bivalents, PEGC (lettres-arts plastiques ou maths-arts plastiques) dont la formation en école normale n’avait pas toujours compris une spécialisation artistique.

[13] Cette pédagogie est centrée sur l’apprenant. C’est l’élève qui apprend par l’intermédiaire de ses représentations. Les conceptions initiales ne sont pas seulement le point de départ et le résultat de l’activité, elles sont au cœur du processus d’apprentissage. Elle s’est appuyée sur les travaux d’AUSUBEL, PIAGET, GIORDAN, poursuivis par LAVE, BROWN, COLLINS et DUGUID. Cette position en éducation tient compte des conceptions préalables des élèves, elle se fonde sur le principe qu’un nouveau savoir n’est effectif que s’il est reconstruit pour s’intégrer dans un réseau de notions acquises par l’élève. Il met l’accent sur l’activité de l’élève pour appréhender les phénomènes dont la compréhension s’élabore à partir des ses représentations initiales. L’élève est actif et son autonomie est renforcée. Le rôle de l’enseignant est primordial. Il doit élaborer et mettre en place, de manière stratégique, une pédagogie où la situation de travail proposée permet l’expérimentation, la résolution de problème ou le franchissement d’obstacles. Il en fait des conditions utiles aux changements de conceptions qui sont visés.

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