Brevet juin 2011. Lucie M.

Sujet 1 Du Brevet.  Session Juin 2011. Académie de Créteil.

Rédaction de Lucie

Les choses avaient bien changé depuis que Robert avait imposé les règles de tenue devant la « Grande Dame ». Depuis ce jour, les prisonniers étaient polis, ils faisaient des efforts pour mieux parler et ils maintenaient la joie au sein du groupe. Ils nettoyaient même leur cellule en dépoussiérant le sol avec une branche de fougère. Chaque soir, ils organisaient un grand jeu avec le peu d’objets qu’ils possédaient. Et lorsqu’un Allemand, qui effectuait sa ronde d’inspection quotidienne, passait devant la cellule, les bagnards le saluaient d’un « Bonjour » sonore et lui adressaient un signe de la main. Le Boche les regardait étonné pendant une bonne minute puis reprenait son tour de garde en grommelant.

Un des prisonniers français, qui était très habile, avait confectionné des petites cuillères en bois pour toute la troupe, ce qui leur permettait de manger proprement le peu de nourriture qu’on leur apportait. Et avec leur petite ration d’eau quotidienne, ils remplissaient chaque jour un verre qu’ils conservaient à l’écart, si bien qu’au bout d’une semaine, ils avaient rempli la moitié d’une bassine. Et tous les jours,  ils trempaient leurs mains dans l’eau et se frottaient le visage, histoire de faire un brin de toilette. Tous étaient enthousiastes, sauf Janin, l’éternel grincheux, qui faisait malgré tout ce que Robert avait imposé mais toujours à contrecœur.

Un jour, alors qu’ils venaient tous de finir le maigre repas qu’on leur avait distribué, Janin lâcha un rôt tonitruant. Les autres le dévisagèrent les yeux ronds et un des bagnards mima le geste de boucher les oreilles de la Dame. Robert se leva d’un bond, furieux, et Janin râla :

_Roooh, ça va ! C’est rien qu’un petit rôt de rien du tout !

_Qu’est-ce que j’avais dit ? s’écria Robert. On se conduit comme des hommes distingués ! T’as déjà vu un riche roter à table ?

-J’en ai jusque là de faire comme si j’étais un homme d’affaires bourré de fric, à qui tout ce qui arrive est miraculeux ! T’as imposé cette règle en fonction de tes envies, comme si t’étais notre chef ! Mais c’est pas parce que t’étais Môssieur le Général au front que tu dois planifier tout ce qui se passe ici ! S’emporta Janin.

_Quand j’ai imposé les règles, t’as pas bronché ! C’était à ce moment-là qu’il fallait dire que t’étais pas d’accord ! Ce n’est pas moi qui suis en faute, mon gars !  Alors, si t’es pas content, tu t’en vas, c’est tout.

_Alors, là, crois moi que si je le pouvais, je serais parti depuis des lustres ! Ton idée, Robert elle est nulle ! Tout le monde le dit derrière ton dos, mais personne n’ose te l’avouer en face, parce que tous ont peur de toi ! Mais moi pas, alors écoute bien : cette obsession que t’as depuis depuis quelques mois, elle est sensée nous remonter le moral mais elle fait l’effet inverse ! On est obligé de se comporter comme des hommes civilisés dans ce cachot pourri, alors qu’on sait pertinemment qu’on n’en sortira jamais ! Compte plus sur moi… Quant à la Dame, elle dégage !

Sur ce, Janin se leva, il fit mine de prendre le bras de la Femme, il la conduisit auprès de la grille, la salua et la poussa dehors. Les autres, qui n’avaient pas bougé depuis le début de la dispute, étaient médusés.

Tout à coup, sans prévenir, Robert sauta sur Janin et lui asséna des coups de poings. Janin se défendit comme il le put, envoyant ses mains et ses pieds à l’aveuglette contre le buste solide de Robert. Les autres s’étaient levés à présent et essayaient tant bien que mal de séparer les deux adversaires atteints d’une rage peu commune. Soudain, une alarme retentit dans toute la prison, et on entendit alors des coups de feu et des cris. Les prisonniers, Janin et Robert se précipitèrent vers la grille pour tenter d’apercevoir ce qu’il se passait. Dehors, des silhouettes s’affaissaient au travers de l’épaisse fumée de poussière qui envahissait la cour de la maison de détention. Soudain, un soldat se précipita vers leur cellule, sortit des clés de sa poche et leur ouvrit la grille en leur criant malgré le vacarme assourdissant des cris et des coups de feu :

_La guerre est finie ! La France a gagné ! On a gagné !

Janin, Robert et tous les autres se regardèrent, ne comprenant pas tout de suite la nouvelle. Puis des larmes coulèrent le long de leurs joues et ils sortirent en criant victoire, en se serrant dans les bras. Leur malheur était terminé.

                                                     Rédaction de Lucie M. 3B