Nuit du Droit : la « justice restaurative »

Le mardi 4 octobre 2022 s’est déroulée la Nuit du Droit à l’Université d’Avignon sur le thème de la « justice restaurative ». Le sujet a été présenté par des avocats, des juges, des professeurs de droit et encadré par une personne de l’AMAV (Association de Médiation et de l’Aide aux Victimes).

Qu’est-ce que la « justice restaurative » ?

La « justice restaurative » est un dispositif inscrit dans la directive de l’Union Européenne afin de créer des espaces de dialogues entre victimes et agresseurs. Pour qu’elle puisse être utilisée, il faut qu’il y ait reconnaissance des faits par l’agresseur, son consentement ainsi que celui de la victime, la présence d’un tiers pour animer la rencontre et un contrôle de l’autorité judiciaire. La victime ne rencontre pas forcément l’agresseur qui est l’auteur du crime qu’elle a subi, mais un coupable de fait similaire et inversement pour l’agresseur.

Ce dispositif est complètement indépendant du procès donc il n’influence en aucun cas la décision prise lors de celui-ci.

De plus, tout le monde peut y participer, il n’y a pas de contraintes particulières comme les faits commis par le coupable par exemple. Eric Dupont-Morretti, l’actuel ministre de la Justice, a d’ailleurs élargi les domaines d’emploi de la « justice restaurative ».

La justice restaurative est considérée comme un droit pour les agresseurs et les victimes mais aussi un devoir pour les professionnels du milieu.

Des témoignages de victimes et d’agresseurs

Lors de cette conférence, trois personnes ayant utilisé ce dispositif de « justice restaurative » ont partagé leur témoignage.

Le premier est celui d’une victime de tentative d’homicide par immolation. Après cet événement tragique, elle s’est retrouvée invalide à plus de 40 % ce qui a évidemment eu de nombreuses répercussions sur son état de santé. On peut voir les marques des brûlures sur ses bras mais aussi sur son visage.

Elle raconte qu’elle a utilisé le dispositif de « justice restaurative » dans le but de « redonner un côté humain aux humains » et de comprendre pourquoi son agresseur avait agi ainsi car, après le crime commis, elle a perdu énormément d’estime de soi.

Dans son témoignage, elle confie qu’elle éprouvait une certaine peur à l’idée de rencontrer son agresseur mais qu’elle a rapidement été rassurée par l’encadrement du dispositif ainsi que la sécurité qui lui était garantie.

Lors de son procès, elle dit avoir été plus apaisée car, après avoir expérimenté ce dispositif, elle avait de moins grandes attentes sur la décision qui serait prise.

Le second témoignage est celui d’une victime d’un accident de la route dont elle n’était aucunement responsable.

Comme la précédente victime, l’accident a eu des répercussions très graves sur sa santé physique mais également psychique. Elle s’est retrouvée dans le coma. Aujourd’hui elle a des difficultés à parler et de nombreuses pertes de mémoire.

À travers la « justice restaurative », elle souhaitait « vider sa colère ». Cette colère, elle l’a ressentie car elle en voulait au responsable de l’accident de la route de lui avoir enlevé sa vie d’avant. Ce dispositif lui a permis de commencer son « chemin de la résilience ».

La victime n’a pas rencontré son propre agresseur mais quelqu’un également responsable d’un accident de la route. Au début, l’auteur des faits a adopté un comportement irrespectueux et fournissait des réponses très dures à entendre pour la victime de l’accident.

Celle-ci raconte que lors de sa dernière visite, l’agresseur avait entrepris une remise en question et l’a serré dans ses bras. Cela a créé un « effet miroir » entre cet agresseur qui n’était pas le responsable de son accident et le vrai. C’est comme si elle avait enlacé son propre agresseur à et que celui-ci qui s’était remis en question.

Ce dispositif lui a permis d’accepter le verdict du procès et de se reconstruire.

Le dernier témoignage qui a été partagé lors de cette Nuit du Droit est celui d’un agresseur coupable de violences conjugales.

Après les faits, il a été condamné à 24 mois de mise à l’épreuve. Il raconte qu’il ressentait le besoin de faire quelque chose dans le domaine du SPIP (Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation).

Il a donc fait appel à ce dispositif. L’agresseur confie tout de même qu’il ressentait une certaine crainte à l’idée de rencontrer des victimes de violences conjugales. Finalement, tout s’est bien passé pour lui car il a pu faire la connaissance de nombreuses victimes de faits différents avec qui il a échangé. Le coupable raconte qu’il a pu recevoir des conseils de la part des victimes sur la manière dont il devait se comporter avec ses enfants par exemple. Ces échanges lui ont permis de prendre conscience de ses actes et lui ont été bénéfiques.

L’utilisation du dispositif

Du côté de la Protection Judiciaire des Jeunes (PJJ), ce dispositif est présenté comme une opportunité intéressante pour les mineurs afin de prendre en compte les séquelles liées à ce type d’événement. Il s’agit d’une démarche responsable avec une dimension sociale et citoyenne. En effet, 30 % des mineurs coupables de délits sont auteurs de vols, 30 % sont auteurs de violences aggravées et 25 % de violences sexuelles. On peut alors remarquer un changement de position des agresseurs suite à l’utilisation de ce dispositif. Il permettrait de donner un sens à la peine encourue.

Du côté des victimes, l’absence de réponse à la proposition de participation au dispositif de « justice restaurative » est récurrent. En effet, agresseurs comme victimes peuvent se voir proposer le dispositif par leur avocat ou bien par d’autres membres de la Justice. Ils sont donc libres de le refuser ou de l’accepter.

Même si la victime n’a pas d’auteur identifié, elle peut participer à la « justice restaurative » en rencontrant des coupables de faits similaires à ceux de son agresseur, comme nous l’avons vu dans le second témoignage.

La « justice restaurative » permettrait selon les conférenciers de réintégrer tout le monde dans la société et de faire tomber les étiquettes de victimes et de coupables.

Ce dispositif ne requiert pas de temps déterminé mais une participation active des parties. Le coupable comme la victime peut arrêter d’y participer dès qu’il le souhaite contrairement à un procès.

Cependant, les avocats, juges et professeurs de Droit présents lors de la conférence affirment que la principale limite de ce dispositif est le manque ou l’absence d’empathie car il n’a pas pour but de garantir la non-récidive des auteurs mais seulement d’installer un espace de dialogue.

La « justice restaurative » est-elle vraiment bénéfique pour tout le monde ?

Le dispositif est une excellente opportunité pour les coupables de « faits divers » de se remettre en question et ainsi de comprendre leurs erreurs.

Mais qu’en est-il des victimes ? Toutes les victimes n’acceptent pas de participer à ce dispositif. Il faut prendre en compte le fait que cela leur demande un important travail sur elle-même avant de rencontrer leur agresseur ou un coupable de fait similaire. En y participant, les victimes font à nouveau face à un traumatisme qu’elles ont guérit ou pas. De plus, il leur est demandé de faire preuve d’empathie ce qui peut se montrer difficile dans des cas comme d’inceste ou d’agressions sexuelles. Dans le cas où la victime ne rencontrerait pas son propre agresseur mais un autre, il est possible qu’elle trouve la « justice restaurative » non adaptée à sa situation car les réponses fournies ne sont pas celles de la personne à l’origine de son traumatisme. Comment peuvent-elles se reconstruire avec des informations qui ne correspondent pas à leur cas ?

En conclusion, nous pouvons dire que le dispositif de « justice restaurative » est en théorie une possibilité pour les victimes et et pour les agresseurs de comprendre et de se sentir compris mais en pratique, il est très probable de rencontrer des nombreuses difficultés qui nuient à l’efficacité de la « justice restaurative ». On peut ainsi se demander si l’on peut rendre ce dispositif accessible à toutes les personnes, peu importe les faits qu’elles ont commis ou subis, ou si la « justice restaurative » ne convient qu’à un seul groupe de personnes.

Zareena