Le progrès et  la fin de l’histoire
A la fois optimiste (car elle postule que le ” but ” est en même temps le ” résultat ” de l’histoire (Note 3) et tragique (”  L’histoire n’est pas le lieu de la félicité) . Les périodes de bonheur y sont des pages blanches ” (Note 4), cette conception appelle immédiatement certaines réserves. La ” fin ” de l’histoire (ce vers quoi elle tend nécessairement) est en même temps, pour Hegel , ce qui lui donne son sens (son orientation générale) et sa signification  (son contenu intelligible). Un tel télescopage des concepts est pourtant discutable (Note 5). On le retrouve pourtant, à des titres divers, chez les philosophes ” progressistes ” du 19ème siècle, tels que A. Comte, mais aussi Marx et Engels. L’approche de Auguste Comte est à la fois idéaliste (ce sont les mutations intellectuelles qui règlent le devenir) et positiviste (la ” loi des trois états ” qu’il dégage procède, selon lui, de l’observation des faits).  Celle de Marx et Engels est matérialiste : le moteur de l’histoire est à chercher, selon eux, dans  le soubassement matériel de la société, et non plus au niveau   du développement intellectuel  (Condorcet, Kant) ni  dans le  dynamisme de l’ ” Esprit ” (Hegel) . Malgré ces divergences, tous croient au ” progrès ” c’est-à-dire postulent une  ” fin ” ( un accomplissement nécessaire et prévisible)  de l’Histoire : la disparition des classes sociales, et le communisme pour Marx et Engels ; le positivisme, pour Auguste Comte ;  l’avènement de l’Etat et la réalisation de la liberté, pour Hegel (Note 6).
La fin des illusions ?
Le progrès, une idée religieuse
Cette idée de ” progrès ” – au double sens de devenir orienté et d’amélioration constante- ne date cependant pas du 19ième siècle. C’est la pensée chrétienne qui a introduit l’idée d’un temps unique, linéaire, comportant un commencement (la Création) et une fin (le Jugement dernier et la Résurrection). Progressivement laïcisé, ce modèle s’est rationalisé au point de devenir compatible avec une approche positiviste et scientifique de l’histoire. Le devenir est désormais interprété comme un processus positif qui connaît sans doute des zigzags et des régressions ponctuelles, mais qui avance cependant inexorablement vers son ” but “, le bonheur et l’émancipation de l’humanité, non pas dans l’au delà, mais ici-bas. Toutefois ce schéma, si l’on en croit Cournot et Nietzsche, reste fondamentalement religieux .
Une ” idée fausse “
Nos désillusions concernant le progrès sont  à rattacher  aux événements tragiques qui ont jalonné le XXième  siècle, infligeant un démenti sévère aux prophéties des philosophes ” progressistes “. Elles sont liées également au fait que la science ne tient pas toujours ses promesses, et que les  technologies actuelles suscitent désormais de nouvelles inquiétudes. Attachons-nous toutefois aux critiques qui portent sur les présupposés théoriques des idéologies du progrès : car , si le XX ième siècle a été le théâtre des horreurs que l’on sait,  cela ne prouve pas encore que le XXI ième siècle ne  va pas  réconcilier l’humanité avec elle-même et donner raison, in fine, à Hegel ou à Marx. Il faut donc aborder le problème dans sa radicalité. C’est ce que fait Michel Foucault lorsqu’il conteste l’idée d’une ” Histoire générale “, écartant par là même la thèse d’une évolution cohérente de l’Humanité  (” resserrée autour d’un centre unique “). Ou encore Claude Lévi-Strauss lorsqu’il observe que le progrès n’est que l’idée d’une translation dont on négligerait le caractère relatif : les civilisations n’ ” avancent ” pas, ni ne ” reculent ” ; ce sont les significations qui s’éclairent ou se brouillent selon l’éloignement des observateurs.  Si l’on en croit Nietzsche enfin, le progrès est une idée ” moderne “, donc ” fausse ” ! Quoi qu’il en soit de la modernité au sens où l’entend Nietzsche, la croyance au  progrès reste à ses yeux une conviction d’ordre religieux, c’est-à-dire un mensonge : ” la foi rend bienheureux, écrit-il encore, par conséquent elle ment “  (Antéchrist § 50) .

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