Extrait :

« Sartre pensait beaucoup à l’après-guerre ; il était bien décidé à ne plus se tenir à l’écart de la vie politique. Sa nouvelle morale, basée sur la notion d’authenticité, et qu’il s’efforçait de mettre en pratique exigeait que l’homme « assumât » sa « situation » ; et la seule manière de la faire c’était de la dépasser en s’engageant dans une action : toute autre attitude était une fuite, une prétention vide, une mascarade fondées sur la mauvaise foi. On voit qu’un sérieux changement s’était produit en lui, et aussi en moi qui me raillai tout de suite à son idée ; car notre premier soin naguère avait été de tenir notre situation à distance par des jeux, des leurres, des mensonges. (Simone de Beauvoir, La force de l’âge, 10 janvier 1940, Paris, Gallimard, p.318) ».

Commentaire :

Simone de Beauvoir présente dans ses mémoires, La deuxième guerre mondiale, comme une situation qui conduit à une bifurcation existentielle pour elle et Sartre. Avant la Guerre, ils vivent une liberté abstraite en ce sens où ils se considèrent comme de purs libertés détachées de tout contexte socio-historique.

Avec la Guerre, ils sont conduits à prendre conscience de l’importance de la situation socio-historique pour orienter les choix existentiels. La subjectivité doit en tenir compte, mais sans pour autant s’abriter derrière une mauvaise foi, pour cela, elle doit « assumer » la situation.

Mais « assumer  la situation », qu’est-ce que cela veut dire ? Un collaborateur du nazisme qui assume et justifie sa collaboration assume-t-il sa situation ?

S’il en est ainsi, alors l’existentialisme est un pur décisionnisme. Sartre n’a cessé d’essayer de limiter cette accusation de décisionnisme. Tout d’abord, dans L’existentialisme est un humanisme, il affirme que le choix qu’effectue la subjectivité implique la conception même de l’humanité.

Puis, dans un second temps, il écrit Cahier pour une morale, qui reste inachevé.