L’approche existentielle ne recouvre pas la psycho-thérapie sur plusieurs points en particulier :

a) l’origine du problème : est une épreuve de la vie (sociale ou existentielle) et non pas un dysfonctionnement psychique du sujet

b) l’objectif de l’accompagnement : il n’est pas d’amener la personne à changer son fonctionnement psychique, mais sa capacité à agir sur la situation. La situation correspond à un sujet au prise avec des conditions sociales données.

c) le sujet a un savoir expérientiel sur sa situation.

d) l’analyse des conflits psychiques n’est pas pensé comme l’analyse de dysfonctionnements, mais comme l’analyse d’un fonctionnement normal.

Les principes :

Principe  1: Le problème ne se trouve pas son origine dans un dysfonctionnement psychique du sujet.

La psychothérapie cherche les causes du problème dans un dysfonctionnement du sujet.

Or, il existe des souffrances psychiques qui ont une cause dans le social (ex : violences sexistes et discriminatoires en générale, risques psycho-sociaux) ou dans un évènement extérieur (psycho-trauma). Les symptômes de la souffrance psychique sont alors les conséquences d’une réalité externe.

Durkheim avait bien saisie à travers son ouvrage Le suicide la variabilité sociale du suicide : il y a des causes sociales au suicide. Le suicide n’est pas qu’une affaire personnelle. (Ex : 1995 : date du premier suicide au travail).

L’accompagnement existentiel rompt avec l’idée qu’il s’agit d’analyser le sujet qui devrait faire un travail sur lui-même pour faire face à ces problèmes.

Principe 2 : Même lorsque le problème est interne, il n’est pas appréhendé comme un dysfonctionnement personnel.

Certaines souffrances psychiques peuvent trouver leurs causes non exclusivement dans le social, mais également dans un fonctionnement psychique spécifique (comme dans la schizophrénie par exemple) ou comme dans une maladie organique (ex : cancer)

Dans ce cas, ce qui intéresse l’approche existentielle est la manière phénomènologique dont le sujet vie sa situation et comment l’aider face à ce vécu. Il se peut que le sujet ne souffre pas tant de son fonctionnement, mais de la manière dont le social accueille son fonctionnement.

Principe 3 : Le sujet a un savoir social expérientiel sur sa situation : il s’agit de l’expliciter.

L’un des rôles de l’accompagnement existentiel est de faire prendre conscience au sujet de son savoir expérientiel et de le reconnaître.

Principe 4 : Il s’agit d’aider le sujet à développer ses capacités à agir sur la situation.

Il ne s’agit pas avant tout de changer le fonctionnement psychique de la personne, mais de développer les capacités de la personne à agir sur la situation.

Un des reproches qui est fait à l’analyse de la souffrance psychique par le social vient du fait que le sujet serait dans l’incapacité d’agir sur sa situation et donc d’agir sur sa souffrance.

Il s’agit en réalité de développer les capacités des personnes à agir sur la situation par une réflexion sur les possibles : cette action est individuelle et collective.

En effet, même lorsque la psychopathologie reconnaît l’origine sociale de la souffrance, elle ne propose au sujet qu’une stratégie de replis et de mise à l’abri, voire elle dévalue les stratégies du sujet, quand par exemple celles-ci sont militantes, en les présentant comme des rigidités psychiques.

Les interprétations des situations :

Interprétation 1 : Le problème se trouve toujours au moins en partie dans le social.

Les approches psychothérapeutiques cherchent le problème dans le sujet et non dans le social. Or le problème est toujours au moins en partie dans le social. L’accompagnement existentiel doit avoir pour fonction d’expliquer le fonctionnement du social à l’origine de la réalité.

Contrairement à ce qu’affirme les approches psychothérapeutiques, chercher les causes sociales ne remet pas en cause la capacité du sujet à agir sur la situation. Mais effectivement, il ne s’agit pas spécifiquement d’agir sur soi pour changer un fonctionnement considérer comme dysfonctionnel.

Il s’agit d’agir sur ce qui provoque le dysfonctionnement, à savoir sur ce qui génère l’angoisse, ce qui veut dire la situation.

Interprétation 2: Le problème se trouve en partie dans les idées opprimantes d’origine sociale qu’a intériorisé le sujet.

Ces idées peuvent être des idées en lien avec la méritocratie, l’hétéro-normativité, le sexisme, le racisme, le validisme ect… Il s’agit d’expliciter ces idées et de les déconstruire.

Interprétation 3 : La souffrance psychique du sujet peut être liée à des conflits de valeurs ou éthiques qui trouvent leur sources dans une réalité sociale.

Les études sur les risques psycho-sociaux ont mis en avant le fait que les personnes peuvent être confrontés à des conflits de valeurs qui sont à l’origine d’une souffrance psychique.

Il est ainsi possible d’aider les personnes qui sont confrontés à une souffrance psychique quels sont les conflits de valeurs qui sont à l’origine de cette souffrance et de les aider à les résoudre.

La souffrance peut prendre la forme d’une souffrance éthique lorsque le sujet est conduit à agir en contradiction avec ses valeurs.

A l’inverse, certaines personnes peuvent faire souffrir les autres sans elles-mêmes ressentir de souffrance par manque de sensibilité éthique.

Interprétation 4 : La souffrance psychique peut être liée à une tension entre les projets existentiels de la personne et la réalité sociale.

Il ne s’agit pas de dire que la subjectivité est un simple mécanisme produit par le social. La souffrance sociale peut être relative par exemple à l’écart entre les projets existentiels du sujet et la réalité sociale. Ce qui ne veut pas nécessairement dire qu’une personne doit changer ses projets (il ne s’agit pas de dire « plutôt changer ses désirs que l’ordre du monde »). Mais, il s’agit d’expliquer pourquoi certaines personnes peuvent souffrir plus que d’autres d’une situation sociale.

Interprétation 5 : La souffrance psychique peut-être en partie liée à certaines angoisses qui sont relatives à la situation existentielle de l’être humain.

Il existe des angoisses qui sont communes à tout être humain et qui ne sont pas dysfonctionnelles se sont par exemple les angoisses de mort face à la maladie. Ces angoisses communes sont les angoisses existentielles. La capacité, relativement à la situation, à formuler des projets et à les mettre en œuvre peut être une manière d’agir sur la situation.

Ces angoisses renvoient aux situations-limites existentielles qui sont liées au tragique de l’existence. De ce fait, la souffrance ne trouve pas ces causes dans le dysfonctionnement du psychisme humain, mais dans la réalité de la reconnaissance du tragique de l’existence. Il y a une dimension tragique de l’existence : la maladie, la mort… Il n’est pas besoin d’aller imaginer des conflits intrapsychiques inconscients pour expliquer l’existence de l’angoisse qui résulte de la condition existentielle.