La différence entre Jean-Paul Sartre et Nicole-Claude Mathieu :

Sartre : La conception de la conscience chez Sartre renvoie à celle d’un sujet souverain et sans limites. Le sujet est toujours libre de résister à l’oppression. Il est absolument libre, responsable et sans excuses. Lorsqu’il nie cette capacité de résistance, il est dans la mauvaise foi. De même, chez Sartre, il ne peut pas y avoir de désir inconscient d’être dominé. Le sujet ne peut pas agir à l’insu de lui-même.

Nicole-Claude Mathieu : On peut distinguer des différences entre la conception de Jean-Paul Sartre et de Nicole-Claude Mathieu.

– Il n’y a pas de symétrie entre la conscience de l’oppresseur et de l’opprimé-e. L’oppresseur a une connaissance des mécanismes d’oppression que n’a pas l’opprimé-e. La position de Sartre renvoie donc à un sujet abstrait qui ne prend pas en compte l’existence de rapports sociaux de domination. Le sujet souverain dont il parle correspond à la conscience des privilégiés.

– L’opprimé-e ne consent jamais, il cède sous le poids de micro-violences et contraintes. Mais, elle n’a pas conscience des mécanismes sociaux qui l’on amené à se soumettre. Du fait qu’il n’y a pas consentement à la domination, il ne s’agit pas d’une subjectivité aliénée, mais d’une subjectivité mal-traitée.

– L’éducation populaire féministe a pour objectif d’aider les femmes à prendre conscience des mécanismes qui produisent leur soumission. C’est le cas par exemple des relations d’emprise dans les violences conjugales.

– L’opprimé-e n’est pas dans l’illusion sur elle-même contrairement à la psychanalyse. Elle ne désire pas inconsciemment être soumise. Il s’agit d’une contrainte externe qui a été intériorisée.

Modèle théorique Auteurs Explication
Infrapolitique James Scott Les sujets ne consentent jamais à la domination. Même lorsqu’ils semblent ne pas résister, ils résistent en secret.
Mauvaise foi J.P. Sartre Le sujet est toujours libre de résister. S’il nie cette liberté, c’est qu’il est dans la mauvaise foi.
Céder n’est pas consentir N.C Mathieu Les opprimées ne consentent jamais. Elles cèdent sous l’effet de micro-violences dont elles ne comprennent pas les mécanismes. La conscience de l’opprimé-e n’est pas symétrique à celle de l’oppresseur.
Aliénation totalisante Debord

Ecole de Francfort

Le capitalisme est capable de mettre en œuvre une aliénation idéologique tellement puissante que les sujets n’ont plus conscience même de leur aliénation.
Violence symbolique Bourdieu Les dominé-e-s sont pris dans des mécanismes sociaux dont ils n’ont pas conscience et qui les conduisent à justifier eux-mêmes leur domination. Ils consentent ainsi à la domination.
Désir d’être dominé Freud, Reich Il y a chez le sujet un désir inconscient d’être dominé, un désir d’être soumis.
Soumission librement consentie La Boetie Le tyran tient son pouvoir du fait que les individus acceptent de se soumettre à son pouvoir