Plusieurs auteurs et autrices critiques se sont intéressés à comprendre la psychologie des opprimé-e-s (c’est-à-dire des personnes socialement discriminées) dans une perspective d’éducation populaire et de transformation sociale : Frantz Fanon, Paulo Freire, Nicole-Claude Mathieu, Christine Corbeil, ect…

L’éducation populaire peut être un espace d’élaboration d’une auto-défense mentale collective.

Aliénation subjective : L’oppression peut produire une aliénation subjective. Le sujet a l’impression de ne pas totalement agir librement. Il se peut que cette aliénation puisse être totale dans une relation d’emprise ou dans un système d’emprise totalitaire.

Asymétrie des consciences des opprimé-e-s et des oppresseurs : Nicole-Claude Mathieu a bien montré qu’il y avait une asymétrie des consciences des oppresseurs et des opprimés. Ils et elles n’ont pas les mêmes connaissances sur les rapport d’oppression. Les oppresseurs ont davantage une connaissance des mécanismes par lesquels s’exercent l’oppression, les opprimé-e-s une connaissance des effets de l’oppression. Les opprimé-e-s peuvent développer des stratégies pour essayer d’y faire face. C’est ce que Elsa Dorlin appelle le « dirty care ».

Auto-défense mentale collective  (éducation populaire): Ensemble de pratiques mises en œuvre par les opprimé-e-s pour se défendre collectivement contre les souffrances sociales.

Céder/Consentir : « Céder n’est pas consentir » (NC Mathieu). Il n’y a pas de désir de soumission des opprimés, si les opprimés se soumettent c’est sous l’effet de violences (sociales, psychologiques ou physiques) qui ne sont pas toujours perceptibles. Le rôle d’une psychosociologie des opprimé-e-s est de dévoiler ces mécanismes de violences. [Voir également sur le consentement : Manon Garcia, La conversation des sexes]

Charge mentale : Constitue un ensemble d’éléments que prend en compte la personne socialement opprimé-e à la place des privilégiés (ex : tout le travail d’organisation du tâches domestiques dont s’occupe les femmes).

Conscientisation (Freire)/ Reframing (thérapie systémique/ Cadres de l’expérience) : La conscientisation est la prise de conscience des rapports sociaux de pouvoir. La subjectivité prend conscience que ses actes ne sont pas des actes libres de manière abstraites, mais prennent place dans des conditions sociales qui conditionnent les choix d’action (ex : conditions sociales économiques).

Continuum des violences sexistes: Il y a un continuum entre les micro-agressions que peuvent subir les femmes jusqu’au féminicide. Dans les violences conjugales, les premières violences commencent par des remarques sexistes, puis des insultes, avant d’arriver aux violences physiques.

Culture du viol: Cette expression renvoie à un ensemble de discours et de pratiques dans la société qui normalisent le viol. On peut les voir à l’oeuvre par exemple dans des productions culturelles telles que des films ou des publicités par exemple.

Défense collective des droits : L’auto-défense mentale collective n’a pas pour objectif d’agir uniquement sur la personne, mais d’agir sur le réalité sociale qui opprime la personne. C’est pourquoi l’éducation populaire développe des pratiques collectifs de défense des droits individuels et collectifs, et de revendications de nouveaux droits.

Diagnostics sexistes  et classistes: Certains diagnostiques sont plus souvent attribuées aux femmes en semblant rejoindre les stéréotypes sexistes à l’oeuvre dans la société : autrefois hystérie (aujourd’hui trouble de la personnalité hystrionique), trouble de la personnalité borderline, trouble de la personnalité évitante ou encore de la personnalité dépendante. Les jeunes hommes de milieux populaires sont plus à risque d’être qualifiés de personnalités anti-sociales.

Dissociation psychique (psychotraumatologie) : Parties du psychisme qui se sont séparée de la conscience sous l’effet de violences, souvent subies dans l’enfance ou à l’âge adulte.

Double conscience (Du Bois): Les opprimé-e-s ont une intériorité double: celle de l’opprimé-e et celle de l’opprimé qu’ils ont introjecté.

Empowerment (inédit possible/acte limite/inédit viable) : Les opprimé-e-s se trouvent rendues impuissantes à agir par les oppressions intériorisées. La démytification vise à lutter contre ces phénomènes, mais elle doit s’accompagner également d’une analyse des possibles à l’oeuvre dans la situation.

Évènements de vie critique (tournants de vie, ruptures biographiques…) : Il s’agit d’un ensemble d’évènement de vie qui peuvent arriver à toutes les personnes (ex : déménagement, deuil, séparation amoureuse…). Mais dans le cas des personnes socialement opprimé-e-s, l’impact de ces évènement est modulé par la positionnalité sociale.

Expériences vécues (mises en commun) : L’analyse commence par une mise en commun des expériences vécues par les personnes. Ce qui permet de mettre en lumière que ces expériences ne sont pas qu’individuelles, mais sont partagées par plusieurs autres personnes.

Groupe de parole et de conscience non-mixtes: Les militantes féministes pour aborder certaines oppressions spécifiques à des groupes (par exemple violences sexuelles à l’égard des femmes) ont développé la pratique de groupes non-mixtes qui sont plus safe pour les personnes opprimé-e-s.

Harcèlement discriminatoire : Ensemble de comportements et de propos à caractère discriminatoires.

Honte sociale (Gaulejac de, Eribon): Certains affects psychiques ont une origine spécifiquement sociale (classe sociale, orientation sexuelle…)

Identification à l’agresseur (Ferenczi)/ Introjection de l’oppresseur (Freire) : La subjectivité opprimé-e s’identifie à l’oppresseur. Cela peut l’amener à des conduites de reproduction des violences (physiques ou psychologiques subies) ou encore à une tendance à vouloir occuper la même place que l’oppresseur dans les rapports sociaux de pouvoir.

Individualisation/Commun : Le capitalisme néolibéral, et la psychotérapie qui en émane, ont tendance à traiter la souffrance psychique comme un problème individuel, ce qui ne permet pas aux opprimé-e-s de constater que leurs problèmes sont collectifs et qu’ils peuvent s’appuyer sur le pouvoir du groupe pour lutter contre l’oppression.

Inégalités sociales en santé mentale et déterminants sociaux de la santé mentale : Les études épidémiologiques (statistiques) montrent que tous les groupes sociaux ne sont pas à risque d’avoir des problèmes de santé mentale et de ressentir de la souffrance psychique. Les femmes sont deux fois plus à risque de développer des troubles anxio-dépressifs que les hommes et de faire des tentatives de suicides. Les hommes de milieux populaires sont plus à risque d’être confronté à des addictions et à mourir par suicide. Les personnes LGBT sont plus à risque de faire des tentatives de suicides ect…

Isolement/Entraide mutuelle : L’aliénation sociale capitaliste tend à individualiser les personnes en les isolant. Au contraire, l’éducation populaire doit permettre de développer des formes d’entre-aide qui permettent aux personnes de lutter contre l’isolement et de développer un pouvoir collectif.

Intériorisé/Interpersonnel/Institutionnel/Structurel (rapports de pouvoirs) : Les oppressions peuvent être intériorisées par la subjectivité. Elles peuvent se manifester dans des relations sociales interpersonnelles. Elle peuvent être à l’oeuvre au niveau d’une institution. Elles peuvent être structurelles ce qui veut dire constituer des rapports sociaux qui structurent l’ensemble de la société (ex : classisme, sexisme, racisme, validisme…). Il est important de ne pas confondre les rapports de pouvoir interpersonnels et les rapports sociaux de pouvoir (structurels). Entre deux personnes qui ont la même positionnalité sociale, il peut exister des rapports de pouvoir interpersonnels et donc des relations d’emprise. Mais lorsqu’il existe des rapports sociaux de pouvoir, il est important d’analyser la dimension sociale des rapports de pouvoir.

Intersectionnalité (K. Crenshaw) : L’intersectionnalité vient complexifier la psychologie de l’opprimé-e, car chacun peut être opprimé-e et en même temps privilégié socialement dans le cadre d’un autre rapport social de pouvoir.

Micro-violences, micro-agressions… : Les violences liées aux rapports sociaux de pouvoir peuvent prendre la forme de micro-violences qui semblent anodines individuellement, mais qui constitue une forme de harcèlement social par leur caractère répété.

Mytification/Démythification (Freire) : Les mythes désignent l’ensemble des idées qui justifient les systèmes d’oppression et qu’ont intériorisés les opprimé-e-s (ex : le méritocratie individuelle). La démytification consiste à déconstruire ses idées oppressives qui ont été intériorisées (ex : préjugés négatifs, stigmatisations…)

Opprimé-e-s : Les opprimé-e-s sont les personnes qui sont dans une positionnalité sociale qui les met en situation de vivre des discriminations sociales, des inégalités sociales, des violences sociales. Cela peut être des femmes, mais également des hommes se situant dans une masculinité subalterne, des personnes LGBTQI+, des personnes en situation de précarité économique ou de pauvreté, des personnes racisées, ou en situation de handicap…

Oppression /Système agresseur (Lopez): L’oppression désigne la face subjective des rapports sociaux de pouvoir. L’oppression se caractérise par une souffrance psychique. La notion de système agresseur est plutôt utilisée en psychotraumatologie (Lopez, Salmona…).

Oppressions intériorisées : Les oppressions intériorisées peuvent toucher tous les types d’oppression. Elle se caractérise par une faible d’estime de soi, une tendance à justifier le système d’oppression. (ex : Capitalisme intériorisé (Anders Hayden), homophobie intériorisée, transphobie intériorisée…)

Positionnalité sociale : C’est la place que la personne occupe dans les rapports sociaux d’oppression.

Préjugés inconscients: Les biais discriminatoires à l’égard des groupes socialement discriminés de la part des perosnnes socialement privilégiés peuvent venir d’association inconscientes. Ces biais sont mis en valeur dans les tests d’associations implicits.

Prévention de la santé mentale des personnes socialement opprimé-e-s : L’éducation populaire n’a pas pour objectif de pouvoir se substituer à une prise en charge médicamenteuse ou psychiatrique des personnes en situation de souffrance psychique, mais elle permet une prévention face à une dégradation de la santé psychique pour des personnes éprouvant de la santé psychique du fait d’une souffrance sociale et d’évènement de vie critique (souffrance existentielle).

Privilègié (Peggy Mc Intosch)/Oppresseur : Le privilège social se caractérise par l’inconscience de celui qui en bénéficie. Le privilège ne suppose pas l’exercice d’une oppression consciente. Il est un avantage social dont bénéficie une personne sans en avoir conscience.

L’oppresseur exerce une violence directe sur une ou plusieurs personnes. Il arrive que l’oppresseur n’est pas une conscience claire de l’oppression qu’il exerce, ou plus souvent qu’il justifie et rationalise la légitimité de son oppression.

Psychologisation du social : Tendance à aborder la souffrance psychique comme s’il s’agissait d’une souffrance individuelle et d’origine psychique.

Psycho-trauma : Les personnes socialement opprimé-e-s sont plus à risque de vivre des évènement potentiellement traumatiques du fait des violences discriminatoires. Les pscyho-trauma doivent être pris en charge par des personnes spécialisées dans la psycho-traumatologie. L’éducation populaire ne peut être qu’une pratique complémentaire dans ce cas. Dans le cas du racisme, il existe des traumas raciaux et coloniaux transgénérationnels.

Réel : De nombreuses approches thérapeutiques tendent à ne pas prendre en compte le réel, et en particulier la réalité sociale. Au contraire, l’auto-défense psychique collective doit permettre aux opprimé-e-s d’identifier les causes de leur souffrance qui se trouvent dans la réalité sociale et développer leur capacité d’agir contre cette réalité oppressive.

Réification impersonnelle : Les systèmes d’oppression ont une double face. Ils se présentent comme des rapports sociaux de pouvoir. Mais, ils se présentent également comme des systèmes aux logiques impersonnelles. Ce qui fait que les privilégiés peuvent aussi souffrir de l’existence d’un système d’oppression.

Relations d’emprise et système d’emprise : Ce qui est pris parfois pour un désir de soumission (masochisme) relève de relations d’emprise (inter-personnel) ou d’un système d’emprise (rapports de pouvoir institutionnels).

Résistances : Les victimes ne sont jamais seulement des victimes passives. Ce sont toujours également des personnes qui mettent en place des stratégies de survie. Ce qui est considéré comme des symptômes de maladie par la psychiatrie dominante, peuvent être considérées comme des stratégies pour faire face à des situations, comme des processus d’alerte et de protection face au danger. Mais parfois, la personne souffre des stratégies mises en place dans une situation extrême car elles ne sont plus adaptées au contexte. Il s’agit alors de développer de nouvelles stratégies. L’entre-aide entre pair-e-s peut permettre d’échanger sur les stratégies mises en place pour faire face à une situation.

Responsabilité individuelle : L’existence de rapports sociaux de pouvoir n’abolie pas la responsabilité individuelle, mais celle-ci n’est pas la même selon la place que l’on occupe dans les rapports sociaux de pouvoir. De même, l’adulte a la capacité de comprendre que l’identification à l’agresseur est une stratégie qui n’est pas acceptable. Patrick Pharo a proposé un modèle sociologique de la conscience morale comme étant la capacité du sujet à prendre pour objet de réflexion l’incohérence entre les discours et les pratiques.

Singularité individuelle : L’analyse sociologique du psychisme n’abolit pas la singularité individuelle du psychisme. Tout d’abord, parce que la positionnalité sociale d’une personne combine plusieurs rapports sociaux (intersectionnalité) ce qui vient complexifier la position de chacun-e. En outre, parce que les personnes sont aussi confrontés à des épreuves de vie (sociologie des épreuves) qui sont modulées par leur positionnalité sociale.

Souffrance sociale : Souffrances psychique liées aux conditions sociales dans laquelle est située la personne (précarité sociale, pauvreté, chômage, discriminations…)

Souffrances au travail: ensemble des souffrances psychique lié aux modes d’organisation du travail, et en particulier au harcèlement institutionnel au travail.

Stigmatisation des personnes en situation de handicap psychique ou psychiatrisées : L’éducation populaire peut permettre d’aider les personnes qui font face à de la stigmatisation sociale.

Stress minoritaire (Meyer) : Meyer distingue deux formes du stress subi par les groupes socialement discriminés :

– le stress distal : causé par des éléments extérieurs comme des discriminations, des violences…

– le stress proximal : stress subjectif par anticipation des discriminations et des violences. (On peut rapprocher cette notion de la « menace du stéréotype »).

Théâtre forum: il permet aux personnes socialement opprimé-e-s de revivre des situations d’oppression et de développer d’autres stratégies d’auto-défense face à ces situations.

Violences  (physiques, sexuelles, psychologiques, sociales) : L’analyse et le dévoilement des mécanismes de violences et de contraintes qui pèsent sur les opprimé-e-s constitue une dimension importante de l’éducation populaire. Les psychothérapies dominantes tendent à invisibiliser le rôle des violences dans la constitution du psychisme.

Violences interpersonnelles, institutionelles, structurelles: Les violences peuvent être interpersonnelles, elles peuvent être institutionnelles ou encore elles peuvent être structurelles.

Violences intériorisées: Les violences intériorisées sont la source de plusieurs problèmes. Elles peuvent être introjectées sur la personne elle-même par exemple sous la forme de pensées automatiques négatives. La violence intériorisée peut être extériorisée sous plusieurs formes. Soit sous la forme d’auto-agressivité ou d’auto-mutilation. Soit sous la forme de l’identification à l’oppresseur: ce qui conduit à la reproduction des violences sur d’autres victimes. Soit sous la forme d’une énergie qui est orientée sous une autre forme: pratique de sports de combats, création artistique, participation à des luttes sociales collectives ect…