Spatialiser l’étude d’un bidonville par la cartographie en ligne. L’exemple de Kibera (Kenya)

Kibera (périphérie de Nairobi, Kenya), bidonville emblématique, traditionnellement classé comme le plus grand du continent africain, retient l’attention de l’aide humanitaire et des journalistes du monde entier.

Il fait l’objet d’étude de cas dans plusieurs manuels scolaires à travers des images et des témoignages relatant  des conditions de vie misérables. La carte, quand elle est présente, ne sert que de support de localisation. L’étude spatiale en elle-même n’est pas réellement envisagée.

On peut pourtant l’explorer à travers des ressources cartographiques, et en particulier un « OpenStreetMap » qui est une cartographie participative de ses habitants (lire l’article « MapKibera, la carte pour rendre visible les invisibles« , lemonde.fr , avril 2015).

En termes de compétences, ce type d’outil donne lieu à réfléchir sur le fait de « s’informer dans le monde du numérique ». On exerce son esprit critique en questionnant les avantages et les limites d’une information citoyenne participative. On prend surtout conscience que dans le cas d’un bidonville, elle constitue le seul moyen de répertorier des données spatiales. On veillera par ailleurs à faire remarquer que les informations sont évolutives et non exhaustives

Mise au point : combien d’habitants compte ce bidonville?

Alors que les manuels relayent l’ information courante que l’on trouve sur Internet selon laquelle Kibera renferme 1 million d’habitants, le dernier recensement fait état de 170 000 personnes (voir article sur RFI). Voilà une belle occasion de mobiliser la compétence de « vérifier des données et des sources ».

Exploration cartographique à partir du site Openstreetmap

Préalable : on présente le bidonville de Kibera à travers une sélection de photographies que l’on opérera aisément à partir de Google images. On s’interroge alors sur l’emplacement de ce bidonville

1ère étape. Situer le bidonville à plusieurs échelles.

a) Situer pour localiser

Sur le site référencé, on utilise le moteur de recherche en rentrant le nom de Kibera

Une fois la carte affichée (on attend une étape ultérieure pour l’observer plus attentivement), on procède par éloignements successifs. Ceci permet d’incrire le lieu au sein de Nairobi puis Nairobi au Kenya puis le Kenya dans l’Est de l’ Afrique.

b) Situer pour contextualiser.

On cherche dorénavant à inscrire l’espace étudié au sein de l’agglomération de Nairobi. On opére cette fois des rapprochements successifs ciblés sur Nairobi jusqu’à ce que le nom de Kibera apparaisse.

On obtient ainsi la carte suivante.

nairobi

Son observation attentive permet d’identifier certaines caractéritiques de l’agglomération de Nairobi que l’on pourrait synthétiser avec le croquis qui suit.

nairobi croquis

On prend conscience avant toute focalisation sur le bidonville que la ville africaine ne saurait se résumer à celui-ci. Elle présente des espaces urbains différenciés, bénéficie d’infrastructures et même de vastes espaces verts dont certains sont protégés (Parc National).

En guise de compétences, cette étape donne lieu à « extraire des informations pertinentes, les classer, les hiérarchiser » tout en pratiquant « le langage cartographique » de manière construite. On peut imaginer un exercice consistant à confronter la carte et le croquis sans la légende pour faire construire la légende.

2ème étape : la carte pour savoir ce qu’est « habiter » un bidonville

On se réfère cette fois au site « Map Kibera » qui présente une initiative inédite et originale de cartographie participative. La page de présentation mérite une lecture attentive et permet notamment des passerelles avec le programme d’EMC.

Le site offre un panel cartographique décliné en 4 thèmes : « education », « santé », « eau et assainissement », « sécurité ».

A titre d’exemple, l’onglet « water and sanitation » nous présente d’emblée une carte qui contextualise Kibera au sein de l’agglomération de Nairobi.

water and sanitation

On perçoit ainsi deux autres bidonvilles au Nord Est (Mathare) et Sud Est (Mukuru) de l’agglomération qui font également l’objet d’une investigation cartographique.

Un zoom ciblé sur Kibera au sud ouest de l’agglomération permet de caractériser cet espace dans son environnement.

Kibera zoom

La zone d’habitat informel contraste en effet avec le dessin géométrique de la voirie des quartiers voisins. On perçoit par ailleurs le Royal Nairobi Golf club qui laisse présupposer une fréquentation de population aisée.

On s’intéresse alors à la légende qui donne d’emblée des indications sur les conditions de vie dans un bidonville  :

légende équipement sanitaire K

On pense à la précarité des habitations en manque d’eau courante mais on prend aussi conscience d’une présence d’équipements dans l’espace public. L’eau à boire et pour se laver est mise à disposition, une collecte des ordures semble être organisée. La question géographique se pose alors de savoir si ces services sont suffisamment présents et bien répartis dans l’espace étudié.

C’est ici qu’une investigation à plus grande échelle peut être menée.

On choisit un quartier au sud de la voie de chemin de fer et traversée par deux voies principales (Kambi Muru/ Mashimoni).

Kambi Muru

Ces voies de transport permettent d’envisager cette portion de territoire en différenciant des espaces reliés à l’extérieur et des zones intérieures enclavées. On se pose ainsi la question de l’inégalité des équipements à l’échelle d’un quartier.

On prend conscience des distances pour concrétiser le rapport des habitants à ces équipements. Quelle longueur parcourir à pied pour trouver un point d’eau? Si l’échelle fait hélas défaut sur le site de Mapkibera, on la trouvera néanmoins aisément sur Openstreetmap.

On rappelle enfin la prudence indispensable qu’impose la cartographie participative : elle ne donne de garantie ni d’exactitude ni d’exhaustivité. Certains équipements peuvent exister sans avoir été cartographiés.

Une fois ces préalables posés, on observe la carte en prélevant des informations par type d’équipement.

On constate que les points d’eau sont fixés essentiellement le long des routes (voir schéma ci- dessous réalisé par un procédé simple et rapide : sur une diapositive, on superpose des figurés sur l’image avant de retirer l’image. Temps de réalisation : 4 min).

Quartier Kibera points d'eau

Par contre, la collecte des ordures semble bel et bien exister à l’intérieur du quartier.

Quartier Kibera ordures

La méthode d’investigation étant donnée, on peut ainsi la poursuivre sur d’autres thèmes, voire dans d’autres quartiers. On veillera toutefois à bien prendre conscience de la nature des équipements affichés : la répartition souhaitable des points d’eau  ne peut être la même que celle des pharmacies ou des écoles.

L’aboutissement de la démarche pourrait conduire à une synthèse de ce que signifie habiter un quartier de Kibera. A ce titre, on n’omettra pas de passer par l’onglet « sécurité » qui présente entre autre les endroits jugés dangereux par les habitants.

Article en cours de réalisation