Les mineurs sortent de l’ombre, c’est Germinal !

«Germinal, Germinal, Germinal ! », criaient les mineurs de Denain à la vue du cortège qui emmenait le célèbre écrivain Emile Zola au cimetière de Montmartre. Ces acclamations sont le parfait témoignage du succès et de la popularité qu’a connu ce merveilleux roman, chef d’œuvre de la littérature réaliste !

Photographie d’archive d’Emile Zola. Source : https://id.pinterest.com /pin/139541288434910485/?d=t&mt=login

Vous devez probablement connaître Emile Zola. Ecrivain français du XIXème siècle (1840-1902), Zola a vécu dans la misère et la pauvreté durant son enfance. Après quelques emplois qui lui déplaisent et lui rapportent peu, il décide de se consacrer à l’écriture. L’Assommoir est son premier grand succès. Il écrira ensuite, en 25 ans, une série de 20 livres qui composeront, telle La Comédie Humaine pour Balzac, une fresque humaine et sociale : Les Rougon-Macquart. Germinal en fera bien sûr partie.

Précision importante sur l’œuvre en question : elle est le fruit d’un travail documentaire énorme réalisé par l’auteur puisqu’il a visité des mines du Nord de la France, est descendu avec les mineurs, les a côtoyés…. Tout cela dans l’unique but de rendre son œuvre la plus véridique possible.

L’histoire débute en 1865 dans le Nord-Pas-de-Calais pendant la crise industrielle. Avec la montée du capitalisme en France, les mentalités évoluent. Un réel clivage entre salariés et employeurs apparaît alors. Les inégalités s’accroissent et la misère s’installe dans la région. Un jeune chômeur, Etienne Lantier, congédié après avoir donné une gifle à son patron, se rend aux mines de Montsou (ville fictive inventée par Zola) non loin de Douai. Affamé et sans le sou, il cherche un nouveau travail. Le seul poste qu’on peut lui proposer à la fosse de Montsou consiste à abattre le charbon et à pousser les berlines. Pour survivre, il n’a pas d’autre choix que d’accepter ce poste de haveur. A la mine, Etienne se lie d’amitié avec une famille de dix mineurs, les Maheu. On découvre, avec tous ces personnages, les conditions atroces et pénibles du travail des mineurs. Ils ne sont pas les seuls concernés par ces travaux harassants et douloureux : les chevaux doivent aussi descendre dans les mines et tirer les berlines. En lisant le roman, on a vraiment l’impression d’assister au travail des chevaux et on comprend pourquoi certains remontaient gravement blessés, et même parfois morts !

Les descriptions de l’auteur sont si crues et brutales que j’ai eu l’oppressante sensation d’être descendue, avec eux, dans ce précipice que sont ces galeries de charbon.

Au-delà des conditions dans les mines, les lecteurs découvrent le quotidien des mineurs lorsqu’ils rentrent aux Corons. Entre famine, endettement, prostitution, manque d’hygiène, absence d’intimité, les mineurs sont confrontés à un enfer quotidien. Les houilleurs, formatés depuis des générations, ne se rendent plus compte de l’horrible façon dont ils sont traités. Etienne, lui, pourtant, a remarqué dès son arrivée que les patrons des mines exploitent leurs salariés. De plus, la baisse des salaires, déjà très insuffisants pour les familles, est une difficulté nouvelle qui s’ajoute à tant d’autres. En réponse à toutes ces injustices, l’ambitieux Etienne fonde un mouvement de travailleurs révoltés. Leur mécontentement va d’abord se manifester par des grèves. Sans résultat et réponse de la Compagnie, ce mécontentement se transforme peu à peu en un élan de colère dévastateur et incontrôlable. C’est un peuple entier qui se réveille. Des milliers de charbonniers vont tout détruire sur leur passage : ils saboteront les fosses des alentours, se mesureront aux forces de l’ordre, défieront les non-grévistes et les bourgeois…

L’auteur rend magnifiquement compte de la rage qui bout en ces travailleurs, peut-être vos aïeuls si vous descendez d’une famille de mineurs !

Manifestations de mineurs, photographie extraite du film Germinal de Claude Berri, sorti en 1993. source: https://proxymedia.woopic.com/api/v1/ images/331%2FGERMINALXXXW0048428_BAN1_2424_ NEWTV.jpg         

 « Une poche de rancune crevait en eux, une poche empoisonnée, grossie lentement. Des années et des années de faim les torturaient d’une fringale de massacre et de destruction. » – passage de Germinal qui résume, selon moi, toute leur colère.

Mais Germinal, ce n’est pas que cela ! Outre le contexte historique, vous trouverez de nombreuses intrigues captivantes sur les personnages. Vous découvrirez ainsi la passion qui naîtra entre Etienne et Catherine Maheu, battue par son « galant » (c’est ainsi que Zola nomme les conjoints) et rejetée par sa famille, les Maheu. La fin tragique et complètement inattendue ne vous laissera pas indifférents ! Je vous laisse la découvrir et vous souhaite de l’apprécier tout autant que moi. Vous vous rendrez alors compte que malgré son caractère dramatique, Germinal est couronné par une note pleine d’espoir et d’avenir pour les mineurs. 

Pourquoi finalement ai-je tant été captivée par la lecture de ce roman ?

J’ai d’abord été très surprise par son caractère prenant et immersif. Au début, je dois bien avouer que je regrettais mon choix de livre à la vue du lourd pavé qui m’attendait… Malgré mes doutes, j’ai attaqué ce « monstre ». Et, à mon plus grand étonnement, je me suis aussitôt plongée dans l’histoire. Dès les premières pages vous accompagnerez les mineurs dans leur quotidien. En effet, grâce aux descriptions poignantes du naturaliste Zola, je me suis enfoncée difficilement dans les galeries, j’ai martelé les parois de charbon, j’ai poussé les berlines des mineurs ! Certains passages m’ont tourmentée par leur dureté : les descriptions sordides de l’insalubrité de leur vie peuvent mettre mal à l’aise. La noirceur des textes de Zola m’a transportée, m’a marquée et m’a procuré de fortes émotions. 

Ce roman est noir et brutal. Attention, sa violence peut parfois choquer les plus sensibles ! Oserez-vous plonger dans cet univers sombre où règne l’injustice ?  

Je me suis aussi attachée à ces travailleurs du charbon qui ne laissent jamais indifférents. A moins d’être vraiment insensible, vous éprouverez parfois de l’empathie, parfois du dégoût pour tel ou tel personnage. Lorsque Zola décrit un monde hanté par la faim puis enchaîne sur la description de la bourgeoisie des patrons des Compagnies, monde aveuglé par son confort et vivant dans le superflu, j’ai été perturbée par un tel niveau d’inégalités entre les classes ! Enfin, n’oublions pas que Germinal, c’est aussi une intrigue qui vous anime du début à la fin. Lorsque l’on voit aujourd’hui la pauvreté de certains romans contemporains qui vous vendent des soi-disant scénarios haletants, on se dit que Zola n’aurait rien à leur envier s’il revenait parmi nous. C’est là aussi une nouvelle forme de plaisir que j’ai pris !

Livre de poche « Germinal », collection Folio. source : https://www.le-livre.fr/photos/RO9/RO90026660.jpg    

Certes, cette œuvre fut un réel coup de cœur pour moi, mais il n’empêche que ma lecture n’en a pas été facile. Les nombreux détails, le vocabulaire technique et spécifique aux mineurs, les allusions aux périodes historiques et aux mouvements politiques, sont parfois compliqués à appréhender. Certains passages du texte resteront des zones d’ombres pour moi car je ne suis pas parvenue à bien les comprendre. Je ne dis guère cela pour vous repousser, bien au contraire, car la lecture peu aisée de Germinal ne m’a pas empêché de dévorer le roman. Et puis, il faut savoir parfois apprécier la difficulté !

Si vous êtes féru de notre région, d’histoire ou encore de littérature, vous ne pouvez plus passer à côté de l’œuvre à grand succès d’Emile Zola ! 

« C’est Germinal ! », s’exclame-t-on lorsque l’on vit une situation pénible : vous comprenez enfin le sens de cette expression !

Zola, Emile. Germinal. Librairie Générale Française, 1990. 538 p. Le Livre de poche. ISBN 2-253-00422-7

Clothilde DELATTRE, 1ère1

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