Fourier et les cristallographes

Fourier et les cristallographes

(2014, année internationale de la cristallographie)

 « L’ère de la complexité débute en 1811 avec les travaux de Fourier ». C’est Ilya Prigogine (1917-2003) prix Nobel en 1977 pour ses contributions à la thermo-dynamique hors équilibre, particulièrement la théorie des structures dissipatives, qui l’affirme comme le rappelle Eric Sartori dans « L’empire des Sciences – Napoléon et ses savants ».

La cristallographie moderne a été fondée par Max von Laue (1879-1960) qui reçu le prix Nobel en 1914 pour ses travaux sur la diffraction des rayons X par des cristaux et les Bragg (prix Nobel 1915). En 2011, Dan Shechtman (né en 1941) reçu le prix Nobel pour la découverte des quasi-cristaux.

             Le développement de la cristallographie doit beaucoup à Fourier et la technologie moderne doit beaucoup à la cristallographie. Pour l’illustrer, évoquons la découverte des quasi-cristaux cela nous permettra d’évoquer comment les cristallographes utilisent les travaux de Fourier. Les quasi-cristaux sont un des aspects de la cristallographie, ce n’est pas le seul qui soit intéressant .

         Le 8 avril 1982, Dan Shechtman, alors chercheur invité pour deux ans au National Bureau of Standards (NBS actuellement National Institute of Standards and Technology, NIST qui est présenté en français ici), découvre un alliage métallique dans lequel les atomes étaient assemblés dans un modèle qui ne pouvait pas être répété par translation, contrairement aux lois jusqu’alors admises de la nature (on connaissait cependant de nombreux objets à motifs icosaédriques dans la nature). Cette découverte appelée quasi-cristaux correspond « aux fascinantes mosaïques du monde arabe reproduites au niveau des atomes : une forme régulière qui ne se répète jamais ».

 Jusqu’à cette découverte, les scientifiques considéraient que dans un solide cristallin, les atomes devaient s’assembler avec un motif symétrique pouvant se répéter périodiquement afin de former un cristal. L’image apparue dans le microscope électronique du professeur Shechtman était si incroyable qu’elle a été longtemps combattue par l’establishment scientifique, souligne le comité Nobel. Cette découverte « très controversée » était considérée aussi « impossible que de fabriquer un ballon à l’aide uniquement de morceaux de forme hexagonale alors qu’il faut également des pentagones », explique le comité.

Le directeur de son laboratoire ira même jusqu’à lui tendre un manuel de cristallographie en lui suggérant de s’y plonger, se souvenait-il dans une interview avec son université de Haïfa. « J’ai répondu : ‘je n’ai pas besoin de le lire, je sais que c’est impossible, mais c’est bien là, devant moi’ », expliquait le chercheur, « ridiculisé et traité plus bas que terre » par ses collègues.

La découverte de Dan Shechtman se fonde sur l’observation de la diffraction par le cristal d’un faisceau de diffraction électronique. L’étude repose essentiellement sur des calculs faisant appel à la transformée de Fourier (TF).

 Les cours de cristallographie donnent quelques illustrations intéressantes de l’utilisation de ces techniques : en voici un de quelques pages (en pdf) proposé par l’université de Montréal au Québec qui est assez illustré pour éclairer le profane.

 La découverte de Dan Shechtman n’est pas tout de suite admise par ses collègues. De retour à Haifa, il élabore un premier modèle de verre icosahédrique avec son collègue Ilan Blech mais n’arrive pas à le faire publier. En 1984 de retour au NBS, son travail attire l’attention de John Cahn. En compagnie de Denis Gratias (chercheur au LEM/ONERA), ils s’assurent de la possibilité de l’existence d’une structure non-périodique mais présentant un ordre à longue distance. Avec Ilan Blech, ils rédigent l’article fondateur de la découverte des quasi-cristaux en se concentrant sur les faits expérimentaux. Outre ces quatre auteurs, l’article cite la contribution de Frank Biancaniello (pour la préparation de l’alliage) et Camden R. Hubbard (pour les expériences de diffraction X).

Depuis cette date, de très nombreuses études s’engagent pour mieux comprendre la structure des quasi-cristaux ainsi que leurs propriétés. En 1987, des chercheurs français et japonais confirment cette découverte et, en 2009, des quasi-cristaux sont même découverts dans la nature.

 2014 est déclarée l’année internationale de la cristallographie : une occasion de découvrir cette science dynamique sous tous ses aspects, ce que nous n’avons fait qu’effleurer ici.

Les cristallographes utilisent abondamment les méthodes de calcul introduites par Joseph Fourier. Pour approfondir le rapport entre Fourier et la cristallographie, le curieux pourra aussi, par exemple, prendre connaissance du cours de Sylvain Lafontaine.

 

About cm1

R. Timon, né en 1944 a été instituteur, maître formateur, auteur de manuels pédagogiques avant d’écrire pour le Webpédagogique des articles traitant de mathématiques et destinés aux élèves de CM1, CM2 et sixième.

Category(s): actualité de la recherche, application, hommages, travaux

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