L’autorité de l’Etat est-elle la source de l’harmonie sociale?

Analyse des termes:

                     ce sujet interroge principalement  avec le verbe être, sur une identité, une égalité entre l’autorité de l’Etat et la source de l’harmonie sociale, invitant à se demander si l’Etat a pour effet l’harmonie sociale ( en ce sens il en serait la cause) et si cet effet pourrait avoir d’autres causes ( le « la » source suggère que l’Etat serait soit l’unique cause ou la cause principale et déterminante par rapport à d’autres causes possibles).

De plus, en admettant que l’Etat soit une cause de l’harmonie sociale, est-ce son autorité qui est en jeu? On peut en effet penser que l’Etat peut parvenir à cette harmonie par d’autres moyens que l’autorité à savoir la force, la terreur, la manipulation idéologique. Or l’autorité, si on l’analyse, s’oppose à l’usage autoritaire de la force. Celui qui a de l’autorité, c’est-à-dire une position de domination légitime, n’a justement pas besoin de recourir à la force. C’est ce que souligne clairement ce texte d’Alexandre Kojève:

 

« L’Autorité est donc nécessairement une relation (entre agent et patient) : c’est donc un phénomène essentiellement social (et non individuel) ; il faut être pour le moins deux pour qu’il y ait Autorité.

    DONC : L’Autorité est la possibilité qu’a un agent d’agir sur les autres (ou sur un autre), sans que ces autres réagissent sur lui, tout en étant capables de le faire. Ou bien encore : En agissant avec Autorité, l’agent peut changer le donné humain extérieur, sans subir de contrecoup, c’est-à-dire sans changer lui-même en fonction de son action. (Exemples : Si, pour faire sortir quelqu’un de ma chambre, je dois user de force, je dois changer mon propre comportement pour réaliser l’acte en question et je montre par là que je n’ai pas d’autorité ;il en est tout autrement si je ne bouge pas, et [que] ladite personne quitte la chambre, c’est-à-dire change, sur un simple « sortez ! » de ma part. Si l’ordre donné provoque une discussion, c’est-à-dire contraint celui qui le donne de faire quelque chose soi-même – à savoir discuter – en fonction de l’ordre donné, il n’y a pas d’autorité. Encore moins si la discussion aboutit à l’abandon de l’ordre ou même à un compromis, c’est-à-dire précisément à un changement de l’acte qui était censé provoquer un changement au-dehors, sans changer soi-même.) Ou bien, enfin : L’Autorité est la possibilité d’agir sans faire de compromis (au sens large du terme). […] toute Autorité a nécessairement un caractère légal ou légitime (aux yeux de ceux qui la reconnaissent : ce qui va de soi, car toute Autorité est nécessairement une Autorité reconnue ; ne pas reconnaître une Autorité, c’est la nier et par cela la détruire).

    DONC : 1) Non seulement exercer une autorité n’est pas la même chose qu’user de la force (de violence), mais les deux phénomènes s’excluent mutuellement. D’une manière générale, il ne faut rien faire pour exercer l’Autorité. Le fait d’être obligé de faire intervenir la force (la violence) prouve qu’il n’y a pas d’Autorité en cause. Inversement, on ne peut – sans se servir de la force – faire faire aux gens ce qu’ils n’auraient pas fait spontanément (d’eux-mêmes) qu’en faisant intervenir l’Autorité. »

La notion de l’autorité, 1942

 

  

 

      ( Vignettes extraites du diaporama accompagnant cette intervention de Yves Michaud :

http://www.canal-u.tv/producteurs/universite_de_tous_les_savoirs_au_lycee/dossier_programmes/utls_au_lycee_2009/l_autorite_yves_michaud

Dès lors, ce sujet invite aussi à penser ce qui fait qu’un Etat a de l’autorité, c’est-à-dire est obéi sans avoir recours à la force, signe de sa faiblesse et de son insuffisance ( incompétence, trahison, …) au regard de ceux qui sont censés y obéir. On peut ici penser bien sûr aux philosophies du Contrat Social, mais aussi aux  fondements évoqués par Max Weber, la tradition et le charisme.

De la même manière, le sujet invite à penser ce que l’harmonie sociale , on peut penser que l’harmonie s’oppose à 3 choses :

  1. d’un côté, la cacophonie constituée de notes discordantes et désordonnées qui ramenée au plan social pourrait se traduire par du désordre, des conflits, des divisions  ( dans ce cas, si on asssocie l’institution de l’Etat à la volonté de sortir d’un Etat de nature chaotique – « guerre généralisée de chacun contre chacun » selon Hobbes- et son gouvernement au fait de se faire tenir droite la société, donc à un principe d’ordre,l’Etat est une source de l’ordre social)
  2. d’un autre côté à un tout trop ordonné: on peut ici penser aux analyses sur le rapport heureux qui fait qu’une chose est belle, dans Hippias Majeur de Platon. Là on découvre que la régularité, la symétrie, il y a certes beauté mais la réelle beauté est dans le juste rapport  entre les parties et le tout, par lequel l’unité de ce dernier s’impose à la multiplicité des parties. C’est cette ideé qu’on retrouve  chez BOSSUET: si la beauté est ordre, ce n’est pas tout ordre :   »La beauté, c’est-à-dire la justesse, la proportion de l’ordre » , une justesse qui présuppose une diversité unifiée. DIDEROTle souligne : « L’unité du tout naît de la subordination des parties; et de cette subordination naît l’harmonie qui suppose la variété »  dans ses Pensées sur la peinture, dans Oeuvres esthétiques. C’est la même définition qui inspire le fameux nombre d’or (1,618), la section d’or, la divine proportion (une proportion telle qu’entre le petit segment (AC) et le grand segment (BC) il y a le même rapport qu’entre l’ensemble (AC + BC) et le grand (BC)) recherchée dit-on par les peintres de la Renaissance. Donc l’harmonie est un ordre équilibré qui parvient à concilier la diversité, la variété. Si on ramène cela à notre harmonie sociale, on pourrait penser que l’ordre obtenu pourrait être une négation de cette diversité ( c’est ce que pourrait obtenir un Etat parvenant à uniformiser son peuple ou exploitant un peuple de « semblables » à cause de la passion de l’égalité ( Tocqueville) ou de la soumission au groupe empêchant la naissance de l’individu)
  3. et enfin à un simple ordre apparent  qui pourrait masquer des tensions cachées, larvées… en ce sens l’ordre pourrait être associé à une absence de conflits déclarés et donc à la paix. Mais on peut penser que la paix n’est pas seulement une absence de conflits, de guerres, de discordes  mais comme le dit Spinoza , une véritable concorde. Cette concorde non seulement se distingue évidemment d’un ordre obtenu, extorqué par la force et  mais elle présuppose une réelle volonté positive et active d’union. Et selon Spinoza , la seule source de cette concorde est la Raison

  « Lorsque les sujets d’une nation donnée sont trop terrorisés pour se soulever en armes, on ne devrait pas dire que la paix règne dans ce pays, mais seulement qu’il n’est point en guerre. La paix, en vérité, n’est pas une simple absence d’hostilités, mais une situation positive, dont certaine force de caractère est la condition. En effet on sait que la soumission consiste en une volonté constante d’exécuter les actes dont l’accomplissement est prescrit par une décision générale de la nation. Quelquefois aussi, il arrive qu’une nation conserve la paix à la faveur seulement de l’apathie des sujets, menés comme du bétail et inaptes à s’assimiler quelque rôle que ce soit sinon celui d’esclaves. Cependant, un pays de ce genre devrait plutôt porter le nom de désert, que de nation !En d’autres termes, quand nous disons que l’Etat le meilleur est celui où les hommes passent leur vie dans la concorde, nous voulons parler d’une vie humaine définie, non point par la circulation du sang et les différentes autres fonctions du règne animal, mais surtout par la raison : vraie valeur et vraie vie de l’esprit. »

 Traité de l’Autorité politique, Chapitre V, §§. 4-5

Mais si les hommes sont dotés de raison, ils sont souvent dominés par leurs passions; et si la raison réunit et unit, les passions déchirent et opposent, d’où la nécessité de l’Etat pour contraindre l’homme à contenir ses passions et suivre sa raison, que l’Etat est censé incarné, en défendant l’intérêt général et en étant au-dessus de la poursuite des intérêts particuliers et immédiats.

Mais si la discorde est à l’origine de l’apparition de l’Etat, de sa nécessité ( au sens on semble ne pas pouvoir se passer de l’Etat, d’un maître à cause de « l’insociable sociabilité » qui caractérise l’homme) comment peut-il apparaître légitime? En effet, si les hommes sont soumis à leurs passions, seule la force contraignante semble pouvoir les tenir. Pour que l’Etat ait une réelle autorité, il faut présupposer que les hommes le reconnaissent comme légitime ( et pas seulement nécessaire). Dans ce cas, il faut présupposer qu’à un moment donné, ils ont été capables d’être raisonnables et de manifester une volonté commune, c’est ce qu’on trouve dans l’idée de contrat social, en particulier chez Rousseau qui présuppose une pacte d’association préliminaire puis un pacte de soumission au souverain). Dès lors on peut penser que si l’Etat n’est pas forcèment la source de l’harmonie sociale, son autorité la présuppose. L’harmonie sociale serait donc la source de l’autorité de l’Etat, à défaut d’être éventuellement sa conséquence.

Donc l’enjeu de ce sujet est de se demander si c’est bien l’autorité de l’Etat qui est source de l’harmonie sociale, si celle-ci est vraiment réalisée ( et réalisable) et si l’autorité de l’Etat en est la source ou une des causes.

Renoncer à la loi du plus fort est-ce nécessairement se soumettre à la volonté générale ?

     L’idée de volonté générale, c’est d’abord, l’idée d’une convention librement établie entre les hommes d’une communauté politique, qui fonde un pouvoir légitime et dont les lois sont l’expression. L’idée de volonté générale, c’est donc l’idée de droit, c’est-à-dire de ce qu’on a décrété comme devant être fait selon la loi, comme légal, en accord avec la volonté souveraine, en partie pour que la société se tienne debout et se maintienne contre ce qui la menace, en particulier, la violence. Le droit s’oppose au fait, c’est-à-dire à ce qui se fait, ce qui est, au nom de ce qui doit être, ce qui doit se faire selon la loi. La loi du plus fort relève, elle, du simple fait. Ce n’est pas une loi au sens d’une convention exprimant la volonté des hommes, c’est un fait qu’ils constatent simplement, qu’ils subissent quand ils sont faibles: le fort écrase, contraint plus faible que lui pour parvenir à ses fins. La loi du plus fort est donc synonyme de rapports violents illégitimes entre les hommes, le fait que certains usent d’une force coercitive. Et donc le droit s’opposant au fait, étant même instauré parce qu’on refuse le fait, jugé injuste ou nuisible à la sécurité et la liberté de chacun, on peut dès lors penser que si les hommes ont accepté de soumettre au droit, c’est justement pour mettre un terme à la loi du plus fort, pour n’être plus soumis à personne. Dès lors renoncer à la loi du plus fort, c’est réciproquement se soumettre à la volonté générale. Il y aurait donc une sorte de nécessité logique: renoncer à l’une, ce ne peut être qu’accepter l’autre car c’est parce qu’accepter l’une, c’est juger illégitime l’autre. C’est ce que soutient Rousseau dans Du contrat social. Mais la volonté générale,c’est aussi une convention qui se caractérise donc par sa généralité et sa souveraineté. Or on peut penser que la volonté générale n’est finalement que la volonté du plus grand nombre, de la majorité et dans ce cas, quand on appartient à la minorité, on pourrait voir la volonté générale comme une convention qui légitime en quelque sorte le fait. Les plus nombreux sont les plus forts, et les moins nombreux sont les plus faibles, subissant la volonté des forts. Et chacun est contraint, quelque soit sa position, de se plier à la volonté souveraine. Dès lors, si on renonce à la loi du plus fort, on peut aussi renoncer au droit du plus fort, qui ne fait que faire apparaître ce qui est , comme ce qui doit être, que légitimer le fait. Aussi on peut se demander si renoncer à la loi du plus fort, c’est nécessairement, inévitablement se soumettre à la volonté générale. C’est donc du problème de la réalité de la rupture entre le fait et le droit dont nous allons traiter, si le droit s’oppose au fait en appartenant à tout autre ordre en théorie, s’y oppose-t-il vraiment dans les faits, en pratique? Se poser cette question, c’est présupposer que dès qu’il y a vie en société, on ne peut que se soumettre à des lois et à un pouvoir souverain vu comme coercitif. Nous demanderons donc si refuser le fait, ce n’est pas inévitablement accepter le droit et la volonté générale, si le droit ne peut pas être qu’une légitimation du fait et si se soumettre est vraiment la seule solution que nous ayons pour vivre ensemble .

  1. le fait ne fait pas le droit

    1. la loi du plus fort, c’est une loi de la nature, une loi de l’état de nature, pré-civil ; 2. si les hommes ont accepté de se soumettre à un État et à des lois c’est pour échapper à la violence de cette loi ( Hobbes); 3. c’est aussi parce qu’ils voulaient rester aussi libres qu’auparavant ; Rousseau et le système du contrat social, on tout en obéissant à tous, je n’obéis à personne et à moi-même, système démocratique

  2. le droit n’est souvent qu’une légitimation du fait, critique de la démocratie

    1. la volonté générale n’est que la volonté de la majorité; 2. la loi est l’expression des faibles réunis ( Calliclès) ou des forts ‘ Pascal, Marx) vécu comme une force subie; 3. La loi s’impose, l’Etat se caractérise par un pouvoir coercitif ( bien que légitime), le particulier est sacrifié pour le général, l’individu nié par le citoyen

  3. peut-on ne pas se soumettre?

    1. ( la solitude ou) ,la solution anarchiste, libertarienne et leurs limites éventuelles( anthropologie irréaliste, conditions d’applications limitées et compromises à long terme); 2. faire en sorte que la volonté générale soit ce qu’elle doit être : définition de Rousseau, d’où liberté au sens d’autonomie, et ses limites; 3. Solution : contenir le pouvoir de l’État et faire en sorte que la démocratie fonctionne ( Tocqueville)

 ( ou 3,2 et finalement 1, tout État étant opposé à la liberté et à l’individu, tout dépend ce que vous pensez!!!)

Est-il vrai qu’il n’y a pas de bonheur intelligent?

Est-il vrai qu’il n’y a pas de bonheur intelligent ?

 L’intelligence s’oppose à l’instinct. Elle est d’abord par opposition aux tendances innées et naturelles, l’ensemble des facultés de connaissance et leur usage: la conscience, l’imagination, la mémoire, le jugement et le raisonnement. En ce sens l’intelligence semble pouvoir être un obstacle au bonheur, au sens de satisfaction de tous nos désirs, qu’elle vient empêcher en nous rappelant nos insatisfactions, ce que nous sommes. On dit du savoir qu’il rend triste. Mais l’intelligence, dans un sens plus pratique, c’est aussi la faculté d’adaptation, de s’adapter et d’être adapté. Etre intelligent, c’est alors se donner les bons moyens pour atteindre nos fins ou adapter les fins aux moyens. Et en ce sens l’intelligence semble pouvoir être un moyen de parvenir au bonheur qui présuppose un accord entre le monde et nos désirs, entre notre nature et nos désirs, entre nos moyens et nos buts. L’intelligence semble pouvoir nous aider à favoriser cet accord en adaptant nos désirs au monde ou en adaptant le monde à nos désirs. Et d’ailleurs que vaudrait un bonheur sans intelligence, d’ignorants. Aussi on peut se demander s’il est vraiment vrai qu’il ne peut y avoir de bonheur intelligent. C’est donc du problème de la compatibilité du bonheur et de l’intelligence, de la place de l’intelligence dans les conditions nécessaires et suffisantes à la réalisation du projet qu’a tout homme d’être heureux et de l’existence même de ces conditions dont nous allons traiter. Poser ce sujet et soulever ce problème, c’est présupposer que le bonheur est la fin des fins et que l’intelligence ne peut être pensé qu’en terme de moyen pour atteindre cette fin. Nous nous demanderons donc si l’intelligence n’est pas au premier abord un des nombreux obstacles au bonheur, si pour autant elle ne peut pas aussi être un des organes du bonheur en tant que faculté d’adaptation, et si finalement l’intelligence même n’est pas de renoncer au bonheur.

I. l’intelligence comme obstacle au bonheur : l’animal insouciant attaché au piquet de l’instant, l’imbécile heureux contre les tourments de la « belle âme ».
– qui dit intelligence, dit conscience, or la conscience est d’abord conscience malheureuse de notre mortalité, de notre finitude, de notre imperfection ; redoublée par une conscience morale castratrice, exigeante, qui fait que nous ne sommes jamais moralement satisfaits de ce que nous sommes, ou qu’on peut (ou même doit moralement) préférer la vertu au bonheur (selon Kant). C’est cette même conscience qui fait que nous sommes des êtres de désir ( conscience d’u appétit ou d’un manque) et que nous nous exposons à souffrir, l’animal, qui, lui, ignore le désir et ne connait que le besoin, peut connaître la satisfaction.
– qui dit intelligence, dit savoir d’où connaissance de la nature illimitée du désir vu ses sources, d’où inquiétude, mais aussi connaissance de la futilité de certains plaisirs ne correspondant pas à ce qui m’est réellement utile en tant qu’être humain, pensant. On ne peut se contenter de plaisirs futiles pourtant peut-être plus accessibles ; être intelligent, c’est avoir des désirs à la hauteur de notre intelligence, source de nouvelles frustrations : L’histoire du bon bramin de Voltaire, où le savant toujours insatisfait de ce qu’il sait et attristé par ce qu’il sait, est opposé à la vieille bigote qui se contente de ce qu’elle a et de croire en Dieu ). Le savoir peut donc lui-même être frustrant, car même si acquérir des connaissances est source de satisfaction, le savoir n’est jamais acquis définitivement, ni certain, ni complet. On ne peut tout savoir et peut-être rien savoir, si par savoir, on entend posséder des vérités éternelles et universelles.
C’est aussi savoir ce qu’est le monde, qu’il obéit à un ordre qui ne dépend pas de moi en partie ou totalement, donc je sais en même temps qu’il vaut « mieux changer ses désirs que l’ordre du monde » comme le soutenait Descartes, après les stoïciens. Ce qui peut-être un moyen sage de ne pas être déçu, une voie pour être heureux, mais aussi très frustrant et source de souffrance. C’est savoir que je ne pourrai pas satisfaire tous mes désirs. C’est enfin savoir que si je suis heureux, d’autres souffrent, ce qui peut m’attrister et altérer mon bonheur.
TR : Donc il semble qu’on ne puisse pas être intelligent et heureux en même temps, et qu’il soit vrai qu’il n’y ait pas de bonheur intelligent. Mais sans conscience, pas de sentiment de bien-être clairement identifié, l’ignorance de soi et de ce qu’est le monde et le bonheur ne peut-elle pas être un obstacle plus grand encore au bonheur?

II. l’intelligence comme organe du bonheur et le bonheur comme adaptation : sans aller peut-être jusqu’à la position d’Aristote, pour qui c’est l’activité « la plus élevée », celle où « l’esprit occupe la première place », l’activité contemplative, la connaissance qui peut seule amener au bonheur, car elle seule est libre, accessible et pleinement conforme à notre nature, on peut montrer que l’intelligence peut aider à être sinon heureux du moins à être moins malheureux :
-le savoir de ce qui nous entoure nous permet de relativiser nos malheurs et de donner encore plus de prix aux moments de joie plaisir.
– selon Epicure, le savoir peut détroubler l’âme car ses troubles viendraient du fait qu’elle se représente mal les choses et donc de l’ignorance. Ce n’est donc pas le savoir mais l’ignorance qui trouble principalement l’âme et qui fait que l’on court après un faux bonheur. Ici on peut s’appuyer sur les analyses d’Epicure sur les Dieux, la mort et les désirs. Le bonheur au sens d’ataraxie est possible à celui qui sait s’adapter à sa nature et à la nature. – l’intelligence, la raison peut être au service du désir pour nous aider à avoir des désirs authentiques, centraux et un plaisir possible comme le suggère Spinoza. Là encore il s’agit de comprendre qui nous sommes, de s’adapter à ce que nous sommes, d’avoir des désirs adaptés à notre nature.
-certes il y a un ordre du monde, mais grâce au savoir scientifique et ses applications techniques, on peut comme le disait Descartes devenir « comme maîtres et possesseurs » de la nature et donc répondre mieux à nos besoins et désirs, même si le progrès technique en créant de faux besoins nous empêche d’arriver à satisfaction ou nous fait croire que le bonheur est dans la consommation, l’avoir et le désir matériel
-Donc on peut penser l’intelligence comme une condition nécessaire du bonheur d’autant plus qu’on peut penser qu’un bonheur sans intelligence serait indigne de nous : Comme le montre l’Histoire du bon bramin de Voltaire, même si on peut reconnaître que le savant n’est pas plus heureux que la vieille bigote ignorante de tout qui ne s’interroge sur rien, selon Voltaire, il semble difficile voire impossible d’ « accepter le marché de devenir imbécile pour devenir content » même si « c’est être très insensé » que « de préférer la raison à la félicité ».
TR : Mais est-ce pour autant une condition suffisante ?

III. Une condition nécessaire mais insuffisante,
– il faut bien avouer qu’en matière de bonheur les mêmes causes ne produisent pas les mêmes effets, car si on a tous à peu près la même conception de la forme du bonheur (plaisir et/ou plénitude) le contenu et donc les moyens d’y parvenir sont très différents. Ce qui fait le bonheur des uns, ne fait pas forcément celui des autres ; il est donc bien difficile de dire ce qui est vrai ou faux en matière de bonheur et il est même dangereux d’affirmer qu’il y a des recettes pour être heureux, une ligne de conduite à adopter pour être heureux. Le bonheur doit rester une affaire privée.
– l’étymologie souligne aussi l’idée de bon-heur, idée de chance, que l’intelligence ne peut qu’au mieux favoriser mais pas garantir
– l’intelligence ne peut nous garantir qu’un bonheur négatif, l’ataraxie, pas ce bonheur qui est comme le dit Kant cet état de satisfaction totale, on est donc loin de l’ « idéal » de notre imagination, même avec l’intelligence.
– la vraie intelligence est peut-être de renoncer au bonheur pour d’autres buts plus adaptés à notre nature : on peut vouloir autre chose que d’être heureux , soit parce qu’être heureux ferait finalement notre malheur ( Rousseau, « le gros plein d’être » de Sartre), soit parce que le bonheur n’étant qu’un idéal de l’imagination, il est vain et déraisonnable de viser un inaccessible, il vaut mieux lui préférer le plaisir ou la joie, c’est ce que propose Spinoza avec son éthique de la joie et à ce moment là l’intelligence joue un rôle essentielle pour accéder à cette satisfaction : compréhension de la nécessité, de notre nature et orientation du désir vers des objets dignes de ce désir, utiles.

 

AUTRE APPROCHE POSSIBLE

en exploitant encore plus l’ensemble des termes du sujet 

et en paticulier les différents sens d’intelligence

 

  • vrai: critère de la cohérence : les définitions du bonheur et de l’intelligence semblent en effet contradictoiresplaisir total et permanent peut sembler en effet être en contradiction avec la faculté de raisonner et de réfléchir – être conscient , retour sur ce dont on a conscience et conscience de soi : conscience réfléchie = conscience malheureuse, conscience morale culpabilisante et opposant aux désirs du corps, des aspirations plus hautes, des devoirs), prévision, anticipation; connaissance des choses de leur impermanence, de leur insuffisance, du temps… A l’opposé, le plaisir exige un certain abandon et un plaisir total, l’absence de toutes réserves, limites, retenues…Le contraire de l’intelligence à savoir la bêtise ( absence de bon sens et de jugement ou même agir comme la bête, chez laquelle l’instinct, connaissance innée des choses et des besoins, rend superflue l’intelligence), l’inconscience , l’ignorance semblent plus favorables au bonheur , car on s’abandonne au plaisir dans l’ignorance de sa pauvreté , de sa précarité, etc.. on attend à la mesure de l’instinct, avec l’adaptation de celui-ci à la nature, et prisonnier de l’ici et maintenant, sans mémoire, ni anticipation, tout à son plaisir . Imbécile heureux ou animal attaché au piquet de l’instant protégé des dangers de l’incapacité à oublier selon Nietzsche. Que l’intelligence soit un obstacle au bonheur, comme le suggérait le sujet, semble donc bien cohérent et donc vrai. ( contre-argument de Nietzsche: « parmi toutes les variétés de l’intelligence découvertes jusqu’à présent. L’instinct est de toutes la plus intelligente », dans Par delà le bien et le mal.)
  • Mais l’intelligence n’est qu’un obstacle parmi d’autres ( satisfaction totale d’ailleurs impossible) et elle est peut-être celui qui permet de lever les autres pour atteindre une forme de bonheur peut être le fait de ne pas souffrir, d’éviter le déplaisir en discernant les désirs et les choses et de pouvoir goûter les plaisirs qui se présentent ou rechercher ceux qui peuvent véritablement combler.
  • vrai : critère de la correspondance : accord entre l’idée et la réalité: si en théorie, bonheur et intelligence semblent contradictoires, du autre côté, il ne peut y avoir de sentiment de plaisir et de satisfaction sans conscience, c’est l’intelligence qui rend possible et réelle une forme de bonheur, car être intelligent, c’est donc discerner donc distinguer ce qui est bon pour moi de ce qui ne l’est pas ( ce qui est bon pour moi ( Spinoza)), ce qui dépend de moi de ce qui n’en dépend pas ( sagesse stoïcienne et épicurienne), ce qui est à craindre ou non (Epicure)ce qui est à la hauteur de notre humanité ou ne l’est pas ( Voltaire et l’histoire du bon bramin) et c’est aussi s’adapter ( intelligence fabricatrice)
  • on peut penser cependant que la vraie intelligence est de renoncer au bonheur ( au sens de plaisir total et permanent) pour d’autres buts plus adaptés à notre nature : on peut vouloir autre chose que d’être heureux , soit parce qu’être heureux ferait finalement notre malheur ( Rousseau, « le gros plein d’être » de Sartre), soit parce que le bonheur n’étant qu’un idéal de l’imagination, il est vain et déraisonnable, donc peu intelligent, de viser un inaccessible, il vaut mieux lui préférer la joie que procure l’exercice du jugement et la connaissance en soi ( vie contemplative selon Aristote) ou la création qu’on peut aussi associer aussi à l’intelligence, au sens d’intelligence fabricatrice comme la qualifie Bergson ou la poursuite de la vertu.

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