D’autres vies que la mienne, ou l’espoir d’une vie meilleure

Une entreprise pareille, c’est magistral. Quand le malheur n’est plus qu’un détail, que reste t- il, derrière, de plus grave et de plus terrifiant ?

Il faut d’abord s’attarder sur ce titre, qui est aussi sublime que le reste de l’ouvrage. D’autres vies que la mienne, quand une des plus belles plumes françaises se met au service de l’humanité, quand la littérature se fait protectrice des causes perdues, ou que l’on considère comme telles. L’auteur s’efface devant des évènements qui semblent le dépasser mais qu’il raconte avec une sincérité presque déroutante. Jamais de comparaisons, jamais de références, juste les faits, les terribles faits, que le lecteur prend de plein fouet, comme giflé par tant de réalité.

Quand la vie se fait plus déchirante que jamais, il reste la littérature.

L’écriture d’Emmanuel Carrère – car c’est avant tout cela qui frappe en premier – se distingue – tout comme celle de Jonathan Coe – par sa fausse simplicité. On nous conte des faits, rien que des faits, des vies déchirées du jour au lendemain, mais en vérité cette effrayante neutralité oblige le lecteur à se glisser d’autant plus fermement dans le corps de ces gens que la vie a condamnés à souffrir. Et cette étrange proximité que l’auteur installe entre les personnages décrits et le lecteur exacerbe ce jeu de miroir qui pose sans cesse les questions : qui es-tu ? n’est-ce pas toi que je décris ?

Mais Emmanuel Carrère est surtout passé maître dans l’art de conter des histoires, comme il l’avait déjà prouvé avec L’Adversaire, quelques années auparavant. Finalement, le roman prend une nouvelle forme, et ne sort que plus fort d’une expérience réelle, quand la limite en réalité et fiction n’est plus qu’un point de détail. L’intrigue – si on peut nommer cela de la sorte – joue habilement avec cette limite éphémère.

On ne sait pas ce qu’il faut retenir de cet ouvrage, tant il fourmille de moralités diverses. Bien entendu, il pose un doigt fin et discret sur le drame dans sa généralité et interroge : comment se reconstruire ? Que peut-on faire pour quelqu’un qui a tout perdu ? Mais le récit délivre surtout un message d’espoir, sans se laisser piéger dans des considérations incongrues et ridicules, sans jamais sombrer dans la fatuité, sans jamais ennuyer, mais en jouant habilement avec les sentiments du lecteur, tour à tour fasciné et dérouté. Tant de fois, l’auteur est déstabilisé, se sent d’une inutilité flagrante et on comprend alors pourquoi il alterne dans son récit la douceur – représentée par l’amour, la chaleur du foyer, la famille, la gloire – et la violence – symbolisée par la mort, la tristesse, la peur. L’amour n’est non plus cette saveur abstraite qu’on goûte par petites pointes, ni ce sentiment enviable entre deux personnages attachants, mais l’amour est bien un esprit contrasté, magnifique d’un côté, mais aussi terrible de l’autre, de par l’obligation qui lie ces personnes à partager le malheur de l’autre, à vivre, certes, des moments privilégiés, mais aussi à souffrir avec l’autre, amplifiant ainsi la véracité des sentiments qu’on lui porte.

Mais ce récit, s’il évoque le malheur, ne le conçoit qu’à travers les yeux d’un « rescapé ». La fragilité du bonheur est donc perçue comme une fatalité qu’il faut accepter, mais aussi qu’il faut prendre en compte. Et le lecteur, bien installé dans sa vie confortable au regard des atrocités qu’elle inflige aux autres, est ébloui par l’impressionnante sagesse qui se dégage de ce roman.

Il est aussi question de justice, cette justice qu’on veut toujours plus égalitaire, toujours plus à la portée de tous. Et cette galerie d’innocents magnifiques qui viennent plaider pour leur cause ne peut qu’enthousiasmer le lecteur, pris dans le valeureux tourbillon de la probité. L’auteur semble, de par ses explications très pointilleuses et pourtant très claires, vouloir se débarrasser, sous l’influence positive d’Etienne Rigal, d’une justice exsangue et anémique.

Si l’on ressort de cette lecture changé, le bouleversement ressenti n’est en fait que le fruit du dérangement causé par l’effort que l’on doit faire pour admettre que le bonheur est sous nos yeux et que les moindres aspects de la vie, ceux qui nous paraissent anodins et quotidiens, constituent en vérité l’essence même de ce bonheur dont on ne peut mesurer ni la taille ni l’ampleur. Sans doute le meilleur récit de cette dernière rentrée littéraire, Emmanuel Carrère nous offre une perle de la littérature, dont la force réside dans la parfaite maîtrise du sujet, une forme originale. Et surtout une sensibilité exceptionnelle, comme une goutte d’eau qui cristallise aux premières lueurs du jour.

Axel Maybon, première 611, lycée Barthou

La Pluie, avant qu’elle tombe ou Vivre à en mourir

Jonathan Coe est un artiste. Son livre n’est pas seulement un roman extraordinaire, c’est aussi – et surtout – un condensé d’art. En effet, on lit ce livre comme on écoute un prélude de Rachmaninov : avec émerveillement et respect ; comme on contemple une toile de Mondrian : avec bonheur et réflexion ; comme on observe la Pietà de Michel-Ange, ou la Vénus italique de Canova : avec émotion et admiration.

Mais Jonathan Coe étonne aussi par sa parfaite maîtrise de la construction. Son roman est complexe et examine avec exactitude tous les recoins de la nature humaine, et c’est par la construction que tout passe. Il n’est pas sans rappeler un maître d’Outre Atlantique, John Irving qui, comme lui, sait construire un roman comme un édifice magnifique, sans pour autant en devenir alambiqué.

La fausse candeur de l’écriture de Jonathan Coe amène celui-ci à tromper parfois le lecteur qui, passionné par cette histoire magnifique qui s’attache à décrire l’abnégation et le poids terrible du temps, en oublierait presque l’impressionnante sagesse qui se dégage de cet ouvrage. Car toutes ces photos que décrit cette femme au destin tour à tour terrible et sublime sont autant de pierres qu’elle a semées tout au long de sa vie pour retrouver, le moment venu, l’immortel bonheur de l’enfance.

Un roman sensationnel, donc, mais aussi une grande bouffée d’air frais, chamarré des magnifiques couleurs de la nostalgie. Un livre qu’on ne dévore pas, mais dont on se délecte comme on le ferait d’un plat rare et exquis qu’on nous servirait sur un plateau d’argent. Au final, Jonathan Coe nous apprend que le temps n’est rien d’autre qu’une insupportable succession d’images devant lesquelles on ne peut que se pâmer lorsque vient le moment de la douce dépression qu’on a coutume d’appeler vulgairement la mort.

Axel Maybon (Barthou – première 611)

Compte-rendu de la rencontre littéraire du 09 mars 2010 au lycée Barthou

Présentation des nouveaux membres du comité de lecture, Lisa et Manon, élèves de seconde et un professeur de STG. Puis présentation des partenaires du comité, la bibliothécaire d’Intermezzo et l’animatrice culturelle du Parvis3.

Zoom sur quelques extraits de la rencontre …

L’enthousiasme de Delphine démarre la séance sur l’erreur est humaine de Woody Allen.

Nous étions 19 et 10 personnes avaient lu le livre.

Delphine : «Je l’ai lu deux fois, je me suis éclaté»

Intermezzo : «Alors moi c’est bien simple, il m’est tombé des mains, je n’ai pas compris ni ce qu’il fallait lire, ni ce qu’il fallait en tirer»

Delphine : «Moi je me suis rapportée au titre. Par exemple pour la nouvelle des déguisements je me suis dit que effectivement, l’erreur est humaine.»

Professeur : «Les rares fois où j’ai souri en lisant le livre, c’est quand j’imaginais Woody Allen le dire. Là, j’ai lu des sketch des années 50 à jouer et non pas à lire».

Pauline : «Moi je n’ai pas relu le livre depuis longtemps, mais je ne comprends pas pourquoi vous dites que les sketchs sont des années 50.»

Professeur : «Je faisais référence aux débuts de Woody Allen. Ça n’a pas évolué depuis.»

Doriana : «J’ai beaucoup aimé la première nouvelle parce que c’était vraiment absurde. J’ai beaucoup ri en lisant l’histoire d’un enfant qui rate sa vie parce qu’il n’est pas accepté dans une grande école maternelle!»

Axel : «La meilleure pour moi est celle du cinéma. Allen joue vraiment sur l’absurde. C’est peut-être là où c’était censé être drôle.»

Professeur : «De toute façon, le rire est spontané ça ne se contrôle pas»

Documentaliste : «Et l’écriture, qu’en avez vous pensé?»

Delphine : «Oh la la… il écrit bien…»

Documentaliste : «Peut être que si nous n’avons pas apprécié c’est que nous avons un problème avec l’écriture»

Pauline : «En fait, j’ai lu le livre il y a longtemps, et une nouvelle m’a marquée, c’est celle du matelas. Vous avez aimé?»

Intermezzo : «De quoi ça parle?»

Doriana : «En fait c’est une histoire complètement délirante sur des matelas qui ne peuvent être vendus si quelqu’un d’autre que l’acheteur a arraché l’étiquette.»

Parvis : «Je vous écoute parler et ça me fait vraiment penser à Tout ce que avez toujours voulu savoir sur le sexe, un ensemble de sketchs de Woody Allen avec des spermatozoïdes aux dialogues complètement absurdes ; du genre «ne marche pas sur mon flagelle» ou autre.»

Professeur : «Oui ben là c’est pareil, c’est fait pour être joué pas pour être lu. Parce que lire «ne marche pas sur mon flagelle».. bof…»

Documentaliste : «Pour élargir, toujours dans l’absurde, j’ai ici un autre ouvrage mais que j’ai aimé cette fois! Il s’appelle Sans nouvelles de Gurb et il est d’ Edouardo Mendoza.»

Jan Karski de Yannick Haenel

Lisa : «J’ai beaucoup aimé. Ce livre m’a appris beaucoup de choses sur la seconde guerre mondiale.»

Axel : «J’ai aimé parce que polémique».

Camille : «J’ai bien aimé parce que j’ai eu l’impression de voir un documentaire».

Elsa: «Moi aussi j’ai bien aimé sauf la partie 3».

Documentaliste : «Je rappelle que la partie 1 est un résumé du film Shoah de Claude Lanzmann, la deuxième résume elle le livre qu’à écrit Jan Karski et la partie 3 est une fiction de Yannick Haenel».

Axel: «Lanzmann a détesté le livre. Il a trouvé que Haenel n’avait pas du tout compris le film et qu’il déformait tout.»

Parvis : «Je suis tombée sur un article du Monde. Il dit que le roman ne correspond pas tout à fait à ce que Karski avait écrit.»

Professeur : «Oui mais Karski dit lui même qu’il a dû s’auto-censurer».

Intermezzo : « L’histoire est forte, il y a des éléments historiques très importants ainsi que des idées sur l’humanité. S’il n’y avait eu que de la fiction, je pense que nous aurions été happé par le personnage.

Documentaliste : «Je trouve que cette présentation est une forme de respect.»

Intermezzo : «Oui sans la troisième partie, cela aurait été trop dur.»

Documentaliste : «Dans le film, Karski se lève et sort du champ. C’était trop difficile pour lui de témoigner. Lanzmann filme alors un fauteuil vide. Et selon Haenel, c’est ce silence qui veut tout dire et c’est ce silence qui lui a donné envie d’écrire sur Jan Karski. Il a voulu expliquer ce qu’avait pu ressentir Jan Karski pendant tout cette période de retrait et de silence. Il a cherché à comprendre comment un homme peut supporter un tel fardeau».

Pauline: «De quel fardeau parlez vous?»

Intermezzo : «Il n’a pas réussi à convaincre les nations alliés de stopper ce génocide.»

Documentaliste : «L’accusation monte en puissance dans la troisième partie qui dénonce la mauvaise volonté des alliés.»

Professeur : «.. ce qui remet en question notre vision de l’histoire…»

Documentaliste : Dans un tout autre genre, vous pouvez faire l’expérience littéraire de lire le précédent livre de Yannick Haenel, « Cercle », un livre difficile mais qui peut être considéré comme une véritable œuvre d’art.

Ambre Andrieu-Reffait (601)

La prochaine rencontre aura lieu le mardi 30 mars 2010.

Autour de « D »autres vies que la mienne » d’Emmanuel Carrère et de « La Pluie avant qu’elle tombe » de Jonathan Coe.

Trois femmes puissantes, une déception non dissimulée …

Marie NDiaye n’est pas dénuée de talent. Sa prose est limpide, pleine d’images et d’analogies intéressantes. Son récit est dur et poétique.

A vrai dire, lire ce livre m’a fait le même effet que manger un fruit un peu rance. Au début, lorsqu’on mord avec vigueur dans ledit fruit, on est transporté par son goût arrivé à maturité, une explosion de saveurs qui nous rappellent des vergers aux arbres multicolores,  dont les branches ploient sous le poids des fruits, cette grande littérature, loin des écrits des académiciens avariés qui pensent écrire comme un Chateaubriand, la littérature la plus pure, ces phrases recherchées  qui – oh miracle – se révèlent avoir sens. Ensuite, on commence à sentir cet arrière goût étrange qui nous rappelle l’odeur du vieux papier, les reliures en cuir poussiéreuses, en fait, ce sont ces phrase démesurément longues, aux virgules foisonnantes, dont on ne voit pas le bout, ce sont ces introspections outrancières, qui cachent peut être une réflexion un peu trop légère et  qui commencent à déranger notre palais de lecteur affamé. Enfin, au bout d’un temps indéfinissable, on pousse un hurlement d’horreur et de dégoût – que plus tard on pourra regretter – certains termineront leur bouchée, plus par obligation que par envie, d’autres recracheront tout sec, sans plus de manières, ils fermeront le livre, définitivement, et ils attendront peut être le prochain Goncourt pour se réconcilier avec la littérature.

Le sujet traité est plus qu’intéressant : il est critique. L’auteur le sait mais n’écrit pas en conséquence. S’attaquer à un tel thème implique une prise de risque de la part de l’écrivain qui n’est pas assez marquée ici. Par un mot prononcé Marie NDiaye sait déclencher ces polémiques – nous ne nous arrêterons certes pas sur un sujet d’une telle superficialité lorsqu’on sait jusqu’où la bêtise humaine, et surtout en politique, est capable de nous mener – et, avec une habileté remarquable, elle réussit à passionner l’opinion publique. Très bien, mais pourquoi avoir été si douce dans son roman ? Certes, d’aucuns diront que cette apparente douceur, cette affabilité même, cache en fait un couteau plus tranchant que jamais. Mais de quoi avoir peur ? Si l’écrivain ne critique pas avec cette violence détournée qui lui est propre, autant qu’il change de métier.

On s’attend tout de même à un récit plus profond qu’un simple texte scolaire, à une plongée dans la critique au venin de serpent, à une fine analyse de notre monde en perdition. Et ce livre fait l’effet d’un roman dans lequel l’auteur ne semble s’épancher que sur la beauté de son propre livre, en disant « Regardez mon chef d’œuvre ! ». Un âpre mélange, comme on l’aura compris, « stendhalo-dostoïevskien ».

Mais Marie NDiaye ne mérite pas un jugement qu’on pourrait dire trop sévère. Son récit transpire le réalisme mais on ne peut vraisemblablement se plonger dans son récit qu’avec des efforts surhumains. Elle choisit les bons mots mais, malheureusement, elle ne captive pas le lecteur. On dirait presque qu’il ne peut pas atteindre la hauteur de sa réflexion, et c’est pourquoi elle se permet d’étendre sur plusieurs pages ces détails anodins. Tout en admirant cette écriture, on peut tout de même lui reprocher de ne pas être assez… acerbe. Et lorsqu’on ferme enfin le livre et que les frissons de la grande littérature ne nous viennent pas, on pousse un malheureux soupir, synonyme d’une déception non dissimulée, pour retourner, résignés et inchangés, à cette vie sans saveur.

Axel Maybon (Lycée Barthou – 611)

Compte rendu de la rencontre littéraire du 12 Janvier à Barthou

C’est dans un CDI tout neuf que s’est réuni la première rencontre littéraire de l’année. Dans une ambiance agréable, le comité a pu débattre au sujet de deux livres: Les jours, les mois, les années (JMA) de Yan Lianke et Trois femmes puissantes de Marie Ndiaye.

Notre documentaliste ouvre la séance avec un «tour de table» où chaque membres expose ses lectures respectives. Le débat s’oriente alors vers  Les jours, les mois, les années. En voici quelques extraits …

Eugénie: «L’histoire est assez simple, on se laisse facilement porter»

Selma: «J’ai plutôt trouvé ça ennuyeux, que ça manquait d’action, l’histoire ne m’a pas du tout touché!»

Yolaine: «Je trouve que ça manque effectivement d’action et l’histoire ne m’a pas du tout touché»

Pauline: «Ah non! Vous pouvez pas dire qu’il y a pas d’action! Attends, il y a le moment avec les loups et tout…»

Yolaine: «Non… Il y a pas d’action»

Mme Slimani: «S’il n’y avait pas d’action, c’était volontaire. N’oubliez pas le titre: Les jours, les mois, les années…

S.Riou: «Je l’ai lu deux fois et j’ai remarqué la présence de la symbolique des chiffres. Le chiffre 9 qui symbolise le couronnement des efforts (la 9ème feuille, la rencontre avec 9 loups). Le chiffre 7,qui,chez les égyptiens, symbolise la vie éternelle.

Selma: «Oui en plus, l’éternité est bien présente puisque même dans sa tombe (désolée je raconte un peu), il est quelque part encore vivant»

S.Riou: «Oui en effet, il est impossible de l’exhumer à cause des racines qui enroulent le corps, l’herbe pousse là où il est enterré et nulle part ailleurs»

Mme Pariente: «Ce langage est vraiment très poétique, cela ajoute des qualités au roman, à la fable même»

S.Riou: «Nous pouvons même apparenter ce texte aux haikous, courts poèmes asiatiques, touchant la nature. J’ai remarqué également le côté synéstésique du roman: «L’aïeule entendait le crissement des rayons qui se retiraient comme un pain de soie». Nous avons bien la présence de l’ouïe mais également de la vue. Ce livre est une petite œuvre d’art.»

Pauline: «Moi, il m’a trop touché ce livre! J’ai pleuré le soir, et le lendemain soir aussi!»

Selma: «Ah non moi pas du tout»

Le débat s’oriente alors sur Trois femmes puissantes

Axel: «Alors moi j’ai pas du tout aimé, je l’ai trouvé indigeste, les phrases sont infiniment longues, je trouve ça ignoble! En plus c’est plein de passages inintéressants, alors bon…»

S.Riou: «Moi j’ai bien aimé le sujet de ce livre qui est en fait ‘la force des faibles’ puisque ce sont trois femmes pauvres qui se battent pour obtenir ce qu’elles veulent»

Mme Pariente: «Malgré l’impression que l’on a que le monde est accablant et ce côté lourd dans l’histoire, j’ai adoré, j’ai beaucoup ressenti cette ‘force des faibles’ ainsi qu’une grâce féminine dans l’écriture.»

S.Riou: «Oui, ce roman est lourd notamment par la présence de certains sentiments comme la culpabilité; la chaleur étouffante qui nous oppresse aussi mais c’est aussi une preuve du talent de Marie Ndiaye. L’auteure nous fais descendre dans le désenchantement, ces trois manières de raconter dans trois chapitres différents à tendance à nous déboussoler. Marie Ndiaye maîtrise parfaitement la langue: le roman commence par «Et celui que(…)» Comme si nous prenions l’histoire en cours de déroulement. La qualité de l’écriture est tout de même très élevée et je pense que c’est ce qui lui vaut ce prix Goncourt.»

Sur ces mots, la sonnerie de Barthou retentit.

La prochaine rencontre littéraire aura lieu le 9 mars.

Ambre Andrieu (601)

Autobiographie ?

Quelques repères pour s’interroger sur l’autobiographie -: « Ai-je vécu cela ou suis-je en train d’effectuer une reconstitution historique de moi-même », c’est ce que nous propose F. Beigbeder. En chasseur de fantômes ou détective de soi-même, il nous entraîne dans une succession de clips et dans un catalogue de lectures  dignes d’une dissertation…Quelques passages échappent à cette relative platitude comme la narration de son arrestation …

Et puis, nous voilà entraînés vers des sites que nous connaissons bien : la villa Navarre, la côte basque…Hormis ces quelques moments, si comme nous le suggère l’auteur  » la littérature c’est entendre une voix humaine », cette voix que nous entendons n’a pas une tessiture exceptionnelle…

Un conte à la « Gabriel Garcia Marquez »

Même si l’on a parfois l’impression de poncifs avec un saupoudrage de l’idée d’Amérique latine – Dictateur, anciens nazis, machisme… – les élans poétiques et la « crudité » du discours forment une alchimie qui donne à cette fable tropicale une portée universelle.

Sorte de conte  mythologique où  jaillit l’espoir de la « rue de l’avenir » ,  même si la mort rode… De beaux portraits de femmes…

On ne peut s’empêcher en lisant ce livre de penser aux grandes envolées baroques de Gabriel Garcia Marquez, comme un hommage sous-jacent à ce grand écrivain . Pas étonnant, puisque Veronique Ovaldé l’a connu…C’est un livre magnifique, ma découverte de l’année…Jetez- vous sur lui avec délectation !

Compte-rendu première rencontre

Comme chaque année, décembre rime avec comité lecture (avec foies gras et magrets aussi mais cela est un autre sujet). Ainsi, nous nous sommes réunis autour des tables du CDI, le vendredi 18 decembre 2009 afin de débattre sur les deux premiers livres de la sélection , à savoir Une année étrangère de Brigitte Giraud et Ce que je sais de Vera Candida de Véronique Ovaldé .
L’été n’ayant pas changé notre chère documentaliste, elle nous a bien sûr proposé de débuter par le plus « facile » à savoir celui de Brigitte Giraud . C’est donc avec un grand empressement que certains élèves ont commencé a discuter sur ce livre:
« C’est plat ,il ne se passe rien. » « Elle raconte sa vie quoi… »les critiques fusent et la pauvre Brigitte voit son livre réduit à du blablabla …
Parmi le vacarme sonore des critiques surgit alors « Est ce que c’est une autobiographie? » Question intéressante puisque plusieurs d’entre nous ont eu l’occasion de rencontrer l’auteur.
Plus ou moins (c’est toujours plus ou moins nous a fait remarquer Mme Hardy),l ‘auteur est bien allée en Allemagne mais la mort de son frère reste un mystère (question trop délicate à poser). Cette notion d’une histoire réelle est confirmée par une professeur qui dit avoir bien reconnu l’Allemagne dans la description effectuée (cela est sans doute dû au nombre de bières ingurgitées par les adultes tout au long du récit).
Il est tout de même notable que le point de vue face à une langue étrangère est pour le moins intéressant(et cela tous le monde l’a constaté, mis à part peut-être, ceux qui, faisant preuve d’un courage débordant se sont arrêtés à la centième page). L’impossibilité à nuancer ses paroles, la subtilité de la langue qui lui échappe font que finalement cette jeune fille disparaît peu à peu derrière cette langue (même si en même temps cette dissimulation l’arrange). Et bien sûr la surprise finale : le père parle français . Il y a donc un regard sur la langue assez intéressant , d’autant plus que nombreux furent ceux qui trouvèrent le style de l’écrivain « mauvais » manquant de subtilité justement ( n’y aurait-il alors pas un rapport entre ces deux faits?).
Se pose ainsi le problème de l’écriture . Est-ce vraiment l’écriture d’une adolescente de 17 ans? Difficile de juger. Selon vous, tous les adolescents de 17 ans écrivent de la même façon? Mais une chose est certaine il y a une remémoration des évènements . Vous allez me dire cela est inévitable dans l’autobiographie, seulement voilà, certaines personnes l’évitent mieux que d’autres et en l’ occurrence, on ne peut pas vraiment dire que Brigitte Giraud ait vraiment réussi à l’éviter.
La surprise finale du père qui parle français ne nous a pas laissés indifférents . Mais soyons clairs , dans cette histoire le père n’est pas le seul personnage original ,tous sont entourés d’un certain mystère, je pense notamment à la petite fille . Et plus d’un ont été déçus par le fait qu’à la fin du livre, on ne perce finalement pas tous les secrets de cette famille . Cependant c’est bien sûr l’attitude finale du père qui nous a le plus marqué. Les réactions face à cela furent nombreuses et variées : certains furent surpris et totalement déconcertés, d’autres s’y attendaient parce qu’elle prenait peu à peu la place de la mère . Ce n’est qu’une jeune fille de 17 ans, perdue et qui se demande ce que l’on attend d’elle ,diront ces premiers . Oui mais elle consent au comportement du père par une certaine passivité , et finalement elle se demande même si elle ne doit pas mettre la fameuse robe orange avant que le père n’arrive. Consentante ou non on assiste ici à une confusion des rôles entre fille et père et mère.
Malgré une écriture plate et un manque de rebondissement dans l’histoire (ce qui a pu provoquer un sentiment d’ennui chez certains), ce livre touche finalement tout le monde par le seul fait de répondre « oui,oui » alors que l’on n’a strictement rien compris.

C’est donc dans une ambiance fort conviviale que nous avons abordé Ce que je sais de Vera Candida de Véronique Ovaldé. Livre qui a séduit bien plus de monde que le précédent. Il faut dire qu’il n’a rien de comparable, se rapprochant du mythe, ce conte cruel ( qui est un conte « à l’ancienne » , et oui les enfants! , les contes ce n’est pas Walt Disney!) nous transporte dans un monde d’Amérique latine où misère et viols s’emmêlent de façon poétique . Les rapports entre Rosa et Vera qui sont en apparence très froids et rigides cachent une tendresse qui n’en est que plus forte . Mais le départ de Vera sans rien dire , va en interloquer plus d’un. Pourquoi est elle partie? Rose lui avait pourtant tout le temps dit que « les victimes sont les victimes » . Il y a donc eu un échec quelque part dans l’éducation de Vera , échec qui nous projette dans un cercle infernal .
Mais ce cercle infernal est d’autant plus vicieux qu’il se reproduit à l’insu des personnages. Ceux-ci se retrouvent alors victimes de leurs destin ! Mais il y a une rupture avec Vera qui, elle, a une emprise plus grande sur sa vie (cela est-il dû à son départ vers la ville et la civilisation? La question n’a pas été abordée )
Le rapport de Rose face à cette progéniture « non désirée » a marqué plusieurs de nos professeurs .
Mais quoi que l’on puisse dire, et bien que ce soit elle qui ait fait commencer à boire Violette , Rose n’est pas une mauvaise mère.
Bien que la plupart des critiques disent que ce livre renvoie une image négative de l’homme , le journaliste a le « bon rôle ». Il apparaît un peu comme l’espoir de mettre fin à ce cercle de viols et de sortir les femmes de leur statut on ne peu plus dégradant. Mais ce livre n’est t-il pas un peu catégorique? Tous les hommes non cultivés apparaissent comme des monstres, il n’y a donc pas déception?
Ce livre ne se finit pas bien mais il est plein d’espoir, il promet finalement un avenir meilleur pour les femmes . C’est comme un rayon de lumière qui vient éclairer l’obscurité de la ville (un peu comme les phares de la vespa du journaliste lorsqu’il attend Vera à la sortie de l’usine de nuit).
Et sur la sonnerie se finit ce premier comité lecture nous coupant en pleine réflexion philosophique sur la visée et la morale de cette histoire.

Marie Courbe

Histoires d’en rire

Témoignage de Mickey, enlèvement d’une doublure lumière en Inde, fils refusé par la meilleure école maternelle de Manhattan … Woody Allen renverse les situations, déclenche des catastrophes, fabrique des associations d’images et invente des gags « à tour d’histoires » …

L’enfance en écho

Rosamond vient de mourir, mais sa voix résonne encore … Dans la confession qu’elle a enregistrée, elle nous livre l’enfance, le passé, les secrets d’une famille et les peines de toute une génération de femmes qui n’auront su trouver place dans le coeur de leurs mères.