Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Joris et le loup de Noël

 Il était une fois, au Royaume des Sapins, un beau jeune homme nommé Joris. Comme beaucoup dans ce royaume, Joris était bucheron. Les sapins les plus hauts et les plus droits étaient débités pour fabriquer des meubles solides qui faisaient la réputation du royaume. Mais en ce mois de décembre, son travail était de couper des sapins pour que les foyers alentours puissent passer un Noël joyeux dans la tradition festive et odorante. La veille de Noël, malgré une météo annonçant la tempête, il décida aller chercher quelques derniers sapins pour les retardataires.

Sa tronçonneuse sur l’épaule gauche, il marchait d’un pas vif suivant un sentier recouvert de neige fraiche qui serpentait au travers des arbres. De la main droite, il tirait un traineau vide. Peu de commandes à honorer ce matin-là, le traineau suffirait. Le vent venant du nord soufflait déjà assez fort ; les hautes branches bruissaient en se tordant et les troncs gémissaient sous les poussées brusques. La tête rentrée dans les épaules, Joris avançait guettant tout craquement suspect qui aurait annoncé une chute dangereuse.

Celle-ci se produisit sans qu’aucun signe ne lui ait permis de se mettre à l’abri. Alors qu’il cherchait à remonter sur lui une hypothétique couverture, Joris se réveilla étendu sur le dos, transi de froid. Non seulement il avait très froid mais une douleur comme il n’en avait jamais éprouvée remontait le long de sa jambe droite. Elle était coincée sous un tronc, qui plus est plein de branches qui recouvraient le reste de son corps. Il parvint à se redresser quelque peu sur les coudes, la tête dans les épines. Le vent poursuivait son inquiétante course folle dans les cimes. Autour de lui, le noir des troncs et le vert des branches tranchaient sur la neige blanche. Hormis le rugissement du vent, aucun bruit familier ne se faisait entendre. Il devait se dégager sous peine de mourir de froid. Poussant, tirant, il épuisait ses forces dans un combat inégal. Impossible de bouger l’arbre sous lequel il gisait ; il avait de plus en plus froid.

Soudain, alors qu’il regardait désespérément autour de lui, cherchant comment il pourrait se sortir de là, il croisa un regard jaune. Immobile et silencieux, un grand loup le fixait, oreilles pointées vers lui. Sa truffe noire humait l’air, il semblait rassembler autant d’information qu’il le pouvait sur cet humain à terre. Joris savait qu’il ne devait pas montrer sa peur à cet animal sauvage. Il inspira profondément pour se calmer et qu’aucun message olfactif trahissant la crainte ne parvienne au loup. Il ferma les yeux, s’attendant au pire quand tout à coup, il sentit le souffle du grand canidé sur sa joue, son nez, son front. Il gardait les yeux clos pour éviter que le loup ne se sente défié et s’efforçait de ne pas remuer, tout en continuant de respirer profondément pour rester calme.

Puis, tout d’un coup, le loup se glissa contre son flanc, sous les branchages et se cala comme pour le faire bénéficier de sa chaleur. Et c’est ce qui se produisit ; petit à petit, il sentit son corps récupérer, le sang se remit à circuler normalement dans ses membres, des forces lui revenaient. Il profita encore un peu de la chaleur animale se demandant ce qu’il allait pouvoir faire maintenant. C’est alors que le loup tourna sa tête vers lui, semblant l’interroger de regard. Joris se disait que le loup ne l’avait certainement pas réchauffé pour l’attaquer maintenant, du moins, il l’espérait. Fort de cette idée, il osa tenter un « Salut le loup ! Grand merci à toi, tu m’as sauvé. » Le loup pencha le tête d’un côté, puis de l’autre, comme s’il cherchait à comprendre. Joris poursuivit, prenant conscience que le son de sa propre voix le rassénérait : « Bon, c’est pas tout ça, il va falloir que je sorte de là maintenant. T’aurais pas une idée, par hasard ? »

Le grand loup se leva, s’étira et regarda autour d’eux. Joris crut qu’il allait s’en aller et il en conçut une grande frustration, ce qui l’étonna fortement ! Mais le loup fixait la tronçonneuse. S’en approchant prudemment, il la renifla et se recula sentant l’odeur de pétrole qui s’en dégageait. « Se pouvait-il … ? » espéra Joris. Il encouragea le grand animal : « Oui, apporte-moi cet engin. » Le loup regardait alternativement l’homme couché et la machine ; et soudain, il se décida. Il tira la tronçonneuse par la lanière jusqu’au jeune homme. Mais c’était quoi, ce loup, se demanda Joris qui n’en croyait pas ses yeux. Attrapant sa machine, il la démarra en ayant pris soin de prévenir le loup que cela allait faire du bruit. Le loup se recula et s’assit à l’écart, ne manquant pas une miette du spectacle. Joris agitait les bras et coupait le maximum de branches qu’il le pouvait.

Sa jambe le faisait toujours atrocement souffrir mais, maintenant qu’il entrevoyait une possibilité de s’en sortir, il s’efforçait de repousser la douleur. Dans un dernier effort, il parvint à découper des rondelles dans le tronc qui était moins épais qu’il ne l’avait pensé. Sa jambe se libéra enfin, laissant une tache rouge de sang sur la neige et les épines vertes. Le traineau avait été épargné par la chute de l’arbre. En rampant et en serrant les dents, il parvint à s’y agripper et s’installa comme il le put. Attrapant un bâton en guise de rame, il fit glisser le traineau sur la neige. Le chemin, en descente, lui permit de prendre un peu de vitesse. Il se retourna, se demandant si son sauveteur allait le suivre. « Viens avec moi, je m’occuperai bien de toi ! » lui promit-il. Mais le loup resta assis en le regardant. Puis il allongea le cou et produisit un hurlement qui était sûrement un adieu. La nuit tombait maintenant, Joris devait se presser mais il remercia encore une fois le grand mammifère qui l’avait doublement sauvé.

Joris parvint à rentrer chez lui, le cri du loup l’ayant accompagné et donné du courage. Le premier villageois rencontré fit venir le médecin et une fois sa jambe soignée, il put profiter de la veillée de Noël, se réchauffant cette fois auprès de la cheminée. Mais il n’oublia jamais la chaleur du grand loup qui l’avait sauvé. Parfois, dans la forêt, il entend le hurlement d’un loup – de son loup de Noël ? – mais il ne l’a jamais revu.

Anne-Marie

Le 22 décembre 2019, Bois d’Arcy

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