Parole(s) en archipel

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Enseigner les arts plastiques, éduquer aux arts et à la culture, aujourd'hui. Un carnet personnel de C. Vieaux.

L’art contemporain est une question à enseigner : construire une compétence à l’œuvre contemporaine

Le texte ci-après est extrait d’un document restituant les principaux éléments d’une conférence donnée dans le cadre du séminaire « Art contemporain et éducation artistique, la persistance d’un malentendu ? ». 28/29 janvier 2009. Rurart – Rouillé / Musée-Sainte-Croix – Poitiers.

La volonté d’ouverture des élèves à la création contemporaine est portée dans l’école par des objectifs officiels d’éducation artistique et culturelle. Pour autant, bien qu’institutionnelle, la démarche est encore exposée aux controverses, ne serait-ce que vis-à-vis de ce que certains leaders d’opinion peuvent dire de leurs attentes en termes de priorités de temps et de moyens dans un enseignement scolaire de base, ou bien quant aux conflits de valeurs ou de représentations culturelles des notions d’arts ou d’œuvre qu’elle ne manque pas de faire surgir. Par ailleurs, il convient de rappeler que les arts plastiques, en tant que discipline d’enseignement, ont fait depuis plus de trente ans un travail pionnier en matière de didactique de l’art contemporain, l’inscrivant dans ses méthodes d’apprentissage et dans ses objectifs en terme de programme.

A noter que les programmes d’arts plastiques ne sont pas porteurs d’une apologie du contemporain. Ils sont attentifs les oeuvres, les démarches, les pratiques artistiques sur le temps long de l’histoire autour de grandes notions et questions « didactiques et structurantes.

Ce texte tente donc de poser quelques jalons afin de démêler le sens que peut prendre la notion d’art contemporain selon qu’elle interfère avec les débats en travail dans le monde des politiques culturelles ou qu’elle s’exerce dans des objectifs d’enseignement en arts plastiques.

Il esquisse les gains éducatifs que suscite la construction d’une compétence à l’œuvre contemporaine dans une formation générale scolaire.

Il présente les principaux ancrages professionnels que cette compétence à faire acquérir aux élèves sous-tend dans la pratique d’enseignement en arts plastiques.

En guise d’introduction

Dans l’école, l’ouverture à l’art contemporain est souvent prise en tension entre les exigences des opérateurs des politiques culturelles et des valeurs scolaires que la société souhaite voir perdurer ou consolider.

Pour autant, le monde de l’école n’est pas insensible à l’art de notre temps. Il y est même de plus en plus réceptif. Au niveau des activités complémentaires, de nombreuses académies ont élaboré, en partenariat avec les directions régionales des affaires culturelles et des centres d’art, des dispositifs favorisant la rencontre des élèves avec des œuvres et des artistes contemporains.[1]Ainsi, depuis la création des premières missions à l’action artistique et culturelle[2], l’ouverture sur la création « vivante » est une orientation du travail commun d’éducation artistique et culturelle des élèves.

Dès le milieu des années 1970, une certaine didactique de l’art contemporain s’est progressivement développée. Elle a trouvé un terreau fertile et particulièrement militant dans l’enseignement des arts plastiques au seuil des années 1980. Elle devait progressivement intégrer dans cet enseignement l’ouverture sur des réalités culturelles extérieures aux seules connaissances académiques dispensées par les cursus scolaires. De fait, elle se donnait rapidement comme objectif disciplinaire, explicitement nommé, d’ouvrir à l’art tel qu’il se créé en tous temps et au monde contemporain[3].

Pour autant, ce mouvement ne s’est pas développé sans rencontrer divers obstacles. En premier lieu, il a été nécessaire aux mondes de l’Ecole et de la culture d’apprendre à se côtoyer. Les enseignants eux-mêmes ont pu vivre avec surprise, et parfois rejet, la découverte d’univers dérogeant aux représentations les plus stables ou les plus classiques de la création artistique, donc les plus communément diffusées dans leurs cursus de formation. Les opérateurs culturels ou les artistes sont, quant à eux, encore souvent perturbés par les exigences de la temporalité scolaire ou la nécessité d’inscrire leur projet de médiation dans une perspective pleinement éducative, comprenant des objectifs énoncés et des étapes adaptées aux possibilités des élèves.

Au-delà, l’école est elle-même exposée à des controverses quant à la nature de la culture qu’elle doit délivrer. Selon les opinions exprimées, on taxera ses ambitions d’élitisme dépassé (faire rencontrer des œuvres emblématiques du passé et du présent) ou de renoncement aux vraies valeurs de l’art et de la culture (donner à voir les débats de l’art en train de se faire, qui sont alors pris comme des désordres). On estimera les approches tenues tantôt insuffisantes ou désuètes (quelques heures d’enseignement et un bouquet d’activités complémentaires), tantôt impropres à garantir la délivrance d’un substrat solide de culture commune (une insuffisance des repères historiques en matière de culture artistique). Doit-elle alors dégager, comme seule priorité, d’ouvrir les élèves à l’art de leur temps ? Faut-il plutôt consolider ses capacités à garantir la stabilité d’un socle culturel commun et de ses enracinements dans la société ? Outre qu’elle travaille à dispenser pour tous des connaissances et des repères culturels, dans toutes les disciplines enseignées, l’école est désormais également bouleversée par le jeu des tensions entre sa visée universelle de la culture et des cultures de groupes de pensée ou de communautés.

Que peut recouvrir l’expression « art contemporain » hors et dans l’école ?

Dans le champ de la culture, « art contemporain » est une expression propice pour homogénéiser des formes souvent très singulières de pratiques artistiques et les mouvances qui les animent[4]. Toutes ont en commun de s’inscrire dans le temps présent ou très proche. La formule connaît d’ailleurs diverses déclinaisons : art vivant, art actuel, art en train de se faire, art d’aujourd’hui, art du présent… Celles-ci ne renvoient cependant pas toutes à la même compréhension des phénomènes et des faits que l’art contemporain peut recouvrir.

En appui sur la littérature assez abondante qui alimente ces débats, deux définitions largement répandues de ce qui est contemporain dans l’art peuvent être isolées. Elles traduisent, soit des courants esthétiques, soit des convictions ou des positions de principe. Sitôt introduites dans la sphère de l’éducation, elles peuvent entrer puissamment en dissonance avec les fonctionnements et les valeurs de l’école. A minima, elles interférent sur ce que l’école doit incarner et peut réaliser. À ce niveau, c’est de la question des repères communs et de la stabilité des connaissances dont il s’agit principalement.

  • Est contemporain ce qui est en avance, et donc marquerait un progrès dans l’idée que l’on se fait de la notion d’art ou d’œuvre.

Cette compréhension pose que ceux qui en sont animés peuvent s’inclure, de manière informée – éduquée ? – dans des débats où s’expriment délibérément des positions revendiquées et perçues comme conservatistes ou progressistes. Outre qu’il convient de s’interroger sur la pertinence de la reconstitution historique de l’idée de progrès en art[5], il est aussi sans doute utile de se demander en quoi et comment cette approche fait sens dans le schéma mental des élèves. Précisément, dans l’école, ceux-ci posent régulièrement la difficulté de se rassurer par une recherche du conforme ou du semblable. Une telle compréhension du contemporain, en héritage de l’idée d’avant-garde, permet-elle d’acquérir une représentation globale, à distance et critique, de la question de l’art ? Est-elle absolument opérante et transposable dans les diverses situations culturelles auxquelles ont accès les élèves ? L’objectif scolaire est aussi de ne pas limiter ses efforts à la seule appréhension de l’immédiateté des phénomènes culturels du temps présent.

  • Est contemporain ce qui exalte la pluralité et qui rejetterait donc la norme.

Si l’école doit intégrer et valoriser des différences de toutes natures, elle doit aussi produire du commun. Pour tenir l’un et l’autre de ces objectifs, il lui faut à la fois apporter les outils de l’émancipation et donner accès à des codes normatifs. Certains sont consentis, d’autres sont imposés. Dans cette interpellation paradoxale, l’école doit-elle prendre le risque de réduire l’accès et la compréhension de l’art contemporain à sa capacité à faire déviance aux normes de l’institution scolaire ? En somme, à introduire intentionnellement en son sein des œuvres qui auraient pour qualités principales de générer des rapports de tension et des effets de contradiction ou de réfutation vis-à-vis des valeurs incarnées par le système scolaire. Le problème n’est pas ici d’évincer la puissance critique de l’art, mais de veiller à ce que l’art contemporain ne soit pas strictement assimilé à un rôle de prédation des valeurs consenties et normatives de l’école.

Quelles catégories établir pour situer et aborder l’art contemporain comme fait culturel à l’école ?

Dans l’école, l’art contemporain pris comme fait culturel, peut être abordé comme :

  • Catégorie temporelle : l’étude de ce qui est immédiatement présent ;
  • Catégorie esthétique : l’étude de formes d’expression issues de la modernité et de regroupements de ses mouvances ;
  • Catégorie chronologique : la mise en perspective d’évolutions ou de ruptures emblématiques et succédées, ancrées dans l’espace et dans le temps ;
  • Des catégories de comportements : une approche de type sociologique ou anthropologique de pratiques et de situations qui relèvent du principe du contemporain dans les arts.

Dans l’éducation, l’art contemporain pourrait être strictement observé sous l’angle d’un fait culturel. Dans cette approche, la démarche éducative serait resserrée sur les connaissances théoriques. Elle solliciterait donc peu l’expérience et l’appropriation pratique des moyens d’expression qu’elle désigne, si ce n’est dans un certain exercice du regardeur (cf. « l’école du spectateur »).

On pourrait discerner deux options principales.

La première viserait à privilégier un strict rapport au présent de l’art, à ses manifestations les plus immédiates. Il s’agirait alors de cultiver le rebond permanent de l’école sur l’actualité des arts. Pour les éducateurs, il faudrait enchaîner à l’infini les questions que soulèvent tous les symptômes des créations sitôt diffusées. Ce qui suppose, afin que le plus grand nombre des élèves soit au prise avec cette actualité, une information largement accessible aux équipes éducatives, structurée et outillée dans une quasi-simultanéité aux émergences et aux débats de l’art du temps présent.

La seconde option orienterait l’étude de l’art contemporain sur une approche à rebours, de type historique, inscrite dans une histoire artistique et culturelle des sociétés occidentales. La mise en récit d’une histoire des œuvres les plus emblématiques et des phénomènes soutenant l’idée du contemporain, à partir des périodes où le contemporain est un concept posé par l’esthétique et les artistes, supposerait sans doute que soient dégagées des constantes dans les conditions de leurs manifestations. Au demeurant, dans des contextes reconstitués et bien cernés, il s’agirait de faire progresser les élèves dans une perception de principes stabilisés d’avancement, de stagnation ou de régression de la question de la création artistique. Il faudrait cependant intégrer le fait que, dans diverses séquences de l’histoire culturelle, la plupart de ces œuvres ont exprimé leur modernité dans une dimension polémique vis-à-vis des autres œuvres de leur temps. Et que, ce faisant, elles ont promu une conception instable et hétérogène des notions d’œuvre, d’art et d’artiste. La finalité serait peut-être alors moins celle d’une éducation à un art contemporain aux élèves (l’art de leur temps) que d’une histoire de différents arts contemporains succédés ou réitérés. On peut alors se demander si cette approche rétrospective est suffisante à outiller les élèves d’une perception personnelle, sensible et critique des bouleversements ou du banal des faits artistiques de leur temps.

Une éducation à l’art contemporain pose donc l’exigence d’opérer des choix significatifs entre :

  • Une visée du consensus de la culture commune, appareillée des jalons du continuum et des ruptures dans une histoire du contemporain ;
  • Un projet d’émancipation du citoyen, par l’exercice de ses propres représentations mentales, aux prises avec les débats sur ce qui est contemporain et avec les partis pris d’un art en train de se faire. 

Les œuvres contemporaines ont une haute valeur éducative dans la formation générale

Les formes artistiques contemporaines, la nature de leur diffusion physique et désormais immatérielle (numérique) dans le champ de la culture, ont un haut intérêt éducatif :

  • Elles aiguisent la perception du jeu des signes dans la société : quels codes sont sollicités, quelles normes ou valeurs sont interrogées ou remises en cause[6]? ;
  • Elles exaltent le plaisir de s’interroger et de questionner les œuvres : s’accorder la possibilité de la curiosité, d’être surpris et de se positionner ;
  • Elles recréent ou tentent de recréer des liens entre les individus dans des situations artistiques : partager des émotions individuelles ou communes, éprouver l’exercice de soi et de la dimension critique dans le collectif.

Les œuvres contemporaines incorporent la question du spectateur et la renouvelle. Elles proposent un grand nombre de situations ouvertes où interfèrent l’espace de l’œuvre et celui du spectateur. Ces dimensions conjoncturelles de l’œuvre contemporaine dégagent un vaste champ d’expériences publiques ou privées. L’école peut y investir l’apprentissage, en tant que problème à enseigner, des conditions de production et de réception des créations artistiques et de leur diversité.

Dans l’univers des arts plastiques, la nature ouverte des œuvres contemporaines excède le rapport strictement visuel du spectateur aux objets artistiques. Le saisissement de l’œuvre, encore communément admis, est hérité des XVIIe et XVIIIe siècles. Il est en partie débordé par la nature de nombreuses œuvres, qui dans la filiation des avant-gardes du début du XXe siècle, créent des situations dans l’espace sensible ou font des propositions au spectateur. Cette nature « situationnelle » ou « propositionnelle » des œuvres de la modernité pénètre désormais dans le quotidien des élèves, par le biais de leur citation dans les médias, par les canaux de l’ingénierie culturelle, et par le travail même d’éducation artistique à l’école. Il faut admettre, en ne se contentant pas de la déplorer, qu’une certaine dialectique du percevoir – faire-face-à-face avec l’œuvre – et de l’intellection – dire l’exercice du jugement de goût – n’est plus suffisante à s’outiller pour mettre à distance des pratiques artistiques particulièrement polysémiques ou pluri-sensorielles. Entre autres, parmi celles repérables dans des œuvres contemporaines de référence : des interactions entre l’espace de l’œuvre et le corps physique des spectateurs, l’interpellation des représentations mentales et des codes culturels des individus ou des groupes, le métissage entre différents arts,… L’école peut et doit, dans une formation générale actualisée, donner sens critique et matière à ce dépassement en apprenant à l’élève à :

  • Prendre en compte, dans l’expérience de l’œuvre, la nature et la part de ses comportements et de ceux du public ;
  • Prendre la mesure que, lorsque la manipulation physique de l’œuvre est possible, celle-ci augmente la part de l’expérience sensible et agit sur l’élargissement de l’idée d’œuvre et d’art ;
  • Comprendre que les perceptions pluri-sensorielles qui sont activées permettent de réaliser un travail personnel ou partagé, ayant une incidence sur le niveau d’interprétation et d’appropriation des œuvres ;
  • Discerner les types d’espaces où se manifestent aujourd’hui des créations et où s’exercent, In Situ ou In Vivo, des interactivités (également numériques avec la progression de l’usage domestique et artistique des TIC).

Pour les enseignants, l’œuvre contemporaine propose un enrichissement des opérations cognitives des élèves et les ouvre à l’expérience en situation de la complexité, du jugement critique et de la citoyenneté :

  • Des éléments de diverses natures y interfèrent et créent de la polysémie[7]: expérience de la pluralité ;
  • Des interactions s’exercent entre la proposition artistique et son public : expérience de l’altérité ;
  • Des conflits sociocognitifs se nouent – renouent ? – et peuvent en conséquence y être positivement démêlés[8]: expérience du discernement ;
  • Du divergent et du différend s’expriment[9]: expérience du débat.

L’enjeu de l’art contemporain à l’école ne peut donc se résumer à une irruption ponctuelle dans quelques établissements. D’une manière plus générale, il s’agit plus fondamentalement de développer pour tous une compétence à l’œuvre, à partir des diversités de la création contemporaine et dans un double mouvement :

  • Celui de l’exercice dans l’école d’une pratique artistique actualisée, développant une approche critique des interférences et des renouvellements entre les notions d’auteurs, d’œuvre, de regardeur, de public ;
  • Celui d’un accès renforcé aux œuvres authentiques qui sont inscrites dans le mouvement de la modernité.

Construire une compétence à l’œuvre : quelques principes pédagogiques d’un enseignement de l’art contemporain dans le cours usuel d’arts plastiques au collège

Telle qu’abordée aujourd’hui au collège dans l’enseignement des arts plastiques, l’éducation à l’art contemporain ne se restreint pas à une information sur les événements artistiques du temps présent. L’objectif y est, bien plus largement et en appui sur les problématiques de la création contemporaine, d’apprendre aux élèves à devenir contemporains dans leur rapport aux œuvres de leur temps et de toute autre période. Sans être exclusive d’autres actions conduites hors ou dans l’école, cette formation artistique générale vise à développer des compétences chez les élèves qui sont énoncées[10] et travaillées dans un champ articulant des objectifs éducatifs communs et des domaines de la création artistique[11].

Pour les enseignants cela suppose :

  • D’apporter aux élèves, dans le continuum du temps nécessaire à chacun pour apprendre et dans la récurrence des activités proposées, des situations de travail et des outils qui leur permettent d’interroger leurs compétences disponibles. Une relation est à construire avec des objets artistiques singuliers, dont les expressions déjouent souvent le sens commun et peuvent s’affronter à des représentations usuelles de la chose artistique.
  • Les enseignants doivent donc être disponibles et instruits des modèles pédagogiques intégrant des situations d’apprentissage où les élèves puissent faire le point sur les compétences qu’ils ont et n’ont pas, par conséquent sur celles auxquelles ils peuvent accéder. En l’occurrence, pour les professeurs, il s’agit d’aider les élèves à prendre conscience que, dans l’expérience du singulier (l’œuvre produite, vue et éprouvée) ou dans l’exercice de l’altérité (les partis pris de l’autre dans son expression artistique), il est normal d’être ignorant de ce que l’on ne sait pas encore discerner et reconnaître.

Il s’agit alors de donner une place importante aux phases de l’expérience, dédramatisée quant à l’atteinte des résultats visés et, dans l’objectif de faire progresser, d’aménager ainsi un espace pour l’erreur, le tâtonnement et le cheminement.

  • De faire l’effort d’identifier ce qui permet, pour tous les élèves, à des niveaux différents selon les cycles, d’acquérir les maîtrises nécessaires à la perception d’œuvres qui se manifestent dans une pluralité de situations, une hétérogénéité de constituants, une diversité de langages et dans le jeu des polysémies.

Les enseignants doivent donc tenir l’exigence, dans et hors l’école, en appui sur des savoirs professionnels étayés, autant pratiques que théoriques, que la réception d’une œuvre contemporaine est un processus qui s’apprend et qui engage un travail, suppose un effort.

Ce travail mérite qu’on lui consacre du temps et de l’espace pour que la démarche ne soit pas circonscrite à de l’événementiel. De même, pour qu’elle ne soit pas tournée seulement vers la célébration des objets ou vers un genre unique de création.

  • De se poser pragmatiquement la question, dans un enseignement usuel de masse, des moyens les plus efficaces pour l’exercice régulier des élèves d’une attention aux processus de création. De construire cette compétence en recourant aux moyens artistiques et non artistiques de leur temps, et dont ils peuvent tous disposer. Pour l’enseignant, il s’agit de sélectionner ceux à fort potentiel et qu’il peut concrètement mobiliser dans l’espace-temps de sa classe.

Les enseignants doivent donc concrètement faire pratiquer des processus artistiques fondamentaux, didactiquement transposés, pour qu’ils puissent être pleinement interrogés par les élèves. L’observation d’œuvres de référence est également nécessaire, de manière liée, pour qu’elles soient interprétées en recourant à des outils efficaces et accessibles aux élèves. En conséquence, des approches pratiques, culturelles et théoriques sont à développer, dans l’objectif d’être structurantes pour les élèves et transférables – modélisables ? – entre les maîtres.

Il s’agit ainsi de se prémunir d’une éducation à l’art contemporain contingentée à des œuvres ou des faits isolés qui, par exemple, soient en écho à la seule communauté de pensée où s’inscrit l’enseignant, le médiateur, l’éditeur ou l’agent culturel. De même, il est aussi question de ne pas centrer ce travail de l’école sur la seule position dominante d’un marché ou d’un courant dans la culture. L’ambition est bien d’apprendre à tous les élèves à se situer vis-à-vis de tous types d’œuvres de leur temps ou d’histoire plus lointaine. Dans l’enseignement général, il s’agit également de structurer ce qui prend corps lors de rencontres ponctuelles et nécessaires avec des œuvres contemporaines authentiques, pour les lier avec le commun du travail culturel de l’école.

De faire prendre conscience, et donc en considération par le plus grand nombre des opérateurs éducatifs, qu’un objet artistique est tourné vers tous et, que de ce fait, des interférences sont activées entre lui et ses regardeurs.

Outre que l’exercice d’une pédagogie de l’art contemporain pose pour les enseignants l’exigence d’un enseignement et d’une didactique, elle doit se déployer dans l’acceptation, la prise en compte et la maîtrise éducative de la question des divergences dans l’investigation artistique.

[1] A titre d’exemples, dans l’académie de Lille, mise en place en 1989 d’un partenariat entre le Rectorat et le FRAC Nord-Pas de Calais dans le cadre du programme « des élèves à l’œuvre » (prêts d’œuvres dans les établissements scolaires), puis création en 1996 du réseau des EROA (espaces de rencontre avec l’œuvre d’art : réseau de 35 galeries à vocation pédagogique dans des collèges et des lycées). Il existe d’autres systèmes équivalents par exemple dans l’académie de Caen, de Lyon, de Nice.

[2] En 1977, les textes inauguraux de la création de « L’action culturelle en milieu scolaire» mentionnent qu’« il faut inventer une pédagogie, une didactique de l’art contemporain ». Egalement, en 1982, la mission des enseignements artistiques.

[3] Programmes d’arts plastiques du collège mis en œuvre de 1996 à 1998 : Classe de 6e: BOEN n°48 du 28/12/1995. Classes de 5e et de 4e : BOEN n°1 hors série du 13/02/1997. Classe de 3e : BOEN hors série n°10 du 15/10/1998.

[4] Voir notamment, Christian RUBY, Devenir contemporain ? La couleur du temps au prisme de l’art, 2007, Paris, Editions du Félin.

[5]Voir notamment, Rosalind KRAUSS, L’originalité de l’avant-garde et autres mythes modernistes, Macula, 2000. Egalement, Art en théorie 1900-1990, Charles HARRISON et Paul WOOD, Hazan, 2007.

[6] Egalement sur ces problématiques des tensions entre les valeurs sociales des productions artistiques et les figures de l’auteur ou du créateur dans les fondements du champ littéraire et artistique, voir l’ouvrage de Pierre BOURDIEU, Les règles de l’art. Genèse et structure du champ littéraire, éditions du Seuil, Paris, 1992.

[7] Sur ces questions, se rapporter à l’ouvrage abondamment diffusé et commenté d’Umberto ECO, L’œuvre ouverte, Milan, Bompiani, 1962 ; Paris, éditions du Seuil pour la traduction française, 1965.

[8]  Des singuliers coexistent,  l’altérité du spectateur et de l’artiste se frottent, il faut rechercher du consentement autour de ce qui fait sens ou question dans la proposition artistique.

[9] Voir sur ces questions, Christian RUBY, Nouvelles lettres sur l’éducation esthétique de l’homme, Bruxelles, La lettre volée, 2005. Egalement du même auteur, L’État esthétique. Essai sur l’instrumentalisation de la culture et des arts. Paris/Bruxelles, Castells/Labor, 2000.

[10] Programmes d’arts plastiques du collège publiés au B.O.E.N.spécial n°6 du 28 août 2008.

[11] L’enseignement des arts plastiques au collège couvre trois grands champs qui prennent en compte une conception élargie de la création artistique héritée de l’histoire, de la modernité et en correspondance avec l’art tel qu’il se créé : champ des pratiques artistiques bidimensionnelles, graphiques et picturales ; champ des pratiques tridimensionnelles, sculpturales et architecturales ; champ des créations photographiques, cinématographiques et vidéo, analogiques et numériques.

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