Le Chat Noir

Un vent glacial soufflait encore dans la garrigue. Quelque part, sur une petite pente, près d’un chemin, Sonia observait un chat noir sur le sentier. De nombreux lycéens passaient par là à midi. Certains d’entre eux s’arrêtaient pour le caresser. D’autres continuaient leur chemin, l’ignorant.

Lisa – 24/10/21

Aujourd’hui, la jeune lycéenne avait décidé de déjeuner sur la colline. Elle était assise là depuis un moment. Et ça faisait aussi déjà un moment, qu’elle voyait ce félin se frottait aux passants en miaulant. C’était étrange, elle avait l’impression qu’il cherchait quelque chose à dire.

La jeune fille mangea lentement son sandwich qu’elle avait acheté à Carrefour et observa le chat, désormais assis sur le sentier.

Elle était intriguée par ce comportement mais n’osait pas s’approcher. Elle n’aimait pas beaucoup les chats en général. Sans doute à cause de la griffure qu’elle avait reçu au visage lorsqu’elle était plus jeune. Le chat qu’elle avait voulu prendre dans ses bras était trop sauvage. Si bien qu’aujourd’hui, il y avait une cicatrice à peine perceptible si on y faisait vraiment attention. Elle grimaça face à ce souvenir désagréable avant de jeter un nouveau coup d’œil au chat. Peut-être qu’elle devrait essayer de s’en approcher. Au moins une fois…

Soudain, comme s’il l’avait entendu, il tourna sa tête. Un regard jaune se fixa sur elle.

Le temps sembla s’arrêter. Le félin se leva gracieusement. Dans un élan de curiosité, elle se leva à son tour et se dirigea doucement vers lui. Il semblait l’attendre en bas sur le chemin. Son regard jaune la fixait toujours.

Sonia avait conscience que suivre un chat noir était, sans aucun doute, la chose la plus stupide à faire. Mais ne dit-on pas que la curiosité est un vilain défaut ? Les chats noirs n’étaient-ils pas censés être maudits ? Mais qui pourrait le lui rappeler ?

Lisa – 24/10/21

Le chat marchait loin devant elle, s’arrêtant parfois pour voir si elle le suivait. Il n’était pas stupide. Il savait où il voulait l’emmener. Est-ce que les chats étaient aussi espiègles ?

Il y avait quelque chose qui n’allait pas dans ce comportement. Elle s’arrêta. Il s’arrêta, se retournant. Il miaula, s’approchant. La jeune adolescente ne bougeait pas. Il arriva à la hauteur de ces chevilles et se frotta contre elle. Mais elle recula. Il persista. Il cherchait vraiment quelque chose. Mais était-ce en mal ou en bien ? Il n’y avait qu’une seule façon de le savoir…

Sonia calcula le temps qu’il lui restait avant la reprise des cours mais c’était inutile parce qu’elle le savait déjà. Elle soupira.

– Vas-y. Je te suis, dit-elle au félin, sachant que celui-ci ne comprendrait rien.

Pourtant, il semblerait que ce fut l’inverse car il reprit sa marche et s’arrêta de temps en temps pour voir si elle le suivait toujours. Bien qu’impressionnée, elle le suivit avec quelques hésitations.

Au bout de quelques minutes, ils arrivèrent au niveau de Carrefour. Elle descendit légèrement dans le chemin à gauche. À quelques mètres, le chat s’arrêta devant un portail blanc. C’était ouvert. Il attendit avant de s’y engouffrer. La jeune fille s’arrêta devant le portail et vit le félin disparaître derrière la maison.

Sonia ne pouvait pas entrer, c’était une propriété privée. On ne peut pas rentrer chez un inconnu comme ça !

Cependant, le chat revint en miaulant. Il ne semblait pas l’entendre de cette façon. Il s’approcha à nouveau et tourna autour d’elle.

Sonia hésitait. Qu’est-ce qu’il se passerait si elle le suivait ? Qu’est-ce qu’il se passerait si on la surprenait à entrer chez un inconnu sans autorisation ?

C’était beaucoup trop risqué. Elle fit demi-tour. Le chat la suivit. Elle s’arrêta, le fixant exaspérée. C’était clair, il ne la lâcherait pas tant qu’il n’aurait pas eu ce qu’il voulait. Elle ne savait pas quoi faire.

Ça ne l’arrangeait pas du tout. Il n’allait tout de même pas la suivre jusqu’au lycée si ?

Après une mûre réflexion, elle fit demi-tour. Elle ne voyait pas pourquoi il la suivrait. Ce n’était qu’un chat, après tout…

Comme elle avait eu tort, pensait-elle en regardant depuis son bureau, la colline où se tenait un chat noir.

Il l’avait vraiment suivi. Pour un chat, il était trop obstiné. C’était flippant. Elle avait l’impression d’être une proie qu’il attendait calmement. Oui, attendant qu’elle sorte de son terrier pour l’avoir dans ses griffes. Sonia soupira, décidant de l’ignorer. Il finirait bien par partir. Non ?

 À la fin des cours, le chat était toujours là. La jeune fille s’était arrêtée, se demandant ce qu’elle devait faire pour s’en débarrasser. De toute façon, elle n’habitait pas très loin d’ici et le chat avait démontré qu’il la suivrait où qu’elle aille. Ce dernier avait commencé à lui tourner autour encore une fois. Elle soupira et suivit finalement le chat jusqu’au portail blanc. Il s’y engouffra et elle s’arrêta, hésitante. Elle y était…

Elle avait un mauvais pressentiment. C’était une si mauvaise idée…

Une inspiration, quelques regards de chaque côté et un pas. Elle franchit le seuil. Le chat l’attendait.

Tout deux contournèrent la maison. Elle se retrouva devant une porte entrouverte. Il faisait sombre à l’intérieur. Elle entendait le miaulement du chat au fond du couloir. Elle le longea, passant devant la cuisine assez rustique. Il y avait une casserole posée sur la gazinière.

Le salon était composé d’un simple fauteuil et d’une vieille télévision. Elle entendait le tic tac de l’horloge. C’était le seul objet qui ornait le mur sinon pas de photo, pas de tableau, rien. La pièce était étrangement vide et froide. Triste. Voilà la description parfaite. Mise à part l’horloge et le parquet qui grinçait à chacun de ses pas, tout était si silencieux…

Où était la propriétaire ? Est-ce qu’il y en avait même une ?

Le chat noir réapparut devant elle et miaula avant de repartir au fond du couloir en tournant à droite. Sonia le suivit et arriva en face d’un escalier. Il faisait sombre dans ce passage. La lumière passait à peine. Elle cherchait l’interrupteur en vain. Avec prudence, elle monta à l’aveuglette les marches en bois. Encore une fois, il l’attendait en haut avant de continuer sa marche. Il l’emmena dans une pièce vide et poussiéreuse. Au fond, il y avait une porte ouverte donnant accès à une autre pièce. Elle pouvait seulement voir qu’un miroir était accroché au mur. Peut-être une chambre ?

Le chat entra et s’arrêta en plein milieu. Sonia fronça des sourcils. Ils étaient arrivés à destination. Pourquoi cette pièce ? Qu’est-ce qu’il y avait ?

Lentement, elle s’approcha. En face, dans le miroir, son reflet grossissait.

– Il y a quelqu’un ? demanda–t–elle doucement.

Elle avança petit à petit. Quand soudain, un râle. La jeune fille s’arrêta. Un long frisson parcourut sa colonne vertébrale. Elle recula mais le chat miaula comme pour lui dire de s’approcher. Elle avala sa salive et s’avança encore plus lentement. Elle se pencha légèrement en avant et vit apparaître une main… sur le sol.

Le cœur de Sonia rata un battement. Elle se redressa soudainement. Mince !

Elle s’avança et entra dans la pièce. Il y avait un corps avachi par terre. Celui d’une femme âgée. La posture était étrange.  C’était un peu tordu. La vieille femme était tombée de la mauvaise façon…

Était-elle en vie ?

La jeune fille se baissa à côté du chat.

– Madame ?

Celle-ci lâcha un faible son. Elle était en vie. Sonia était soulagée. Elle prit la main de la femme et lui posa plusieurs questions sur son état. Celle-ci lui répondait en pressant sa main avec quelques râles douloureux.

Au bout d’une minute, la jeune lycéenne sortit son portable et appela les secours sous les yeux inquisiteurs d’un certain chat noir. Ils arrivèrent quelques minutes plus tard.

Sonia apprit que la dame était tombée en se cognant au lit et la chute lui avait coûté un blocage au niveau du dos. Un accident des plus basiques surtout chez les personnes âgées assez maladroites avait affirmé l’un des secouristes. Qu’est ce qui se serait passé si elle avait refusé de suivre le chat ?

La vieille femme l’avait remerciée et lui avait demandé de prendre soin de son chat noir pendant son absence avant d’être emmenée à l’hôpital.

Eh bien, voilà tout un remue-ménage. Sonia sortit enfin de la maison et s’étira.

Alors qu’elle allait prendre le chemin de sa maison, un miaulement se fit entendre. La jeune adolescente se retourna. Le félin était assis à l’entrée du portail et la regardait de ses yeux jaunes. Il miaula à nouveau. Elle lui sourit, comprenant que ce chat bien particulier lui disait sans doute merci. Finalement, les chats n’étaient pas si terrifiants.

– Mais de rien, Bingo, dit-elle en le caressant avant de reprendre son chemin.

Oui, Bingo, tel fut le nom de ce chat noir qui avait bel et bien sauvé sa maîtresse.

S.