En écho au thème national du Printemps des Poètes 2023 qui portait sur les frontières, les professeurs-documentalistes ont organisé un concours de poésie interne au lycée Jean Vilar ouvert à tous les élèves. Découvrez-en ci-dessous les résultats.
Alors que 21 textes ont été proposés au vote par les lycéens volontaires, les autres élèves pouvaient cette année eux aussi choisir leur poème préféré en votant dans l’urne prévue à cet effet au CDI pendant le mois de mars. C’est le texte écrit par Evan Chakir-Vergier (TG5), intitulé Demain, le ciel sera à nouveau bleu (texte n°3), qui a recueilli le plus de suffrages parmi les lycéens.
Un jury composé de personnels du lycée s’est également réuni pour décerner le prix du jury. Ce sont deux élèves de Terminales qui finissent 1ers ex-aequo dans cette catégorie : Toni Dannoot (TG5) pour le texte L’effleure du mal (texte n°7) et Mathéo Pesains-Maresova (TG2) pour Et la vie continue… (texte n°8).
La remise des prix, autour d’une collation, a eu lieu au CDI le vendredi 21 avril à 16h en présence d’une partie des participants et du jury, ainsi que de M. Vaissière, proviseur du lycée Jean Vilar, et des correspondants de la presse locale.
Tous les poèmes seront encore affichés au CDI à la rentrée. Nous tenons à féliciter tous les participants à ce concours qui ont mis en mots avec sensibilité le thème des frontières.
F. Delacroix
Poèmes gagnants :
Demain, le ciel sera à nouveau bleu / غدا ستكون السماء زرقاء مرة أخرى
asmi Mayssa,
je m’appelle Mayssa, étoile scintillante en arabe.
nous sommes Palestiniens.
mon père est mort en 2011
tué par le régime de Bachar el-Assad.
mon père, ma mère, ma grand-mère ;
ma famille a fui la misère,
la guerre, le désordre, le chaos.
je suis née dans le camp de Yarmouk en 2010 ;
je n’ai pas connu mon père.
mon frère est né en 2013, pendant la guerre civile, au début du siège.
ma famille a fui,
franchi les frontières, franchi les obstacles, franchi les peurs, franchi les pleurs.
le temps, sur nos visages, est passé.
nous avons vécu la mort ; la colère ; le deuil.
jamais la joie.
je mourrais de faim. nous n’avions plus rien à manger. nous mangions les herbes du jardin, les herbes que mangent les vaches, dans les prés.
mon petit frère est mort quelques mois après sa naissance
malnutrition, faute de nourriture comestible.
ma grand-mère est morte, diabète incurable, faute de médicaments : plus d’insuline.
ma mère est morte, frappe du régime, son corps n’a jamais été retrouvé, pas d’enterrement.
j’ai fui seule
la guerre
la Syrie
laissant derrière moi ma famille
leurs corps
les morts
ceux que j’aime le plus au monde.
la désolation
la frustration
la haine
la colère.
j’ai franchi les frontières : je suis arrivée en Europe.
après des jours de mer, des nuits, sans repères, seule, loin de tout, loin de ma terre.
les frontières ne sont que des murs, des lignes juridiques.
l’amour n’a pas de frontière.
bientôt, nous nous retrouverons tous.
et demain
le ciel sera à nouveau bleu.
Evan
L’effleure du mal
J’ai voulu affronter les frontières de mon esprit.
Cavalier effronté et résolu, j’ai mené une bataille qui n’a pas de prix.
En ayant pour lance ma patience et pour cheval ma soif de connaissances,
J’ai voulu affronter les frontières de mon esprit.
J’ai voulu, j’ai échoué.
Il ne me reste que mon mépris.
Ou bien
ma peine, coincée sous un sabot, qui se confond avec l’odeur de milliers de pas.
J’essaie de m’y faire, je n’y parviens pas.
J’ai voulu conquérir de nouveaux mondes, inconnus de mon âme.
Colonisateur du XXIème siècle, je me suis rendu esclave de ma propre pensée.
Oui, je me suis trompé de quête, je me suis trompé de flamme.
Pourquoi, de mon esprit, ai-je voulu affronter les frontières ?
J’aurais dû, seulement partir à la découverte de ce bel horizon.
J’aurais dû être un bon explorateur plutôt qu’un mauvais colon.
Pourquoi vouloir la guerre quand la paix et l’amour font la paire ?
Ce qui se passe dans ma tête reflète, hélas, le monde et ses arêtes, les erreurs qui se répètent et qui
jamais ne s’arrêtent.
Les guerres n’ont pas de frontières pour les cœurs sans cibles.
Le mien s’effrite et les preuves sont tangibles.
Toni
Et la vie continue…
Mille pétales de roses
10 000 coccinelles
Cent mille perles rouges
Le désert aride reste, le vent souffle dans les herbes mortes.
Une dernière goutte coule, et c’est la fin.
Sur le sable chaud, une tâche, telle la peinture de Picasso.
Sur le sable chaud, une tâche, telle la pensée de Clémenceau.
Le désert aride reste, le vent souffle contre les barbelés acérés.
Mille pétales de roses
10 000 coccinelles
Cent mille perles rouges
Le remous des vagues est apaisant, l’écume disparaît sur la plage.
Un dernier regard vers l’abîme, et c’est la fin.
Sur les galets froids, du plastique, tels les déchets du monde.
Sur les galets froids, une dizaine de déchets échoués.
Le remous des vagues est apaisant, l’écume disparaît contre les visages tuméfiés.
Mille pétales de roses
10 000 coccinelles
Cent mille perles rouges
Les montagnes enneigées, le blizzard souffle, un loup hurle au loin.
En 42, une étoile reste suspendue à la branche, et c’est la fin.
Sur la neige molle, des vêtements arrachés.
Sur la neige molle, des espoirs brisés.
La montagne enneigée, le blizzard souffle contre la meute égarée.
Mille pétales de roses
10 000 coccinelles
Cent mille perles rouges
Intemporelles limites, souvent surveillées,
Les frontières ont laissé
la mort dans leur mémoire.
Des envies noyées, des songes assassinés, et finalement
La frontière entre la vie et la mort devient réalité.
Et la vie continue…
Mathéo