Les dialogues de pédagogies radicales abordent une thématique de la pédagogie critique sous forme de dialogue. Le texte ci-dessous aborde la question du « sens de l’existence » dans la pédagogie critique.

1. La pédagogie et le sens de l’existence

D : On peut s’étonner du fait que la pédagogie critique, et même la pédagogie en général, s’occupe de la question du sens de l’existence.

R : En réalité, à partir du moment où l’on éduque, on le fait selon certaines valeurs. Cela implique de réfléchir aux valeurs qui valent la peine d’être transmises.

De ce fait, beaucoup d’éducateur et de pédagogues ce sont intéressés à cette question, parfois dans une vaine religieuse, le plus souvent dans une orientation spirituelle : c’est le cas de par exemple de Rudolf Steiner ou de Juddi Krishnamurti. L’importance de la question du sens de la vie en éducation est par exemple formulée sous cette forme chez Krishnamurti :

« Or quel est le sens de la vie ? Quels sont les mobiles qui nous font vivre et lutter ? Si nous n’avons été élevés que pour obtenir des honneurs, occuper de bons emplois, être efficients, dominer le plus possibles, nos vies sont vides et creuses. (…) Tant que l’éducation ne cultivera pas une vue intégrale de la vie, elle n’aura donc que peu de valeur ». (De l’éducation)

Sans s’intéresser nécessairement à toute l’oeuvre et la pensée de Krishnamurti, son ouvrage De l’éducation, comporte des dimensions qui méritent sans doute d’être relues. Par exemple, on trouve une idée chez Krishnamurti, qui est présente également chez Paulo Freire, c’est que l’éducateur/trice authentique n’est pas un modèle qu’il faut copier ou suivre, c’est une personne qui vous encourage à trouver votre propre voie. Ce qui est d’ailleurs également une idée que l’on trouve chez Carl Rogers. Voici ce qu’écrit par exemple Krishnamurti à ce propos :

«Pour comprendre le sens de la vie, de ses conflits et de ses douleurs, il nous faut penser en dehors de toute autorité, y compris celles des religions organisées ».

Là où Krishnamurti est également un auteur pertinent pour les pédagogues critiques, c’est dans la critique qu’il fait des méthodes :

« (…) l’intelligence de l’éducateur est bien plus importante que sa connaissance d’une nouvelle méthode d’éducation. Pour celui qui applique une méthode, même si celle-ci a été mise en point par une personne intelligente et réfléchie, c’est la méthode qui devient importante et l’enfant ne compte pas par rapport à elle ». « Le bon éducateur n’est pas celui qui s’attache à une méthode, mais qui étudie chaque élève individuellement ». (De l’éducation)

Ce qui est souligné ici, c’est que la valeur fondamentale qui doit orienter l’éducation, c’est la personne humaine et que la recherche d’efficacité technique ne doit pas prendre le pas sur le respect accordée à chaque personne dans sa singularité.

Une éducation reposant sur une méthode risque de produire des individus mécanisés :

« Si les êtres humains étaient des entités mécaniques, des machines automatiques, le monde futur serait prévisible et des plans pour une utopie parfaite pourrait être dressés ». (De l’éducation)

Le problème de l’éducation conventionnelle ou traditionnelle c’est qu’elle conduit au conformisme par la valorisation du succès :

« L’éducation conventionnelle ne nous permet que très rarement d’atteindre une pensée indépendante. (…) Etre différent du groupe ou résister au milieu n’est pas facile et est souvent dangereux dans la mesure où nous rendons un culte au succès ». (De l’éducation)

Autant de réflexion qui peuvent être méditées par un ou une pédagogue critique. Mais, il est nécessaire de revoir ce que veut dire « méditer ». Sous l’effet de la mode de la « méditation pleine conscience », on a tendance à considérer que la méditation est un ensemble de techniques permettant de parvenir à un bien-être personnel.

Mais, il y a un autre sens de la méditation, que l’on trouve chez Pierre Hadot ou Michel Foucault, qui vient de la philosophie Antique (voir l’ouvrage de Xavier Pavie, La méditation philosophique, une initiation aux exercices spirituels). Méditer, c’est alors une réflexion que l’on effectue sur une thématique en vue de changer sa manière d’agir ou d’être. Lire un auteur et méditer ce qu’il a écrit, peu nous aider à changer.

A ce propos, l’une des devises de Paulo Freire était la suivante : « changer est difficile, mais c’est possible ».

2. Anthropologie philosophique et pédagogie critique

D : A la lumière de ce qui précède, on comprend le lien entre éducation et sens de l’existence et le fait que des pédagogues aient considérés que c’était le rôle de l’éducation que d’impliquer une telle réflexion. Mais, l’on ne voit toujours pas le lien avec la pédagogie critique.

R : Pour cela, il faut revenir à ce que Paulo Freire pense de ce sujet. Une des conférences qu’il a effectué à la fin de sa vie en donne un bonne synthèse. En voici quelques extraits :

« Il y a de cela un certain temps, dans Pédagogie des opprimés, j’avais analysé ce que j’avais appelé la recherche du perfectionnement de soi. (…) J’aimerais insister sur ce point : les hommes et les femmes, en tant qu’êtres historiques, sont des êtres incomplets, inachevés ou indéterminés. (…) La conscience de l’inachèvement a créé ce que nous appelons « l’éducabilité de l’être humain ». L’éducation est donc une spécificité humaine. (…) Évidemment, les relations que nous commençâmes à établir entre nous et la réalité objective ouvrirent à une série d’interrogations qui amenèrent à une recherche, à une tentative de comprendre le monde et de comprendre notre place dans celui-ci. (…) Et comme assurément [les êtres humains] prenaient des décisions morales, ils intervenaient également de manière éthique. Justement, dans la mesure où nous nous rendons capables d’agir, capables de changer le monde, de le transformer, de le rendre plus beau ou plus laid, nous devons des êtres éthiques. » (Extrait de « Pratique de la pédagogie critique »)

On remarque que la pédagogie critique de Paulo Freire s’appuie sur une réflexion d’anthropologie philosophique. L’être humain est un être qui se caractérise par son inachèvement. C’est pourquoi il a besoin d’éducation. Comme il a conscience de son inachèvement, il est conduit à s’interroger sur le monde dans lequel il vit. Comme, il est capable d’agir, en ayant conscience de son action, il est un être éthique, capable de s’interroger sur la valeur esthétique et morale de ses actions. La pédagogie critique telle que la conçoit Paulo Freire renvoie donc à un perfectionnisme éthique.

Cette conception selon laquelle la pédagogie critique implique une recherche spirituelle se retrouve également chez bell hooks :

« Il était difficile de rester fidèle à cette image de l’intellectuel ou l’intellectuelle qui cherche à être une personne à part entière, alors que j’étais prise dans un contexte où peu de cas était fait du bien-être spirituel, des soins portés à l’âme. (…) Ce qu’elles et ils veulent (les étudiant-e-s), c’est une éducation qui soigne la méconnaissance, l’ignorance. Ce que ces élèves veulent, c’est une connaissance qui ait du sens. Elles et ils attendent légitimement que mes collègues et moi-même fassions plus que leur apporter des informations sans interroger le lien entre les apprentissages et leurs expériences de vie en général. » (Apprendre à transgresser )

D : Néanmoins, est-ce que ces réflexions sur la spiritualité ne sont pas nécessairement empruntent de religiosité ? Car après tout que ce soit Krishnamurti, Freire ou bell hooks, ce ne sont pas des athéés.

R : Il ne semble pas que ce soit la position de Paulo Freire pour qui cette recherche sur le sens de l’existence peut prendre une forme religieuse ou athée :

« Comme conscience presque inévitable de ce savoir, je m’engage dans un mouvement constant de recherche, et non pas seulement ponctuelle de ceci ou de cela, mais dans un processus absolu de recherche, qui peut me conduire à la recherche de mes propres origines, qui peut m’amener à une recherche de la transcendance, à une recherche religieuse qui est toute aussi légitime que la recherche athée. »

Paulo Freire comme il l’explique dans un de ses textes n’a jamais été très à l’aise pour mettre en avant ses croyances religieuses, à la différence de ses convictions politiques, éthiques ou éducatives.

Il s’est en outre inscrit dans un courant philosophique l’existentialisme qui a cherché à donner une réponse à la question de sens de l’existence sous des formes religieuses (comme par exemple Jaspers) ou sous des formes athées (comme par exemple Sartre).

En définitif, la vraie question que devrait amener à poser l’éducation pour ces auteurs : c’est comment vais-je mener mon existence et pourquoi je fais ce choix d’existence ?

Or on se rend compte que c’est une question qui n’est jamais véritablement posé à l’école, parce que comme le signale Krishnamurti, l’école est orientée de manière implicite vers la reproduction des valeurs dominantes liées au succès social. En gros, il semble évident que tout à chacun aspire ou devrait aspirerà vivre selon les valeurs socio-économiques dominantes.

3. La pédagogie critique et le sens de l’existence dans le monde néolibéral

D : Justement venons en à ce point, comment est défini le sens de l’existence dans la société capitaliste ?

R : De manière générale, la conception politique libérale repose sur l’idée que le cadre des institutions politiques étant assuré par un Etat de droit, les individus sont libres de mettre en œuvre leur conception personnelle de la vie bonne. C’est la distinction que l’on trouve chez Mills, reprise par Rawls, entre le juste et le bien. Dans une telle conception, la réalisation de soi dans l’engagement socio-politique n’est pas encouragé car il est confondu avec l’idée que le pouvoir politique imposerait une certaine conception du bonheur personnel.

On peut dire qu’à partir des 30 glorieuses, avec la société de consommation de masse, se défini un nouvel idéal de l’existence qui est le bonheur dans la consommation. Les auteurs critiques des années 60, comme Marcuse ou Galbraith, saisissent qu’effectivement contrairement à ce que prétend l’économie néo-classique, ce n’est pas la demande qui détermine l’offre. Avec la publicité, il s’agit de créer des besoins artificiels.

La contre-culture des années 60 a été justement une tentative d’échapper à cette conception du bonheur. Mais, elle a fini en parti par être récupérée elle-même par le système de consommation : des aspects de la contre-culture sont devenus des produits de consommation.

En outre, avec la peur du chômage de masse, la critique de la société de consommation est passée relativement au second plan à partir des années 1980/90.

D : Donc on peut dire qu’avec l’avènement de la société de consommation de masse, il y a tout un discours critique qui développe l’idée que le sens de l’existence est défini par le système capitaliste à travers la publicité et la consommation. Mais, il y a également une thématique qui va être plus largement mise en valeur à partir des années 1990/2000, c’est celle du mal-être au travail.

R : Comme l’ont montré Boltanski et Chiapello, la critique artiste contre-culturelle est en parti récupérée par le système capitaliste. En particulier, à partir des années 1990, on l’a trouve promue dans toute une littérature managériale qui développe une thématique de la réalisation de soi au travail. Ce que Marie-Anne Dujarier appelle pour sa part « l’idéal au travail » (2006).

Dans son ouvrage Le management désincarné (2017), Marie-Anne Dujarier analyse la trajectoire de cadres hyper-performants qui adhèrent au système capitaliste néolibéral, puis de certains également qui finissent par s’en détacher et se reconvertir dans d’autres emplois qu’ils jugent avoir plus de sens comme « professeur des écoles » par exemple. Ce qu’elle souligne, c’est que cette « crise du sens » n’est pas en réalité le plus souvent la cause de la critique du système. Elle intervient bien souvent après un « burn-out ». C’est après un épisode qui affecte leur santé mentale que la question du sens se trouve interrogée.

Elle montre également à l’inverse, que chez ceux qui adhèrent au système, une partie d’entre eux, le font parce qu’ils sont pris dans des contraintes sociales liées au maintien d’un certain standing de vie pour eux et leur famille.

D : Un des éléments que souligne la critique de l’Ecole de Francfort que reprend la pédagogie critique, c’est la domination de la raison instrumentale ? En quoi cette dimension apparaît à l’oeuvre dans l’idéologie néolibérale ?

R : On pourrait prendre un exemple, c’est le développement du MMA ( Mixed Martial Arts). Au moment où l’ultimate fighting se développe dans les années 1990, certains y voient une métaphore de la société néolibérale. Les combats libres, où tout est permis, sont une application de l’esprit de la déréglementation néolibérale appliqué au sport de combat. (On peut d’ailleurs remarquer comment paradoxalement le Film Fight Club (1999) montre comment des cadres critiques de la société de consommation aspirent à trouver une libération authentique dans des pratiques de combats libres).

Mais, il y a une autre dimension qui est significative, c’est la valeur de l’efficacité. On voit très souvent des tenants de ce type de sports de combat critiquer le manque d’efficacité des arts martiaux traditionnels relativement aux techniques de MMA ou de self-défense type Krav Maga.

En fait, tout le problème est de savoir si la valeur du geste dans les arts martiaux traditionnels, par exemple dans un kata (enchaînement codifié), est orienté avant tout vers l’efficacité ou vers l’esthétique ou encore la valeur symbolique attachée à une recherche de perfection dans le geste ?

Ce qui est en jeu alors, c’est la question de l’action : ce qui donne la valeur d’une action est-elle uniquement son efficacité ?

C’est là un des sens profonds de la critique chez Paulo Freire de l’action anti-dialogique : l’action pédagogique ou l’action militante émancipatrice doivent elle avoir avant tout comme valeurs l’efficacité, le succès, la performance ou doivent-elles reposer avant tout sur une recherche de cohérence axiologique ?

4. Le contre-modèle des Colibris

D : Revenons au cas de ces cadres qui quittent le monde de l’entreprise néolibérale pour se tourner vers une activité qui a davantage du sens. Est-ce que d’une certaine manière un mouvement comme celui des Colibris ne constitue pas un exemple d’un sens à l’existence alternatif à l’existence capitaliste néolibérale ? Cela est d’autant plus intéressant à se demander que le mouvement des Colibri intègre également un projet éducatif.

R : Il s’agit effectivement d’un modèle qui se présente comme une alternative. L’existence ne devrait pas être tournée vers la consommation de masse, mais vers la sobriété. Il s’agit de vivre et de consommer autrement. En outre, chacun devrait faire sa part par des petits changements dans son mode de vie.

Il y a cet égard un ouvrage notable, c’est celui co-écrit en particulier par Mathieu Ricard (moine bouddhiste), Christophe André (chef de file de la psychologie positive en France) et Pierre Rabhi. Le titre en est tout à fait significatif : Se changer, changer le monde (2013).

Il est tout à fait remarquable que ces trois auteurs, qui rencontrent un très grand succès actuellement dans les classes moyennes éduquées, partagent un ensemble d’idée communes que l’on peut essayer de synthétiser :

1) La vie est orientée vers la recherche du bonheur entendu comme bien-être personnel. Dit autrement, vous avez cherché le bonheur dans la consommation et vous ne l’y avez pas trouvé, nous vous proposons une autre voie pour trouver votre bien-être.

2) Pour accéder au bien-être, il faut se changer soi-même. Il faut effectuer une révolution de ses valeurs : ne plus adhérer aux valeurs du bonheur matériel, pour chercher un bien-être spirituel en se tournant vers la coopération, l’empathie, la sobriété…

3) Il faut ensuite changer sa manière de vivre pour être en accord avec ses valeurs spirituelles. C’est lorsque chacun aura effectuer sa révolution écologique personnelle que s’effectuera le changement social. Le changement individuel dispense d’engagement dans le conflit social : le changement macro-social trouve sa source dans des changements micro-sociaux.

5. Pédagogie critique et sens de l’existence

D : Comment la pédagogie critique se positionne par rapport à ce contre-modèle des Colibris ?

R : On peut considérer qu’à plusieurs égards, la pédagogie critique n’adhère pas à plusieurs présupposés de ce modèle.

Le premier point porte sur la question du bonheur comme bien-être personnel. Paulo Freire écrit à la fin d’une de ses conférences intitulée « Éléments sur la situation éducatives » :

« J’ai découvert que je ne pouvais pas détester quelqu’un qui était heureux dans le monde simplement parce qu’il était heureux. Mais j’ai appris également que je devais continuer à m’indigner devant la difficile situation que créée le malheur des autres. »

Il y a donc une première question qui se pose. Le sens de l’existence se trouve-t-il dans la recherche du bien-être personnel ? Dit autrement, est-il possible et souhaitable de parvenir au bien-être personnel : a) si le reste de l’humanité, ou une partie de l’humanité, est maintenue dans l’oppression ? b) est-il possible de parvenir à la sérénité ou au bien-être psychique dans une société oppressive ?

Les trois auteurs à succès que nous avons mentionnés précédemment tirent leur succès du fait qu’ils affirment, face aux promesses déçues de la société de consommation capitaliste, qu’il est possible d’atteindre le bien-être par une révolution intérieure en laissant intacte la société. Ou que la société ne changera qu’une fois que les individus se sont transformés intérieurement : comme si la transformation intérieure était possible et souhaitable sans transformation extérieure.

Et c’est d’ailleurs là qu’apparaît une question éthique. Des penseurs comme Ricard affirment une pensée éthique. Pourtant peut-on promettre le bien-être individuel dans une société qui fonctionne sur l’oppression ? Une telle position est-elle éthique ? En tout cas, il ne semble pas que ce soit la position de Paulo Freire.

Il en résulte plutôt que pour Paulo Freire, le sens de l’existence se trouve dans un engagement dans des mouvements sociaux de transformation collective. La transformation de soi n’est possible que dans une dialectique avec la transformation collective.

D : Mais ne peut-on pas considérer que si l’engagement comme sens de l’existence (qui a été une dimension mise en avant également par Sartre) a perdu de l’importance, c’est qu’elle a été décrédibilisée par les engagements en faveur des révolutions communistes autoritaires ?

R : Ce qui est tout à fait étonnant c’est la manière dont ces engagements bien précis ont servi pendant des années, à partir en particulier des années 1980, à décrédibiliser tout type d’engagement dans des mouvements sociaux.

Néanmoins, on ne voit pas en quoi les mouvements pour les droits civiques, les mouvements féministes ou écologistes étaient entachés des critiques que l’on a fait à l’engagement dans des organisations marxistes.

Il y a eu un effet de décrédibilisation de l’engagement par ceux et celles qui se sont fourvoyés en particulier dans un engagement au PCF ou maoïste dans les années 1970 et qui ensuite sont devenus des chantres du statu quo libéral écrivant par exemple sur Le passé d’une illusion.

D : Mais est-ce qu’on ne bloque pas néanmoins sur un problème. Est-ce que l’on peut supposer que les personnes puissent préférer à la recherche de leur bien-être personnel, un engagement social ?

R : La question, c’est encore faut-il savoir si cette recherche de bien-être personnel n’est pas une illusion. Peut-on réellement penser que l’on va atteindre le bien-être, et donc le bonheur, dans une société oppressive ? Et si c’est le cas, au prix de quelles illusions ? Dans ce cas, peut-on considérer comme souhaitable de bâtir son existence sur un bien-être en réalité illusoire ?

On a changé une illusion, l’engagement dans les communismes autoritaires, pour une autre illusion, la recherche du bien-être dans une société oppressive. Le plus étonnant c’est que l’un des discours qui met le plus en avant l’illusion de toute chose, à savoir la forme vulgarisée du bouddhisme, est devenu un puissant vecteur de cette illusion dans nos sociétés : il vaut mieux changer nos perceptions que l’ordre social. Ce qui aboutie à une assertion conservatrice qui n’aurait pas pu permettre par exemple un mouvement de transformation sociale tel que le féminisme.