Il y a chez Sartre – De l’existentialisme est un humanisme, en passant par Les mots, à L’idiot de la famille, l’idée que la vie d’une personne peut être comprise à partir de la notion de « projet existentiel ».

Cette idée peut assez bien convenir d’ailleurs pour décrire la vie de Jean-Paul Sartre et de Simone de Beauvoir. Tous les deux ont un projet existentiel principal : devenir écrivains. Ils n’ont pas à côté une vie de famille avec enfant qui pourrait concurrencer ce projet.

Certes, par la suite, apparaît dans leur vie l’engagement militant qui peut parfois rentrer en concurrence – sur le plan du temps : comment organiser sa vie en tenant compte des obligations qu’impose l’écriture et la vie militante ? Pour penser cette contradiction, Sartre a d’ailleurs théorisé la notion d’intellectuel engagé (ou plus exactement la distinction entre le savant et l’intellectuel) : l’intellectuel est le savant qui vit la contradiction entre son travail intellectuel et son engagement social. Sartre consacré ses matinées à écrire et ne prenait d’engagement militant que l’après-midi.

(Voir la définition de l’intellectuel engagé par Sartre :

https://www.youtube.com/watch?v=FfSJadOqHeA )

Mais également, la manière dont Sartre aborde le projet existentiel se modifie. Dans un premier temps, se qualifiant d’anarchiste individualiste et d’existentialiste, Sartre pense le projet et la liberté radicale sans prendre en compte les conditions sociales de la situation.

Avec L’idiot de la famille, sa biographie de Flaubert, il entend appliquer sur un cas individuel la méthode progressive-regressive qu’il emprunte au marxiste Henri Lefebvre et qu’il décrit dans Questions de méthode qui s’intitule à l’origine existentialisme et marxisme. Il s’agit avec L’idiot de la famille, en tenant compte des conditions sociales et individuelles historiques mises en lumière par le marxisme et la psychanalyse, de dégager l’émergence du projet existentiel et la manière dont il oriente l’existence.

Néanmoins, l’idée de projet existentiel ne va pas sans poser un certain nombre de questions :

– Peut-on décrire la trajectoire d’une personne à partir de l’idée de projet existentiel ?

– Le projet existentiel d’une personne est-il unique et déterminé dès l’enfance ?

– Ou au contraire, peut-il y avoir plusieurs projets existentiels au cours d’une même existence ? Ces projets pouvant se succéder ou même coexister en même temps. Un projet pouvant être abandonné pour succéder à d’autres.

– Quelle place tiennent les conditions socio-historiques, la situation et autrui, dans la constitution du projet existentiel ou des projets existentiels ?

– Ne peut-on parler du projet existentiel d’une personne qu’une fois qu’elle est morte ?

– L’idée de projet existentiel peut-elle aider la subjectivité à se projeter sur son avenir ?

– Le projet existentiel d’un sujet peut-il être décidé par d’autres que lui comme par exemple sa famille ?