Fiche de révision: l’histoire

 

 Histoire (et science)

C’est au XIXème siècle positiviste que l’histoire « science des documents » revendique ce statut car elle considère qu’elle s’efforce de faire le même travail rigoureux et explicatif ( elle cherche des causes aux évènements et ne cherche plus simplement à établir les faits ( chronologie) ou faire un simple récit du passé ). On est passé de l’histoire originale des mémorialistes à l’histoire réfléchie.

Malheureusement le statut scientifique de l’histoire comme toute science humaine pose problème pour deux raisons : le sujet connaissant ( l’historien) et l’objet d’étude ( le cours de l’histoire):

  • Raymond Aron(1905.1983) « l’homme est à la fois sujet et objet de la connaissance historique »

Cette phrase signifie :

  1. que l’homme est l’objet de la connaissance historique: l’homme a une histoire, un devenir dans le temps. L’homme n’a pas simplement comme tout ce qui est et devient, une temporalité ( fait d’être dans le temps, soumis au temps et son érosion) , il a une historicité. Il a une histoire, c’est-à-dire qu’il devient dans le temps mais en ayant conscience d’être dans le temps, en étant cause entière ou partielle des changements qui forment son devenir ( ce qui n’est pas le cas des objets et même de la Nature, dont le devenir est le résultat nécessaire de lois) et aussi sans doute en ayant une certaine représentation du temps comme linéaire, tri-dimentionnel- avec un passé, un présent et un futur-, ce qui présuppose d’avoir rompu avec une conception cyclique du temps, qui est celle des sociétés « primitives » ou traditionnelles, « sans histoire » dans le sens où le présent n’est que la répétition d’un passé immémorial.
  2. que l’homme est le sujet de la connaissance historique: il fait aussi de l’histoire, de l’historiographie en tant qu’historien qui étudie le cours du devenir de l’humanité
  3. qu’il y a un lien entre les 2:

    – si l’homme a une histoire, c’est aussi sans doute parce qu’il fait de l’histoire, c’est-à-dire étudie son passé, pour en faire un récit véridique. « La conscience du passé est constitutive de l’existence historique » disait en ce sens Aron. Sans faire de l’histoire, l’homme serait prisonnier du présent, prisonnier d’un comportement instinctif, incapable de réagir, d’évoluer,d’anticiper. » L’histoire est pour l’espèce humaine, ce que la raison est pour l’individu » selon Schopenhauer.

    – si l’homme est à la fois sujet ( historien) et objet ( objet d’étude) de la connaissance historique, cela pose la question de l’objectivité de l’histoire! Comment avoir la distance critique nécessaire à un examen objectif, si c’est moi-même que j’étudie, si l’objet d’étude est l’humain avec sa liberté, déjouant nécessité et prévisions?

Conséquence: l’histoire est forcément subjective car il s’agit d’un homme étudiant le devenir des hommes et cela à travers des vestiges du passé qui sont surtout des témoignages , donc subjectifs ( chacun n’ayant pas vécu le même événement de la même manière) et même si l’historien les compare, recoupe, il va en retenir certains plutôt que d’autre selon SON interprétation , SON hypothèse.

  • SCHOPENHAUER:Seule l’histoire ne peut vraiment pas prendre rang au milieu des autres sciences, car elle ne peut pas se prévaloir du même avantage que les autres : ce qui lui manque en effet, c’est le caractère fondamental de la science, la subordination des faits connus dont elle ne peut nous offrir que la simple coordination. Il n’y a donc pas de système en histoire, comme dans toute autre science. L’histoire est une connaissance, sans être une science, car nulle part elle ne connaît le particulier par le moyen de l’universel, mais elle doit saisir immédiatement le fait individuel, et, pour ainsi dire, elle est condamnée à ramper sur le terrain de l’expérience. Les sciences réelles au contraire planent plus haut, grâce aux vastes notions qu’elles ont acquises, et qui leur permettent de dominer le particulier, d’apercevoir, du moins dans de certaines limites, la possibilité des choses comprises dans leur domaine, de se rassurer enfin aussi contre les surprises de l’avenir. Les sciences, systèmes de concepts, ne parlent jamais que des genres : l’histoire ne traite que des individus. Elle serait donc une science des individus, ce qui implique contradiction. Il s’ensuit encore que les sciences parlent toutes de ce qui est toujours, tandis que l’histoire rapporte ce qui a été une seule fois et n’existe plus jamais ensuite. De plus, si l’histoire s’occupe exclusivement du particulier et de l’individuel, qui, de sa nature, est inépuisable, elle ne parviendra qu’à une demi-connaissance toujours imparfaite. Elle doit encore se résigner à ce que chaque jour nouveau, dans sa vulgaire monotonie, lui apprenne ce qu’elle ignorait entièrement.”

    Expliquer les faits humains ce n’est pas la même chose qu’expliquer les faits naturels

  1. car là où l’explication scientifique sub-ordonne ( la nature étant uniforme, on peut expliquer le particulier par, sous ( sub) le général) ET l’histoire co-ordonne : chaque évènement étant différent ( changement de contexte, acteurs différents et libres ) , il faut trouver des causes particulières. C’est ce qu’on appelle la PRIMULTIMITE du fait historique: il arrive une seule et unique fois. Même s’il y a certaines ressemblances entre  les faits ( les guerres reviennent, des analogies, des bégaiements; selon Hegel, les évènements se produisent toujours 2 fois: une fois comme tragédie et une autre comme farce ), des apparentes constantes et peut-être même la même nature humaine ( Machiavel « Tous les peuples ont toujours été et sont encore animés des mêmes passions »), chaque évènement est différent. Valéry dans  Variété écrit en ce sens que « l’histoire est la science des choses qui ne se répètent pas« . Un évènement historique est donc semblable à un individu, c’est une totalité indivisible et unique, d’où :   l’histoire est “une science des individus” , donc ce n’est pas une science.
  2. Cela empêche aussi toute vérification expérimentale et comme l’histoire étudie ce qui n’est plus: le fait historique n’est pas donné mais reconstruit, alors qu’en science, les faits sont donnés
  3. La science explique le présent par le passé ( non seulement la cause explique l’effet, mais les mêmes causes ont les mêmes effets), en histoire c’est le présent et le futur qui expliquent  rétrospectivement le passé; car c’est quand les buts se réalisent, que l’on peut saisir les réelles intentions des hommes.

 

Pour compléter, cliquez et  écoutez l’analyse du sujet : l’histoire n’est-elle qu’un récit?

Publié par

Caroline Sarroul

Professeur de philosophie au Lycée Alain Borne

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