E-xpresso 2020

Édito…

Privé de service public, est-ce vraiment payant ?

Peut-on faire des économies à court terme sur des organisations qui maintiennent en vie, qui éduquent ou qui contribuent à la mobilité de tous,  à long terme ? Un service public garant d’une égalité d’accès aux soins, aux études et aux transports sur tout le territoire national, quels que soient le lieu de vie et le niveau de richesse des habitants ? Ce sont les questions qu’on devrait se poser devant les mesures d’austérité  qui concernent les services publics ces dernières décennies. En effet, des restrictions budgétaires se poursuivent depuis presque 30 ans, en raison de préceptes de libre concurrence et de fin des monopoles exigés par l’Europe financière. En découlent  un service public affaibli, des revendications peu écoutées  voire des contestations étouffées par l’Etat en ayant recours à la violence. La récente crise sanitaire vient de mettre à mal  un hôpital public déjà à bout de souffle. Avant l’arrivée d’un certain coronavirus, les appels à l’aide lancés par les soignants témoignant du calvaire enduré par les urgences  publiques ont pourtant retenti, sans être écoutés. Les manifestations du corps médical,  les tentatives de négociation des enseignants et des lycéens vis-à-vis des réformes du baccalauréat ainsi que les grèves de la SNCF ne sont que des exemples parmi tant d’autres. Entre les transports qui partent en roue libre, l’Éducation Nationale qui joue les mauvais élèves et la Santé publique bien mal en point, jamais le Service Public n’a été autant malmené. Ne serait-ce pas là le chant du cygne, baroud d’honneur d’une politique stérile qui ne peut plus durer ? La crise sanitaire que nous traversons devrait conduire à une prise de conscience, à un besoin de réhabiliter une certaine idée de l’État providence. Les logiques comptables et libérales ne s’accordent pas avec l’investissement sur l’Humain, qui n’a pas de prix… y compris celui de la survie de l’espèce !

Hans Orsell

La mass culture : un progrès ou un danger ?

Battle entre un élève de 4ème (Ilnapator) et deux étudiants interviewés (dont Hans Orsell et Providentiel)

On a l’habitude de définir la culture comme « ce qui est commun à un groupe d’individus  » et comme « ce qui le soude « . La culture numérique, avec la notion de réseaux qu’elle offre et nécessite, est en passe de réunir des milliards d’individus tout en les isolant de plus en plus les uns des autres. Un paradoxe ? Chacun.e d’entre nous, quel que soit le continent, passons de plus en plus d’heures devant nos écrans au détriment du lien social direct. Cette tendance était déjà bien présente avant le confinement mondial. Moins de lien social, plus de dépendance envers les écrans et nous rentrons dans un cercle vicieux. Le flux continu de données passe-partout, universelles au sens international et marchand du terme,  peut aussi mener à une certaine uniformatisation de la cuture et entraîner des dérives dont la recherche du profit à tout prix. En revanche cette même culture numérique nous rapproche en nous permettant de partager des avis et des émotions à propos de ce que nous voyons, lisons, écoutons… en commun.
Les vidéastes (aussi appelés « Youtubeurs« ), acteurs, chanteurs, etc,… sont vus comme des « stars ». Ils doivent leur notoriété non pas à un talent particulier mais à une capacité à faire le buzz, à susciter l’attention pour de bonnes ou moins bonnes raisons.  Ainsi attirent-ils un grand nombre de personnes, de « suiveurs » qui forment une communauté de par leur centre d’intérêt commun. Certains vont même jusqu’à se donner un nom, renforçant le sentiment d’appartenance à un groupe constitué et apparemment soudé : citons  la chanteuse Lady Gaga avec ses « Little Monsters »  ou le Youtubeur Cyril et ses « baguettes ».  Nous parlons souvent avec des références de pop culture. Si vous avez le malheur de ne pas connaître telle musique, telle personnalité, telle série, tel jeu vidéo… ou si vous n’avez pas accès à telle plateforme ou à tel service, vous êtes exclu.e.s des conversations courantes, et même exclu.e.s tout court ! Vous avez forcément demandé à vos amis s’ils avaient déjà vu le dernier épisode de La Casa de papel sur Netflix ou la nouvelle vidéo d’Amixem, fameux Youtubeur ? Certaines références ne parlent qu’à des personnes du même âge mais d’autres réussissent l’exploit d’être inter-générationnelles comme les courts-métrages du célèbre « Cyprien ». 
 Reste la question très subjective de la qualité : une production massive de contenus n’est pas toujours preuve de grand intérêt culturel… Les vidéos de chatons ou les joutes verbales entre rappeurs, si elles comptent beaucoup de vues n’apportent pas grand chose à notre culture personnelle, en revanche elles permettent de bien rémunérer leurs auteurs !. Dans le même temps, des productions plus confidentielles sur des sujets plus spécialisés ou vulgarisateurs passent souvent inaperçues du grand public. Pour chaque vidéo que nous visionnons sur YouTube, une publicité générée automatiquement se lance, et l’argent revient au Youtubeur en question. Nous n’en avons pas conscience et ces influenceurs ont réussi à nous capter et à nous rendre dépendant.e.s  à notre insu. 
 A croire que l’on veut que les gens soient bêtes pour que l’on puisse les contrôler plus facilement.
Culture sous IV
Commerce de la culture
Cela n’est un secret pour personne, notre monde est dirigé par une poignée de multinationales et notre culture n’échappe pas à cette amère réalité. Car derrière Youtube se cache le géant Google, derrière Instagram se cache Facebook et même Amazon s’est taillé une part dans l’appétissant marché que représente le divertissement avec son service Amazon Prime Video. Nous raffolons de ces services qui nous promettent la fin de l’ennui tout en alimentant notre soif de savoir, de connaissance et de renouveau. Autrefois décriée pour son « abrutissement des masses », la télévision s’est vue remplacée par la démocratisation d’internet et des flux qui l’accompagnent. Bien que facilitant l’accès à la connaissance et, par extension, à la culture, notre rapport à l’écran nous a rendus plus perméables à l’information. A l’instar des « Fake News », de nouveaux points d’informations sont apparus avec la venue de personnes dites « influenceuses » sur les réseaux sociaux. Ces personnes, souvent très écoutées par les plus jeunes d’entre nous, ont un impact réel sur la prise de décisions ainsi que sur le prisme avec lequel elles abordent le monde qui les entoure. Leur rapport à la culture est donc altéré. Les entreprises participent à ce façonnement de la réalité en organisant des partenariats, plus ou moins subtiles, avec les personnes possédant une forte visibilité, ciblant un plus large panel de personnes et influençant, parfois énormément, les contenus proposés ainsi que les discours. Mais ce n’est pas la seule manière avec laquelle les grandes entreprises s’immiscent dans notre paysage numérique. Face à l’impunité, relative, que propose internet, les principaux réseaux sociaux font usage d’une modération de plus en plus forte. Ainsi de nombreux sujets sont censurés, muselant sans discernement tout ce qui s’y rapporte au risque de mener à une désinformation. À l’heure où les plateformes sociales représentent de plus en plus la principale source d’information et de culture chez les jeunes, doit-on craindre un obscurantisme de la culture orchestré par les multinationales ?

Binge watching : Nous rend-on accros ? 

Ces vidéos, séries, chansons, etc… des principales plateformes, du fait d’un enchaînement rapide, sont addictives. En effet, ce flux constant pousse le spectateur à rester et à consommer toujours plus. En témoignent les nuits blanches suite à un marathon d’une série ou encore les nombreuses heures passées sur Youtube. Cette dépendance est favorisée par un montage dynamique, un débit de parole soutenu, un format épisodique. Tout est bref, concis, vitaminé pour mieux nous faire passer la pilule (bleue ou rouge ?)… Et ça marche ! Un terme a même été donné à ce phénomène : le Binge Watching ou visionnage compulsif. Cela signifie la consommation en masse de produits multimédias. Il tire d’ailleurs son origine de « Binge drinking » qui consiste à fortement s’alcooliser le plus vite possible, appuyant le  caractère addictif de cette pratique. Pas encore considéré comme une véritable addiction en terme médical, il convient de rester prudent vis-à-vis de notre consommation très importante. Les plateformes multimedia, consisteraient-elles en une nouvelle forme de drogue administrée en intra-veineuse ?  En nous poussant à toujours plus visionner, les grandes multi-nationales nous rendent accros pour mieux nous prélever notre « temps de cerveau disponible ». 

Inventons les citoyens de demain !

Le réchauffement climatique, l’écologie, les catastrophes naturelles… Tout le monde en parle Cependant les jeunes sont-ils vraiment informés à ce sujet, puisqu’ils vont être au cœur des problèmes sérieux qui touchent le climat en général. L’avenir de la planète repose sur les adolescents d’aujourd’hui, mais comment sont-ils sensibilisés à la nécessaire  prise de conscience face au réchauffement climatique et aux problèmes environnementaux ? 
Prenons l’exemple de notre collège à Vienne : comme dans de très nombreux établissements, pour la première fois lors de la présente année scolaire, des éco-délégués se sont proposés (très peu) ou ont été élus (bien obligés)…
Cette initiative du Ministère de l’Education nationale est-elle juste une façon de se donner bonne conscience (green washing ?) ou un véritable moyen de former les citoyens de demain ? 
En quoi consiste le rôle des éco-délégués ? Leur mission consiste à réfléchir à plusieurs problèmes à propos de l’environnement, si possible à partir de situations proches de ce qu’ils vivent, afin d’émettre des propositions et de les partager à leur classe respective. Cette année, les élèves éco-délégués avec l’aide des élèves du club techno et de quelques membres du Conseil de Vie Collégienne, participent à un projet de grande envergure. J’invente demain en partenariat avec le CEA de Grenoble et le MIT de Boston (rien que ça !). La problématique est « Comment améliorer le quotidien des élèves au collège ? ». Pour le concours, il faut concevoir un projet innovant grâce à la pensée design destiné à améliorer le quotidien de ses camarades. Ils sont partis sur le thème de la cour de récréation. Ce lieu qui est si « symbolique«  dans un établissement scolaire, au cœur de tous les passages et de toutes les histoires, mais aussi souillée par de très nombreux déchets abandonnés un peu partout par les collégiens négligents…. Évidemment ce projet prend en compte la thématique de l’écologie. Tout en étant innovant et respectueux de l’environnement, il se doit de motiver les jeunes à changer leurs habitudes, à un âge où certains ont tendance à rejeter tout ce qui leur a été recommandé depuis la maternelle !
Des élèves et des enseignants de notre collège se mobilisent pour que les causes environnementales et écologiques soient un axe fort, défendu par le club écocitoyen autour de la création d’un potager et de plantations d’agrément, la gestion des déchets (recyclage du papier, récupération des batteries et piles usagées), la réalisation d’un hôtel à insectes  mais aussi de la solidarité (vente de gâteaux au profit d’associations, dons de jouets, concert solidaire, …) Le collège a obtenu ainsi le label « éco-collège » trois années consécutivement…
Malheureusement les bonnes volontés ne sont pas suffisamment nombreuses ni populaires pour emporter l’adhésion de tous les élèves… (sauf les ventes de gâteaux qui sont adorées de tous les gourmands !)
N’est pas Greta Thunberg qui le veut !!!
Rimbaud1

Quand ça fait boom…er

Face de boom…er

 

Bas les masques !

BONUS LUNAIRE

J’ai demandé à Macron
Et Mélenchon ne le sait pas
Je lui ai montré mes attestations
Et il s’est moqué de moi
Et comme Véran n’avait pas fière allure
Et que je ne guérissais pas
Je me suis dit « c’est vraiment dur »
Et le ministre s’est moqué de moi

J’ai demandé à la Lune
Des humains plus écolos
Elle m’a dit « je ne suis pas Hulot »
« Pour changer cette infortune »
Et elle et moi
On était tellement sûrs
Et on se disait quelquefois
Qu’elle n’allait pas nous aider
Pour sauver sa bien aimée

Je n’ai pas grand chose à te dire
Et pas grand chose pour te faire rire
Car j’imagine toujours le pire
Et le meilleur me fait souffrir

J’ai demandé à Buzyn
Pourquoi des affiches dans les aéroports ?
Elle m’a dit « J’ai pas l’habitude »
« De m’occuper du covid » c’est alors
Qu’elle et moi
On était tellement sûrs
Et elle me disait ce jour là
Qu’on allait battre cette créature
Et que ça ne durerait pas…

Ilnapator et Rimbaud1

 

OURS

Edition spéciale de Press’qu’Isle déserte publiée le samedi 16 mai 2020 dans le cadre du Festival E-xpresso

Directrice de publication : Eloïse QUÉROU, présidente de l’association Jets d’encre

Contributeurs réguliers : Kmie, Rimbaud1, Speedboy ou Speedraw (dessinateur)

Journalistes jeunes pour l’événement : Hans Orsell (dessinatrice), Ilnapator, Ouarce, Providentiel (invité)