Entretien avec une médecin humanitaire

En raison des guerres partout dans le monde, et notamment à Gaza, nous nous sommes interessés à l’association Médecins sans Frontières. Nous avons faits des recherches sur MSF mais nous avons préféré interroger une de ses membres, Marie Capdepon.

Nous lui avons tout d’abord présenté à Marie Capdepon la définition que nous avons trouvée d’un médecin humanitaire : il s’agit d’un médecin, généraliste ou spécialiste, qui prescrit et soigne lors de consultations dans des centres mobiles ou des hôpitaux. En situation de crise, il doit adapter sa pratique à des moyens techniques limités. Nous lui avons tout d’abord demandé à si elle était d’accord avec cette proposition.

C’est un bon résumé pour la « première mission » en tant que médecin généraliste chez MSF. Le médecin première mission doit adapter sa pratique non seulement à des moyens techniques limités (les examens complémentaires sont souvent rudimentaires, ainsi que les possibilités de tests sanguins, et parfois même les possibilités liées au matériel chirurgical) mais également aux des traitements disponibles sur place sur la mission.

Les chirurgiens et anesthésistes, que ce soit leur première ou qu ils aient fait plusieurs missions, vont souvent continuer à exercer en tant que chirurgien ou anesthésistes en mission, et ce sont souvent des périodes courtes de 3 à 6 semaines. Certains vont rester plus longtemps mais il s’agit alors de retraités ou de médecins originaires de pays où leur salaire est inférieur au salaire d’expatrié chez MSF (cela ne concerne pas les médecins occidentaux en général).

Pour ce qui est des spécialistes médicaux, il y en a peu chez MSF, les plus nombreux sont pédiatres, il y a quelques urgentistes, des internistes et des médecins spécialisés en médecine tropicale ou dans la prescription d’antibiotiques (ce qui n’est pas une spécialité en soi en France).

La grande majorité des médecins travaillant pour MSF comme expatriés sont des généralistes. Ils feront une première, voire deux missions, comme medecin « traitant », dans le sens où ils exerceront le métier en traitant les patients eux-mêmes directement. Ils auront besoin de l’aide des infirmiers locaux pour traduire ou des traducteurs dans certains pays quand le budget existe et que les infirmiers ne parlent ni français ni anglais.

Pour leurs autres missions, s’ils continuent à travailler pour MSF, ils deviennent manageurs des médecins/chirurgiens/ spécialistes locaux, puis manageurs de l’activité médicale totale de la mission, puis au niveau du pays (dans ce dernier cas ils travaillent à la coordination le plus souvent en capitale et ne sont plus proches du terrain ni des patients). En fait, plus on fait de missions plus cela devient administratif et moins médical/clinique

Pouvez-vous présenter l’association Médecins sans frontières ?

MSF est une organisation humanitaire non gouvernementale, c’est à la base une association qui a été crée en décembre 1971 en France par un groupe de médecins et de journalistes français. Elle ne bénéficie de l’aide financière d’aucun gouvernement, 99,24% des dons viennent de ressources d’origine privée. Ses fondements sont l’impartialité, la neutralité, l’autonomie, l’indépendance financière et la nécessité de témoigner.

Qu’aimez-vous dans votre métier ?

L’intérêt d’une mission à l’autre est totalement différent, j’aime mon métier et je le fais par conviction, et aussi parce qu’il permet de voir des situations et des cultures auxquels je ne pourrais pas être confrontée lors d’un simple voyage (souvent aussi parce que ces endroits ne sont pas accessibles à un simple voyageur).

Quelles sont les qualités pour être un bon médecin humanitaire ?

Les qualités requises sont les mêmes que pour n’importe quel médecin, plus une capacité d’adaptation importante, et de savoir surtout garder les pieds sur terre et connaître ses propres limites.

Y a-t-il des études particulières pour être médecin humanitaire ?

Il n’y a pas d’études particulières mais il est recommandé d’être calé en médecine tropicale, nutrition, traumatologie, et en gestion des urgences en resources limitées.

Quelles ont été vos différentes missions ? Quelle mission vous a le plus marquée ?

J’ai eu l’occasion de faire 5 missions, avant ma mission actuelle. Deux en Haïti, une en République Centrafricaine, une au Bangladesh dans le camp de réfugiés de Rohingyas, une à Gaza, et je suis actuellement au Yémen. Ma mission la plus éprouvante a été en Centrafrique, la plus épanouissante au Bangladesh et la plus enrichissante culturellement à Gaza. Mes missions durent le plus souvent 6 mois.

Vos missions ont-elles toutes eu lieu dans des pays en guerre ?

Non, certains des pays où je suis allée en mission n’étaient pas en guerre ou du moins pas nécessairement quand j’y étais, comme au Bangladesh par exemple. Certains sont en guerre avec des pays voisins, pour d’autres il s’agit de guerre civile, pour d’autres c’est une guerre entre 2 grands groupes armés 

Comment s’organise votre travail ? Êtes-vous en mission actuellement ?

Une journée type commence par la réunion médicale du matin où les médecins et superviseurs infirmiers rapportent les événements de la nuit, puis on fait la visite d’un ou plusieurs départements de l’hôpital avec les généralistes/pédiatres/spécialistes, puis on voit les employés qui sont en arrêt maladie ou ont besoin d’une consultation médicale. Souvent il y a de nombreuses réunions avec les autres manageurs, paramédicaux, physiotherapeutes, santé mentale, pharmaciens, logisticiens, administrateurs… Certains hôpitaux sont partagés avec le ministère de la santé du pays, alors d’autres acteurs encore entrent en jeu. Beaucoup de temps est passé sur le recrutement et la gestion du personnel et sur l’amélioration de l’organisation des différents services, de leur communication entre eux et sur l’amélioration de l’hygiène et de la qualité des soins.

Oui, je suis en mission actuellement, au Yemen.

Souhaitez-vous passer un message pour donner envie aux jeunes générations de faire la même chose que vous ? Quel serait ce message ?

Comme je ne suis pas médecin humanitaire toute l’année (je ne travaille pas en continu pour MSF), ma vie ne tourne pas que autour de l’humanitaire. Je conseille aux jeunes qui veulent le faire de faire une première mission en gardant l’esprit très ouvert avec l’idée que c’est probablement très différent de comment ils se l’étaient imaginé et de se permettre de repartir s’ils ont apprécié l’expérience et ne de ne pas le faire si cela s’est avéré trop difficile ou trop différent de leur representation du métier. MSF ne recommande pas aux jeunes médecins de partir avec l’idée qu’ils travailleront toute leur vie dans ces contextes. Il faut pouvoir garder un équilibre avec la vie « normale », vos amis, votre famille et ce qui vous intéresse en dehors de votre travail.

Nous remercions Marie Capdepon d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.

Odilon, Mayline et Jean

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