Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

L’arbre ni trop grand ni trop petit

Il était une fois un arbre, ni grand, ni petit, ni large, ni fluet. Juste un arbre. Il vivait avec ses congénères dans une forêt pas trop épaisse. De bonnes conditions de vie pour un arbre ni trop grand ni trop petit. Il avait de la place pour étendre ses branches et faire profiter ses feuilles de la moindre source de lumière. Son voisinage immédiat était de bonne compagnie ; on ne peut pas dire qu’il ne s’entendait pas avec les chênes majestueux et les châtaigniers un peu dédaigneux mais sans malice. Même avec les bouleaux, il entretenait des relations cordiales.  Mais cet arbre avait un souci. Il voyait bien toute la journée, et même la nuit, des animaux voler dans le ciel, courir ou ramper sur le sol. Il y en avait même qui grimpaient sur son tronc et dans ses branches. Certains lui frôlaient les racines. Il avait envie de leur demander : « C’est comment ailleurs ? » … mais que peut-on faire quand on est un arbre ni trop grand ni trop petit ?

Alors, il regardait les nuages en essayant de deviner ce qu’ils avaient vu. Il tentait de comprendre ce que la pluie racontait. Il se réchauffait les feuilles au soleil en se disant que ses rayons en connaissaient plus d’un sur les alentours et même plus loin encore. Il aurait bien voulu se rendre compte de lui-même mais ses racines, profondément enfoncées dans la terre ne lui permettaient pas de se déplacer. Les jours de grands vents, il se tordait en tous sens pour les libérer mais il n’était ni trop grand, ni trop petit et cela ne pouvait pas se faire. Il était comme cloué au sol, sans espoir de voyage comme dit la chanson.

Et puis un jour, alors qu’une pluie battante secouait les feuilles, il arriva qu’un oisillon s’échouât sur une branche de l’arbre ni trop grand ni trop petit. Pris de pitié devant ce minuscule être qui piaillait lamentablement, il tordit quelques-unes de ses brindilles pour abriter le petit et lui faire comme un nid. Celui-ci se trouva bien blotti, il avait assez chaud pour s’endormir, bercé par le mouvement des branches et le son des gouttes qui, tombant sur le feuillage, faisaient comme une chanson douce, celle que lui chantait sa maman.

La pluie finit par cesser et la futaie résonna bientôt des cris de détresse d’un grand oiseau blanc. Il appelait son précieux héritier emporté par le déluge qui venait de s’abattre sur ce coin de forêt. L’arbre ni trop grand ni trop petit agita une de ses branches pour attirer son attention. Le grand oiseau blanc se posa alors et ne fut pas long à remarquer son bébé endormi. Il le posa délicatement sur son dos et le ramena vers sa mère, toute heureuse de retrouver sa progéniture.

Mais l’histoire, si elle finit bien pour l’oisillon perdu, ne fait que commencer pour l’arbre ni trop grand ni trop petit. En effet, le grand oiseau blanc se trouvait être un magicien cherchant à renouer avec son lointain passé, qui vivait sa 267e vie sous la forme d’un dinosaure à plume. Il tint absolument à remercier celui qui avait non seulement sauvé la vie de son rejeton mais en avait également pris grand soin. Il revint donc vers l’arbre sauveur et lui offrit d’exaucer trois de ses vœux. Tout le monde sait que pour les fées et les magiciens, voire les génies des lampes parfois, les vœux vont par trois.

L’arbre ni trop grand ni trop petit, habité par son rêve de découvrir le monde, formula ainsi son premier vœu : « Je souhaite visiter le monde en volant comme toi. » Aussitôt dit, aussitôt fait, le grand oiseau blanc libéra les racines de l’arbre et celui-ci commença à s’élever dans les airs, un peu comme une montgolfière, si vous arrivez à l’imaginer. Il se laissa porter par les courants d’air ascendants et eut ainsi le grand bonheur de découvrir des paysages qu’il n’avait jamais imaginés.

Il s’aperçut rapidement qu’il avait oublié de prendre avec lui de quoi se nourrir pendant ce voyage. Son deuxième vœu fut donc de récupérer des sels minéraux indispensables à sa survie à plus ou moins long terme. Rassuré sur sa subsistance, il put enfin profiter de son voyage.

Ce que vous voyez tous les jours et qui est pour vous d’une grande banalité, était pour lui l’objet d’émerveillements sans fin. La terre qu’il découvrait se parait de couleurs infiniment nuancées ; de temps à autre, il voyait l’eau des pluies former des rivières soit calmes et tranquilles soit au contraire agitées et tumultueuses. Il survolait des villages aux clochers pointus et il aperçut même au loin un château qui braquait fièrement ses tourelles vers le ciel. Et puis partout, il remarquait des animaux à deux pattes, dont il finit par comprendre qu’ils étaient ce que les bêtes de la forêt appelaient des hommes. Heureux de comprendre enfin de quoi elles parlaient, il secouait ses branches pour leur manifester des marques d’amitié.

Mais vous savez bien que certains hommes n’aiment pas ce qu’ils ne connaissent ni ne comprennent. Un arbre volant, pensez donc ! Un arbre déraciné ! Que venait-il chercher dans leur contrée ? « Prendre la place de nos arbres fruitiers ! » vitupéraient les plus hostiles qui n’étaient que les plus peureux. « Mais non, faisons connaissance avant de méjuger ! » tentaient de calmer quelques plus raisonnables personnes, prêtes à accueillir l’arbre volant.  « Ce n’est que le premier, l’invasion des arbres ne fait que commencer ! Ils vont voler nos enfants, violenter nos femmes ! Chassons-le pour leur faire passer l’envie de revenir nous envahir ! » reprenaient les plus virulents, jouant sur les peurs sans aucune retenue, cachant leurs idées de pouvoir.

Malheureusement, ce furent ces voix haineuses que la foule entendit. Armés d’arcs, ils lancèrent des flèches enflammées vers l’arbre maintenant en très mauvaise posture. Imaginez l’épouvante de cet arbre ni trop grand ni trop petit : le feu, l’ennemi le plus féroce de son bois. Lui n’avait pas d’ailes pour s’enfuir. Et ces flèches qui le frôlaient de plus en plus près ! Il se résolut à formuler son troisième et dernier vœu : retourner dans sa forêt. L’animosité malveillante avait gagné, une fois de plus, comme souvent au pays de hommes.

Le magicien exauça ce dernier vœu et enracina à nouveau l’arbre ni trop grand ni trop petit à la place qu’il occupait il n’y a pas si longtemps. Celui-ci mit longtemps à se remettre de sa grande frayeur. Petit à petit, la compagnie rassurante de ses congénères et des animaux de la forêt l’aida à reprendre le dessus et il put enfin savourer les souvenirs de son merveilleux voyage. Des regrets, il en avait, bien sûr. Mais à la suite de cette belle aventure, il s’était découvert un talent pour raconter tout ce qu’il avait vu. Les arbrisseaux faisaient cercle à son pied pour l’entendre peindre les couleurs de son périple à peine croyable, chanter les sons inconnus d’eux des rivières et des cloches des églises. Et plus d’un s’endormait en rêvant à son tour … peut-être qu’un jour ?

Anne-Marie, 8/10/16

Fin replacée le 3/2/18 L’histoire ne dit pas si ces hommes firent le lien entre les évènements qu’ils venaient de vivre et les plaies qui s’abattirent dès lors sur eux. En effet, le magicien était extrêmement mécontent de la façon dont ils avaient si mal accueilli, et c’est peu de le dire, son protégé. Il fit tomber sur eux une pluie de grêle qui mit en danger la récolte de fruits puis lança sur eux des sauterelles qui dévorèrent ce qui restait de leurs précieux arbres fruitiers.

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