Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

J’ai cru qu’on maltraitait un chien au vu des cris aigus

Il était une fois un lion. Sa couleur fauve, son imposante crinière, ses canines fières montrait qu’il était lion. Mais ce lion ne se savait pas lion. Sa naissance avait été dramatique puisque sa mère et ses frères bébés avaient été tués par des chasseurs. Vous savez, ceux qui viennent en Afrique tuer les animaux qu’ils n’ont pas chez eux. Mais ce premier sorti du ventre de sa maman lionne avait miraculeusement échappé aux fusils meurtriers. Il avait en effet atterri sous un épais buisson d’épineux et par chance, n’avait pas manifesté sa présence. Par chance ? à voir … car il s’était retrouvé seul au monde, dans une savane aux mille dangers sans personne pour le protéger. Poussant de petits cris de douleur et de faim, il arpentait la grande plaine, caché par les hautes herbes, s’arrêtant de temps à autre sous un acacia pour profiter de son ombre. Et il appelait lamentablement au secours.

C’est là, dans la plaine, sous cet acacia, que l’impensable se produisit : une maman zèbre entendit ces plaintes déchirantes, trouva le bébé lionceau et accepta de partager avec lui le lait destiné à son propre bébé. Elle dira ensuite : « J’ai cru qu’on maltraitait un chien au vu des cris aigus ». Comment cette maman zèbre connaissait-elle les cris aigus des chiens ? sans doute en avait-elle entendu quand elle passait près, mais pas trop, d’un village d’humains.

Toujours est-il que ce lionceau fut élevé par cette maman zèbre. Son frère de lait était un adorable petit zèbre. Et les deux compagnons apprirent à partager les jeux, le lait maternel et le plaisir de gambader dans la savane. Les autres zèbres du troupeau regardaient avec une méfiance légitime cet enfant adopté mais la maman zèbre défendait son deuxième petit avec force et fierté. Le conseil des zèbres décida qu’il était urgent … d’attendre et de voir ce qui pouvait se passer. Le lionceau apprit à se nourrir de la viande laissée par les hyènes et les vautours, il se fortifia par les jeux avec son frère. Leur jeu préféré était « Je cours, tu me rattrapes, mais fais bien attention car je change de direction quand je veux ! » auquel ils participaient en changeant de rôle. Le petit zèbre était bien conscient que son frère ne ressemblait pas aux frères habituels mais le plus important était leur bonne entente. On peut dire qu’ils s’aimaient.

C’est ainsi que se passa leur enfance dans l’insouciance relative des grandes plaines africaines. De temps à autres, un guépard essayait bien de happer un membre de la troupe ; des hyènes, toujours à l’affût d’un bon repas, guettaient la bonne occasion mais les mamans savaient bien comment regrouper les petits au milieu des adultes pour les protéger.

Cependant, il arriva qu’un jour, les deux frères s’éloignèrent et se retrouvèrent isolés. Ils croisèrent des girafes réticulées qui broutaient le haut des acacias, des phacochères qui grattaient la terre, des gnous aux aguets. Au loin un rhinocéros chargeait un groupe de gazelles qui s’étaient sans doute trop approché de lui. Bien sûr, le spectacle était fabuleux et les deux jeunes, captivés par ce qu’ils voyaient autour d’eux ne se méfiaient pas. Or, un léopard était nonchalamment allongé sur une branche. Le bruit que faisaient les deux frères l’avait réveillé. Il descendit souplement, la tête la première et s’approcha des jeunes inconscients. Le souffle léger de l’animal fit détaler le zèbre. Le léopard le prit en chasse sans se douter de la présence du lion. Celui-ci, aguerri par les jeux, rattrapa les deux coureurs, se plaça devant le léopard, ouvrit la gueule et pour la première fois, poussa un rugissement à faire s’immobiliser tous les animaux aux alentours. Le léopard comprit qu’il n’était pas de taille devant ce lion magnifique. Il fit demi-tour sans demander son reste, c’est bien le cas de le dire car il pensa que le lion allait se réserver sa part.

Retrouvant leur troupeau, ils racontèrent leur mésaventure et le conseil des zèbres se jugea une fois de plus très avisé, cette fois d’avoir accueilli au sein de leur groupe un si bon défenseur. La maman des deux impulsifs leur passa quand même un bon savon, tout en étant ravie de la conclusion de l’affaire ; elle se disait que sa bonne action avait été récompensée et elle n’avait pas tort. Elle avait quand même conscience que ses deux petits étaient devenus grands et qu’elle allait devoir les laisser partir vivre la vie des grands.

Comme ça se passe habituellement dans le monde des zèbres, le conseil se réunit et fit venir les jeunes mâles. Un long discours leur fut servi sur la nécessité de devenir de bons ambassadeurs de leur groupe, de toujours se rappeler des principes et des valeurs qui leur avaient été données … comme dans toutes les réunions de cette sorte chez tous les animaux ! Puis ils leurs demandèrent de partir pour vivre leur vie d’adultes et pour pérenniser leur espèce.

A la suite de cette réunion, les deux frères eurent juste le temps de saluer leur mère qui n’allait pas tarder à mettre bas de nouveau. Ils s’en allèrent formant un petit groupe à la recherche d’un nouveau territoire. Il allait falloir faire preuve de courage pour affronter des dominants et conquérir des dames zèbres mais ils se sentaient fort capables, la savane n’attendait qu’eux.

L’histoire pourrait s’arrêter là mais comment un lion pourrait-il conquérir une dame zèbre, me direz-vous ! eh bien, ce n’est pas possible dans la savane comme elle est actuellement. Mais tout proche de là où s’établit le groupe de jeunes zèbres, il se trouva un clan de lionnes dont le grand mâle s’était fait attrapé pour aller garnir une cage de zoo. La deuxième chance de sa vie pour notre héros.

Il n’était pas le seul jeune lion à convoiter ces belles. Mais contrairement à ses adversaires, il ne passait pas son temps à dormir, se levant seulement pour déguster sa part du gibier tué par les femelles. Non, sa jeunesse lui avait appris à courser les proies et à se forger une musculature digne d’un Usain Bolt. Les lionnes apprécièrent particulièrement ce lion capable de participer aux affaires du ménage. Elles votèrent à l’unanimité pour lui et c’est ainsi que notre lion devint le roi de cette partie de la savane.

On dit que dans ce coin de savane, aucun zèbre ne fut jamais mangé par un lion. On dit aussi que parfois, au couchant, on peut apercevoir un lion magnifique et un zèbre aux belles rayures cheminer de concert, se racontant peut-être leurs bonnes fortunes.

 

Anne-Marie, 2/10/16

 

Suite à l’atelier d’écriture des Rencontres du CRAP de 2016, je me suis prise au jeu d’écrire un conte à partir d’un titre de faits divers, sans aucun rapport avec l’article en question d’ailleurs … Pour ceux qui seraient intéressés, voici le lien : http://www.lavoixdunord.fr/39974/article/2016-08-31/j-ai-cru-qu-maltraitait-un-chien-au-vu-des-cris-aigus

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