Le conte oriental au XVIII: introduction

Le succès du conte oriental au XVIII ème siècle s’appuie sur plusieurs facteurs:

  • Tout d’abord, le conte lui-même a connu un très grand succès au XVII ème siècle, plus particulièrement le conte de fées.  La parution des Contes de Perrault (1697) s’inscrit dans cette mode qui s’amplifie tout au long du siècle. La vertu pédagogique du conte est mise en avant (Le titre exact du recueil est: Contes du temps passé avec des moralités).

Frontispice de l’édition originale des Contes de Perrault

(Un dossier sur ces Contes est accessible sur le site de la BNF: Contes)

  • Quant à l’Orient (en l’occurrence, il s’agit bien plutôt du Moyen Orient, et plus exactement de l’empire ottoman), il faut se souvenir qu’ au XVI ème siècle, François I est le premier souverain chrétien à établir des relations diplomatiques avec Soliman le Magnifique (1494-1566, sultan de l’empire ottoman à partir de 1520).

Soliman II le Magnifique


Une telle alliance est vivement critiquée par la chrétienté, mais ces relations diplomatiques perdurent tout au long du XVI ème siècle,  Henri III par exemple n’hésitant à recevoir de manière très solennelle deux ambassadeurs turcs en 1581.

Le XVII siècle continue dans cette voie, même si par ailleurs les incompréhensions demeurent importantes entre les deux nations et la différence des usages suscitent méprises et aigreurs de chaque côté (ainsi la réception en 1669 de l’envoyé du sultan à la cour de Louis XIV se traduit par un mécontement de tous, tant des Français que des Turcs).

A l’inverse les ambassades turques au XVIII ème  (1721 et 1741-42) manifestent de véritables échanges culturels entre les deux nations, et leur succès est reconnu de chaque côté. Ainsi l’alliance turque perd peu à peu son caractère problématique.

« La relation avec les Turcs perd peu à peu cette dimension sulfureuse qu’elle avait à coup sûr pour Louis XI à la fin du XVe siècle. Les sultans tendent ainsi à devenir des interlocuteurs, parfois des partenaires, et leurs ambassadeurs peuvent ainsi recevoir des égards identiques à ceux des autres souverains  » .

Gérard Poumarède, « Les envoyés ottomans à la cour de France: d’une présence controversée à l’exaltation d’une alliance (XVe-XVIIIe) », article paru dans Turcs et turqueries, PUPS, 2009.

  • Cet intérêt pour l’Orient apparaît déjà dans la littérature du XVII: on peut citer bien sûr le Bourgeois gentilhomme de Molière, représenté en 1670. La « cérémonie turque » , destinée à anoblir M. Jourdain en le faisant « grand mamamouchi » se veut résolument fantaisiste et comique.

On peut citer également la tragédie de Racine Bazajet (1672), qui se situe « à Constantinople dans le sérail du Grand Seigneur »:

« Je me suis attaché à bien exprimer dans ma tragédie ce que nous savons des mœurs et des maximes des Turcs. Quelques gens ont dit que mes héroïnes étaient trop savantes en amour et trop délicates pour des femmes nées parmi des peuples qui passent ici pour barbares. Mais sans parler de tout ce qu’on lit dans les relations des voyageurs, il me semble qu’il suffit de dire que la scène est dans le Sérail. En effet, y a-t-il une cour au monde où la jalousie et l’amour doivent être si bien connus que dans un lieu où tant de rivales sont enfermées ensemble, et où toutes ces femmes n’ont point d’autre étude, dans une éternelle oisiveté, que d’apprendre à plaire et à se faire aimer ? Les hommes vraisemblablement n’y aiment pas avec la même délicatesse. Aussi ai-je pris soin de mettre une grande différence entre la passion de Bajazet et les tendresses de ses amantes. Il garde au milieu de son amour la férocité de la nation. Et si l’on trouve étrange qu’il consente plutôt de mourir que d’abandonner ce qu’il aime et d’épouser ce qu’il n’aime pas, il ne faut que lire l’histoire des Turcs. On verra partout le mépris qu’ils font de la vie. On verra en plusieurs endroits à quel excès ils portent les passions, et ce que la simple amitié est capable de leur faire faire. Témoin un des fils de Soliman, qui se tua lui-même sur le corps de son frère aîné, qu’il aimait tendrement, et que l’on avait fait mourir pour lui assurer l’Empire ». (Seconde préface de Racine).

On voit que déjà se manifeste une image évidemment caricaturale des Turcs, même s’il s’agit avant tout pour Racine de justifier ses choix personnels.

Illustration de l’acte IV de Bazajet: L’évanouissement d’Atalide par Ch.A. Coypel

Au XVIII e siècle, le goût oriental va être accentué par la publication à partir de 1702 des Mille et une nuits, grâce à la traduction de Antoine Galland.

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