Feuilleton : Nouvelle Âme – 8

8.

Les rares discussions finissent de s’estomper. La femme continue de sourire, comme si passer en public n’était absolument pas stressant.

-Je me nomme Madame Dubois, et je serai votre directrice pour les trois prochains mois. Je suis ravie de vous accueillir dans cette magnifique École Française pour Nouvelles Âmes, et je suis aussi ravie de revoir certaines têtes.

Pendant une fraction de seconde, son regard se pose sur Clarisse. Mais à peine ai-je cligné des yeux que tout revient à la normale. Ai-je rêvé ? Je jette un coup d’œil à Clarisse. Son visage est toujours aussi fermé. J’ai probablement dû rêver.

-Je me doute que vous devez encore être déboussolée, mais sachez que mon équipe et moi-même feront au mieux pour que vous vous sentiez comme chez vous. D’ailleurs, je vous prie de les accueillir.

A ces mots, une armada de personnes aux cheveux blancs s’avance vers le centre de l’amphi. Ils sont tous habillés de costumes gris et raides comme des piquets. Leur mine sévère ne m’inspire rien de bon. Ils se dirigent tous vers le centre de l’amphi, et se place en ligne, aux côtés de la directrice. On dirait des soldats sur-entraînés, en un peu plus classes. Je ne sais pas pourquoi, mais un sentiment de méfiance m’envahit.

-Voici vos professeurs, continue la directrice, toujours en souriant. Ils se chargeront de vous apprendre tout ce que vous avez à savoir sur ce monde.

S’en suit une présentation d’un certain nombre de personnes, dont j’oublie le nom dès qu’ils l’ont prononcé.

-Bien, maintenant, passons à votre vie dans l’école. Tout d’abord, vous serez répartis dans des classes en fonction de vos âges. Les enfants de trois à dix ans se regrouperont, viendront ensuite les onze à dix-huit ans, les dix-neuf à trente ans…

Je souris. Je suis avec Enzo, et avec James par conséquent. Je suis soulagée d’être avec des têtes que je connais. Cependant, Hana est obligée de nous laisser, emportant Lila avec elle. Tant pis, on se reverra sûrement lors des repas et des temps de pause. Après avoir fini de répartir tout le monde, la directrice continue :

-Maintenant, passons à l’emploi du temps. Lors du premier mois, vous aurez cours de neuf heures à dix-sept heures. Ne vous en faites pas, il vous sera distribué à la sortie. Pendant le deuxième mois, votre emploi du temps changera du tout au tout : le matin, vous aurez cours, mais l’après-midi, vous partirez en stage d’observation des différents métiers que propose ce merveilleux monde.

J’entends Clarisse ricaner à côté de moi. Mais qu’est-ce qu’elle a, à la fin ?

-Enfin, pendant le troisième mois, vous n’aurez plus que quelques heures de cours le matin, puis partirez en essais dans les différents stages qui auront retenu votre attention. Bien entendu, vous serez évalués pendant cette scolarité, et vos résultats vous permettront, ou non, d’accéder aux stages que vous souhaitez effectuer. Je vous préviens dès maintenant, certains métiers sont réservés à l’élite, et pour y accéder, vos notes devront être irréprochables. Bien, il me semble avoir tout dit. Vous pouvez maintenant quitter la salle. Pensez à récupérer vos emplois du temps à la sortie. Et n’oubliez pas que les cours se passent exclusivement dans le bâtiment Asie. Merci de votre attention!

A ces mots, les lumières se rallument. Je m’apprête à poser une énième question à James à propos du « bâtiment Asie », mais contre toute attente, Clarisse me tire par le bras, pressée. Surprise, je la suis, de toute façon obligée au risque de perdre mon bras.

-Qu’est-ce que tu fais ?! je m’écris, essayant néanmoins de baisser mon ton pour éviter d’attirer l’attention.

-Faut pas qu’on reste là. Elle nous a dit de partir.

Alors que nous gravissons les marches menant à la porte, une voix se fait entendre :

-Clarisse ? Puis-je vous parler une minute ?

James, qui vient de nous rejoindre, semble comprendre quelque chose qui m’échappe. Immédiatement, il m’attrape par la taille et m’emmène dehors. Ce contact me surprend tellement que je ne proteste pas tout de suite. La dernière chose que je vois avant de sortir, c’est le visage de Clarisse, plus fermé que jamais.

-Hé ! je fais en me retournant quand James se décide à me lâcher. Pourquoi tu as fait ça ?!

Son regard vert mousse fixe le sol pendant un moment, avant de se planter dans le mien. Mon cœur s’emballe. Pourquoi ? J’ignore cette étrange réaction, et je fixe mon regard dans celui de James. C’est à son tour de détourner les yeux. Il se gratte la nuque, gêné, et dit d’un ton doux mais sérieux :

-Ambre… Ce ne sont pas nos affaires.

Je me sens bête, tout à coup. Bien sûr que ce ne sont pas nos affaires, et encore moins les miennes. Un pacte de non-agression ne me garantit pas l’amitié de Clarisse. A quoi ai-je pensé ? James continue, d’un ton bien moins sûr de lui :

-Et… Je suis désolé de t’avoir… entraîné de la sorte.

Oh. Même si cela m’a gêné sur le coup, maintenant que j’ai compris pourquoi il l’a fait, je ne lui en veux pas. Ou plus. Enfin, ce n’était pas désagréable non plus. Mais à quoi je pense ?! Je lui souris. Il semble soulagé.

-Tiens, fait-il en me tendant un papier, c’est ton emploi du temps.

Je l’observe. Cours de neuf heures à dix-sept. La directrice ne nous a pas menti, à mon grand malheur.

– On n’est pas censé avoir cours, là ? dis-je en observant la colonne du lundi.

Le regard de James s’éclaire, comme s’il venait de s’en rendre compte aussi.

-Bien sûr ! Dépêchons-nous, nous sommes déjà en retard !

Nous nous mettons alors à courir, et atteignons la salle à temps. Si j’avais su que c’était pendant ce cours que mon existence allait changer…

Amélie

Chapitre suivant la semaine prochaine.