Le 13 novembre 2015, des terroristes islamistes commettent des attentats dans Paris. Nous savons depuis ce jour, et bien d’autres avant, que le terrorisme est compliqué à cerner et à combattre. Yasmina Khadra, cet auteur algérien connu pour ces livres sur les conflits entre le Moyen Orient et l’Occident, parvient encore une fois à nous aider à comprendre les actes les plus barbares et inhumains.
Un choix de protagoniste polémique
Le livre Khalil publié en 2018 retrace l’histoire d’un personnage fictif inventé par Yasmina Khadra.
Le protagoniste est un futur terroriste. Dès les premiers chapitres, on comprend que son but est de mourir en tant que kamikaze dans un métro de Paris, le soir du 13 novembre 2015.
Alors qu’il essaye de déclencher sa ceinture d’explosifs, il comprend qu’elle ne fonctionne pas. Il essaye encore et encore mais en vain : il échoue son attentat suicide. Cependant, les autres terroristes qui devaient semer la peur et la discorde, y sont parvenus. Il est le seul à ne pas avoir accompli sa mission. Il rentre alors à Bruxelles, la ville où il vit, et rejoint son réseau islamiste. Il se porte volontaire pour un autre attentat, convaincu que c’est ce qui est juste. Le lecteur se familiarise alors avec Khalil à travers ses pensées et son cheminement. On le voit dans des périodes de questionnement sur lui-même, mais aussi sur le réseau islamiste qui l’a conduit dans ce métro le soir du 13 novembre 2015.
Comprendre la complexité d’un réseau islamiste terroriste
En parlant avec des personnes autour de moi, j’ai compris que les attentats du 13 novembre nous ont tous touchés d’une manière très différente. Certains ont acheté le livre pour ensuite le ranger sans jamais l’ouvrir par peur d’être trop sensible à ce sujet. D’autres l’ont lu simplement par curiosité et s’en sont retrouvés bouleversés.
Cependant, je pense que la lecture de ce livre bénéficierait à tout le monde. Elle nous apporte un point de vue auquel on est très peu familiers. Selon moi, il est important de comprendre pourquoi de tels actes ont été commis et sont toujours commis. Le terrorisme est une forme de guerre actuelle face à laquelle nous sommes de plus en plus confrontés. Je pense qu’il est primordial d’être informé et ne pas se laisser influencer sans avoir certaines bases. Par exemple, encore beaucoup de personnes confondent la religion qu’est l’islam avec l’islamisme. L’islam est une religion tandis que l’islamisme est une vision politique de l’islam.
Ainsi, à travers l’histoire de Yasmina Khadra, on comprend toute la manipulation derrière ces réseaux.
Tout d’abord, quand Khalil échoue son attentat, il est reçu très amicalement par les hauts placés du réseau qui le rassurent et ne l’accablent pas. Ils lui proposent de commettre un autre attentat au Maroc, le pays d’origine de Khalil. Ces derniers lui expliquent que beaucoup de membres du réseau aimeraient accomplir cette mission à sa place, et que s’il refuse, il y aura toujours quelqu’un pour le faire. Khalil ne parle pas à sa famille à part avec sa sœur jumelle, il n’a pas d’amis et n’a pas de travail. Sa vie ne mène à rien, les seules personnes avec lesquelles il échange sont les membres du réseau. Une personne normale refuserait cette proposition mais, pour Khalil, c’est sa seconde chance pour accéder au salut, autrement dit à son bonheur.
Ensuite, on comprend le profil recherché par ces réseaux. Khalil, depuis son enfance, est mis de côté par l’école et sa famille. Il grandit avec ses deux meilleurs amis, dont un est aimé de sa famille et soutenu pour faire de grandes études. Dès l’enfance, il observe une différence de traitement, il se sent à l’écart. De plus, Khalil est d’origine marocaine, il a une identité tiraillée entre ses origines et sa nationalité. Il ne se sent pas non plus à sa place dans la société belge. Khalil est un personnage qui se cherche constamment.
Lyès, une connaissance qu’il a rencontré à la mosquée, lui fait souvent des sermons sur la religion. Au début, il n’est pas du tout intéressé et le trouve lourd, mais petit à petit, il se laisse convaincre et rejoint le réseau. C’est un processus long mais qui a une grande emprise sur lui. Le lecteur comprend que Khalil ne trouve sa place que parmi les membres du réseau islamiste.
Enfin, Yasmina Khadra nous fait rentrer dans un monde qui nous est inconnu. Souvent, quand on pense à l’islamisme, on imagine des gens dans une radicalité effrayante. En effet, on observe cet aspect avec les membres les plus hauts placés du réseau, ceux qui donnent les ordres. Cependant, ce n’est pas le cas de ceux qui reçoivent les ordres. Khalil et son colocataire (qui compte également participer à l’attentat au Maroc), sont convaincus que mourir en martyr les conduiront au paradis, et qu’ils n’ont pas besoin de beaucoup pratiquer l’islam. Depuis le soir du 13 novembre, Khalil ne prie plus, il n’y voit pas l’intérêt, et son colocataire, lui, s’absente souvent pour coucher avec des prostituées. Or, ne pas prier est considéré comme un péché pour l’islam tout comme le fait d’avoir des relations sexuelles hors mariage. C’est ce paradoxe très intéressant qui nous montre que ces personnes prêtes à mourir pour une religion ne lui accordent pas vraiment d’importance dans la vraie vie.
En conclusion, je conseille ce livre à toutes les personnes curieuses de découvrir un point de vue différent sur les attentats du 13 novembre mais également sur les attentats en général. Ce livre est également porteur d’espoir avec un retournement de situation à la fin de l’histoire. Le lecteur assiste à un cheminement long et complexe du personnage et c’est cela qui nous incite à continuer. Est-ce que Khalil peut changer et sortir de ce cercle vicieux ? A vous de le découvrir en lisant ce livre de Yasmina Khadra !
Zareena
