Les dormeurs du val

Parodiez, pastichez, il en restera toujours quelque chose

 
Le jour de l’ouverture, il prend sa canardière,
Il approche en rampant sur l’herbe du layon.
Il a pris un nouveau passe-montagne hier
Pour ne pas alarmer même les papillons.
 
Comme un soldat, il a la touche et la tenue
Et la nuque rasée de frais des mecs en bleu
Qui débusquent la gouape ou bloquent l’avenue,
Calmes sous l’uniforme après le couvre-feu.
 
Le pied droit dans la botte, il sort. Oui, c’est un homme,
Un vrai, pas un enfant, madame ! — Il est vert pomme,
Il a la hure blette et la glotte en émoi.
 
Le parfum de son fute empeste un peu l’urine,
Il tord dans son sommeil son doudou Bécassine.
Tranquilles, les canards, avec ce maladroit !
 
 
 
C’est la progéniture à Toto, ce bestiaire,
Un pou bien accroché. Ils vont en bataillons
Urgents ; on les appelle « lentes carnassières »,
Ils dévorent la tête au gros chef de rayon.
 
Et dans cette toison inerte et saugrenue,
De la nuque à l’oreille, ils squattent le cheveu,
Ils s’étendent à l’aise, et font sans retenue
Des trous sur la caboche, et la mettent en feu.
 
Les doigts dans la tignasse, il gratte, le pauvre homme,
Il en perd son calcium, s’irrite le sébum,
Se déchire le cuir, et perd tout son sang-froid.
 
En vain il essaya la nitroglycérine,
Il ne peut plus dormir, sans ses trois aspirines,
Tranquille. Ils vont, les beaux poux rouges, sans effroi.
 
(Dédié à tous les papous, à poux ou pas à poux, comme disait Gaston Lagaffe)
 
 
C’est un coin de banlieue où craint d’aller Kärcher.
La terreur qui y règne est faite de horions
échangés entre amis du hallal, du kascher,
tous aussi acharnés à jouer les couillons
 
que leurs parents lointains. On s’est toujours battu
pour un non pour un oui, et c’est toujours non-lieu
quand la police arrive, et le juge est connu
pour être tolérant quand il siffle un hors-jeu.
 
On échange des armes, on trafique du rhum,
des cigarettes, des nanas, et les pogroms
menés dans les sous-sols n’effraient plus les bourgeois.
 
L’uniforme est le même, on a tous un blue-jean.
Quand les sirènes chantent, c’est fini le spleen.
Tranquille ! On va pouvoir caillasser les convois.

 

 
L’enfant est là, têtu, regarde la soupière,
Et resserre ses dents comme avec un bâillon.
« Déjà qu’il n’a jamais voulu manger sa soupe hier ! »
Se plaint sa mère aux mains qui sentent le graillon.
 
« Essayons aujourd’hui une belle laitue,
Et puisque le chéri a réclamé des œufs,
J’en ferai des mollets, avec de la morue. »
Tout son frichti mijote sur le coin du feu,
 
Et pendant ce temps-là, peinard dans son sweet home
Le mari se prélasse, un fromage des Chaumes
Exhale son parfum dans son assiette. Il boit
 
Du gros rouquin râpeux tiré de la chopine.
Il a roté trois fois ses relents d’aubergine,
Et commence à sentir passer les petits pois.
 
 
Cet étron vert et dur auprès du cimetière
Provient assurément de Mars, et le croupion
Qui l’a lâché venait de notre stratosphère
En soucoupe volante, et c’était un espion.
 
Je peux vous le jurer, je n’ai pas la berlue,
J’ai toujours eu les trous bien en face des yeux.
C’était une soucoupe, elle était suspendue
Au-dessus de la rue qui longe l’hôtel-Dieu.
 
Une échelle de corde en est sortie, et comme
J’approchais, j’ai bien vu descendre ce bonhomme
Vert comme une laitue, et qui marchait sur moi.
 
N’écoutant que mon cœur, j’ai pris ma carabine.
Je l’ai raté de peu mais à voir sa bobine,
Je comprends maintenant qu’il en a chié d’effroi.
 
 Philippus scripsit
 
 
C’est un pourrisseur mûr, qui veut se satisfaire,
Écrivant mollement des articles souillons
Sur son blog. Il s’éveille, et fait une prière
Aux dieux Rank et Xérox, et taille ses crayons.
 
Il réfléchit à sa critique, et éternue,
Ouvre « Le Point » du sept, et fait un écran bleu,
Il a trouvé sa cible, alors il s’évertue ;
Il est moderne, lui, mais pas idiot : un dieu !
 
Les mains sur le clavier, il ouvre son foromme,
Dégaine sa rengaine : elle est trop bonne pomme,
L’enseignante innovante et qui le fait savoir !
 
Il va la dégommer, la mettre à la latrine,
Le remords ne fait pas frissonner sa poitrine.
Il a craché sa bave, il peut signer : la gloire ! 
 
 
C’est un goût de garbure, juste après la prière,
Encombrant fortement la place de graillon
Fumant ; que les amis de la mosquée berbère
Fuient : c’est une odeur terrible de cochon.
 
Un mollah encore jeune, barbichette ténue
Et la tête penchée dans un beau Coran bleu,
Sort ; il est entendu qu’il flaire la bévue,
Râle, son livre ouvert où la loi dit « tu peux ».
 
Le nez dans l’air fumant, il sort. Marmonnant comme
Marmonnerait un curé intraitable, un homme
De nature vraiment insatiable et qui croit.
 
Ce relent ne fait pas frissonner sa narine ;
S’il sort de son sommeil c’est aussi des latrines
Kabiles. Laissant deux étrons bruns au coin du bois.
 
Arthur Philippe Rambo, le 21 avril
 
 
Sous un bout de tenture, se tient une héritière
Ressemblant fortement au père nazillon
D’entant ; la gueuse tient un discours d’avant-hier,
Truie qui grogne et qui glousse envoûtée de passion.
 
Cette blonde empâtée, walkyresque et charnue,
A plaqué sur ma nuque un regard froid et bleu,
Et a tendu son bras, soulevé vers la nue
Par des élans guerriers comme faisaient les chleus.
 
Epiée par les aïeuls, elle mord. Beuglant comme
L’aurait fait le breton détestable : cet homme
Qu’ils faillirent voter sans bien savoir pourquoi.
 
Au final, elle ne passera pas Marine,
Ils voteront à gauche en ville comme à l’usine,
Habiles. Ils sont toujours du bon côté du droit.
 
Arthur Philippe Rambo, le 21 avril
 
 
C’est un vrai macho brun à la stature altière,
Mâchonnant lentement des cigares oblongs
Et rares ; cherchant à fréquenter l’héritière
Lui qui aime les femmes aux cheveux fins et blonds.
 
Un gigolo d’occase accordant sous la nue
Sa guitare fringante aux longues cordes bleues,
Cador ; rêvant de voir toutes les femmes nues,
Grave dans un peignoir où DSK émeut.
 
Le pied c’est bien cette aïeule, encore ! Et comme
Il la forniquerait, un vrai malade, en somme !
Abusant , la perçant fortement : elle y croit …
 
Mais le butor n’a pas butiné sa poitrine ;
Il dort sur l’oreiller, la main sur sa tartine
Tranquille. Avec deux verres de rouge au côté droit.
 
Arthur Philippe Rambo, le 21 avril
 
 
C’est un bol de bitture un vase plein de bière,
Bavotant sur ses bords imbibés de graillons
puants, où l’on peut voir sur sa maigre litière
Un Amfortas livré à sa triste passion !
 
Un pauvre roi blessé, bouche ouverte et qui pue,
Et le gosier baignant dans un vrai lagon bleu,
Dort ; il a déjà rendu tout ce qu’il a bu
Et râle chaque fois qu’il se tourne en son pieu.
 
La glotte dans l’extase, il dort. Crachotant comme
D’un vieil élixir la doucereuse pomme ;
Bavure, glaire et pisse au lit : bref c’est l’effroi !
 
Les chakras ne font pas résonner sa bassine ;
Il dort, c’est le bordel, baignant dans son urine
Rance. Deux coulures vomies au côté droit.
 
Arthur Philippe Rambo, le 21 avril
 
 
C’est un lieu de torture où grincent les prières,
Les faciles dégoûts et les ânonnements,
Où le sorbonnagre bien fier sur son derrière,
Lit. C’est un beau local pour les éreintements.
 
Un potache, jeune, bouche ouverte, perdu,
Déchiffrant à grand peine ce qu’a dit Montesquieu,
Pleure. S’il avait su, il serait pas venu,
Sa couette ce jour-là gardait un bon moelleux.
 
C’est à lui, c’est son tour, il y va comme un homme,
Le bourreau du bureau va commencer son somme :
Montesquieu ou Voltaire, ils en restent tous cois.
 
L’ironie est cachée, il faut qu’il la devine ;
Mais tant pis il redit tout ce qu’on lui serine,
Peinard. Le professeur en restera pantois.
 
 
Signé Sooophie, le 16 avril
 
 
Dans un trou clair-obscur, où chantait un gros ru
S’accrochant tout foufou aux gazons sous l’abrupt
Cadran astral qui brillait d’un mont arrogant,
(Pas un grand val, mais un vallon, tout rayonnant),
 
Un fantassin, gamin, sans son calot, bâillait,
Son cou baignant dans du ray-grass, sur un talus.
Il dormait tout son saoul, sous un joli nimbus.
Pâli dans son dodo, un rayon l’arrosait.
 
Talons dans un chardon, il dormait, souriant.
Pourquoi dormir ainsi ? On l’aurait dit souffrant.
Il fallait l’assoupir, ô champs, il avait froid.
 
Nul odorat, son pif dormait sans un frisson.
Sous un rayon astral il pionçait, poings tout froids.
Il avait trois grands trous carmin au poumon droit.
 
 
 
Il habite à Passy sa maison en meulière,
Il a de l’ambition, être un écrivaillon.
La semaine il travaille dans un ministère
Et rentre tard le soir dans son beau pavillon.
 
Son épouse l’accueille, elle est un peu bourrue
Et s’extirpe en bâillant de son petit prie-Dieu
Où elle fait du lard, devient plutôt dodue
Et prie pour qu’il soit un jour moins graveleux.
 
Dès qu’il dit un gros mot, il chope un hématome,
Et ça compte pour rien qu’il soit bon agronome.
Tout ce qu’il a réussi, c’est d’être un gros bourgeois,
 
Mais il a échoué dans sa belle combine :
Il aurait dû jadis épouser l’orpheline
Qui lui aurait permis de vivre sans emploi.
 
 
C’est un cerveau qui flotte à des années-lumière.
Réfléchissant toujours à quelque question,
Il trouve des réponses dans sa tête altière :
Penser est son métier, penser est sa passion.
 
Les idées se pressant dans son âme ingénue,
Ses maîtres d’autrefois avaient émis le vœu
Qu’il fût recruté tôt par une école élue
Pour sa réputation, dans le lointain chef-lieu.
 
Cette décision prise, il apprit les axiomes,
Finit par obtenir la clé de ce royaume,
Réussit le concours, philosopha par foi,
 
Et puis il s’est épris d’une belle rouquine
Qui l’induisit bien vite à sniffer cocaïne,
Fumer du cannabis, et enfreindre la loi.
 
 
C’est le titre d’orgueil de la grande fruitière,
C’est aussi le fantasme de maint taurillon,
La gloire de Perrine, la belle vachère ;
C’est surtout le regret de tous les bouvillons
 
Qui regardent émus sa tétine tendue,
Mâchouillant mollement le bon sainfoin moelleux,
Bien plantée dans le pré sur sa jambe poilue,
Contemplant les wagons de ses yeux globuleux.
 
Rentrée à la maison, elle dort sur le chaume,
Et mûrit lentement le Beaufort gastronome
Qui rapportera gros à certain villageois.
 
Elle adore l’été secouer sa clarine,
Elle s’appelle Aurore et c’est une Tarine
Qui fait deux mille litres de lolo par mois.
 
 
C’est bien fou de chercher toujours dans l’adultère.
Il vaut mieux fantasmer un bonheur aiguillon :
On rêve l’aventure avec l’aventurière,
On l’imagine nue, aux ongles vermillon.
 
On s’invente une histoire avec une inconnue,
On devient un amant aux dons miraculeux,
Elle tombe en nos bras aussitôt entrevue,
Fascinée de trouver cet amant fabuleux.
 
Voilà comment il faut tenir son rôle d’homme !
Le rêve n’est-il pas le plus puissant arome
Qui nous fait savourer notre absence d’exploit ?
 
Même, on entend parfois cette voix argentine
A force de rêver la liaison clandestine.
Oui mais souvent ça rate, allez savoir pourquoi !

 

 
Dans la trouée du bois passe une cavalière,
Fouaillant follement l’étalon « Tourbillon »
Qui hennit au soleil. La farouche guerrière
Brandit une cravache acérée, aiguillon
 
Qui lui sert à dompter la cavale fourbue
À la nuque raidie, au profil musculeux.
Le rictus de la bête à la bouche tordue
Sous le mors qui lui met les gencives en feu
 
Semble le rire fou qu’on arrache à un gnome.
La tête du dragon qui garde le royaume
D’en bas n’inspire pas un plus terrible effroi
 
Aux voleurs de trésors. Mais sous sa zibeline
L’écuyère est si tendre, et la lèvre mutine,
Tranquille, elle galope en souriant vers moi.
 
 
La petite écolière
Attrape son brouillon,
Dessine une sorcière,
Prend son taille-crayon.
 
Sa blouse est décousue,
Devant, vers le milieu.
Elle est bien mal vêtue
Et tortille un cheveu
 
Tout en suçant sa gomme,
Puis, au mercurochrome,
Du bout de l’index droit
 
Colore une piscine
En rouge. Mais, taquine,
Elle y met un bleu-roi !
 
 
Sur la route pourrie qui longe la gravière,
Écartant pesamment les deux pieds des rayons
Brillants où le grand vent parfois met la poussière
Venant du dépotoir débordant de haillons,
 
Un gros facteur au souffle court, et tête nue,
La nuque cramoisie, le derrière tout bleu,
Pédale, à peine aussi vite que la tortue,
Et jure qu’il ira au fossé, nom de dieu !
 
Le nez dans le guidon, d’une voix de rogomme,
Il maudit sa sacoche (il n’est pas un surhomme !),
Évite un nid de poule et jure en son patois,
 
Puis s’arrête à la fin, descend de sa machine,
Déboutonne son pan, lâche un grand jet d’urine,
Et se mouille deux doigts tant il est maladroit.
 
 
C’est un fou de lecture, et qui voudrait bien faire,
Écrivant mollement des articles souillons
Pour l’argent. Il s’éveille, et fait une prière
Aux dieux Rank et Xérox, et taille ses crayons.
 
Il réfléchit, le cerveau vide, et éternue,
Met en route Internet, et fait un écran bleu,
Mort. Il n’a pas d’idée, alors il s’évertue,
Pâle, car il prétend écrire comme un dieu.
 
Les mains sur le clavier, il pleure, le bonhomme,
et puis l’idée arrive : il est trop bonne pomme,
Celui qui a déjà pondu l’article roi !
 
Il va tout simplement passer à la latrine,
(Le remords ne fait pas frissonner sa poitrine)
On va le recopier, et puis signer : « C’est moi ! » 
 
 
C’est un coin à friture où nage la bouvière,
Frétillant follement avec le barbillon
D’argent ; le vrai pêcheur y remplit sa soupière,
Lui : c’est un beau chenal, au bout d’un raidillon.
 
Un amateur à la casquette biscornue,
Les deux pieds bien calés dessous son pliant bleu,
Dort ; il digère un peu, la touche est si ténue,
Le goujon se fait rare, et la rousse, parbleu …
 
Sa nuque est à l’abri du soleil, le bonhomme
Sourit, l’estomac plein : il a mangé la tomme
Fermière, un saucisson, bu son demi Ladoix,
 
Il a fumé sa pipe et rêve à cette ondine
Aperçue au soleil, la belle gourgandine
A moitié nue ; et ça le gratte au bon endroit.
 
 
La carrure forgée par des kilos d’haltères
Presque nu, ne portant qu’un moulbite en nylon
Collant ; où la saillie – d’allure autrefois fière,
gît : ce boxeur en a filé et pris, des gnons.
 
Le cogneur rogue, arcade ouverte, âme bourrue,
Le bide enluminé de tout un tas de bleus
Râle ; approchons pour voir, mais pas trop, car ça pue :
Excès de sudation ? Sous son aisselle, il pleut.
 
Les poings au fond des gants, il râle. Ronflant comme
Ronflent d’aucuns d’avoir bu tant et tant de rhum.
Arbitre ! viens et compte : et un, et deux, et trois…
 
Le seau d’eau dans la poire emporte une canine
Qu’il avait conservée jusque-là, et sa mine
N’est pas bonne : l’œil pend du nerf optique droit.
 
Signé Jaacques !
 
 
C’est un roquet tout noir qui n’a pas de crinière,
Aboyant tout le temps, poursuivant le chaton,
Gueulant dès le réveil, reniflant le derrière
Des gens ; c’est un petit cabot, un rogaton.
 
Un facteur innocent, aux mollets très poilus,
Sur son vélo pesant à la sacoche bleue,
Pédale ; il pense aux livres qu’il n’a pas relus,
Se prépare à livrer une lettre en banlieue,
 
La main sur le guidon, et sourit.  C’est un tendre.
Il s’appelle Duval, et va bientôt descendre
De son cheval de fer aux armes de La Poste,
 
Pour livrer la missive au parfum entêtant,
Lorsque Médor, soudain, sans prévenir, l’accoste,
Et fait deux grands accrocs au costard éclatant.
 
C’est un boui-boui cra-cra où dort la serpillière.
Les tables écorchées aux coups de la souillon
Qui traine le balai sans grande conviction,
Brillent des souvenirs des sodas et des bières.
 
Une cliente, jeune, à la lippe pendante,
Et le coude appuyé sur le bord du comptoir,
Rêve qu’on lui refait le plein à l’arrosoir,
Pâle, et, le godet vide sous la main tremblante,
 
Appelle le serveur, demande un autre romme,
L’écluse en souriant, réclame un jus de pomme,
« Nature, s’il vous plait, mon vieux, et pas trop froid ! »
 
Elle renifle un peu, recale sa poitrine
Sur la planche du bar, suçote la bibine,
Et rote. Elle a sa dose : un gramme vingt-et-trois.
 
Dextre broyeuse du colosse, ou douloureuse du collègue que je serre,
Délurée et chercheuse, elle furète, obsédée, leste !
Dextre levée pour voter, pour fesser, pour les soufflets sur le bec,
Dextre douce pour dorloter bébé,
Dextre brute et cruelle, c’est celle du boxeur ou de l’hercule,
Dextre de fer, prothèse sous le velours, c’est celle du despote, elle peut lever les écrouelles,
Dextre dodue, fluette et fuselée, que j’effleure pour l’épouser, elle est trop belle sur ce cœur !
Dextre lourde et velue de l’égorgeur, du boucher, ou du tueur
Dextre dressée pour toquer, pour heurter, celle du loup peut-être ?
Dextre des pécheurs pour les coulpes,
Dextre désœuvrée sur les poches du cow-boy, elle est leste pour le colt,
Dextre bleue et gercée sous le gel, c’est celle de Cosette,
Dextres sèches ou osseuses, ou sveltes, je vous les serre et je vous les bécote.
 
Mon histoire est tragique : un œuf devenu grand.
 
Sorti de ma coquill’, pas une seule goutte
Du sein d’une nourrice, et pas de bras câlin
Pour me tenir au chaud. J’étais sous une ampoule
Qu’on appelle éleveuse, après avoir été
Au cœur d’une couveuse, au milieu des autres.
 
On m’a donné du grain, je me suis emplumé,
J’ai fait cocorico, je suis devenu gros
Et gras, nourri de bon maïs et de pâtée,
Au milieu d’un troupeau de garçons de mon âge.
Et je n’ai jamais su ce que c’est qu’une poule,
Ni au pot ni au pieu.
 
Dans ma cage en béton, à travers la fenêtre,
J’apercevais parfois un morceau de ciel bleu,
Mais la plupart du temps je grattais ma litière,
Les deux pieds dans la crotte et les plumes souillées,
Je m’approchais sans peur d’un destin ignoré.
 
Je m’appelais poulet, j’aimais bien mes parents,
Qui, en bleu de travail, et sans prendre de gants,
Nous prenaient dessous l’aile et puis nous retournaient,
Nous tâtaient le croupion et nous grattaient la tête,
Changeaient l’eau du bassin et remettaient du grain.
On jouait au bec fin, on s’envolait parfois
Pour monter au perchoir, place très convoitée.
 
À quarante-deux jours, après m’avoir saigné
On m’a déshabillé, puis vidé, puis rôti.
 
L’aile ou la cuisse ?
 
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PS : un kilo, ou kilogramme, est un texte de 1000 signes, pas un de plus.
 
 
Katadyomène
 
Un cercueil en fer-blanc ? Une boîte à sardines.
Une vieille baignoire ? Un Titanic troué.
Bien ou mal ravaudés, les déficits nous plombent.
Sembler prendre l’essor ? C’est pour mieux replonger.
La graisse sous la peau ? C’est un phoque en apnée.
S’il faut sonder les reins, c’est qu’ils sont bien profonds.
Croupe rime avec poupe, et c’est bateau sous l’eau.
Un ulcère à l’anus ? C’est un gros cul de plomb.
L’esthéticienne encore aura bien du boulot !
 
Archimède a raison : l’eau fait tout le travail.
Poids plume ou bien poids lourd, on remonte toujours.
Mais on est sur la terre, il faut un camion-grue,
Des quatrains bien pesants, et des rimes croisées,
Des rejets outranciers et toute une armature :
La Vénus à Rimbaud, elle est vraiment relou,
Portée par ses bouées, ou par ses bourrelets.
La poussée poétique a du mal à lever.
Phénomène de foire, il fallait la noyer !
Appuyons sur sa tête, et qu’elle boive la tasse !
Laissons-la retomber dans sa vieille baignoire,
Il faut l’évacuer, et puis tirer la chasse.
 
Vénus ne pèse rien, Vénus est montgolfière,
Ancrée dans mon cerveau, derrière mes paupières,
Et sa pulpe fictive, kilogrammes volants.
Et je ferme les yeux pour me baigner en elle.
 
 
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PS : un kilo, ou kilogramme, est un texte de 1000 signes, pas un de plus.
 

Le bonheur est tout blond et porte des lunettes.

Un nuage inquiétant dans ma tête voltige,
comme un cumulus dans une bouteille.
Pourquoi cette impression d’un petit coton-tige
qui resterait coincé entre mes deux oreilles ?
__________________
J’ai toujours adoré un nuage en montagne,
la montagne au mois d’août me donne des frissons.
Mais ce coton dans mon cerveau qui m’accompagne
me fait grincer des dents, me pourrit le caisson !
__________________
La tête ennuagée, serait-ce héréditaire,
ça ne tient pas debout, sauf si c’est le destin.
Abracadabrantesque ! Incohérente affaire ?
Je n’ai pourtant encore rien fumé ce matin.
__________________
Si je n’ai rien fumé, je n’y comprends  plus rien,
mais ma tête enfumée et mon cerveau brumeux
sont bien là sur ma nuque, c’est vraiment kafkaïen
et j’ai mal aux oreilles et je me sens fumeux !
 

 
J’ai le cœur grêlé
comme vigne en avril,
mais d’où viennent ces cailloux blancs
qui m’ont cabossé ?
___________________________
Vivent les grêlons qui me fascinent
quand ils tambourinent !
Quand j’entends les grêlons
mon cœur bat la chamade.
__________________________
Mon cœur grêlé est plein de trous,
ça me troue l’âme aussi.
Aïe ! Pourquoi trouée ?
Vraiment c’est trop nul.
_________________________
C’est trop nul d’avoir un trou à l’âme
sans avoir vu tomber le grêlon
qui l’a méchamment perforée,
et quand le ciel est bleu !
 

 
La textée ? Un énoncé
Textée poétique en quatre strophes : l’accompagnement personnalisé poussé à l’extrême.
Vous commencerez par établir un constat sentimental d’une phrase et en deux vers, sous une forme vaguement météorologique, dans un lieu non géographique mais très personnel, sur un ton autobiographique et dépressif, en comparant, sans coupure, cet état psychologique à un phénomène réellement météorologique mais banal, dans un lieu tout aussi banal. Vous mettrez un point-virgule, ou non, comme vous voudrez.
Vous procéderez à une introspection toujours autobiographique et dépressive, en une seule phrase de deux vers, destinée à essayer de comprendre l’aberration météorologico-sentimentale des vers précédents. Vous ponctuerez très logiquement ces deux vers introspectifs.
Vous sauterez une ligne pour marquer le passage à la strophe suivante.
Vous invoquerez en deux vers une émotion d’ordre esthétique provoquée par le phénomène météorologique réel du vers 2, dans une phrase exclamative ressemblant éventuellement à une prière.
Vous répèterez en deux vers et en termes presque semblables cette invocation exclamative, dans une phrase coupée par une virgule en son milieu exact, mais en la situant dans le même lieu non géographique qu’aux vers 1 et 4.
Vous sauterez une ligne pour marquer le passage à la strophe suivante.
Vous répèterez le constat sentimentalo-météorologique du vers 1, mais en deux vers et de manière redondante, tout en y ajoutant une légère accusation d’incohérence, avec une marque autobiographique moins prononcée grammaticalement qu’aux vers 1 et 4, dans une phrase qu’aucun signe de ponctuation ne coupera.
Vous crierez, en un vers et en trois mots, une première fois sous forme exclamative, une deuxième fois sous forme interrogative, sans réussir à trouver une cause grave au constat sentimental dépressif et incohérent déjà évoqué.
Au vers suivant, en une phrase brève et affirmative, vous conclurez sur l’impossibilité logique de la compréhension du dit phénomène, et vous utiliserez un terme très fort et presque décalé pour caractériser de manière hyperbolique le phénomène sentimental dépressif déjà évoqué plusieurs fois.
Vous sauterez une ligne pour marquer le passage à la strophe suivante.
Les 4 derniers vers seront constitués d’une seule phrase, avec deux virgules et un point d’exclamation final, phrase qui répètera le constat précédent, dans une sorte de redondance généralisante des 12 vers précédents, mais en revenant à l’énonciation autobiographique.
Vous signerez le poème de votre prénom, après avoir vérifié qu’il comporte bien 4 strophes distinctes.

1/25ème de mètre carré

Combien de talons rageurs,
et combien de pieds traînants,
quels graviers sous des semelles
pour cette dentelle au plancher ?


A la fenêtre, un corbeau

Un vol pesant qui secoue les antennes,
trop gros, trop noir,
il n’entrera jamais dans la boîte aux mésanges.


Plage

L’or sec et mouillé
Sous la trace de ses pieds,
Je vais l’effacer.


Plongeon dans un livre

Reflet de mon rêve,
La lecture du poème.
Je lis. Donc je vis ?