Révisions : cinéma

Plus d’excuse pour ne pas réviser sa philo ! Le programme du bac philo est au cinéma ! Réviser en vous appuyant sur des extraits de film : exemple la lutte à mort des consciences chez Hegel illustré par le film « les liaisons dangereuses de S. Frears

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Et lisez les textes des auteurs en regard des images : exemple texte du baccalauréat, Hegel

Précis de l’Encyclopédie des Sciences Philosophiques.

C’est une lutte ; car je ne puis me savoir moi-même dans l’autre en tant que l’autre est pour moi une autre existence immédiate ; mon but est donc de mettre de côté son immédiateté. Je ne puis non plus être reconnu comme immédiat, sauf, en tant que je mets de côté en moi l’immédiateté et permets ainsi à ma liberté d’être-là. Or, cette immédiateté est aussi la corporéité de la conscience de soi, en laquelle elle possède comme en son signe et en son instrument son propre sentiment personnel et son être pour d’autres et son rapport qui, avec eux, la médiatise.

La lutte de la reconnaissance (Anerkennen) est à la vie et à la mort ; chacune des deux consciences de soi met en péril la vie de l’autre et accepte pour soi cette condition, mais se met seulement en péril ; en effet, chacune a aussi en vue la conservation de sa vie comme étant l’être-là de sa liberté. La mort de l’une qui résout la contradiction d’un côté par la négation abstraite, grossière par conséquent de l’immédiateté, est ainsi, du côté essentiel, l’être là de la reconnaissance qui y est en même temps mise de côté, une nouvelle contradiction, supérieure à la première.

Hegel

Ebook : Prépa Sciences Po – Philo – 5 sujets corrigés pour l’IEP Paris

Laurence Hansen-Löve, professeur de philosophie, vous propose 5 sujets corrigés pour préparer et réussir votre concours Sciences Po Paris !

Sommaire

  • Explication d’un texte de Montesquieu sur la justice
  • L’ordre politique exclut-il la violence ?
  • L’incertitude démocratique
  • « S’il y avait un peuple de Dieux, il se gouvernerait démocratiquement. Un gouvernement si parfait ne convient pas à des hommes »
  • Peut-on forcer quelqu’un à être libre ?

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Révisions : entrainement

Conseils de révision avant l’écrit :

  • Commencer par la notion qui vous semble la plus difficile, la moins intéressante, celle sur laquelle vous n’aimeriez pas tomber…
  • Travailler les textes pour l’oral avant l’écrit
  • Réviser toujours les textes des auteurs et non leur commentaire.
  • Relisez vos propres copies avant les corrigés
  • Ne pas apprendre des citations par thème sans un contexte ni sans savoir les expliquer
  • De même pour les concepts clés, sachez les utiliser vous même ou les comprendre dans un texte de philosophe mais n’apprenez pas par cœur leur définition.
  • N’hésitez pas à questionner votre professeur sur la méthode de dissertation, d’explication de texte ou tout autre question autre que « quel sujet va tomber cette année ? » dont ils n’ont pas la réponse ! Plutôt que de jouer aux pronostics, préparez vous sérieusement.
  • N’oubliez pas que la première épreuve est à l’écrit ; exercez vous à rédiger de la philosophie lors de vos révisions (ne recopiez pas votre cahier ni le manuel de philosophie mais faites des exercices d’introduction, de plan, de conclusion par exemple…)

Renoncer à la loi du plus fort est-ce nécessairement se soumettre à la volonté générale ?

     L’idée de volonté générale, c’est d’abord, l’idée d’une convention librement établie entre les hommes d’une communauté politique, qui fonde un pouvoir légitime et dont les lois sont l’expression. L’idée de volonté générale, c’est donc l’idée de droit, c’est-à-dire de ce qu’on a décrété comme devant être fait selon la loi, comme légal, en accord avec la volonté souveraine, en partie pour que la société se tienne debout et se maintienne contre ce qui la menace, en particulier, la violence. Le droit s’oppose au fait, c’est-à-dire à ce qui se fait, ce qui est, au nom de ce qui doit être, ce qui doit se faire selon la loi. La loi du plus fort relève, elle, du simple fait. Ce n’est pas une loi au sens d’une convention exprimant la volonté des hommes, c’est un fait qu’ils constatent simplement, qu’ils subissent quand ils sont faibles: le fort écrase, contraint plus faible que lui pour parvenir à ses fins. La loi du plus fort est donc synonyme de rapports violents illégitimes entre les hommes, le fait que certains usent d’une force coercitive. Et donc le droit s’opposant au fait, étant même instauré parce qu’on refuse le fait, jugé injuste ou nuisible à la sécurité et la liberté de chacun, on peut dès lors penser que si les hommes ont accepté de soumettre au droit, c’est justement pour mettre un terme à la loi du plus fort, pour n’être plus soumis à personne. Dès lors renoncer à la loi du plus fort, c’est réciproquement se soumettre à la volonté générale. Il y aurait donc une sorte de nécessité logique: renoncer à l’une, ce ne peut être qu’accepter l’autre car c’est parce qu’accepter l’une, c’est juger illégitime l’autre. C’est ce que soutient Rousseau dans Du contrat social. Mais la volonté générale,c’est aussi une convention qui se caractérise donc par sa généralité et sa souveraineté. Or on peut penser que la volonté générale n’est finalement que la volonté du plus grand nombre, de la majorité et dans ce cas, quand on appartient à la minorité, on pourrait voir la volonté générale comme une convention qui légitime en quelque sorte le fait. Les plus nombreux sont les plus forts, et les moins nombreux sont les plus faibles, subissant la volonté des forts. Et chacun est contraint, quelque soit sa position, de se plier à la volonté souveraine. Dès lors, si on renonce à la loi du plus fort, on peut aussi renoncer au droit du plus fort, qui ne fait que faire apparaître ce qui est , comme ce qui doit être, que légitimer le fait. Aussi on peut se demander si renoncer à la loi du plus fort, c’est nécessairement, inévitablement se soumettre à la volonté générale. C’est donc du problème de la réalité de la rupture entre le fait et le droit dont nous allons traiter, si le droit s’oppose au fait en appartenant à tout autre ordre en théorie, s’y oppose-t-il vraiment dans les faits, en pratique? Se poser cette question, c’est présupposer que dès qu’il y a vie en société, on ne peut que se soumettre à des lois et à un pouvoir souverain vu comme coercitif. Nous demanderons donc si refuser le fait, ce n’est pas inévitablement accepter le droit et la volonté générale, si le droit ne peut pas être qu’une légitimation du fait et si se soumettre est vraiment la seule solution que nous ayons pour vivre ensemble .

  1. le fait ne fait pas le droit

    1. la loi du plus fort, c’est une loi de la nature, une loi de l’état de nature, pré-civil ; 2. si les hommes ont accepté de se soumettre à un État et à des lois c’est pour échapper à la violence de cette loi ( Hobbes); 3. c’est aussi parce qu’ils voulaient rester aussi libres qu’auparavant ; Rousseau et le système du contrat social, on tout en obéissant à tous, je n’obéis à personne et à moi-même, système démocratique

  2. le droit n’est souvent qu’une légitimation du fait, critique de la démocratie

    1. la volonté générale n’est que la volonté de la majorité; 2. la loi est l’expression des faibles réunis ( Calliclès) ou des forts ‘ Pascal, Marx) vécu comme une force subie; 3. La loi s’impose, l’Etat se caractérise par un pouvoir coercitif ( bien que légitime), le particulier est sacrifié pour le général, l’individu nié par le citoyen

  3. peut-on ne pas se soumettre?

    1. ( la solitude ou) ,la solution anarchiste, libertarienne et leurs limites éventuelles( anthropologie irréaliste, conditions d’applications limitées et compromises à long terme); 2. faire en sorte que la volonté générale soit ce qu’elle doit être : définition de Rousseau, d’où liberté au sens d’autonomie, et ses limites; 3. Solution : contenir le pouvoir de l’État et faire en sorte que la démocratie fonctionne ( Tocqueville)

 ( ou 3,2 et finalement 1, tout État étant opposé à la liberté et à l’individu, tout dépend ce que vous pensez!!!)

L’histoire des petits lapins (de Claude Bernard)

Bachelard (1884-1962): « L’observation scientifique est toujours une observation polémique »

Elle est « polémique » à la fois

« On a dit souvent qu’une hypothèse scientifique qui ne peut se heurter à aucune contradiction n’est pas loin d’être une hypothèse inutile. De même, une expérience qui ne rectifie aucune erreur, qui est platement vraie, sans débat, à quoi sert-elle ? Une expérience scientifique est alors une expérience qui contredit l’expérience commune. D’ailleurs, l’expérience immédiate et usuelle garde toujours une sorte de caractère tautologique, elle se développe dans le règne des mots et des définitions ; elle manque précisément de cette perspective d’erreurs rectifiées qui caractérise, à notre avis, la pensée scientifique. (…)
Quand on cherche les conditions psychologiques des progrès de la science, on arrive bientôt à cette conviction que c’est en termes d’obstacles qu’il faut poser le problème de la connaissance scientifique. Et il ne s’agit pas de considérer des obstacles externes, comme la complexité et la fugacité des phénomènes, ni d’incriminer la faiblesse des sens et de l’esprit humain : c’est dans l’acte même de connaître, intimement, qu’apparaissent, par une sorte de nécessité fonctionnelle, des lenteurs et des troubles. C’est là que nous montrerons des causes de stagnation et même de régression, c’est là que nous décèlerons des causes d’inertie que nous appellerons des obstacles épistémologiques. La connaissance du réel est une lumière qui projette toujours quelque part des ombres. Elle n’est jamais immédiate et pleine. Les révélations du réel sont toujours récurrentes. Le réel n’est jamais « ce qu’on pourrait croire » mais il est toujours ce qu’on aurait dû penser. La pensée empirique est claire, après coup, quand l’appareil des raisons a été mis au point. En revenant sur un passé d’erreurs, on trouve la vérité en un véritable repentir intellectuel. En fait, on connaît contre une connaissance antérieure, en détruisant des connaissances mal faites, en surmontant ce qui, dans l’esprit même, fait obstacle à la spiritualisation. »

  • mais aussi parce qu’on observe avec l’esprit : une théorie nouvelle scientifique n’est jamais le résultat de la seule observation (d’une observation neutre). Elle ne prend sens que dans le cadre d’une théorie qui lui sert de cadre ou qui sert de plan d’observation . C’est parce que ce qu’on voit confirme et surtout infirme la théorie ( qui fait que l’on s’attend à voir quelque chose) que l’on va noter ce que l’on voit. C’est ainsi qu’un phénomène naturel devient un fait scientifique.

on peut donc faire une difference entre

Distinguer expérience et expérimentation, phénomène et fait, regarder et observer.

  • Expérience ( ou phénomène) = le monde tel qu’il nous apparaît. L’expérience est déjà « théorique » : nous comprenons notre expérience du monde selon des schémas naïfs d’explication  Cette expérience est souvent un obstacle à la compréhension rationnelle du monde, selon Bachelard.
  • Expérimentation ( ou fait) = attitude volontaire du savant qui crée artificiellement des conditions d’observation afin d’isoler un phénomène et confirmer ou infirmer une hypothèse théorique.

   « On apporta un jour dans mon laboratoire des lapins venant du marché.  On les plaça sur une table, où ils urinèrent, et j’observai par hasard que leur urine était claire et acide.  Ce fait me frappa parce que les lapins ont ordinairement l’urine trouble et alcaline, en leur qualité d’herbivores, tandis que les carnivores, ainsi qu’on le sait, ont, au contraire, les urines claires et acides.  Cette observation d’acidité de l’urine chez les lapins me fit venir la pensée que ces animaux devaient être dans la condition alimentaire des carnivores.  Je supposai qu’ils n’avaient probablement pas mangé depuis longtemps et qu’ils se trouvaient ainsi transformés par l’abstinence en véritables animaux carnivores, vivant de leur propre sang.  Rien n’était plus facile que de vérifier par l’expérience cette idée préconçue ou cette hypothèse.  Je donnai à manger de l’herbe aux lapins, et quelques heures après leurs urines étaient devenues troubles et alcalines.  On soumit ensuite les mêmes lapins à l’abstinence, et après vingt-quatre ou trente-six heures au plus, leurs urines étaient redevenues claires et fortement acides ;  puis elles devenaient de nouveau alcalines en leur donnant de l’herbe, etc.  Je répétai cette expérience si simple un grand nombre de fois sur les lapins, et toujours avec les mêmes résultats.  Je la répétai ensuite  chez le cheval, animal herbivore qui a également l’urine trouble et alcaline.  Je trouvai que l’abstinence produit, comme chez le lapin, une prompte acidité de l’urine, avec un accroissement relativement très considérable de l’urée, au point qu’elle cristallise parfois spontanément dans l’urine refroidie.  J’arrivai ainsi, à la suite de mes expériences, à cette proposition générale qui alors n’était pas connue, à savoir qu’à jeun tous les animaux se nourissent de viande, de sorte que les herbivores ont alors des urines semblables à celles des carnivores.

  Il s’agit ici d’un fait particulier bien simple qui permet de suivre facilement l’évolution du raisonnement expérimental.  Quand on voit un phénomène qu’on n’a pas l’habitude de voir, il faut toujours se demander à quoi il peut tenir, ou, autrement dit, quelle en est la cause prochaine; alors il se présente à l’esprit une réponse ou une idée qu’il s’agit de soumettre à l’expérience.  En voyant l’urine acide chez les lapins, je me suis demandé instinctivement quelle pouvait en être la cause.  L’idée  expérimentale a consisté dans le rapprochement que mon esprit a fait spontanément entre l’acidité de l’urine chez le lapin et l’état d’abstinence, que je considérai commme une vraie alimentation de carnassier.  Le raisonnement  inductif que j’ai fait implicitement est le syllogisme suivant : les urines des carnivores sont acides ; or les lapins que j’ai sous les yeux ont les urines acides ; donc ils sont carnivores, c’est-à-dire à jeun.  C’est ce qu’il fallait établir par l’expérience.

  Mais pour prouver que mes lapins à jeun étaient bien des carnivores, il y avait une contre-épreuve à faire.  Il fallait réaliser expérimentalement un lapin carnivore en le nourissant avec de la viande, afin de voir si ses urines seraient alors claires, acides et relativement chargées d’urée comme pendant l’abstinence.  C’est pourquoi je fis nourrir des lapins avec du boeuf boulli froid (nourriture qu’ils mangent très bien quand on ne leur donne pas autre chose).  Ma prévision fut encore vérifiée, et pendant toute la durée de cette alimentation animale, les lapins gardèrent des urines claires et acides.

  Pour achever mon expérience, je voulus en outre voir par l’autopsie de mes animaux si la digestion de la viande s’opérait chez le lapin comme chez un carnivore.  Je trouvai, en effet, tous les phénomènes d’une très bonne digestion dans les réactions intestinales, et je constatai que tous les vaisseaux chylifères étaient gorgés d’une chyle très abondant, blanc, laiteux, comme chez les carnivores. »

Claude Bernard, Introduction à la médecine expérimentale.

  Analyse de ce qu’est un fait scientifique ( à distinguer du phénomène, simple donnée de l’expérience pas encore passée au crible de la théorie) et de la démarche scientifique ( que l’on croit inductive plutôt que déductive, où l’on croit que l’expérience est reine, première et la théorie seconde : ici 

et ailleurs: http://www.philolog.fr/comment-selabore-le-savoir-scientifique/

Hobbes et le pouvoir des mots

 

« L’usage général de la parole est de transformer notre discours mental en discours verbal, et l’enchaînement de nos pensées en un enchaînement de mots ; et ceci en vue de deux avantages : d’abord d’enregistrer les consécutions de nos pensées ; celles-ci, capables de glisser hors de notre souvenir et de nous imposer ainsi un nouveau travail, peuvent être rappelées par les mots qui ont servi à les noter ; le premier usage des dénominations est donc de servir de marques ou de notes en vue de la réminiscence. L’autre usage consiste, quand beaucoup se servent des mêmes mots, en ce que ces hommes se signifient l’un à l’autre, par la mise en relation et l’ordre de ces mots, ce qu’ils conçoivent ou pensent de chaque question, et aussi ce qu’ils désirent, ou qu’ils craignent, ou qui éveille en eux quelque autre passion. Dans cet usage, les mots sont appelés des signes. Les usages particuliers de la parole sont les suivants : premièrement, d’enregistrer ce qu’en y pensant on trouve être soit la cause d’une chose présente ou passée, soit ce que les choses présentes ou passées peuvent produire ou réaliser : en somme, c’est l’acquisition des arts. Deuxièmement, d’exprimer à autrui la connaissance que l’on a atteinte : il s’agit là de se conseiller et de s’enseigner les uns les autres. Troisièmement, de faire connaître à autrui ses volontés et ses projets, de façon que nous recevions les uns des autres une aide mutuelle. Quatrièmement, de contenter et de charmer soit autrui soit nous-mêmes en jouant innocemment avec nos mots, pour le plaisir ou l’agrément. »                                                                                                                                                                                                   Hobbes, Léviathan, 1651

 

 

 Explication possible

    Parler, c’est faire un usage personnel d’une langue commune. Pour Descartes, la parole est à réserver à l’homme, car seul l’homme pense. Il y a donc un lien étroit entre la pensée et la parole. Mais quel est donc la nature de ce lien? Pour Descartes, les mots ne sont que le véhicule de la pensée, pour Hegel, il en soit la condition. Et les mots ne servent-ils qu’à extérioriser ou partager sa pensée, avant d’agir ou parler est-ce déjà agir? Ce sont ces deux questions que Hobbes aborde, dans cet extrait du Léviathan, objet de notre explication. Il soutient qu’il y a 2 usages « généraux » de la parole: un usage privé et un usage publique, qui donne une nature différente aux mots, puisqu’ils sont d’abord « marques » aux lignes 1 à 6, puis « signes » quand nous parlons aux autres aux lignes 6 à 10; ces 2 usages apportant à l’homme 4 avantages, 4 pouvoirs exposés pour finir. En expliquant sa thèse et ses arguments, nous pourrons nous interroger sur ses éventuelles limites.

                           Le premier usage de la parole est donc de passer d’un « discours mental » à un « discours verbal ». On sortirait du silence de la pensée pour verbaliser celle-ci. C’est ce qu’on appelle penser à voix haute. Parler, ce serait extérioriser un discours dit pour soi-même mentalement. Mais Hobbes décrit ce passage comme une « transformation » , on passe d’ « un enchaînement de pensées » à « un enchaînement de mots ». L’enchaînement demeure donc mais les éléments sont autres: avant la prise de parole, « des pensées », après « des mots ». Ce qui signifie donc qu’on penserait sans eux. Et c’est ce que confirme l’analyse des avantages des mots: ils permettent simplement d’ « enregistrer », de conserver dans le souvenir de ce qui a été pensé. Ils le permettent en tant que « notes », « marques ». Le mot est donc réduit à un moyen et un rôle mnémotechniques. Et on peut penser que le mot en associant à une idée , chose immatérielle, un son, une association de sons articulés, cela va donner un support matériel à l’idée, et activer la mémoire sensorielle. Parler, c’est agir, percevoir ce qu’on articule, l’action s’accompagne de conscience, la perception laisse une trace dans l’esprit qui associée à la pensée , permettra de se rappeler de cette dernière et évoquant l’état vécu. On se rappelle ce qu’on fait, ce qu’on subit, plus que ce que l’on a simplement pensé. Les mots marquent l’esprit. Les mots articulés permettent donc à la pensée d’exister pour nous, de manière matérielle, d’où mémorisation facilitée. Cette mémorisation est présentée comme un avantage car elle permet d’avoir des sortes mécanismes mentaux, des enchaînements de pensées qu’on n’aura pas à refaire, grâce aux mots.

  On peut ici noter qu’une telle analyse du rôle des mots semble conduire à penser que le rapport entre les mots et la pensée ( et donc les choses qu’ils désignent) est arbitraire, les mots ne sont pas des « symboles » mais des marques, des notes, dès lors le lien entre le mot et son référent n’a pour seul impératif d’être clair et simple, pour faciliter la mémorisation et permettre un souvenir fidèle et clair. Peu importe contrairement à ce que soutenait Cratyle que les mots arbitraires et que, pour reprendre ma terminologie de Saussurre , que le lien entre le signifiant – empreinte psychique de l’association de sons- et le signifié soit arbitraire, au sens d’immotivé. Si on en reste à cette partie de la réflexion de Hobbes, il pourrait même être purement arbitraire, au sens laissé à la décision et à la discrétion de chacun, puisque les mots semblent rester extérieurs à la pensée et ne sont que des support pour y associer des pensées. En effet, et c’est assez paradoxal, Hobbes associe, comme nous l’avons dit, la verbalisation à une « transformation », passant de la pensée aux mots, mais il parle en même temps d’un « discours mental ». Or comment peut-il y avoir discours même mental sans les mots? Hegel objectera au XIX ème siècle à Hobbes que la pensée sans les mots n’est pas encore une pensée, pas suffisamment claire et distincte pour être qualifiée comme telle. Les mots donne non seulement à la pensée une consistance matérielle mais ils lui donnent forme. Aussi c’est dans les mots que nous pensons et la pensée est donc prisonnières des distinctions linguistiques en même temps qu’elles sont le reflets de distinctions conceptuelles. Ce que Hobbes admettrait en un sens, car une fois que j’ai pensé une chose pour la première fois, il suffira ensuite de se rappeler via les mots ce qui a été pensé pour être épargné d’un « nouveau travail ». C’est ce qui permet de passer du particulier au général, et d’acquérir « art ». (C’est ce que montre par la suite Hobbes avec l’exemple du calcul, facilité par le passage du décompte sur les doigts aux nombres.. Mais c’est aussi ce qui peut conduire à des erreurs : « quand les hommes enre­gistrent incorrectement leurs pensées, par des mots dont le sens est variable, mots par lesquels ils enregistrent comme leurs des idées qu’ils n’ont jamais comprises, et ils se trompent ». Hobbes écrit aussi que « les mots sont les jetons des sages, avec lesquels ils ne font rien d’autre que des calculs, mais ces mots sont la monnaie des sots, qui les évaluent en fonction de l’autorité d’un Aristote, d’un Cicéron ou d’un Saint Thomas, ou de quelque autre docteur qui, quelque docteur qu’il soit, n’est [pourtant] qu’un homme. », ce qui signifie que pour lui les mots, qui sont des universaux, ne désignent rien d’universel dans la réalité où tout est singulier. Les mots ne sont que des mots, ils permettent de penser la réalité, de penser des caractéristiques mais pas des essences. Hobbes est nominaliste, « il n’y rien d’universel dans le monde en dehors des dénominations, car les choses nommées sont toutes individuelles et singulières. ») /

 Cette question de l’intériorité mise à part, le second usage de la parole va amener à revenir sur cette idée d’arbitraire, et avec le passage de la « marque » au « signe »

                                     En effet à partir de la ligne 6, l’usage de la parole est ramené à la communication avec autrui. Et de la simple notation, on passe à l’idée de « signification ». Les mots ne servent plus simplement à marquer, ce que l’on pense, mais à le communiquer à autrui. Cela présuppose donc une langue commune et donc que les mots soient une convention commune. On retrouve ici le mot comme signe, comme le définira Saussurre comme une « entité à double face » liant un signifiant et un signifié, un concept, le tout renvoyant à quelque chose dans la réalité, dans notre représentation de la réalité, le référent Une définition est certes une pensée, mais elle est un discours. On retrouve aussi le schéma classique de la communication linguistique, comme un système de codage/décodage, qui , pour bien se faire doit être attentif à « la mise en relation et l’ordre » des mots. 

   On peut penser ici que Hobbes suggère que le sens des mots dépend aussi du contexte et que ce qui fait sens, c’est plutôt une totalité que chaque mot qui produit le sens et c’est aussi parce qu’on entend le mot dans cette totalité que le sens se précise et se définit. Un mot a certes un sens en soi, parfois même plusieurs, mais son sens dépend aussi du contexte. Cela permet de réduire les incompréhensions ( presque inévitables, pour Hobbes, car chaque sensation, perception est particulière, chaque pensée l’est aussi. C’est pourquoi même si le code est commun, on n’est pas assuré de mettre exactement le même contenu aux mots.) Ceci dit, c’est un autre élément qui distingue la parole humaine de la communication animale, là le code est stéréotypé et si chaque élément n’a pas de sens en soi, le contenu total est invariable et n’exige aucune interprétation, ni dimension de dialogue et où il ne peut y avoir incompréhension..

 Hobbes ajoute que les mots permettent aussi d’exprimer désirs, craintes et passion. Cette capacité des mots à pouvoir tout dire ( pensées et passions) peut être discutable, c’est ce que fera Bergson en disant que si les mots sont adéquats pour dire le général, le commun, ils sont inadéquats pour dire le particulier et l’intime. Et cela parce que les mots correspondent à une représentation voilée, utilitaire du réel.

  Donc Hobbes en est arrivé par l’analyse des usages de la parole, à la définition du mot comme un signe qui permet aux autres de comprendre ce que nous voulons signifier. Pour finir, il va préciser ce que permettent les mots et leur usage personnel dans la parole et les mots de simples outils vont devenir des armes en un sens.

                                     Il va à travers 4 usages de la parole, souligner quatre pouvoirs de la parole, des mots. Les mots lorsqu’ils sont utilisés comme marque de la pensée, permettent « l’acquisition des arts » donc d’un pouvoir sur la réalité. On peut en effet assimiler ici les arts, à un savoir faire qui présuppose expérience, loi, prévision; pour cela il faut se rappeler ce dont a fait l’expérience, perçu, et donc pensé pour parvenir à des généralisation, pour passer du constat d’une lien causal, à une loi permettant la prévision et donc la maîtrise et l’action. Donc les mots permettent d’agir sur le monde. La pensée débouche sur l’action. De la même manière, si dans la communication avec autrui, les mots permettent transmission de la pensée et du savoir, via le conseil ou l’enseignement; les mots permettent aussi de faire en sorte qu’autrui vienne à mon secours. Certes on peut y voir l’idée d’une coopération utile à la survie de chacun, mais on peut aussi voir dans les mots le pouvoir de faire plier l’autre à ma volonté et c’est ce que confirme le dernier usage particulier « charmer ». Charmer, c’est conquérir quelqu’un non par la contrainte ou la conviction, mais par le plaisir et la persuasion. Le charmeur est souvent flatteur. De ce dernier usage, on peut en déduire que les mots même s’ils ne sont que marques ou signes, ne valant pas en théorie pour eux-mêmes peuvent valoir pour eux-mêmes, en étant que des mots pour des mots, des mots pour le plaisir des mots. Mais même là, le mot a un pouvoir. Celui qui possède les mots ne possède pas nécessairement la réalité, mais il possède le pouvoir sur les choses et sur les êtres.

    Donc Hobbes a soutenu dans ce texte l’extériorité des mots sur la pensée et souligner le pouvoir des mots, qui ne se réduisent pas à simple expression pour soi ou pour les autres de la pensée. Nous avons vu les limites de cette extériorité mais on ne peut que rejoindre Hobbes, celui qui possède le pouvoir de la parole, possède le pouvoir tout cours, si ce n’est sur les choses, sur les hommes, sans aucun doute.

Fiche de révision: la technique

  La réflexion sur la technique a pour objet principal de combattre  deux « erreurs » sur le développement de la technique et d’analyser leurs conséquences

  • 1ère erreur: on pourrait penser que la machine est un perfectionnement de l’outil dans la logique continue du progrès technique. Mais ce qui caractérise l’outil, c’est qu’il est le prolongement de la main, son serviteur. C’est elle qui détermine le mouvement, le rythme du travail. C’est pourquoi selon Hannah ARENDT, “on ne s’est jamais demandé si l’homme était adapté à ses outils” autant se demander s’il était adapté à ses mains. Mais la machine est, elle, un outil autonome par son indépendance énergétique, puis opératoire, puis régulatrice et enfin organisatrice. Du coup, la machine n’est plus un outil et il y a rupture plutôt que continuité et cela a des conséquences négatives ( et non positives comme attendu du progrès technique: développement : mouvement en avant ? progrès : avancée vers un mieux):

  1.  l’homme en tant qu’utilisateur doit s’adapter à la machine.
  2. il peut  y avoir une perversion des fins et des moyens dans le sens où la machine peut en partie décider des fins, alors que l’outil était au service des fins pensées par l’homme, réduit à un moyen. En donnant de nouveaux moyens, la technique offre aussi de nouvelles fins et sous certaines conditions, les impose: Loi de Gabor « tout ce qui est techniquement possible sera réalisé »
  3. cela accroît la rupture entre le savoir technique et l’utilisation de la technique. L’ouvrier se trouve face à une machine dont il ignore le fonctionnement. C’est la théorie de SIMONDON et de SIMMEL avec la tragédie de la culture.
  4. il y a aliénation du travail avec le machinisme: dépossession du savoir-faire, de la production individuelle, de la production collective ( exploitation) = fin du cogito pratique de Hegel, l’homme ne peut plus s’affirmer comme celui qui nie la nature, transforme le donné naturel.
  5. cela change notre rapport au temps libre dévoué au délassement, au divertissement et au développement de soi ( qui permettrait de récupérer là ce qui est perdu au travail, quand il est aliéné)
  6. Les rapports sociaux sont intimement liés aux forces productives. En acquérant de nouvelles forces productives, les hommes changent leur mode de production, et en changeant le mode de production, la manière de gagner leur vie, ils changent tous leurs rapports sociaux. Le moulin il bras vous donnera la société avec le suzerain; le moulin il vapeur, la société avec le capitaliste industriel. Les mêmes hommes qui établissent les rapports sociaux conformément à leur productivité matérielle produisent aussi les principes, les idées, les catégories, conformément il leurs rapports sociaux. » Marx, Misère de la philosophie
  7. cela peut aussi changer l’ordre des choses dans notre représentation, d’où une “barbarie technologique” ( la tyrannie de l’inférieur ? la tyrannie du supérieur = angélisme) quand les valeurs techniques l’emportent, pourrait-on dire. Analyse de Comte-Sponville dans Le capitalisme est-il moral?, où il reprend l’idée de Pascal d’une distinction des ordres, même si Pascal en distingue 3 ( la chair, la raison, le Cœur) et lui 4 ( ordre matériel, ordre politique, ordre moral, ordre éthique)
  • 2ème erreur : on pourrait aussi penser que la technique moderne n’est qu’un perfectionnement de la technique traditionnelle, mais là aussi, il y a rupture et nouveautés:
  1. on est passé , selon Heidegger , d’un certain mode de dévoilement de la nature ( elle est la cause première que nous accompagnons comme cause efficiente, en l’entourant de soi; distance respectueuse) à l’arraisonnement et à la provocation ( nous sommes la cause première, elle est simple cause efficiente)
  2. on a acquis de nouveaux pouvoirs: détruire,( bombe atomique) partir ( conquête spatiale = Hannah Arendt), se substituer, modifier à la racine ( génétique) alors que l’homme s’était jusqtue là penser comme habitant de la nature, de la Terre ( mère) et comme dépendant de celle-ci. Ces nouveaux pouvoirs ont des effets qui dépassent nos capacités de prévision : l’homo faber a pris le pas sur l’homo sapiens et a les moyens de provoquer une catastrophe globale, que l’on pressent d’où une certaine technophobie
  3. si on ajoute à cela le triomphe de la science et de la raison calculatrice (comme le souligne Max Weber, l’esprit du capitalisme ( ascétique au départ)  s’est échappé de sa cage et qu’il ne reste plus qu’une cage d’acier sans cause ni limite transcendante. « le souci des biens extérieurs ne devait peser sur les épaules de ses saints qu’à la façon d’un léger manteau qu’à chaque instant on peut rejeter, mais la fatalité a transformé ce manteau en une cage d’acier » quand il y a « mécanisation bureaucratique », rationalisation, calculabilité et que cette rationalité ( et son efficacité) vaut pour elle-même, quand le capitalisme allié à la technique sont parvenus à « imposer une approche méthodique de l’homme tout entier ») et un vide éthique (l’Aufklärung a détruit la foi, le sacré, idée de transcendance ( homme-Dieu), relativiser la morale : la question de « savoir si sans le rétablissement de la catégorie du sacré qui a été détruite de fond en comble par l’Aufklärung scientifique nous pouvons avoir une éthique capable d’entraver les pouvoirs extrêmes que nous possédons aujourd’hui et que nous presque forcés d’acquérir et de mettre constamment en œuvre. ») : Dès, il y a danger, car le pouvoir technique est sans garde fou, les normes et valeurs étant les siennes, pour la nature et l’homme, d’où la nécessité de l’éthique (et en particulier l’éthique environnementale: l’écologie.) quand la nature n’est plus l’objet d’un respect immédiat ( comme œuvre divine, comme cause première, objet de contemplation – si le rapport a elle est purement technique- comme objet de crainte – face à sa toute-puissance).

ATTENTION !!

Préserver n’est pas respecter d’où la différence entre éthique inclusive qui rappelle à l’homme qu’il est inclus dans la nature qui est son environnement et a donc une valeur pour lui et une éthique extensive où les êtres vivants ont une valeur en eux-mêmes qui implique un respect au sens kantien du terme. En tant qu’être sensible, il pose des valeurs ( le bon et le mauvais pour eux) en tant qu’être finalisé, ils poursuivent des fins, ne serait-ce que celle de se maintenir en vie, en tant qu’être ayant une vie psychologique, ils sont les sujets-d’une-vie. Tout cela en fait des sujets, des sujets de droits face auxquels nous avons des devoirs.

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