Diversité ethno-raciale : interview du sociodémographe Patrick Simon dans Le Monde

Je reproduis aujourd’hui des extraits d’une interview passionnante menée par la journaliste Sylvia Zappi et publiée le 14 avril dernier sur le site Lemonde.fr. Le sociodémographe Patrick Simon, Directeur de recherche à l’Institut national d’études démographiques (INED), y parle de la question de l’identité nationale, de l’intégration et du multiculturalisme de notre société.

« Trouvez-vous trace, dans vos enquêtes, d’un repli communautaire, notamment dans certaines banlieues ?

Globalement, on ne constate pas de repli communautaire. Il y a des petits noyaux dans lesquels les pratiques de socialisation ont essentiellement lieu à l’intérieur du groupe, en particulier dans les quartiers fortement ségrégués. Mais la grande majorité des immigrés et de leurs descendants évoluent dans des milieux diversifiés.

En réalité, la notion de « repli communautaire » dépend plus du regard porté sur les différentes vagues d’immigration que des pratiques réelles. Les Portugais, par exemple, ne sont pas perçus comme posant des problèmes d’intégration alors qu’ils maintiennent des liens forts avec leur culture et leur langue et qu’ils reviennent souvent au pays. On ne leur reproche pas ces liens et ils sont complètement admis parmi la communauté nationale.

Ce n’est pas le cas des descendants des immigrés algériens, qui ont pourtant moins de relations avec le pays d’origine de leurs parents, une connaissance souvent approximative de l’arabe et des réseaux sociaux relativement mixtes. Pourtant, la société française ne les admet pas. Ils sont souvent considérés comme ayant des « problèmes d’intégration», se tenant à distance de la société française. D’une certaine façon, nos résultats montrent qu’ils sont au contraire « surintégrés » : ils disent qu’ils se sentent français, tout en soulignant qu’ils ne sont pas vus comme tels et sont rejetés.

Dans nos enquêtes, nous posons une question d’apparence anodine aux personnes de notre panel : à quelle fréquence sont-elles interrogées sur leurs origines ? Celles qui y sont le plus souvent confrontées sont les originaires d’Afrique, du Maghreb, d’Asie ou des DOM, qu’elles soient immigrées ou nées en France, car elles continuent à être perçues comme «exotiques», différentes, comme si ces populations n’étaient pas des Français à part entière. Comment investir une identité que les autres vous nient ? Les jeunes disent pourtant de manière explicite que, quand ils sont à l’étranger, ils sont vus comme des Français, en particulier dans le pays de leurs parents.

(…)

C’est précisément parce que le coeur de la société française est désormais marqué par une grande diversité que nous avons des débats sur l’identité nationale. Les discours xénophobes sont paradoxalement le signe d’une société qui a pris conscience qu’elle est devenue multiculturelle.

Ce refus du multiculturalisme explique-t-il la création d’associations revendiquant une place pour les Noirs ou les « racisés » ?

Certaines organisations liées à l’immigration revendiquent une communauté d’intérêts fondée sur l’origine. C’est normal et c’est même curieux que cela ne soit pas arrivé plus tôt.

Cessons de voir ces mouvements comme l’expression d’un communautarisme néfaste ! Il est important que la voix et les intérêts de cette partie de la société soient représentés. Le jeu politique et la représentation démocratique reposent sur le pluralisme et l’expression des voix collectives : il faut respecter l’émergence d’organisations à fondement ethnique et religieux lorsqu’elles s’inscrivent dans l’espace démocratique et ne propagent pas des discours de haine.

Le choix historique du modèle d’intégration français a été de promouvoir un modèle d’égalité fondé sur l’invisibilité : il ne donne aucune place à l’expression des spécificités culturelles. Le problème, c’est qu’il est contredit par les pratiques sociales car l’invisibilité n’existe pas. Il y a donc des tensions permanentes entre les principes et les réalités sociales. »

On voit combien ce sujet touche directement le domaine de l’éducation : il est important en effet que les biais éthno-raciaux inconscients qui conduisent potentiellement à la reproduction des inégalités (punitions plus fréquemment données, exclusions plus systématiques, orientations en filières professionnelles plus proposées…) puissent être identifiés, reconnus et combattus.

Nathalie Anton

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