Coming Out : faire bouger les élèves sur l'homophobie et la transphobie

A l’occasion de la Journée mondiale contre l’homophobie et la transphobie, le 17 mai dernier, une collègue d’anglais et moi-même avons emmené deux classes de 5ème voir le film documentaire Coming Out de Denis Parrot. Pendant une heure, de courtes séquences montrent des adolescents du monde entier annoncer pour la première fois à leurs proches qu’ils sont homosexuels ou transgenres, et témoigner de leurs difficultés à vivre leur différence.

Nous ignorions comment réagiraient nos élèves, ou plus exactement, nous craignions le pire. Il faut dire que l‘un d’entre eux avait ouvertement dit que s’il voyait des homosexuels, il les frapperait, et un autre s’était caché le visage à la vue de la une de l’Equipe Magazine sur laquelle deux joueurs de waterpolo s’embrassent(1). Plus généralement, les insultes homophobes fusent à longueur de journée dans notre établissement, et se moquer des « pédés » ou jurer de ne pas l’être soi-même fait partie pour certain.e.s de la banalité des échanges.

Pour faire bouger leurs préjugés, nous comptions évidemment sur l’empathie ressentie à l’égard de ces jeunes qui leur ressemblent, qui nous regardent, et dont les voix tremblent lorsqu’ils expliquent avec une grande clarté les douloureuses étapes d’acceptation de soi par lesquelles ils ont dû passer. 

Car non seulement les témoignages des adolescents dans le film illustrent les violences commises par d’autres à leur encontre, – et j’en profite pour rappeler qu’ « en 2018, les forces de police et de gendarmerie ont recensé 1 378 victimes d’infractions à caractère homophobe ou transphobe contre 1 026 en 2017 (+34,3 %).(2) » – ; mais en plus, ils mettent au jour les violences dirigées contre soi-même, que représentent notamment les tentatives de suicide. « Pour les jeunes des minorités sexuelles et ceux qui se questionnent sur leur identité sexuelle ou de genre, l’affirmation de soi à l’adolescence peut prendre une dimension dramatique, en raison de la stigmatisation à laquelle ils sont amenés à faire face. Une stigmatisation favorisant le repli sur soi, l’isolement ; et parfois une véritable mise en danger sanitaire et sociale : troubles du comportement, conduites addictives, sur-risque suicidaire (par rapport à leurs pairs hétérosexuels). » (3) 

Des séquences ont ainsi particulièrement marqué nos élèves : celle où un adolescent est insulté, battu et chassé de sa maison par ses parents ; ou encore celle où un jeune violoniste russe, parti étudier au Canada, raconte comment ses parents encouragent à « jeter des bombes » sur les homosexuels et explique comment, conditionné par la condamnation intransigeante de l’homosexualité par sa communauté religieuse, il a développé une haine de lui-même et tenté à cinq reprises de mettre fin à ses jours.

Si la plupart des autres moments sont moins tragiques que ces deux-là, les pleurs quasi permanents qui débordent les ados au moment de la révélation de leur homosexualité ou de leur identification à l’autre genre sont une manifestation puissante des sentiments mêlés de soulagement, mais aussi de peur, de honte et de peine qui les ont habités, pour ne pas dire hantés, jusque-là.

Alors quelles ont été les réactions de nos élèves de 5ème ?

A vrai dire, elles ont été étonnamment positives. Le silence a régné dans la salle lors de la projection du film, et lors de la discussion qui a suivi, les élèves ont participé de manière sensible et pondérée.

Les deux garçons précédemment cités qui avaient ouvertement manifesté leur homophobie ont vu leurs a priori évoluer :

Le premier a déclaré : « En vrai, je ne les frapperai pas. Je ne leur parlerai pas, c’est tout. » Il a en effet exprimé sa crainte d’être « contaminé » et « sali » par la proximité des homosexuels, ce qui a heureusement déclenché un rire réprobateur du reste de la classe, qui a compris que l’orientation sexuelle n’est pas une maladie.

Quant au second, il a radicalement changé d’opinion : « Avant, je disais que si mon fils était gay, je le renverrais au pays, mais maintenant, je ne vois plus les choses de la même façon. Je l’accepterais comme il est. »

D’autres réactions nous ont interpellées :

« Je ne savais pas que tapette voulait dire homosexuel. » , a confessé l’un d’eux.

« Je n’aimerais pas que mon enfant soit homo, mais s’il l’était, je ne le rejetterais pas. » , a ajouté une autre, dont la religion proscrit l’homosexualité.

« J’ignorais qu’être homosexuel n’était pas un choix. » , a admis un autre, pour lequel l’absurdité de la question retournée par l’un des jeunes du film (« Et vous, quand avez-vous fait le choix de devenir hétérosexuel ? » ) a été un déclic.

« Pourquoi les parents qui disent qu’ils ont toujours su que leur enfant était gay ne lui en ont pas parlé plus tôt, au lieu de le laisser lutter seul avec ses inquiétudes ? » , a demandé une autre, émue par l’isolement manifeste de ces jeunes.

Et c’est précisément une autre vertu essentielle de ce film : montrer aux adolescents qui se vivraient homosexuels ou transgenres que d’autres sont comme eux. L’un des jeunes du film le formule avec justesse :

« Nous ne faisons pas notre coming out pour que les hétérosexuels le sachent ; nous ne faisons pas notre coming out pour que les croyants le sachent ; nous ne faisons pas notre coming out pour que ceux qui nous haïssent le sachent. Nous faisons notre coming out pour que les personnes comme nous sachent qu’elles ne sont pas une erreur et qu’elles ne sont pas seules. »

Alors, même si le sujet est encore délicat à aborder, je ne peux que vous encourager à aller voir le film de Denis Parrot avec vos enfants ou vos élèves. Et s’il ne passe pas (ou plus) près de chez vous, les 27 minutes de témoignages recueillis par l’émission Les Pieds sur terre de France Culture intitulée « Mon Coming Out » sauront sans nul doute également les toucher, bousculer leurs perceptions, et peut-être même leur permettre de s’identifier à ces personnes dont le récit montre que leur singularité n’est certainement pas, surtout pas, une marque d’anormalité.

Nathalie Anton

(1) Image extraite du film Les Crevettes pailletées, de Cédric Le Gallo et Maxime Govare. L’Equipe Magazine, n°1920, 4 mai 2019.

(2) « Ces chiffres témoignent de la persistance de l’homophobie et de la transphobie dans la société. Ils témoignent aussi de la plus grande propension des victimes à porter plainte. », Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l’antisémitisme et la haine anti-LGBT.

(3) INPES-Santé Publique France

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