Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Plus de 350 cactus protégés saisis à Roissy

Plus de 350 cactus protégés saisis à Roissy

 

Il était une fois un jeune homme. Un jeune homme d’une trentaine d’année, de taille moyenne, de belle tournure. Ses yeux verts qui lui faisaient un regard parfois glaçant, mais il avait un visage si avenant que tout le monde lui donnait dix ans de moins, à son grand désespoir. Il avait sérieusement économisé sur ses derniers salaires et s’était offert un beau voyage en Birmanie, au Myanmar comme on dit maintenant.

Assis sur le siège dur d’une salle d’attente de l’aéroport international de Rangoon, il se remémorait les étapes de son séjour merveilleux. Les bonzes en rouge avec leurs cranes rasés, les femmes et petites filles toujours souriantes avec leurs disques de thanaka sur les joues pour les protéger du soleil. Les trajets en train ou en car qui lui avaient permis de déguster le paysage. Les pécheurs des lacs, debout dans leurs barques étroites lançant des filets ou des paniers, équilibristes se jouant de l’eau à l’aide de leurs perches. Les rizières, les montagnes, la brume, les temples, les pagodes, les banians immenses … il rapportait des photos et quelques vidéos mais les images étaient dans sa tête.

Les hauts parleurs de l’aéroport diffusaient leurs messages en flots ininterrompus, mélange d’anglais et de birman auquel il ne prêtait pas une grande attention. Puis vint l’heure de son embarquement. Attrapant son sac à dos de cabine, il s’apprêta à rejoindre son avion. Un petit homme pressé, de type européen le bouscula sans s‘excuser. « Pas grave, » se dit-il « il doit être en retard pour son vol. » L’embarquement se passa sans autre incident. Au changement de vol à Bangkok, il repéra le petit bonhomme, un peu plus loin dans la file. Les six cents passagers finirent de monter à bord de l’Airbus A380, prêts pour un long vol de plus de onze heures pour rejoindre Paris.  Il se retrouva à côté de l’incivil personnage ; onze heures à côté de lui, le vol s’annonçait mal.

Pourtant, son voisin, visage souriant lui tendit la main en se présentant : « Daniel Hermoni ». Sans méfiance, notre jeune homme se présenta à son tour. Tous deux revenant de Birmanie, ils évoquèrent leurs séjours respectifs pendant un long moment. La conversation était aimable et intéressante. Puis sans prévenir, le petit homme attrapa le poignet de notre héros. « Qu’est-ce qui sera le plus important pour toi quand on sera en France ? » lui demanda-t-il brusquement. « Tu veux l’argent, l’amour, la vie éternelle ? je peux te donner tout ce que tu veux. Il te suffit de signer ce parchemin de ton sang. » et il sorti de sa poche un parchemin craquelé. Le jeune homme, d’abord interloqué, et on le serait à moins, retira vivement son bras de l’emprise de l’autre. Il remarqua alors le sourire satanique de son voisin. Daniel, Hermoni, des noms d’anges déchus ! Il aurait dû se méfier mais il ne connaissait pas les textes anciens. Réagissant avec un temps de retard, il chercha à se lever pour mettre le plus de sièges possibles entre lui et ce personnage qu’il prenait pour un fou.

Seulement, ce fou n’était pas seulement fou, il était l’incarnation du Mal, recruteur de Lucifer, doté de pouvoirs effrayants. A petits pas, il se rapprocha de sa proie en essayant encore de l’amadouer. « Cela ne t’affaiblira pas, tu es en pleine santé et tu pourras obtenir tout ce dont tu as toujours rêvé. » Le jeune homme, ne comprenant toujours pas à qui il avait à faire, se mit à crier pour appeler hôtesses et stewards à sa rescousse. Voyant ces derniers arriver en nombre, le suppôt de Satan jeta un terrible sort en tonnant : « Par Lucifer, que les hommes de cet avion soient changés en cactus ! Que plus une femme ne les approche de peur de se piquer ! Et que les femmes de cet avion oublient ce qu’elles ont vu ici ! » Il reprit : « Ce sort durera ce que durent les sorts, l’éternité ! » Les hommes présents dans l’avion se transformèrent instantanément en cactus. Des grands, des petits, des moches, des beaux, des sphériques, des cylindriques, un monde de cactus. Le pilote et le co-pilote homme n’échappèrent pas à cette métamorphose. La co-pilote ne comprenait rien à ce qui se passait, comme la plupart des femmes dans l’avion. Où étaient passés ses collègues ?

Proche du cœur du drame, une courageuse jeune femme intervint alors que le sort concernant ces dames n’avait pas encore agi : « Par pitié, pas l’éternité : vous ne pouvez pas priver de son père l’enfant que j’attends ! » supplia-t-elle. Comment le démon de l’enfer entendit cette requête et fut pris d’une envie soudaine d’y accéder ? Nul ne sait ! sauf peut-être à savoir que les anges déchus sont connus pour aimer les humaines … il accepta donc de réduire notablement le sort : « Lorsqu’une femme acceptera d’embrasser un de ces cactus, à la descente de l’avion, le sort d’arrêtera ! Mais qu’à l’instant tous les cactus soient transportés en soute. »

Ainsi fût fait et les femmes oublièrent qu’il y avait eu d’autres hommes dans cet avion que ce petit bonhomme qui les regardait en souriant comme s’il se moquait d’elles. La co-pilote parvint sans peine à poser le géant des airs sur le tarmac de Roissy. Les bagagistes déchargèrent la soute et emmenèrent son contenu vers la douane. Les douaniers stupéfaits découvrir ainsi plus de 350 cactus d’espèces protégées. Personne ne savait comment ils avaient été placés en soute et ils ne parvinrent pas à retrouver leur propriétaire. Et pour cause !

Ne sachant trop quoi faire de cet encombrante forêt d’arbustes, les douaniers les entreposèrent dans un des salons VIP. La jeune femme enceinte que nous avons découverte dans l’avion, attendait là sa correspondance. Elle vit alors un cactus dont l’aspect l’intrigua. Pourquoi lui faisait-il penser à son compagnon disparu ? Nous ne les connaissons pas assez pour le deviner. Toujours est-il qu’elle s’approcha, les larmes aux yeux en pensant à son amour perdu.  Vous avez deviné la suite : elle posa un baiser sur le cactus. La forêt de cactus se transforma alors en une foule d’hommes éberlués, retrouvant leur humanité.

L’histoire ne dit pas ce dont les hommes se souvinrent. Mais on voit souvent dans l’aérogare de Roissy un jeune homme d’une trentaine d’année, de taille moyenne, de belle tournure, se diriger vers les portes d’embarquement pour le Mexique, pays des cactus !

 

Anne-Marie, 16/10/2016

Suite à l’atelier d’écriture des Rencontres du CRAP de 2016, je me suis prise au jeu d’écrire un conte à partir d’un titre de faits divers, sans aucun rapport avec l’article en question d’ailleurs … Pour ceux qui seraient intéressés, voici le lien : http://www.ouest-france.fr/faits-divers/trafic/plus-de-350-cactus-proteges-saisis-roissy-4492923

 

 

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