Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Ils auraient vendu 48 000 € de mauvais vin à une personne âgée

Il était une fois une très vieille dame, vraiment très vieille, qui vivait aux abords d’un village reculé du royaume des Sapins. Ce royaume n’avait pas d’autres arbres que des sapins comme son nom l’indique. Rien ne poussait dans ce royaume que des sapins. Et quand on aime bien boire un petit coup, comme cette très vieille dame, on est obligé d’acheter le vin à des marchands ambulants venant du royaume des Vignes. C’était toujours le même qui ravitaillait la très vieille dame. Il lui vendait du vin blanc issu de cépage Chardonnay, reconnaissable à son petit goût de noisette, très fin, qui se laissait bien boire …

Cette année-là, le marchand habituel tardait à passer et la très vieille dame voyait le nombre de flacons qui lui restait diminuer à vue d’œil. Tous les jours, malgré des jambes qui avaient du mal à la porter, elle se rendait en haut de la colline. De là où des sapins avaient été déplantés, elle tentait d’apercevoir un nuage de poussière sur la route qui aurait indiqué qu’un chariot n’allait pas tarder. Mais rien, pas un seul nuage de poussière, même pas un tout petit ! alors, elle repartait chez elle, dans sa petite bicoque de bois de sapin. Elle ouvrait un de ses derniers flacons et essayait de se consoler dans les vapeurs d’alcool. Sauf qu’elle avait le vin triste et elle se lamentait : « Mais comment vais-je faire ? il ne m’en reste plus que dix ! » puis que neuf, huit, sept, …

Arriva le jour funeste où elle s’aperçut qu’il n’en restait plus qu’un. Elle le but en pleurnichant dans son gobelet. Elle n’avait jamais connu de jour plus triste et angoissant depuis le jour de la mort de son mari. Elle se posait alors la même question de son devenir. Mais celle-ci avait été réglée facilement après la découverte d’un joli pactole que le défunt avait placé chez son notaire. Il s’élevait à plus de 50 000 euros. (Oui, c’était déjà le nom de la monnaie de base du royaume des Sapins ; l’euro étant le nom que dans ce royaume, on donne depuis toujours à la pomme de pin, je suis sûre de vous apprendre quelque chose !) Revenons aux aventures de la très vieille dame.

D’un pas encore plus lent que d’habitude, la voilà grimpant comme elle peut sur le sentier de la colline, tête basse, mains accrochées aux pommeaux de ses cannes en bois de sapin. Ses pauvres vieux yeux essaient de distinguer un rien de poussière sur le chemin. Le temps passe. Tout à coup, elle sursaute croyant mourir de peur : un grand gaillard vient de lui taper sur l’épaule en criant « Eh bien la mère ! qu’est-ce qu’on regarde comme ça ? » Elle ne l’a pas entendu arriver et se demande qui il peut bien être. Le gaillard lui redemande en criant ce qu’elle fait là toute seule, la nuit allant bientôt tomber. La très vielle dame, peu méfiante et soulagée de parler de son problème, lui explique qu’elle guette son marchand de vin. « Oh, la Vieille, ça tombe bien, nous venons mes frères et moi du royaume des Vignes et nous pouvons te vendre du vin comme tu n’en as jamais bu ! Nous sommes arrivés hier soir et fatigués comme nous étions de la route, nous nous sommes endormis et nous n’avons pas encore eu le temps d’écouler notre marchandise. »

Les deux redescendent vers le village. La nuit tombe. Des habitants se hâte de rentrer chez eux, ils prennent juste le temps de dévisager l’étranger et de demander à la très vieille dame ce qu’ils font ensemble. Celle-ci ne veut pas se faire soustraire de la marchandise avant d’en avoir pris son content. Elle répond donc que c’est un camarade de son fils, venue lui apporter des nouvelles de celui-ci. Ils arrivent devant la cabane et le grand gaillard annonce qu’il part chercher ses frères et le chariot. C’est dit, c’est fait. Les voilà qui déchargent des tonnelets de vin blanc chez la très vielle dame. Celle-ci n’en croit pas sa chance et voit la pile de tonnelets atteindre quasiment le plafond de sa cave. La voilà pourvue de munitions pour l’année. Tellement satisfaite qu’elle paie sans broncher la somme exorbitante que les gredins lui extorquent : 48 000 euros !

Les gredins ne demandèrent pas leur reste et se pressèrent de regagner le royaume du Blé dont ils venaient. Quant à la très vieille dame, elle finit sa vie dans un aimable brouillard vineux sans même s’apercevoir que ce vin était une abominable piquette. Son fils, revenu à temps pour recueillir son dernier soupir, ne comprit jamais où avait disparu l’argent laissé par son père et qu’il comptait utiliser à son profit. Il eut beau détruire planches après planches la vieille cabane, il n’y trouva que quelques tonnelets vides qui sentaient fort mauvais !

 

Anne-Marie, le 24/9/16

 

Suite à l’atelier d’écriture des Rencontres du CRAP de 2016, je me suis prise au jeu d’écrire un conte à partir d’un titre de faits divers, sans aucun rapport avec l’article en question d’ailleurs.

Pour ceux qui seraient intéressés, voici le lien : http://www.ouest-france.fr/normandie/le-havre-76600/au-havre-ils-auraient-vendu-48-000-eu-de-mauvais-vin-une-retraitee-4490838

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Le cordonnier philosophe

Il était une fois au pays des Châtaigniers, un cordonnier. Pas n’importe quel cordonnier, un cordonnier philosophe. Sa petite boutique de cordonnier se trouvait à une extrémité de la grande gare de la capitale du pays des Châtaigniers, à la sortie d’un couloir du métro, au débouché d’un escalator descendant des quais de la gare.

On peut dire qu’il en voyait passer du monde. Des tas de gens pressés, avec des valises à roulettes ou des sacs à dos, des serviettes à documents ou des cartables à ordinateurs portables, des gibecières en bandoulière ou des musettes à repas, certains les mains dans les poches … des gens un peu perdus aussi, dans un sens ou dans l’autre, cherchant leur chemin sur les panneaux, s’arrêtant net ou rebroussant chemin au risque de se faire bousculer.

Et puis, de temps en temps, une de ces personnes s’arrêtait dans son échoppe. Qui pour refaire une clé, un talon, une couture sur une chaussure … Le temps d’effectuer ces menues réparations, il en profitait pour s’entretenir avec ses clients d’un jour. Certains, à sa place, auraient discuté de la pluie et du beau temps, mais pas lui ; il faut dire qu’il ne voyait pas grand-chose du temps qu’il faisait dehors. Lui, il aimait discuter de littérature et de philosophie. Il faisait collection de ces rencontres improbables en décrivant ses auteurs favoris, lançant ainsi une discussion : Marguerite Yourcenar et Cabu mais pas Sartre, Maupassant, ses livres et ses contes, et tant d’autres. Aux connaisseurs, il avouait son admiration inconditionnelle, sa passion, pour Pic de la Mirandole qui parlait tant de langues, connaissait tout sur tout et abordait chaque sujet avec différents points de vue. Une discussion sur les mérites des uns et des autres s’engageait alors. Il finissait par demander humblement quel était le métier de ces gens si intéressants qui avaient partagé avec lui ces quelques instants volés au temps qui passe. Cela était si précieux à ses yeux qu’il ne manquait pas de remercier chaleureusement ses clients. Il ajoutait immédiatement cette belle rencontre à sa collection.

Et puis un jour, ou peut-être une nuit, un client arrêté par le besoin de porte-clés de différentes couleurs, se mit à lui raconter ses voyages, quarante-cinq pays visités, poussé par les obligations de son travail. Quarante-cinq pays ! Le cordonnier se rendit compte qu’il n’avait jamais voyagé que dans ses livres. Ce qui ne lui avait jamais posé de problème auparavant devint à ce jour une sorte d’idée fixe et une intense matière à regrets. Le nez dans ses livres, n’était-il pas passé à côté de la vraie vie ? C’était un sujet pour un philosophe mais cela le touchait trop pour qu’il en fit un thème de réflexion et d’échanges. Il en perdit peu à peu l’appétit. La seule vue d’un livre le dégoutait. Il ne discutait plus avec ses clients, faisant machinalement les gestes de son métier, saluant au minimum, sans sourire. D’un œil sombre, il regardait ces gens avec leurs valises, remarquant maintenant les étiquettes prouvant leur passage dans des contrées variées. Il s’étiolait au fin-fond de la grande gare de la capitale, lui si joyeux et si avenant auparavant.

Cet état dura quelques semaines jusqu’à l’apparition au comptoir de sa petite boutique d’un jeune homme d’une trentaine d’années. De longs cheveux, un visage en longueur surmonté d’un petit chapeau rouge vif. « Buongiorno, je m’appelle Giovanni ». Sans hâte, le cordonnier leva les yeux et lui demanda ce qu’il voulait d’un ton apathique. Giovanni le contempla un long moment avant de répondre « Toi qui m’as étudié, ne penses-tu pas que la vie mérite quelques efforts ? Tu sais à quel point il est important pour moi de regarder chaque chose de différents points de vue. »

Le cordonnier ébahi fixait le jeune homme. Un éclat commençait à renaitre dans son regard. L’autre continua : « Tu le sais, j’ai moi-même beaucoup voyagé en mon temps mais je me suis aussi beaucoup instruit dans les livres. Je t’invite à faire un pas de côté et à regarder cette affaire de voyage d’un autre œil. Demande-toi ce que cet homme, que tu considères si chanceux, a pu voir de la richesse de ces quarante-cinq pays. Que connait-il de la vie et des pensées des hommes qui y demeurent ?  A-t-il pu découvrir les merveilles naturelles et architecturales de ces contrées ? Doit-il être forcément plus heureux que toi, lui qui passe sa vie entre deux avions ? » Il reprit : « Voltaire, qui pourtant ne m’aimait pas, apporte une réponse dans son Candide, l’as-tu lu ? » sur ces mots, il tourna les talons et disparut dans la densité de la foule, ne laissant à voir que le sommet de son chapeau rouge.

Pic de la Mirandole ! En personne, il était venu redonner le courage d’affronter la vie au cordonnier philosophe. Celui-ci n’en revenait toujours pas. Il ferma sa petite échoppe et se rendit dans une des multiples librairies de la grande gare pour y trouver le livre conseillé. Son esprit, réveillé par les propos de celui qu’il admirait tant, fonctionnait à nouveau. Et si le grand voyageur n’était en fait qu’une sorte de collectionneur de pays ? De cette sorte de collectionneur qui thésaurise, amoncèle, accumule et contemple son trésor en se félicitant de son ampleur. Et si ? et si ?

Il rentra chez lui, fort de ses nouvelles pensées. Il s’installa confortablement. Il commença par écouter un peu de cette musique lyrique qui lui mettait des larmes de bonheur aux yeux avant de se plonger dans la lecture. Le lendemain matin, il ouvrit sa boutique le sourire aux lèvres, encore immergé dans les aventures et la conclusion du héros voltairien, de Pangloss et de Cunégonde. « Il faut cultiver notre jardin. » ; oui, tout homme est capable d’améliorer sa condition et courir le monde n’est pas une solution convenant à tous. Les doutes qu’il avait rencontrés s’évaporaient maintenant. Il retrouva sa joie de vivre et de philosopher. Il la partagea de nouveau avec ses clients. Il les fit profiter de sa nouvelle sagesse tout en les écoutant, faisant son miel de ces rencontres éphémères.

Voilà pourquoi, dans le fin-fond de cette grande gare de la capitale du pays des Châtaigniers, parmi tous ces gens pressés, il en est qui le salue et lui sourit, donnant un peu d’humanité à cette fourmilière géante.

Anne-Marie, le 24 mai 2017

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Un joueur de cornemuse tué par son instrument

Il était une fois, dans le royaume des elfes, un joueur de cornemuse. C’était le meilleur joueur de cornemuse du royaume et le roi des elfes l’avait appelé à sa cour pour qu’il distrait la reine son épouse. Habituellement, le joueur de cornemuse accompagnait l’armée du roi des elfes au combat, sans doute pour qu’on n’entende pas les cris des mourants et les supplications des blessés. Mais pour l’instant, ce joueur de cornemuse avait donc été appelé au palais royal. Dès qu’il aperçut la reine, il n’eut de cesse de composer des airs pour encenser sa beauté. Il les jouait le matin pendant qu’elle se préparait. Il les jouait le midi pendant le repas. Et encore l’après-midi pendant qu’elle brodait et pendant le souper et pour accompagner jongleurs et acrobates.

Je ne sais si vous pouvez imaginer les tortures auditives que ces plaintes déchirantes provoquaient chez les membres de la famille royale et leurs serviteurs, même les plus âgés déjà un peu sourds. Toujours est-il que le château royal se désertifiait du lever au coucher. Les repas donnaient lieu à des quiproquos sans noms, tant le peu de personnes qui n’avaient pas pu se défiler, n’arrivaient pas à se comprendre dans ce vacarme. En rentrant de la chasse, le roi se demandait ce qu’il se passait, personne ne venait plus l’accueillir et aucun n’osait lui donner la véritable raison. Mais personne ne comprenait non plus pourquoi il laissait le joueur de cornemuse importuner les habitants du château de la sorte.

Ce fut le petit mitron qui découvrit le pot aux roses : il arriva qu’un jour, les serviteurs se firent tous porter pâle pour ne pas avoir à supporter le vacarme produit par l’instrument qu’ils haïssaient maintenant. Ce fut le petit mitron qui fut unanimement désigné pour aller porter le pain à la table royale. Le roi, remarquant ce nouveau serviteur, lui demanda son nom. Très intimidé, le petit n’osa relever la tête pour répondre et marmonna dans ce qui serait plus tard sa barbe : « Je suis Jehan le Petit, votre Majesté ». Le roi, n’entendant pas la réponse, lui reposa la question et le garçon répéta. Cela se produisit une fois, deux fois, et ainsi de suite. Le petit, au bord des larmes malgré le ton toujours gentil du souverain, finit par relever la tête et redire sa réponse. Cette fois-ci le roi l’entendit… l’entendit est un bien grand mot … On s’aperçut alors que le roi était sourd comme un pot et qu’il avait développé la très forte capacité de lire sur les lèvres de ses sujets.

C’est là que la reine entra dans le jeu. Celle-ci n’était pas seulement belle ; la reine des elfes était surtout une grande magicienne. Pourtant, elle ne s’était jamais aperçue du handicap de son époux, d’une part parce qu’elle ne le voyait que rarement et d’autre part parce que celui-ci ne lui demandait pas souvent son avis. Elle n’avait pas osé agir contre le joueur de cornemuse, pensant que celui-ci avait le plein accord du roi. Maintenant, elle comprenait pourquoi il était le seul à ne pas être tourmenté par le son continuel du sinistre instrument.

Elle s’arrangea avec sa fidèle suivante pour tendre un piège au joueur détesté. Par cette intermédiaire, elle le fit venir discrètement dans sa chambre. Le musicien n’en croyait pas sa chance. Elle le fit s’assoir sur le coffre au pied de son lit. Il était bien obligé de se défaire de l’instrument maudit. Il le déposa à côté de lui. L’instrument émit un souffle qui faisait penser au dernier soupir d’un être malfaisant. Pendant que la suivante lui apportait une choppe d’hydromel, la reine envoutât l’instrument honni. Sans le laisser reprendre une de ses complaintes, la reine congédia le musicien qui était déjà tout content de sa future bonne fortune … croyait-il !

A peine arrivé dans le cabanon qui lui servait de chambre, il se retrouva avec une cornemuse folle, complétement folle. Elle dansait devant lui une gigue endiablée, les tuyaux de démenaient en tous sens, elle émettait un son strident très inhabituel. Tout à coup, elle se raidit et l’anche du tuyau central fut projetée dans la gorge du pauvre musicien. Il mourut sur le coup.

La reine des elfes était descendue avec sa suivante pour voir les effets de sa magie. Quand elle vit que l’instrument avait bien obéi à ses ordres, elle fit entrer sa sujette dans la cabane pour réveiller le joueur de cornemuse.

Celui-ci ne comprit jamais ce qui lui était arrivé mais il fut pris d’un soudain dégout pour l’objet qui lui avait occasionné un tel cauchemar. Il se jura de ne plus jamais en jouer. Comme c’était un vrai bon musicien, il apprit rapidement à jouer de la vièle et put régaler la cour de ses poèmes chantés, rythmés par un son maintenant délicieux.

Depuis ce temps, le château se réveille aux cris du coq et gare à celui qui pousse son cri en dehors des heures autorisées ; sinon, c’est la marmite !

 

Anne-Marie, Le 10/9/16

Suite à l’atelier d’écriture des Rencontres du CRAP de 2016, je me suis prise au jeu d’écrire un conte à partir d’un titre de faits divers, sans aucun rapport avec l’article en question d’ailleurs … Pour ceux qui seraient intéressés, voici le lien : http://www.france24.com/fr/20160823-gb-joueur-cornemuse-tue-son-instrument

 

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Une jument envasée dans une rivière

Il était une fois un pays de dragons. Le prince de ce pays vivait sans se poser de problème sa vie de prince des dragons. Il avait une gueule dorée et ses jets de flammes étaient du plus bel effet en s’y reflétant. Sa vie n’était qu’insouciance et plaisirs.
Un jour, c’était un mardi, il fut convoqué par son père le roi des dragons : « Mon fils, tu es en âge de te marier et j’ai choisi pour toi la princesse d’un royaume un peu éloigné mais j’ai ouï dire qu’elle est fort belle et intelligente. Tu dois aller la chercher dans le royaume de son père. C’est assez loin mais tu y seras en un coup d’aile. Ramène-la vite, j’ai hâte de la connaitre. Prends la direction du sud-nord et tu seras arrivé quand tu verras la lune se lever. »

Le jeune prince, très heureux de cette bonne fortune, déploya ses ailes et s’envola vers sa promise. Le sud-nord, facile ! un coup d’aile, facile ! la lune se lève, le voilà arrivé.

Le prétendant se posa sur la Grand Place et s’avança vers le château. Personne en vue. Intrigué, il regarda de gauche et de droite poursuivant son chemin. La porte principale s’ouvrit à son arrivée. Il entra. Deux garde-chevaux lui firent signe de ne pas faire de bruit. Il poursuivit sa route sans émettre le moindre son et entendit des sanglots et des cris. « Ma fille ! où est ma fille ?» hennit le souverain sur son trône.

Le prince avait peur de comprendre : « Comment cela, ta fille a disparu ? s’agit-il de ma promise ? » « ouiiii » hennit le roi. Le prince ne savait pas s’il devait être inquiet ou en colère, il reprit : « Grimpe sur mon dos, nous allons la chercher ! » Ainsi fut fait.

En quelques battements d’ailes de dragon, vous pensez bien que le royaume des chevaux fut vite exploré. Ils repérèrent la jeune pouliche envasée dans une rivière.

L’histoire ne dit pas comment ils la sortirent de là … mais la princesse expliqua qu’elle avait une peur bleue de se faire rôtir et elle préférait finir ses jours dans l’eau plutôt que par le feu. Le jeune prince lui jura qu’il ne se servirait jamais de ses flammes en sa présence.

On dit que les dravaux nés de cette union règnent toujours sur le royaume des dragons.

Anne-Marie, 21/8/16

Texte écrit pendant l’atelier d’écriture des Rencontres du CRAP de 2016.
Consigne : transformer un fait divers en conte à partir d’un titre, ici Une jument envasée dans une rivière (Indre)

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Le petit renne du Père Noël

Il était une fois là-haut, tout là-haut, près du pôle Nord, le pays du Père Noël. Dans le pays du Père Noël, vivaient tous ceux qui travaillent pour que Noël soit un moment magique. Tout ce monde vivait dans un paysage blanc et froid. Mais la joie réchauffait leurs cœurs : ils travaillaient pour que tous les enfants du monde soient heureux, au moins le soir de Noël.

Il y avait le Père Noël, toujours habillé de rouge, avec sa barbe blanche et ses petite lunettes rondes. Assis à son grand bureau, il lisait les lettres que tous les enfants du monde lui avaient envoyées avec leur liste de cadeaux. Il en faisait à son tour une immense liste, bien rangée dans l’ordre des pays du monde que le soleil réveillait tour à tour.

Il y avait aussi les lutins. Eux étaient habillés de vert et de rouge, avec un drôle de petit bonnet pointu. Ils étaient chargés de fabriquer tous ces jouets commandés par les enfants du monde. Certains étaient dans l’atelier « Jouets en bois » , d’autres dans l’atelier « Nounours et peluches » et d’autres ailleurs encore. Tout le monde travaillait fort pour que tous les enfants du monde aient leurs cadeaux le soir de Noël.

Et puis, il y avait les rennes du Père Noël. Ils étaient grands et majestueux, très fiers de tirer le traineau du Père Noël. Dès leur naissance, ils étaient sélectionnés pour leur belle attitude. Ils vivaient dès lors dans une écurie près de la fabrique des jouets et les lutins venaient se détendre avec les bébés rennes. Puis arrivait le temps d’apprendre leur métier.

Il leur fallait apprendre à tirer le traineau du Père Noël là-haut dans le ciel. Il leur fallait apprendre à aller aussi vite que la lumière – plus, ce n’est pas possible – pour que tous les enfants du monde aient leurs cadeaux le jour de Noël. Ils s’entrainaient dur pour faire partie des rennes sélectionnés pour le grand soir. Mais il n’y avait pas de jalousie entre eux, chacun ferait au moins une fois le tour du monde du Père Noël.

Et parmi eux, il y avait Tony. Tony avait été choisi pour devenir un renne du Père Noël mais Tony rêvait d’une autre vie. Il avait compris qu’il existe des pays où il ne fait pas si froid, où il ne fait pas si nuit l’hiver. Et il rêvait … Il rêvait d’être accueilli dans une famille où il serait entouré de chaleur et d’amour. Mais un renne du Père Noël n’a pas cette vie. Alors il faisait bravement, comme les autres, l’entrainement qui devait lui permettre de devenir renne du Père Noël.

Le Père Noël était très attentif à tous ceux qui vivaient près de lui. Il remarqua vite ce petit renne pas comme les autres. Un matin, il lui demanda de s’expliquer. Tony trouva les mots qui troublèrent le Père Noël. Celui-ci lui dit : « Je comprends que tu préfèrerais vivre une vie familiale comme un petit chien, dans une maison, avec des enfants qui jouent avec toi, te promènent et te font des câlins. Eh bien d’accord, je vais te transformer et t’envoyer pour Noël dans une famille que je connais et qui se désespère d’adopter un petit chien. »

Et voilà comment Tony, le petit renne du Père Noël, fut transformé en petit chien et déposé près d’un sapin le soir de Noël. Comme il geignait doucement, la petite fille de la maison descendit et le trouva. Elle fut transportée de joie et le prenant doucement dans ses bras, elle s’empressa de le montrer à ses parents qui dormaient encore. Ils acceptèrent de le garder et ce fut le début d’une amitié qui dure encore aujourd’hui.

 

Anne-Marie, décembre 2016

 

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La petite crevette, l’étrille et le bernard-l’ermite.

Il était une fois une petite crevette qui s’appelait Suzette. Elle vivait sa vie de petite crevette, ni triste, ni gaie, une vie de crevette, pensait-elle. Près d’elle, se trouvaient un bernard-l’ermite et une étrille. Tous les trois étaient les meilleurs amis du monde. Le bernard-l’ermite se nommait Bernard comme il se doit et la si jolie étrille répondait au doux nom de Bertille. Tous trois ne bougeaient pas beaucoup. De temps en temps un homard et un tourteau venaient leur tenir compagnie … Ils avaient tous passé toute leur vie à Portbail, dans le pays des havres, en bord de Manche, l’English Channel des anglais. Mais nos trois amis n’avaient jamais vu la mer. Ils étaient nés des mains d’un artiste-artisan, Jean-Marc de son prénom, leur père à tous. Crées à partir d’un bout de zinc, découpés, taillés, retaillés, courbés, poinçonnés, ils avaient pris vie grâce à lui et rejoint ensuite le présentoir. Depuis lors, sans le savoir, ils attendaient qu’un touriste de passage, les admirant, ait envie de les adopter. Ils vivaient donc tranquillement, tous les trois, sans se rendre compte que leurs vies pouvaient être bouleversées du jour au lendemain selon les envies d’un client, voire d’une cliente. Il faut dire que Jean-Marc s’était bien gardé de leur expliquer, en leur donnant vies, que celles-ci allaient surtout servir à lui faire gagner la sienne. Ils étaient son gagne-pain, tous : crevette, étrille et bernard-l’hermite et les autres ! Inconscients de leur séparation prochaine, ils continuaient de papoter, de se raconter des histoires et de se moquer des mini-poupées en papier crépon qui leur faisaient face. Ils s’admiraient se reflétant dans le zinc des uns et des autres, il faut dire que Jean-Marc avait la main pour les rendre admirables !

Un jour de vacances de la Toussaint, entrèrent dans le magasin deux dames de Paris qui s’extasièrent sur ces si jolies figurines. L’une d’elle acheta Bertille et l’autre Suzette. Sans rien comprendre de ce qu’il leur arrivait, elles se retrouvèrent chacune dans un sac de papier. Sans plus rien voir, elles se sentirent ballotées d’un sens, de l’autre, au rythme du pas de ces deux dames, au demeurant fort aise de leurs trouvailles. Elles les entendaient se réjouir de pouvoir gâter qui son mari, qui son fils. Elles avaient beau crier et appeler à l’aide, rien n’y faisaient. Les sacs se stabilisèrent enfin et elles crurent qu’elles allaient se retrouver. Las ! Certes les deux sacs étaient maintenant côte à côte, mais Suzette et Bertille ne furent pas délivrées pour autant. Elles pouvaient néanmoins s’entendre au travers du papier et elles purent échanger leur désarroi tout en sentant que les sacs se déplaçaient. Ne connaissant pas grand-chose à la vraie vie, elles ne pouvaient pas savoir qu’elles se trouvaient dans la voiture qui les emmenait loin de leur copain Bernard.

Celui-ci, sous le coup de la surprise, mit un certain temps à réaliser ce qui s’était passé. Il finit par entendre ces pestes de mini-poupées en papier crépon qui se moquaient de lui, « Ah ! Comment tu vas faire pour t’admirer maintenant ? Elles t’ont laissé tomber, tes belles ! Tu te retrouves tout seul comme un idiot ! » Et elles continuèrent ainsi en faisant entendre un rire strident qui lui arrachait les tympans. Avec son buccin sur le dos, il se sentait gauche, il se demandait ce qu’il pouvait faire pour les retrouver. Avec les hurlements des vilaines, il avait du mal à se concentrer …

Pendant ce temps, les deux crustacées se réconfortaient comme elles le pouvaient. Mais l’angoisse du futur commençait à les prendre et c’était difficile de garder l’espoir. Chacune essayait bravement de ne pas effrayer davantage sa copine mais elles n’en menaient pas large. Le transport finit par s’arrêter. Qu’allait-il se passer maintenant ? Aucune d’elles ne pouvait imaginer la suite bien sûr. Tout à coup, Suzette sentit le sac se soulever et reprendre le balancement du début de cette affaire. Elle appela Bertille d’une voix implorante que personne n’entendait plus. Dans le noir, toute seule, coupée de tous ses repères, elle se sentit prise d’une indicible frayeur doublée d’un sentiment intense d’incapacité d’agir. Mais comme elle était assez courageuse pour une petite crevette, elle prit sur elle et se dit qu’elle n’avait plus qu’à attendre la suite. Elle pensa très fort à sa copine Bertille et à son copain Bernard, à leurs bons moments passés ensemble pour que le temps passe plus vite.

Bernard, quant à lui, avait repris le contrôle de lui-même depuis qu’un touriste avait emporté plusieurs mini-poupées de papier crépon. Le rire strident qui l’empêchait de se concentrer avait cessé brusquement et il pouvait maintenant essayer de trouver une solution. Il commença à faire le tour des possibilités qui s’offraient à lui. Non, il ne pouvait pas se déplacer ; non, il ne savait pas où ses amies avaient été emmenées ; non, elles ne reviendraient sans doute pas toutes seules : mais c’était à lui d’agir ! En se tortillant, il réussit à entrer en contact avec une élégante statuette africaine en bronze qui se trouvait près de la caisse. Elle ne parlait pas bien le français des crustacés mais il réussit à se faire comprendre. Elle parvint à lire sur le chèque, encore posé sur la grande table, l’adresse d’une des deux dames. Hourra ! Voilà déjà une précieuse information. Le temps passa et tous les jours, Bernard le bernard-l’ermite essayait d’imaginer comment il pourrait retrouver Suzette et Bertille. Mais le temps passait et il ne trouvait rien. Le luisant de son zinc se ternit, ses antennes s’abaissèrent un peu plus chaque jour jusqu’au moment où la statuette en bronze réussit à attirer son attention. Dans un langage des plus châtié, elle lui fit comprendre que les personnes qui étaient en train de repartir habitaient la même ville que les dames qui avaient emmené ses amies. Vite une idée, ils étaient presque sortis, il fallait se presser.

Il se passa lors quelque chose d’extra-ordinaire : la boutique entière se mobilisa pour aider Bernard à partir en même temps que ces touristes. Usant de toutes ses forces mentales, il sauta sur un collier qui se balança et le propulsa dans un panier de rotin qui roulant sur lui-même le fit atterrir dans une tasse. Cette tasse se renversa et l’envoya sur un chapeau de feutre bordeaux qui se mit à tourbillonner et l’éjecta à la toute fin dans le cabas de la dame au moment où celle-ci passait la porte. Un joyeux tintamarre salua le départ de Bernard en lui souhaitant bonne chance dans sa quête.
Le bernard-l’ermite clandestin vécu à son tour le trajet vers Paris sans être enfermé dans un sac en papier. A travers les mailles larges du filet, il put voir des paysages qu’il n’avait jamais imaginés et se disait qu’il aurait bien aimé partager ces moments avec ses amies. Ils arrivèrent à destination. En défaisant ses bagages, la femme vit un morceau de zinc ouvragé dépasser de son sac trouva et le drôle de coquillage. Elle appela son mari en le remerciant pour cette surprise. C’est le mari qui fut surpris et chacun se demanda si l’autre n’avait pas embarqué par mégarde ou par envie cet objet original. Mais bon, ils n’allaient pas retourner en Normandie pour rendre cette babiole, n’est-ce pas ? Ils s’habituèrent si bien à cette étrange bestiole qu’ils l’adoptèrent et la traitèrent avec beaucoup d’égards. Cela ne rendait pas à Bernard ses amies mais sa vie était des plus douces.

Noël pointa le bout de ses sapins et à leurs pieds, le mari d’une des dames et le fils de l’autre trouvèrent Suzette et Bertille. Ne sachant trop comment interpréter ces cadeaux, ils n’en firent pas grand-chose et profitèrent du premier vide-grenier pour essayer de s’en débarrasser. Suzette se retrouva donc sur un tréteau devant le domicile de son acheteuse et Bertille à l’autre bout de la rue sur une table de camping. Les deux demoiselles crustacées ne comprenaient rien de ce qui leur arrivait quand une main saisit Suzette en s’exclamant : « Regarde Charles, on dirait que cette crevette vient du même endroit que notre bernard-l’ermite ! … Combien la vendez-vous ? Cinquante centimes ? Charles, donne-moi cinquante centimes s’il te plait ! » Et la jolie petite crevette passa dans le cabas de la dame qui avait déjà, sans qu’elle le sache, convoyé le copain de la crevette. La même scène se reproduisit une demi-heure plus tard et Bertille se retrouva à son tour dans le même sac. Les deux copines n’en croyaient pas leur chance, elles se mélangèrent les antennes en signe d’allégresse.

Mais leur liesse ne connut pas de limite quand elles arrivèrent dans leur nouveau logis. Leurs acheteurs s’empressèrent de les placer à côté de leur passager clandestin devenu leur chouchou, sans imaginer une seule seconde qu’ils les rendaient à la vie en quelque sorte.
Et c’est ainsi que les trois amis se retrouvèrent, en grande partie grâce à la solidarité de la boutique d’artisanat d’art. Les deux bienfaiteurs qui avaient permis ces retrouvailles n’oublièrent d’ailleurs pas de passer à la boutique rembourser l’involontaire emprunt. Ils racontèrent comment ils étaient entrés en possession des deux autres figurines sans imaginer que tous les objets de la boutique buvaient leurs paroles. Ceux-ci comprirent que leurs efforts avaient porté leurs fruits et ce fut l’occasion à nouveau d’une grande réjouissance, à la nuit tombée, loin des regards des hommes.

Anne-Marie, le 3 novembre 2017, Saint Germain sur Ay

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Plus de 350 cactus protégés saisis à Roissy

Plus de 350 cactus protégés saisis à Roissy

 

Il était une fois un jeune homme. Un jeune homme d’une trentaine d’année, de taille moyenne, de belle tournure. Ses yeux verts qui lui faisaient un regard parfois glaçant, mais il avait un visage si avenant que tout le monde lui donnait dix ans de moins, à son grand désespoir. Il avait sérieusement économisé sur ses derniers salaires et s’était offert un beau voyage en Birmanie, au Myanmar comme on dit maintenant.

Assis sur le siège dur d’une salle d’attente de l’aéroport international de Rangoon, il se remémorait les étapes de son séjour merveilleux. Les bonzes en rouge avec leurs cranes rasés, les femmes et petites filles toujours souriantes avec leurs disques de thanaka sur les joues pour les protéger du soleil. Les trajets en train ou en car qui lui avaient permis de déguster le paysage. Les pécheurs des lacs, debout dans leurs barques étroites lançant des filets ou des paniers, équilibristes se jouant de l’eau à l’aide de leurs perches. Les rizières, les montagnes, la brume, les temples, les pagodes, les banians immenses … il rapportait des photos et quelques vidéos mais les images étaient dans sa tête.

Les hauts parleurs de l’aéroport diffusaient leurs messages en flots ininterrompus, mélange d’anglais et de birman auquel il ne prêtait pas une grande attention. Puis vint l’heure de son embarquement. Attrapant son sac à dos de cabine, il s’apprêta à rejoindre son avion. Un petit homme pressé, de type européen le bouscula sans s‘excuser. « Pas grave, » se dit-il « il doit être en retard pour son vol. » L’embarquement se passa sans autre incident. Au changement de vol à Bangkok, il repéra le petit bonhomme, un peu plus loin dans la file. Les six cents passagers finirent de monter à bord de l’Airbus A380, prêts pour un long vol de plus de onze heures pour rejoindre Paris.  Il se retrouva à côté de l’incivil personnage ; onze heures à côté de lui, le vol s’annonçait mal.

Pourtant, son voisin, visage souriant lui tendit la main en se présentant : « Daniel Hermoni ». Sans méfiance, notre jeune homme se présenta à son tour. Tous deux revenant de Birmanie, ils évoquèrent leurs séjours respectifs pendant un long moment. La conversation était aimable et intéressante. Puis sans prévenir, le petit homme attrapa le poignet de notre héros. « Qu’est-ce qui sera le plus important pour toi quand on sera en France ? » lui demanda-t-il brusquement. « Tu veux l’argent, l’amour, la vie éternelle ? je peux te donner tout ce que tu veux. Il te suffit de signer ce parchemin de ton sang. » et il sorti de sa poche un parchemin craquelé. Le jeune homme, d’abord interloqué, et on le serait à moins, retira vivement son bras de l’emprise de l’autre. Il remarqua alors le sourire satanique de son voisin. Daniel, Hermoni, des noms d’anges déchus ! Il aurait dû se méfier mais il ne connaissait pas les textes anciens. Réagissant avec un temps de retard, il chercha à se lever pour mettre le plus de sièges possibles entre lui et ce personnage qu’il prenait pour un fou.

Seulement, ce fou n’était pas seulement fou, il était l’incarnation du Mal, recruteur de Lucifer, doté de pouvoirs effrayants. A petits pas, il se rapprocha de sa proie en essayant encore de l’amadouer. « Cela ne t’affaiblira pas, tu es en pleine santé et tu pourras obtenir tout ce dont tu as toujours rêvé. » Le jeune homme, ne comprenant toujours pas à qui il avait à faire, se mit à crier pour appeler hôtesses et stewards à sa rescousse. Voyant ces derniers arriver en nombre, le suppôt de Satan jeta un terrible sort en tonnant : « Par Lucifer, que les hommes de cet avion soient changés en cactus ! Que plus une femme ne les approche de peur de se piquer ! Et que les femmes de cet avion oublient ce qu’elles ont vu ici ! » Il reprit : « Ce sort durera ce que durent les sorts, l’éternité ! » Les hommes présents dans l’avion se transformèrent instantanément en cactus. Des grands, des petits, des moches, des beaux, des sphériques, des cylindriques, un monde de cactus. Le pilote et le co-pilote homme n’échappèrent pas à cette métamorphose. La co-pilote ne comprenait rien à ce qui se passait, comme la plupart des femmes dans l’avion. Où étaient passés ses collègues ?

Proche du cœur du drame, une courageuse jeune femme intervint alors que le sort concernant ces dames n’avait pas encore agi : « Par pitié, pas l’éternité : vous ne pouvez pas priver de son père l’enfant que j’attends ! » supplia-t-elle. Comment le démon de l’enfer entendit cette requête et fut pris d’une envie soudaine d’y accéder ? Nul ne sait ! sauf peut-être à savoir que les anges déchus sont connus pour aimer les humaines … il accepta donc de réduire notablement le sort : « Lorsqu’une femme acceptera d’embrasser un de ces cactus, à la descente de l’avion, le sort d’arrêtera ! Mais qu’à l’instant tous les cactus soient transportés en soute. »

Ainsi fût fait et les femmes oublièrent qu’il y avait eu d’autres hommes dans cet avion que ce petit bonhomme qui les regardait en souriant comme s’il se moquait d’elles. La co-pilote parvint sans peine à poser le géant des airs sur le tarmac de Roissy. Les bagagistes déchargèrent la soute et emmenèrent son contenu vers la douane. Les douaniers stupéfaits découvrir ainsi plus de 350 cactus d’espèces protégées. Personne ne savait comment ils avaient été placés en soute et ils ne parvinrent pas à retrouver leur propriétaire. Et pour cause !

Ne sachant trop quoi faire de cet encombrante forêt d’arbustes, les douaniers les entreposèrent dans un des salons VIP. La jeune femme enceinte que nous avons découverte dans l’avion, attendait là sa correspondance. Elle vit alors un cactus dont l’aspect l’intrigua. Pourquoi lui faisait-il penser à son compagnon disparu ? Nous ne les connaissons pas assez pour le deviner. Toujours est-il qu’elle s’approcha, les larmes aux yeux en pensant à son amour perdu.  Vous avez deviné la suite : elle posa un baiser sur le cactus. La forêt de cactus se transforma alors en une foule d’hommes éberlués, retrouvant leur humanité.

L’histoire ne dit pas ce dont les hommes se souvinrent. Mais on voit souvent dans l’aérogare de Roissy un jeune homme d’une trentaine d’année, de taille moyenne, de belle tournure, se diriger vers les portes d’embarquement pour le Mexique, pays des cactus !

 

Anne-Marie, 16/10/2016

Suite à l’atelier d’écriture des Rencontres du CRAP de 2016, je me suis prise au jeu d’écrire un conte à partir d’un titre de faits divers, sans aucun rapport avec l’article en question d’ailleurs … Pour ceux qui seraient intéressés, voici le lien : http://www.ouest-france.fr/faits-divers/trafic/plus-de-350-cactus-proteges-saisis-roissy-4492923

 

 

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Deux enfants de trois ans disparaissent devant une école

Deux enfants de trois ans disparaissent devant une école (d’après un fait divers publié dans Ouest France)

Il était une fois deux enfants, les meilleurs amis du monde. Ils s’appelaient Dandio et Devrim. Ils avaient trois ans, habitaient dans des maisons voisines et allaient à l’école ensemble. Ils avaient l’habitude de jouer tous les deux, des fois dans le square, sinon chez l’une ou chez l’autre. Ils étaient nés le même jour, dans la même clinique, ça crée des liens … La maman de Dandio, une grande femme élégante, s’habillait de magnifiques boubous en Bazin brillants richement colorés. Tant qu’ils avaient les mains propres, elle les laissait jouer dans l’armoire où ils passaient de bons moments à s’envelopper dans les tissus des robes suspendues. La maman de Devrim, elle, était plutôt courte sur pattes mais qu’est-ce que ses gâteaux au miel, amandes et pistaches étaient bons. Baklavas, kadaïfs, riz au lait, de vraies merveilles. Maman-Devrim avait aussi de grandes étoles brodées de fils d’or dans lesquelles on pouvait s’enrouler pour faire la sieste. Dandio et Devrim aimaient autant aller ici que là, l’important était d’être ensemble. Jamais de chamailleries, toujours des rires, des parlotes à n’en plus finir et des câlins. Les deux mamans s’étaient mises d’accord pour emmener les enfants chacune leur tour à l’école, pas loin, au bout de la rue.

 

Ce jour-là, c’était un jeudi, Maman-Dandio emmenait les deux bambins en poussant le landau de son petit dernier. Celui-ci était très en colère mais c’est toujours difficile de savoir pourquoi un bébé est en colère, n’est-ce pas ? Pendant que Maman-Dandio était penchée au-dessus du landau, Devrim remarqua une bague par terre. Il s’en saisit et la montra à Dandio. Celle-ci la regarda attentivement puis la passa à son pouce pour qu’elle tienne bien. Elle donna à nouveau la main à son petit compagnon et ils glissèrent dans un autre monde, ensemble. C’était un peu comme dans un nuage, léger mais opaque. On pouvait passer les mains dedans et pourtant s’y asseoir. Etrange …

 

Dandio et Devrim se regardèrent : qu’étaient-ils en train de vivre ? que leur arrivait-il ? Dandio se rappela un environnement identique, c’était quand la famille était retournée dans le pays de sa maman. Même si alors, c’était l’avion qui était dans le nuage, elle fut sûre et certaine de ce qui se passait. Elle raconta à Devrim que le nuage allait sûrement les emmener là où la terre est rouge et qu’il fallait juste dormir le temps d’arriver. Devrim était très fier que Dandio ait si vite compris ce qui leur arrivait. Ils s’installèrent confortablement, nichés l’un contre l’autre.

 

Pendant ce temps, devant l’école, Maman-Dandio s’affolait : « Mais où sont-ils donc passés, je ne me suis baissée qu’un instant, c’est pas possible ! » Des voisins, entendant ses cris et ses lamentations étaient sortis pour l’aider. Les maitres et maitresses de l’école avaient fait rentrer les enfants pour leur demander s’ils avaient vu quelque chose. Rien ! Rien de rien, personne n’avait rien vu ! Des policiers et des journalistes débarquèrent, interrogèrent ou interviewèrent tout le monde. Le journal local titra : « Deux enfants de trois ans disparaissent devant une école ». Une alerte enlèvement fut diffusée sur les chaines de télévision. Rien ! Rien de rien, personne n’avait rien vu ! Maman-Devrim et Maman-Dandio pleuraient dans les bras l’une de l’autre. Maman-Devrim n’en voulait pas à Maman-Dandio. Toutes les mamans du monde savent que ce n’était pas sa faute, elle ne pouvait pas les menotter à la poussette quand même ! Alors, elles attendaient …

 

Dandio et Devrim ouvrirent les yeux ensemble. Le nuage avait disparu. Ils étaient allongés sur la berge d’un fleuve. Dandio eut peur de perdre la bague, elle l’enleva de son pouce et l’enfouit dans la poche de son pantalon. De grandes pièces de linge séchaient non loin d’eux, des pirogues attendaient pour aller pêcher le poisson-capitaine. Des hommes battaient le linge dans l’eau peu profonde. On entendait le bruit de la ville, des vélomoteurs pétaradaient et des voitures klaxonnaient. Ebahis, les bambins se levèrent et se dirigèrent vers la route. Des femmes vendaient des mangues sur le bas-côté.

 

L’une d’elle demanda dans son dialecte aux enfants s’ils en voulaient. Elle portait un boubou comme Maman-Dandio mais moins joli. « Tu vois, je t’avais bien dit qu’on allait au pays de ma maman. » En entendant la petite parler, la femme reprit dans un français chantant : « Mais comment ça se fait que vous êtes ici tout seuls, d’où venez-vous ? » Devrim répondit poliment qu’ils venaient du nuage et que leurs mamans étaient restées à côté de l’école. La jeune femme se dit avec raison qu’il se passait quelque chose d’étrange avec ces enfants et que pour le moins, il fallait les emmener en sûreté et essayer de savoir ce qu’il en était de leurs familles. Elle donna ses mangues à ses voisines en leur expliquant qu’elle allait s’occuper des petits. Donnant la main à chacun, elle leur expliqua la grande ville : « Vous êtes à Bamako et derrière vous, c’est le fleuve Niger. » Ils marchaient sur un trottoir en terre rouge entourés par des petites maisons ocres et de grands arbres aux feuillages d’un vert intense. Devrim ouvrait grand ses yeux, enchanté de découvrir une partie de la vie de sa copine qu’il ne connaissait pas. La jeune femme les fit entrer chez elle. Elle les fit asseoir sur des nattes et leur servit du riz et du capitaine avec une sauce à la tomate. Le poisson était délicieux et les deux enfants ne tardèrent pas à s’assoupir. Dans un demi-sommeil, Dandio confia la bague à Devrim. Celui-ci la passa à son tour à son pouce. Il se pelotonnèrent l’un contre l’autre et ils glissèrent dans le sommeil … dans un nuage. La jeune femme ne comprit jamais comment il se fit que les enfants ne soient plus là à son retour mais comme personne ne parla d’eux dans les journaux, elle se dit qu’ils avaient retrouvé leur famille.

 

Les enfants se réveillèrent cette fois au pied d’un arbre, dans un grand jardin. Frottant leurs yeux, ils se levèrent et rejoignirent des personnes qui regardaient au loin appuyées à un parapet. Se hissant sur la pointe des pieds, ils aperçurent un immense bateau avec des grandes caisses de toutes les couleurs qui faisait route sur ce qui devait être un fleuve. En contrebas, ils virent des remparts. Derrière eux se dressaient des bâtiments magnifiques : colonnades de marbre, arches de pierres ornées d’or, faïence bleues … et beaucoup de monde ! « Mais on n’est plus à Bamako, où on est maintenant ? » Pour Devrim, ce paysage faisait remonter à la mémoire un souvenir vague. Il avait déjà vu ce fleuve, sa maman lui avait dit qu’il s’appelait le « Bosse-quelque chose ». Il en était sûr maintenant : ils étaient arrivés au pays de SA maman.

 

La jolie jeune fille aux yeux verts avait entendu les deux gamins parler en français, sa langue aussi. Elle se retourna vers eux et leur sourit. Dandio lui demanda où ils se trouvaient. « Etrange !» pensa la demoiselle. Elle leur rappela qu’ils se trouvaient au palais de Topkapi à Istanbul et qu’ils regardaient le Bosphore. Elle leur demanda s’ils voulaient qu’elle les emmène retrouver leurs parents qui ne semblaient pas être dans les parages immédiats. « Mais non, tu ne peux pas, ils sont restés à la maison pendant que nous venions dans le nuage … » dans le nuage ? et où pouvait bien se trouver cette maison ? ici à Istanbul ? ou bien, comme elle commençait à le soupçonner, à plus de trois heures d’avion de là ? elle décida de tirer cela au clair et emmena les petits s’asseoir sur des bancs devant un bâtiment dont les grilles dorées défendaient l’entrée comme au temps du sultan. Elle alla rapidement leur chercher à boire et leur dit : « Maintenant, vous me racontez tout ! ». Ce qu’ils firent avec leurs mots, un peu soulagés quand même car ils ne comprenaient pas bien ce qui leur arrivait. Et qui l’aurait compris ?

 

Or il se trouva que par le plus grand des hasards, ils avaient eu la chance de rencontrer la fille de Mary Poppins qui vivait en France. La jeune fille étala son écharpe sur le banc et demanda aux enfants de se placer dessus. Elle même s’y installa et refermant l’écharpe sur eux trois, elle la fit s’envoler. Cette fois-ci, ils virent des paysages merveilleux défiler sous leurs pieds. Ils longèrent un beau fleuve bleu, des plaines fertiles et des montagnes aux sommets enneigés.

 

Enfin, ils arrivèrent en vue de leurs maisons. La jeune fille aux yeux verts les fit descendre et sonna chez Maman-Dandio. Elle raconta qu’elle les avait trouvés devant leur école. Des cris de joie raisonnèrent dans tout le quartier. Les deux mamans pleuraient cette fois de joie en serrant leur petit contre elle. Des policiers et des journalistes débarquèrent, interrogèrent ou interviewèrent tout le monde. Mais personne ne comprit ce qu’il s’était passé. Le journal local titra : « Deux enfants de trois ans réapparaissent devant une école ».

 

La jeune fille aux yeux verts avait pensé à récupérer sa bague avant de repartir …

 

Anne-Marie 18/09/2016

Suite à l’atelier d’écriture des Rencontres du CRAP de 2016, je me suis prise au jeu d’écrire un conte à partir d’un titre de faits divers, sans aucun rapport avec l’article en question d’ailleurs … Pour ceux qui seraient intéressés, voici le lien : http://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/cholet-49300/la-seguiniere-deux-enfants-de-3-ans-disparaissent-de-lecole-4493383

 

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Les fenêtres

J’ai toujours eu besoin de voir loin par les fenêtres. Sans cela je ne suis pas si heureuse.

Quand j’étais enfant, je voyais les toits de Versailles, et devinais au loin le château. J’imaginais les costumes des courtisans, leurs déambulations dans les allées du parc, leurs discussions rythmées par des coups d’éventail.

Pendant les vacances, la fenêtre du premier étage de la petite maison de Granville ouvrait sur la mer. A chaque jour des couleurs différentes suivant les nuages, la place de la mer, le coefficient de marée. Tiens le rocher Timon est déjà découvert, vite, les maillots pour aller se baigner. Au loin, les îles Chausey et même Jersey quand s’annonçait le mauvais temps. C’est qu’alors, il n’y avait de brume de chaleur ! la chaleur granvillaise étant bien sûr toute relative. Et puis, les longues minutes à compter les bateaux, à regarder la petite barque ramasser les filets posés la veille, à attendre par beau temps que la troupe de dauphins passe au loin en sautant. Le plus impressionnant, c’était les nuits d’orage, les éclairs tombant ou montant de la mer, je n’ai jamais bien compris. Et puis ce bruit, BAM qui arrive en décalé.

Et puis aussi ces fenêtres de ma salle de cours où les élèves d’une classe de 6e avaient dessiné des formes en collant des post-it. Tout ça pour qu’ils fassent la différence entre périmètre et aire … c’est Emmanuel qui m’en avait donné l’idée à des Rencontres du Crap.

Anne-Marie, 22/8/16

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Pour moi, le monde est séparé entre :

Ceux qui, quelques soient leurs conditions de vie, ont le sentiment d’être heureux et d’avancer Et ceux qui ne le peuvent pas, quelle qu’en soit la raison

 

Ceux qui ont du pouvoir-agir

 

Et ceux qui subissent

 

Ceux qui savent trier les documents Et ceux qui font du copier-coller du premier article donné par Google
Ceux qui lisent Le Monde papier ou sur leur ordi Et ceux qui ne lisent que Closer et sont submergés par les morts des ‘’infos’’ télévisées
Ceux qui peuvent décoder le monde et y trouver une place acceptable Et ceux qui se réfugient dans l’intégrisme quel qu’il soit
Ceux qui disposent d’un réseau

 

Et ceux qui sont seuls
Ceux qui accèdent aux savoirs

 

Et ceux qui sont enfermés dans des croyances
Ceux qui vont à l’école

 

Et ceux qui ne le peuvent pas
Celles qui peuvent choisir leur vie

 

Et celles qui ne le peuvent pas
Ceux qui connaissent des brouilles passagères

 

Et ceux qui vivent sous les bombes
Ceux qui déménagent à Bordeaux

 

Et ceux qui sont bloqués par des murs de fer en Macédoine ou à Calais
Ceux qui mangent à leur faim

 

Et ceux qui ne le peuvent pas
Ceux qui ont de l’eau potable pour tirer la chasse d’eau

 

Et ceux qui n’en ont pas pour étancher leur soif

 

Anne-Marie, le 20/8/16

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