Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Un joueur de cornemuse tué par son instrument

Il était une fois, dans le royaume des elfes, un joueur de cornemuse. C’était le meilleur joueur de cornemuse du royaume et le roi des elfes l’avait appelé à sa cour pour qu’il distrait la reine son épouse. Habituellement, le joueur de cornemuse accompagnait l’armée du roi des elfes au combat, sans doute pour qu’on n’entende pas les cris des mourants et les supplications des blessés. Mais pour l’instant, ce joueur de cornemuse avait donc été appelé au palais royal. Dès qu’il aperçut la reine, il n’eut de cesse de composer des airs pour encenser sa beauté. Il les jouait le matin pendant qu’elle se préparait. Il les jouait le midi pendant le repas. Et encore l’après-midi pendant qu’elle brodait et pendant le souper et pour accompagner jongleurs et acrobates.

Je ne sais si vous pouvez imaginer les tortures auditives que ces plaintes déchirantes provoquaient chez les membres de la famille royale et leurs serviteurs, même les plus âgés déjà un peu sourds. Toujours est-il que le château royal se désertifiait du lever au coucher. Les repas donnaient lieu à des quiproquos sans noms, tant le peu de personnes qui n’avaient pas pu se défiler, n’arrivaient pas à se comprendre dans ce vacarme. En rentrant de la chasse, le roi se demandait ce qu’il se passait, personne ne venait plus l’accueillir et aucun n’osait lui donner la véritable raison. Mais personne ne comprenait non plus pourquoi il laissait le joueur de cornemuse importuner les habitants du château de la sorte.

Ce fut le petit mitron qui découvrit le pot aux roses : il arriva qu’un jour, les serviteurs se firent tous porter pâle pour ne pas avoir à supporter le vacarme produit par l’instrument qu’ils haïssaient maintenant. Ce fut le petit mitron qui fut unanimement désigné pour aller porter le pain à la table royale. Le roi, remarquant ce nouveau serviteur, lui demanda son nom. Très intimidé, le petit n’osa relever la tête pour répondre et marmonna dans ce qui serait plus tard sa barbe : « Je suis Jehan le Petit, votre Majesté ». Le roi, n’entendant pas la réponse, lui reposa la question et le garçon répéta. Cela se produisit une fois, deux fois, et ainsi de suite. Le petit, au bord des larmes malgré le ton toujours gentil du souverain, finit par relever la tête et redire sa réponse. Cette fois-ci le roi l’entendit… l’entendit est un bien grand mot … On s’aperçut alors que le roi était sourd comme un pot et qu’il avait développé la très forte capacité de lire sur les lèvres de ses sujets.

C’est là que la reine entra dans le jeu. Celle-ci n’était pas seulement belle ; la reine des elfes était surtout une grande magicienne. Pourtant, elle ne s’était jamais aperçue du handicap de son époux, d’une part parce qu’elle ne le voyait que rarement et d’autre part parce que celui-ci ne lui demandait pas souvent son avis. Elle n’avait pas osé agir contre le joueur de cornemuse, pensant que celui-ci avait le plein accord du roi. Maintenant, elle comprenait pourquoi il était le seul à ne pas être tourmenté par le son continuel du sinistre instrument.

Elle s’arrangea avec sa fidèle suivante pour tendre un piège au joueur détesté. Par cette intermédiaire, elle le fit venir discrètement dans sa chambre. Le musicien n’en croyait pas sa chance. Elle le fit s’assoir sur le coffre au pied de son lit. Il était bien obligé de se défaire de l’instrument maudit. Il le déposa à côté de lui. L’instrument émit un souffle qui faisait penser au dernier soupir d’un être malfaisant. Pendant que la suivante lui apportait une choppe d’hydromel, la reine envoutât l’instrument honni. Sans le laisser reprendre une de ses complaintes, la reine congédia le musicien qui était déjà tout content de sa future bonne fortune … croyait-il !

A peine arrivé dans le cabanon qui lui servait de chambre, il se retrouva avec une cornemuse folle, complétement folle. Elle dansait devant lui une gigue endiablée, les tuyaux de démenaient en tous sens, elle émettait un son strident très inhabituel. Tout à coup, elle se raidit et l’anche du tuyau central fut projetée dans la gorge du pauvre musicien. Il mourut sur le coup.

La reine des elfes était descendue avec sa suivante pour voir les effets de sa magie. Quand elle vit que l’instrument avait bien obéi à ses ordres, elle fit entrer sa sujette dans la cabane pour réveiller le joueur de cornemuse.

Celui-ci ne comprit jamais ce qui lui était arrivé mais il fut pris d’un soudain dégout pour l’objet qui lui avait occasionné un tel cauchemar. Il se jura de ne plus jamais en jouer. Comme c’était un vrai bon musicien, il apprit rapidement à jouer de la vièle et put régaler la cour de ses poèmes chantés, rythmés par un son maintenant délicieux.

Depuis ce temps, le château se réveille aux cris du coq et gare à celui qui pousse son cri en dehors des heures autorisées ; sinon, c’est la marmite !

 

Anne-Marie, Le 10/9/16

Suite à l’atelier d’écriture des Rencontres du CRAP de 2016, je me suis prise au jeu d’écrire un conte à partir d’un titre de faits divers, sans aucun rapport avec l’article en question d’ailleurs … Pour ceux qui seraient intéressés, voici le lien : http://www.france24.com/fr/20160823-gb-joueur-cornemuse-tue-son-instrument

 

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