Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Blog 13

Ceci est un complément aux pages 38 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Autonome dans le travail à la maison ?

Il n’a été question jusqu’ici que de pratiques en classe. Est-ce que l’on pourrait envisager que l’autonomie se construit également, non pas en-dehors de l’école mais aussi en-dehors de l’établissement ? C’est ce que l’auteure a voulu savoir en tentant l’expérience suivante. En 2015- 2016, il a été proposé à trois classes de faire leur travail personnel en choisissant un degré d’autonomie. Cette expérience s’inscrit dans le droit fil des conférences de l’IFE sur le travail personnel de l’élève[1]. Chaque classe s’est vue proposer de faire ses devoirs non pas de manière classique (le professeur donne les devoirs et les élèves en font tout … ou partie) mais selon un degré d’autonomie choisi par l’élève lui-même. Les devoirs sont indiqués grosso modo pour un chapitre entier et non pas d’un cours pour l’autre. En début de chapitre, l’expérience est expliquée à la classe, chaque élève détermine son degré d’autonomie. Le professeur met alors en ligne sur l’ENT les documents nécessaires, un document par degré d’autonomie. Le cours se déroule normalement selon ce qu’a prévu le professeur. Cependant, les élèves sont invités à montrer au fur et à mesure ce qu’ils ont appris. En fin de chapitre, chacun doit remplir un petit bilan de son travail personnel, qui est ramassé. A quoi ressemblent les consignes, cf un autre article sur un autre blog. [2] ?

En 6e, nous commençons « les débuts du judaïsme », pour le degré 1 (le plus bas), « je fais ce que le professeur demande », lire § C p 50 (de la leçon dans le manuel), mémoriser les définitions de « Les Juifs » et « La diaspora », noter le repère « début de l’écriture de la Bible : VIIIème siècle A.C. » dans le cahier et en faire une phrase, apprendre la leçon dans le cahier.

En 4e, en Géographie sur le chapitre des « pays les moins avancés », en degré 2, « je choisis ce que je veux faire pour apprendre parmi les activités proposées dans le tableau ». Ces activités sont organisées autour de quatre entrées : lire, écrire, apprendre et autre. En lecture, en sus de leçons dans le manuel est proposée la consultation d’un ouvrage documentaire sur le Mali à choisir grâce à e_sidoc. En rédaction, le professeur demande d’établir une liste d’informations sur le Bengladesh à partir des documents du manuel ou encore d’analyser un graphique ou bien d’inventer un quizz. Pour ce qui est d’apprendre les propositions vont du vocabulaire à l’apprentissage d’une carte ou d’un résumé. Enfin, dans la colonne « autre », les élèves peuvent choisir de regarder une vidéo du site.tv ou d’aller au CDI établir une biographie sur un PMA.

En 3e, nous commençons le chapitre « effondrement et refondation de la république ». Il s’agit d’étudier les réactions des français pendant la seconde guerre mondiale. Pour le degré 3, la consigne est simplement « je me débrouille. A moi de jouer ou plutôt de faire ce qu’il faut pour apprendre ».

Quelles sont les résultats de cette expérience ? Ce qui suit n’a aucune valeur scientifique, il ne s’agit pas d’une enquête menée avec la rigueur sociologique nécessaire. Ce sont seulement quelques constats. Tout d’abord, quel degré d’autonomie les élèves ont-ils choisi ? Dans les trois classes c’est le degré 2 qui a recueilli le plus de suffrages. En 6e, quatre élèves ont choisi le degré 1 et aucun le degré 3. En 4e et en 3e, un seul a voulu faire ce que préconisait le professeur et un seul également a souhaité se débrouiller seul pour apprendre. Le nombre d’activités choisies et prévues montre les « appétits » différents des élèves et 2 à 8 sur 15 en 6e, de 4 à 11 sur 12 en 4e et de 3 à 8 sur 14 en 3e. En 6e, on a choisi plutôt dans la colonne « lire » et « apprendre » est la moins cochée. En 3e, est-ce parce qu’il s’agit d’une classe d’examen pour l’histoire-géographie, presque tous les élèves ont sélectionné des activés dans le « apprendre » et tous au moins une leçon du manuel à travailler.

Mais les élèves ont-ils fait ce qu’ils avaient prévu ? En fait, non. Ils sont très peu nombreux à avoir fait plus ou autant que prévu. L’écrasante majorité en a fait moins. Mais, souvent, on n’est pas loin du compte (4 sur 5 ou 6 sur 8). En 3e, plusieurs font le constat qu’ils n’ont effectivement pas ENCORE fait ce qu’ils avaient prévu mais qu’ils n’avaient pas terminé. Ce qui est surprenant est que certains ont sélectionné des activités puis en définitive en ont fait d’autres. En 3e, T. reconnait qu’il a tout fait, mais « pas très sérieusement la mémorisation des deux dernières définitions ». En 3e toujours, L. a choisi le degré 3 et s’est établi un programme de travail incroyable avec quatre eurécartes[3] de synthèse des leçons du manuel puis trois activités sur dossier pour approfondir la défaite de la France, le rôle de de Gaulle et un mouvement de résistance ; enfin, elle a travaillé sept notions-clés. Et elle a fait tout ce qu’elle avait prévu. Evidemment il s’agit d’une exception. Cependant, tous les élèves se sont prêté au jeu, ont fourni un travail de qualité, plus abondant dans l’ensemble que ce que le professeur aurait donné comme devoir. Au fil des cours, les élèves étaient invités à montrer leurs connaissances, à expliquer ce qu’ils avaient fait pour les acquérir. C’était très intéressant et riche. Parfois, cela a été une bonne surprise : S. dont l’activité principale cette année-là était de profiter du temps qui passe s’est montré, enfin, un élève intéressé tenant des propos intéressants qui faisaient réellement avancer le travail de la classe.

L’auteure pensait prendre des risques en lançant cette expérience, les résultats ont montré que non. Au final, les élèves se sont investis. Les 6e ont produit des questionnaires et des quizz réutilisables pour d’autres classes par exemple.

Qu’en disent les élèves ?

Enfin, cette expérience s’est conclue par un travail en petits groupes avec la classe de 4e [4]. Ce chapitre finit donc comme il commencé puisqu’il s’agissait pour eux de réfléchir à ce qu’est un élève de 4e autonome. Qu’en disent-ils ?

« Un élève qui n’est pas autonome n’est pas capable de travailler sans obligation ni aide quelconque. Il est également incapable de prendre des décisions seul » (pour trois élèves).

« Un 4e qui n’est pas autonome ne prend pas de responsabilité et demande toujours ce qu’il faut faire. Il ne rend pas ses devoirs à temps, il ne peut pas travailler seul. Il ne s’avance pas dans ses devoirs, les fait la veille. Il ne fait pas ses devoirs jusqu’au bout ou alors rapidement » (pour quatre élèves).

« Un élève qui n’est pas encore assez autonome a besoin d’aide mais lorsqu’il a compris, il peut se débrouiller seul » » (pour quatre élèves).

« Un élève un peu autonome travaille mais n’aime pas trop le faire en autonomie. Il ne sait pas vraiment le faire avec les conseils du professeur » (pour trois élèves).

« Un élève de 4e autonome s’avance dans ses devoirs sans qu’on le pousse à le faire. Il prend des initiatives et ne sollicite pas les professeurs. Il sait faire ses devoirs tout seul et fait parfois plus que ce qu’on lui demande » (pour quatre élèves).

« Un élève autonome peut se débrouiller seul, est capable de se donner du travail et de s’y tenir, sait s’organiser sur ce qu’il doit apprendre. Il peut distinguer ce qui est le plus important à apprendre, ce dont il a impérativement besoin. Il choisit pour quand et quand il doit faire son travail » (pour quatre élèves).

 

L‘analyse un peu plus haut de cette expérience montre que ces élèves n’ont pas toujours fait ce qu’ils avaient prévu. Cependant, l’autonomie, ils savent ce que c’est, ils savent la décrire et nul doute qu’ils atteignent assez rapidement un très haut niveau de maîtrise de cette compétence. Si on considère qu’apprendre c’est tout d’abord comprendre puis mémoriser puis transférer alors on peut penser que ces élèves ont compris ce qu’est l’autonomie ; qu’ils vont progresser petit à petit par le biais de mise en situation de la développer et de s’autoévaluer ; et qu’ils vont tôt ou tard transférer cette maîtrise de leur liberté individuelle vers d’autres situations. A l’école et dans la « vraie » vie.

[1] Cf. une conférence de Patrick Rayou au printemps 2016 (http://formations.inrp.fr/2016-05-03%20p-rayou.mp3  et https://www.youtube.com/watch?v=Z_1nBdUAaBM ) et les ressources très nombreuses mises en ligne depuis (https://www.reseau-canope.fr/education-prioritaire/agir/item/ressources/laccompagnement-du-travail-personnel-des-eleves-organise-et-adapte-a-leurs-besoins.html ).

[2] Pour les documents entiers, voir sur le blog https://lewebpedagogique.com/anniedimartino/2018/11/04/travail-personnel-developper-lautonomie-des-eleves/

[3] Appellation « maison » des cartes heuristiques, parfois écrites eurékartes d’ailleurs.

[4] Il s’agit de la 4ème Neo Alta, une expérimentation menée dans le collège de l’auteure dont un des axes est précisément le développement de l’autonomie chez les élèves. Cf un petit film tourné par Thierry Foulques « Neo Alta un dispositif innovant », https://www.youtube.com/watch?v=XGlNDa0JrrA

 

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