Travaux en cours

Contes, dessins et pédagogie. Ou l'inverse.

Blog 33

Ceci est un complément à la page 125 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Utilisation des CED : niveaux de réussite et de progrès

 

Vous souhaitez pratiquer une évaluation positive. Vous avez découvert ou révisé un dispositif porteur et peu coûteux, le mur de la fierté. Vous savez faciliter l’engagement de vos élèves par des pratiques d’évaluation différentes. Vous avez lu précédemment que la tâche complexe ne se place pas nécessairement après l’apprentissage des ressources. Il nous reste donc à voir comment on utilise les compositions d’échelles descriptives évoquées un peu plus haut.

 

De la CED au TNR

A cette appellation de CED l’auteure préfère à présent la dénomination de « tableau de réussites et de progrès » ou TNR[1]. Cela a l’avantage d’être plus clair pour les élèves. Grâce à ce document, on marque des succès et on voit ce qu’on a à faire pour progresser, petit à petit. On sait également au-dessus de quel niveau on doit se trouver en fin de telle ou telle classe, en fin de cycle 3 comme de cycle 4.

Le professeur intéressé par l’utilisation de TNR a appris à les élaborer à partir de vraies copies d’élèves en stage ou bien il en a trouvées toutes faites sur Internet. Quelle marche suivre pour les utiliser de manière simple et efficace ?

Prenons l’exemple de rédactions en histoire. Ce temps a pu être précédé d’une analyse de productions d’années précédentes déjà corrigées et annotées par le professeur[2].  Mais ce n’est pas nécessaire pour comprendre l’utilisation d’un TNR.

 

Les élèves découvrent le TNR

La première fois, les élèves planchent sur un sujet donné, par exemple « montrez que Nîmes est une cité gallo-romaine ». Le professeur ramasse les copies et ensuite se livre à un travail qui est un peu long. Crayon papier à la main, il va au fil de sa lecture aller chercher des indicateurs de réussite pour chacun des critères : le texte est -il soigné ? lisible ? assez long ? Les exigences de la langue française sont-elles respectées ? Le contenu est-il riche ? Intéressant ? situé dans le Temps ? Pour chacun des critères, le professeur place une petite croix sur l’indicateur qu’il a repéré. Ensuite, il n’a plus qu’à déterminer le niveau de réussite de la production en visant la croix placée le plus bas. Oui, c’est parfois crève-cœur. Il inscrit dans la marge ou dans une colonne dédiée, la date et d’un mot le sujet de la production.

Cette première utilisation des TNR est qualifiée de « un peu longue » ci-dessus mais en réalité, l’enseignant fait ce qu’il a l’habitude de faire quand il corrige des copies : il les lit, les annote, se retient de barrer d’un grand trait rouge rageur accompagné de « Oh, réfléchis ! ». Cependant avec les TNR, la corvée s’arrête là, inutile de compter les quarts de points avec les demi-points et d’inscrire une note avec une appréciation peu lue donc…[3]Les productions n’ont pas besoin d’être notées, ici, elles ont valeur d’entraînement.

De retour en classe, le professeur fait distribuer les copies avec leur TNR. Il doit prendre le temps d’expliquer comment le tableau fonctionne et à quoi il sert. Après les explications, chacun est invité à lire toute la ligne du niveau auquel a été évaluée sa production puis celle du niveau au-dessus : « voilà ce qu’il faudra faire la prochaine pour progresser ». Il serait astucieux ensuite de mettre les élèves en travail individuel sur autre chose et d’annoncer que le professeur va circuler pour répondre à ceux qui ont encore des questions à poser. Quand il n’y a plus de questions, la copie est rangée et le TNR est ramassé sinon le risque est très grand qu’il ne réapparaisse jamais.

 

Les élèves utilisent le TNR

Lors d’un nouveau temps d’entrainement à la rédaction, (pas trop éloigné si possible sinon les élèves risqueront d’avoir tout oublié) le professeur fait distribuer les TNR et chacun est invité obligatoirement à relire le niveau atteint la première fois puis le descriptif du niveau au-dessus. Un nouveau sujet est donné et les élèves rédigent leur développement construit en essayant de suivre les indications de progrès. Ce sera ainsi dorénavant lors de chaque temps de rédaction, y compris celui qui « compte », celui qui est noté.

 

L’instauration d’un échange évaluatif

Après cette deuxième rédaction, avant de rendre la copie, l’élève va se livrer à un exercice d’auto-évaluation de sa production. Le professeur demande « avez-vous atteint le niveau au-dessus de la dernière fois ? Qu’est-ce qui vous le montre ? ». L’élève va écrire ce qu’il en pense sous le TNR. Celui-ci va donc devenir une fiche- navette entre l’enseignant et lui. Les deux vont écrire et petit à petit même ils vont s’écrire. D’une appréciation souvent inutile sur une copie qui disparait, rangée quelque part, perdue ou jetée, le TNR devient un outil d’évaluation et de communication efficace. En effet, il va garder la trace des précédents écrits, questions de l’un ou de l’autre des partenaires de l’apprentissage : celui qui apprend et celui qui l’accompagne dans ses apprentissages. Chacun pourra s’y reporter, voire éviter d’écrire cent fois « en Histoire, il faut toujours situer dans le Temps ». Si c’est déjà écrit il suffit de s’y reporter, de renvoyer par une flèche à la-dite remarque. Peut-être qu’un jour l’élève écrira « mais qu’est-ce que c’est situer dans le Temps ? ». Et là une vraie remédiation pourra avoir lieu.

 

Les TNR ou un gain de temps pour le professeur surmené

Dès la deuxième utilisation des TNR, le gain est patent. Que fait le professeur ? Il regarde à quel niveau était la production précédente de Toto, l’auto évaluation rédigée par celui-ci. Ensuite, il n’a plus qu’à aller chercher dans la nouvelle production les indicateurs du niveau au-dessus. C’est simple

et très rapide. Si les indicateurs sont présents, dans la marge le professeur inscrit la date et le nouveau sujet. S’ils n’y sont pas, le professeur entoure à nouveau le palier atteint et inscrit une nouvelle date. Il peut, et c’est le mieux, inscrire son appréciation à son tour sur la photocopie, en-dessous de l’auto-bilan de l’élève.

 

Les TNR, un outil de feed-back et de dédramatisation de l’évaluation

De retour en classe, on rend les copies et les TNR. Les élèves prennent connaissance de leur réussite. Ils peuvent à leur tour annoter et répondre à l’appréciation du professeur.

Chacun est de nouveau invité à lire les indicateurs de réussite du niveau où ils en sont et ceux du niveau au-dessus. Comptez au moins trois utilisations pour que cela devienne une routine c’est-à-dire que les élèves se saisissent de l’outil.

 

Un vrai outil d’évaluation positive

En utilisant les TNR, on ne recherche que les progrès des élèves. Si le niveau du dessus n’est pas atteint, ce n’est pas une faute qui pénalise. L’élève essaiera une autre fois, à une autre occasion, sur un autre sujet. Il essaiera autant de fois que nécessaire, cela n’est pas un problème. Cela n’empêchera pas le programme d’avancer puisqu’avec ce type d’évaluation, c’est le développement de compétences qui est visé.

 

Un outil d’organisation du travail de la classe en classe

Sur son carnet de notes, au sens de « notes d’information », le professeur relève seulement le niveau auquel chacun est arrivé au temps T.  Cela peut lui servir pour organiser un travail en groupes de niveaux. Cependant, de nombreux chercheurs ont montré le peu d’efficacité d’un fonctionnement en niveaux. Le plus efficace semble être le travail en groupes ou en équipes hétérogènes dites « arc-en-ciel »; par exemple un trio constitué d’un élève avec un haut niveau de réussite, un autre moins en réussite et un troisième dont les réussites pour le moment se situent en-dessous du seuil de coupure. Avec une telle organisation en classe, à un moment le professeur peut travailler avec les élèves qui n’y arrivent pas encore et restent en bas de l’échelle.

Si le professeur a sous les yeux l’ensemble des TNR d’une classe, il peut les utiliser pour préparer un travail en groupes de besoin en se servant des petites croix au crayon à papier qui visent à déterminer le niveau de réussite d’une production.

Di M croquis de Géographie

Si on prend l’exemple du croquis en géographie (cliquez sur le lien ci-dessus), il peut travailler avec les élèves qui en ont besoin autour de la légende pendant que les autres élèves travaillent en autonomie sur les informations à placer sur un croquis ou encore sur le soin à y apporter. L’idéal ici serait même qu’il tourne dans les trois ateliers.

 

Le professeur peut tenir à jour un tableau comme ci-dessous pour noter les progrès des élèves.

L’Antiquité étant le niveau à atteindre en fin de cycle 3 pour le niveau de maitrise satisfaisant.

[1] Joël Macé (non déposé), professeur au collège Voltaire de Sannois (Ile-de-France), rencontré à l’occasion d’un stage « développer les compétences des élèves en Histoire-Géographie » s’est emparé de l’outil C.E.D . (Compositions d’échelles descriptives) et en a conçu une série pour nos disciplines tout en le renommant de cette expression T.N.R. que je trouve bien meilleure, parlante pour les élèves.

[2] Cf. une minisérie de vidéos tournées en classe, que vous trouverez facilement avec un moteur de recherches.  Ici, plus particulièrement, voir l’épisode  » NeoAlta11″

[3] … inutile. Dommage, c’est ce qui nous prend le plus de temps.

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Blog 18

Ceci est un complément à la page 53 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Un dispositif de classe: apprendre par un enseignement mutuel, un exemple  en histoire

Et pour nos élèves ? Sans mettre les élèves dans le même dispositif, les auteures utilisent également une méthode qui s’en approche : « Apprendre par un enseignement mutuel ».

Voici un premier exemple en histoire. 2016- 2017, en 3e, la classe est rebelle, tour à tour apathique et agitée. Elle réclame du cours magistral ; celui-ci se déroule très bien ; le calme est impressionnant, on n’entend que les plumes glisser sur les cahiers d’écolier. L’auteure pense qu’une classe qui ne fait pas de bruit, à moins qu’elle soit en contrôle, est une classe dont les élèves ne travaillent pas. Le silence est alors le signe de l’électroencéphalogramme plat momentané. Donc, le magistral c’est bien mais on ne peut pas y passer l’année. Il va bien falloir que ces enfants se mettent en activité intellectuelle, s’impliquent, travaillent, apprennent. Ce qui suit se réfère à une très ancienne forme d’enseignement, l’enseignement mutuel[1]. Le maître faisait la leçon à quelques élèves plus avancés en âge ou en savoirs. Ceux-ci ensuite allaient la donner aux autres élèves, par petits groupes. L’auteure s’est demandé si cette manière de faire pouvait trouver sa place en cours de nos jours, comment cela allait se dérouler et avec quelle efficacité.

L’expérience a commencé en fait en 4e Neo Alta : les élèves sont prêts à tout et toujours partant. La professeure s’est fait la main puis a rectifié certains tirs. Nous étions dans la révolution française et l’enseignante voulait continuer le chapitre avec l’étude de deux acteurs Robespierre et Napoléon Bonaparte. La classe a été divisée en deux, chaque moitié travaillant sur l’un des deux personnages historiques. Ce travail a duré deux ou trois heures. La professeure a annoncé l’objectif : « Vous devrez préparer un cours d’un quart d’heure sur votre personnage historique.  Vous serez tour à tour professeur et élève ». Dans un premier temps, les robespierristes se sont rassemblés avec la prof pour une étude très, très guidée, de documents ; les élèves ayant pour mission de suivre, comprendre, poser des questions, prendre des notes s’ils voulaient. Les autres travaillaient seuls ou en duos pour compléter la fiche biographique de Bonaparte. Ensuite, les groupes se sont échangés. A la maison, à partir de leurs notes, de la fiche biographique et du travail avec la professeure, à la maison, chacun devrait préparer son cours. Dans un deuxième temps, le professeur a annoncé les duos et les cours ont commencé, par Robespierre. Au bout d’un quart d’heure, les élèves ont changé de rôle. La professeure a observé ce qui se passait. Chacun a pris son rôle au sérieux. Tous avaient préparé un cours. C’est d’ailleurs amusant de voir les élèves professer : ils reproduisent les représentations qu’ils ont (qu’ils voient, qu’ils vivent ?) de l’acte d’enseignement. Ils ont prévu des lectures, des questions, des études de documents, un résumé. Chacun a été engagé dans la tâche ; les « professeurs » ont accompli leur mission avec conscience ; les « élèves » ont suivi les indications et ont fait sérieusement ce qui leur a été demandé, l’auteure n’a pas eu à utiliser le « bras armé de la république ». L’expérience s’est arrêtée là, c’est sans doute un tort et c’est probablement pourquoi l’auteure a souhaité recommencer avec les 3e, avec quelques infléchissements dans le déroulement.

 

Le chapitre porte sur « Résistances et collaboration pendant la seconde guerre mondiale ». Une nouvelle fois la classe est séparée en deux cependant il n’y a pas d’apport fait par la professeure qui veut sortir d’une longue série de cours magistraux, cf. chapitre 2 sur l’autonomie ; les élèves prennent leurs informations à partir des leçons du manuel et d’un dossier documentaire ; ils peuvent également utiliser les manuels des autres éditeurs ou plus anciens à disposition dans la salle. Evidemment, la professeure est à leur disposition. Les élèves peuvent pour cette phase travailler à deux. En travail personnel hors de la classe, ils doivent à leur tour préparer un cours d’un quart d’heure en prévoyant à l’avance une trace écrite. L’heure suivante, les « cours commencent » avec Pétain et la collaboration. Première modification, à la suite de ce temps, la professeure a repris la main et invité les élèves à poser des questions. Il y en eut quelques-unes, des demandes d’éclaircissement essentiellement. Deuxième modification, chacun sur une demi-feuille a dû écrire ce qu’il avait compris sur la collaboration (en précisant s’il était élève ou professeur). Ensuite, les élèves ont changé de rôle. Et se sont succédés le « cours », les questions et le petit résumé sur ce qui a été compris de la résistance. Enfin, troisième modification, les 3e devaient conclure en écrivant s’ils estimaient avoir plus appris en étant « élève » ou en étant « professeur ». Les résultats de ce petit sondage sont sans appel : quatorze élèves ont déclaré avoir plus appris quand ils étaient professeurs. L’un d’eux le justifie en écrivant : « J’ai dû préparer sérieusement car je voulais être capable de répondre aux questions qui risquaient de m’être posées. » Une autre explique qu’elle a davantage appris car elle a tout d’abord fait les activités préparatoires puis elle a révisé en préparant son « cours » et enfin elle l’a revu quand elle a travaillé avec son binôme. Au final, elle a bien appris car elle a fait le travail trois fois. Sept élèves restent campés sur le fait qu’on apprend mieux en étant élève. Persistance des représentations ?

[1] Philippe Meirieu, Des lieux communs aux concepts-clés, ESF, 2013 et Claude Lelièvre, sur son blog, « Par-delà le dérapage » d’Antoine Prost, 7 mai 2016,  https://blogs.mediapart.fr/claude-lelievre/blog/070516/par-dela-le-derapage-dantoine-prost   

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Blog 13

Ceci est un complément aux pages 38 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan.

Autonome dans le travail à la maison ?

Il n’a été question jusqu’ici que de pratiques en classe. Est-ce que l’on pourrait envisager que l’autonomie se construit également, non pas en-dehors de l’école mais aussi en-dehors de l’établissement ? C’est ce que l’auteure a voulu savoir en tentant l’expérience suivante. En 2015- 2016, il a été proposé à trois classes de faire leur travail personnel en choisissant un degré d’autonomie. Cette expérience s’inscrit dans le droit fil des conférences de l’IFE sur le travail personnel de l’élève[1]. Chaque classe s’est vue proposer de faire ses devoirs non pas de manière classique (le professeur donne les devoirs et les élèves en font tout … ou partie) mais selon un degré d’autonomie choisi par l’élève lui-même. Les devoirs sont indiqués grosso modo pour un chapitre entier et non pas d’un cours pour l’autre. En début de chapitre, l’expérience est expliquée à la classe, chaque élève détermine son degré d’autonomie. Le professeur met alors en ligne sur l’ENT les documents nécessaires, un document par degré d’autonomie. Le cours se déroule normalement selon ce qu’a prévu le professeur. Cependant, les élèves sont invités à montrer au fur et à mesure ce qu’ils ont appris. En fin de chapitre, chacun doit remplir un petit bilan de son travail personnel, qui est ramassé. A quoi ressemblent les consignes, cf un autre article sur un autre blog. [2] ?

En 6e, nous commençons « les débuts du judaïsme », pour le degré 1 (le plus bas), « je fais ce que le professeur demande », lire § C p 50 (de la leçon dans le manuel), mémoriser les définitions de « Les Juifs » et « La diaspora », noter le repère « début de l’écriture de la Bible : VIIIème siècle A.C. » dans le cahier et en faire une phrase, apprendre la leçon dans le cahier.

En 4e, en Géographie sur le chapitre des « pays les moins avancés », en degré 2, « je choisis ce que je veux faire pour apprendre parmi les activités proposées dans le tableau ». Ces activités sont organisées autour de quatre entrées : lire, écrire, apprendre et autre. En lecture, en sus de leçons dans le manuel est proposée la consultation d’un ouvrage documentaire sur le Mali à choisir grâce à e_sidoc. En rédaction, le professeur demande d’établir une liste d’informations sur le Bengladesh à partir des documents du manuel ou encore d’analyser un graphique ou bien d’inventer un quizz. Pour ce qui est d’apprendre les propositions vont du vocabulaire à l’apprentissage d’une carte ou d’un résumé. Enfin, dans la colonne « autre », les élèves peuvent choisir de regarder une vidéo du site.tv ou d’aller au CDI établir une biographie sur un PMA.

En 3e, nous commençons le chapitre « effondrement et refondation de la république ». Il s’agit d’étudier les réactions des français pendant la seconde guerre mondiale. Pour le degré 3, la consigne est simplement « je me débrouille. A moi de jouer ou plutôt de faire ce qu’il faut pour apprendre ».

Quelles sont les résultats de cette expérience ? Ce qui suit n’a aucune valeur scientifique, il ne s’agit pas d’une enquête menée avec la rigueur sociologique nécessaire. Ce sont seulement quelques constats. Tout d’abord, quel degré d’autonomie les élèves ont-ils choisi ? Dans les trois classes c’est le degré 2 qui a recueilli le plus de suffrages. En 6e, quatre élèves ont choisi le degré 1 et aucun le degré 3. En 4e et en 3e, un seul a voulu faire ce que préconisait le professeur et un seul également a souhaité se débrouiller seul pour apprendre. Le nombre d’activités choisies et prévues montre les « appétits » différents des élèves et 2 à 8 sur 15 en 6e, de 4 à 11 sur 12 en 4e et de 3 à 8 sur 14 en 3e. En 6e, on a choisi plutôt dans la colonne « lire » et « apprendre » est la moins cochée. En 3e, est-ce parce qu’il s’agit d’une classe d’examen pour l’histoire-géographie, presque tous les élèves ont sélectionné des activés dans le « apprendre » et tous au moins une leçon du manuel à travailler.

Mais les élèves ont-ils fait ce qu’ils avaient prévu ? En fait, non. Ils sont très peu nombreux à avoir fait plus ou autant que prévu. L’écrasante majorité en a fait moins. Mais, souvent, on n’est pas loin du compte (4 sur 5 ou 6 sur 8). En 3e, plusieurs font le constat qu’ils n’ont effectivement pas ENCORE fait ce qu’ils avaient prévu mais qu’ils n’avaient pas terminé. Ce qui est surprenant est que certains ont sélectionné des activités puis en définitive en ont fait d’autres. En 3e, T. reconnait qu’il a tout fait, mais « pas très sérieusement la mémorisation des deux dernières définitions ». En 3e toujours, L. a choisi le degré 3 et s’est établi un programme de travail incroyable avec quatre eurécartes[3] de synthèse des leçons du manuel puis trois activités sur dossier pour approfondir la défaite de la France, le rôle de de Gaulle et un mouvement de résistance ; enfin, elle a travaillé sept notions-clés. Et elle a fait tout ce qu’elle avait prévu. Evidemment il s’agit d’une exception. Cependant, tous les élèves se sont prêté au jeu, ont fourni un travail de qualité, plus abondant dans l’ensemble que ce que le professeur aurait donné comme devoir. Au fil des cours, les élèves étaient invités à montrer leurs connaissances, à expliquer ce qu’ils avaient fait pour les acquérir. C’était très intéressant et riche. Parfois, cela a été une bonne surprise : S. dont l’activité principale cette année-là était de profiter du temps qui passe s’est montré, enfin, un élève intéressé tenant des propos intéressants qui faisaient réellement avancer le travail de la classe.

L’auteure pensait prendre des risques en lançant cette expérience, les résultats ont montré que non. Au final, les élèves se sont investis. Les 6e ont produit des questionnaires et des quizz réutilisables pour d’autres classes par exemple.

Qu’en disent les élèves ?

Enfin, cette expérience s’est conclue par un travail en petits groupes avec la classe de 4e [4]. Ce chapitre finit donc comme il commencé puisqu’il s’agissait pour eux de réfléchir à ce qu’est un élève de 4e autonome. Qu’en disent-ils ?

« Un élève qui n’est pas autonome n’est pas capable de travailler sans obligation ni aide quelconque. Il est également incapable de prendre des décisions seul » (pour trois élèves).

« Un 4e qui n’est pas autonome ne prend pas de responsabilité et demande toujours ce qu’il faut faire. Il ne rend pas ses devoirs à temps, il ne peut pas travailler seul. Il ne s’avance pas dans ses devoirs, les fait la veille. Il ne fait pas ses devoirs jusqu’au bout ou alors rapidement » (pour quatre élèves).

« Un élève qui n’est pas encore assez autonome a besoin d’aide mais lorsqu’il a compris, il peut se débrouiller seul » » (pour quatre élèves).

« Un élève un peu autonome travaille mais n’aime pas trop le faire en autonomie. Il ne sait pas vraiment le faire avec les conseils du professeur » (pour trois élèves).

« Un élève de 4e autonome s’avance dans ses devoirs sans qu’on le pousse à le faire. Il prend des initiatives et ne sollicite pas les professeurs. Il sait faire ses devoirs tout seul et fait parfois plus que ce qu’on lui demande » (pour quatre élèves).

« Un élève autonome peut se débrouiller seul, est capable de se donner du travail et de s’y tenir, sait s’organiser sur ce qu’il doit apprendre. Il peut distinguer ce qui est le plus important à apprendre, ce dont il a impérativement besoin. Il choisit pour quand et quand il doit faire son travail » (pour quatre élèves).

 

L‘analyse un peu plus haut de cette expérience montre que ces élèves n’ont pas toujours fait ce qu’ils avaient prévu. Cependant, l’autonomie, ils savent ce que c’est, ils savent la décrire et nul doute qu’ils atteignent assez rapidement un très haut niveau de maîtrise de cette compétence. Si on considère qu’apprendre c’est tout d’abord comprendre puis mémoriser puis transférer alors on peut penser que ces élèves ont compris ce qu’est l’autonomie ; qu’ils vont progresser petit à petit par le biais de mise en situation de la développer et de s’autoévaluer ; et qu’ils vont tôt ou tard transférer cette maîtrise de leur liberté individuelle vers d’autres situations. A l’école et dans la « vraie » vie.

[1] Cf. une conférence de Patrick Rayou au printemps 2016 (http://formations.inrp.fr/2016-05-03%20p-rayou.mp3  et https://www.youtube.com/watch?v=Z_1nBdUAaBM ) et les ressources très nombreuses mises en ligne depuis (https://www.reseau-canope.fr/education-prioritaire/agir/item/ressources/laccompagnement-du-travail-personnel-des-eleves-organise-et-adapte-a-leurs-besoins.html ).

[2] Pour les documents entiers, voir sur le blog https://lewebpedagogique.com/anniedimartino/2018/11/04/travail-personnel-developper-lautonomie-des-eleves/

[3] Appellation « maison » des cartes heuristiques, parfois écrites eurékartes d’ailleurs.

[4] Il s’agit de la 4ème Neo Alta, une expérimentation menée dans le collège de l’auteure dont un des axes est précisément le développement de l’autonomie chez les élèves. Cf un petit film tourné par Thierry Foulques « Neo Alta un dispositif innovant », https://www.youtube.com/watch?v=XGlNDa0JrrA

 

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Blog 8

Ceci est un complément à la page 29 de Anne-Marie Sanchez & Annie Di Martino, « Faire progresser tous les élèves », publié chez L’Harmattan .

Des exemples

Plus sérieusement, la différenciation pédagogique est davantage une philosophie qu’une « méthode ». On vise pour chaque élève le même but d’apprentissage mais en lui proposant des chemins différents pour atteindre ce but avec des tâches accessibles. Quelles sont les pistes proposées par la pédagogie différenciée depuis qu’elle existe ? On parle de travaux de niveaux d’accessibilité différents, d’aides, négociées ou non, de contrats d’apprentissage.

 

Donnons quelques exemples en histoire-géographie[1].

Pour ce qui est de rédiger une trace écrite, on peut faire varier la quantité attendue (écrire   4 phrases, 8 phrases, 1 page …). On peut utiliser plusieurs démarches (compléter un texte à trous à l’aide des informations et mots-clés écrits au tableau, répondre aux questions de la prof en rédigeant et en réutilisant ce qui est au tableau, rédiger un texte reprenant tout ce qui est au tableau, idem en ayant soi-même déterminé les notions à utiliser, ensuite, on peut envisager « avec ou sans plan » fourni ou non). Le professeur peut mettre   des outils à disposition (le manuel, le cahier, le répertoire, la fiche-méthode, etc.), tout ou partie ou aucun. Le nombre de rédacteurs est une autre variable ; il peut s’agir d’un travail individuel ou collectif par groupes monochromes (= de même niveau) dont un avec l’enseignant (les CED ou « niveaux de réussite et de progrès » servent à constituer les groupes dans une lecture horizontale), par groupes de besoin pour quelques-uns suivis par la prof (lecture verticale des « ceintures »), par groupes arc en ciel (= hétérogènes).

Pour ce qui est d’analyser un document, le professeur peut proposer à ses élèves un prélèvement d’informations simples à l’aide d’un questionnaire classique précis, un prélèvement d’informations à l’aide d’un questionnement large (type « 5 W and after » ou Quintilien) donné mais aussi de compléter ce questionnement par une information supplémentaire trouvée à l’aide du manuel ou de ses connaissances, par exemple la définition d’un terme de vocabulaire. On peut aussi attendre que des élèves soient dans la possibilité d’analyser le document sans aucun guide, simplement en cherchant à répondre à cette consigne « Que vous apprend ce document ? ». Ou encore plus exigeant, faire la même chose mais en cherchant des informations complémentaires.

Le plus intéressant dans ces propositions n’est pas de dire à Riri, Fifi et Loulou qu’ils travailleront au niveau le plus accessible, ce qu’ils risquent de faire toute l’année.  L’auteure propose plutôt que chaque élève puisse essayer trois niveaux différents lors de l’analyse de trois documents au cours du premier trimestre.  Le professeur peut proposer trois démarches de difficulté différente et annoncées comme telles. La première fois, chaque élève choisit à quel niveau il veut travailler, la deuxième il se trouve automatiquement à un autre niveau, idem la troisième fois ; ainsi chacun aura pu tester les trois niveaux d’accessibilité. Il pourra ensuite choisir un niveau qui lui correspond. Le professeur veillera alors à mettre en place le nécessaire pour que chacun puisse progresser dans cette compétence disciplinaire.

 

Lors de formations sur ce thème, les professeurs sont invités à donner des idées et les essayer en intersession. Les propositions sont souvent d’une grande richesse, en témoigne ce qui a été expérimenté lors d’une formation de bassin[2] en mathématiques. Tout ne se vaut certainement pas, mais peut être un bon début :

  • Introduction de nouvelles notions :
    • Des exemples, des points de vue très variées, la formalisation n’arrive qu’à la fin
    • Activités d’introduction communes vers la nouvelle notion ou le nouveau concept, différenciation après
    • Partir des représentations des élèves pour construire le cours sur ce qui reste
  • Organisation de la classe :
    • Placer les élèves en difficulté(s) devant
    • Tutorat : deux voisins de niveaux différents
    • Groupes sur une classe avec trois profs
  • Apprendre la leçon en classe
    • Chacun récite, un par un à l’oral
    • Proposition de rébus graphiques
  • Exercices d’application (ou plus)
    • Exercices de niveaux différents : trois niveaux (par ex : échauffement, entrainement, compétition) ; en groupes ou non ; les trois niveaux sur une fiche (les élèves choisissent ou non) ; à partir des exercices du manuel, les listes des trois niveaux étant écrites au tableau
    • Listes d’exercices à faire, tout le monde en fait au moins x exercices ; exercices supplémentaires (ou pas) pour ceux qui ont fini selon leur choix
    • Faire fabriquer un exercice à donner à un autre élève
    • Faire écrire un programme de construction avec la contrainte de mots interdits
    • Proposition d’aides : cahiers, prof, autre élève
    • Travail en groupes hétérogènes avec au moins un élève qui va savoir le faire et expliquer
    • Groupes de besoin (dits de compétences) sur besoins identifiés
    • Utilisation des TICE, sites qui permettent d’adapter des exercices à des besoins ou niveaux différents
    • Devoirs maisons de niveaux différents et de formes différentes ; deux niveaux suffisent ; non notés ; au choix des élèves
  • Correction des exercices
    • Photocopie du corrigé, chaque élève ne corrige que ce qui le concerne
    • Niveaux différents : correction en plénière du niveau médian (correspond à de l’exigible), le niveau fort rend le travail sur une copie et le niveau faible a bénéficié de l’aide et de la validation par le professeur pendant le travail ; cela est facilité si les élèves sont en groupes
    • Programme de construction : le prof fait au tableau exactement ce que l’élève lui dit (validation en actes)
  • Contrôles bilans (et interrogations écrites)
    • Placer les exercices du plus simple au plus compliqué
    • Proposer 8 exercices, les élèves en choisissent 5 pour faire un barème maximum sur 20
    • Proposer une liste d’exercice sur 25 points, ne compter que les points en dessous de 20 pour faire la note sur 20 (jouer sur le degré d’exigibilité dans la conception du contrôle) ; le total de points de 12/25 est la note 12/20 ; bien expliquer que personne n’est perdant même ceux qui ont 23 points et donc une note de 20/20
    • Proposer des exercices bonus
    • Proposer des aides plutôt sous forme de contrat (tu travailles pour 3 points sur 5 au lieu d’avoir 0) ; aides de connaissances, savoir-faire ou méthode
    • Rassurer en passant dans les rangs et en faisant par exemple reformuler la consigne
  • Corrections de contrôles ou d’interrogations
    • Appréciations sur la copie valorisant les progrès, les acquis, dire ce qui a été réussi et pas seulement ce qui a été raté, dire aussi les progrès attendus
    • Sur chaque copie, sélectionner un exercice que les élèves vont corriger en groupe avec des aides (cahiers, manuel, prof) ; ces corrections vont servir à fabriquer le corrigé commun pour la classe, photocopié pour tous ensuite ; 3 fois par trimestre, non noté
    • Demander aux élèves de choisir un exercice réussi, faire remplir un questionnaire « comment as-tu réussi ? » (Pas sur les résultats mais sur la démarche) puis un élève concerné pour chaque exercice lit ce qu’il a écrit ; distribution de corrigés photocopiés ensuite

[1] Voir l’article de Mathilde Dénoyer à ce sujet dans une publication du CNED pour la préparation du CAPES d’Histoire-Géographie (mars 2015).

[2] Bassin de Mantes, mars-avril 2014

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