Les suffixes -asse et -ace

ace et –asse sont des suffixes souvent à valeur augmentative ou péjorative, formateurs d’adjectifs et de substantifs.

A. valeur augmentative :

  • bannasse « grand panier » (banne)
  • galéaace /galéasse « grande galère »
  • grêlasse « grosse grêle »
  • liasse « tas de papiers liés ensemble »
  • rosace « grande rose »
  • loquace « qui parle beaucoup et volontiers »
  • sagace « qui a l’odorat subtil »
  • tenace « qui tient fermement, qui s’accroche »
  • vivace « qui résiste fortement, qui se maintient »

valeur péjorative

  • canasse « gens de bas étage »
  • crapouillasse « grande crapule »
  • fillasse « mauvaise fille »
  • pédantasse « mauvais pédant »
  • populace « peuple » (avec mépris)
  • pouillasse « grand pouilleux »
  • savantasse « pédant qui joue les savants »
  • bancasse (marine) « coffre servant de banquette de lit »
  • brinasse « seconde qualité d’étoupe (brin) »
  • caillasse « pierraille »
  • cognasse « coing sauvage »
  • godasse « chaussure »
  • lavasse « mauvais liquide »
  • milliasse « par plaisanterie, quantité immense »

à comparer avec :

  • grimace « contorsion du visage »
  • ragougnasse « mauvais ragoût, cuisine infecte »
  • villace « grande ville mal peuplée et mal bâtie »
  • vinasse « mauvais vin, à demi aigri »
  • blondasse « d’un vilain blond (des cheveux blondasses) »
  • cocasse « primitivement variante péj. de coquard, coq », « vaniteux »
  • fadasse « qui a une fadeur déplaisante »
  • hommasse « [en parlant d’une femme] qui ressemble à un homme »
  • mollasse « trop flasque, qui manque d’énergie »

B.? Certains dérivés en -ace/-asse ne présentent pas cette valeur :

Le sens du suffixe est complètement obscurci, et le dérivé est un diminutif :

  • brumasse « petite brume »
  • grainasse /grenasse « petit grain de vent »
  • mulasse « jeune mule, mulet »

2. Quelquefois il sert à former des termes sans aucune coloration péjorative ou augmentative, des termes techniques, des termes de métiers, des termes de sciences naturelles… :

  • cardasse « peigne pour la bourre de soie »
  • cuirasse « arme défensive qui recouvre le buste »
  • escargasse « démêloir à la forme d’escargot »
  • ferrasse « coffre en tôle »
  • limace « mollusque »
  • rubace « terme de joaillier, rubis de couleur claire »
  • rubasse « quartz coloré en rouge naturellement ou artificiellement »

3. Plusieurs substantifs en -ace/-asse, mais dont la plupart ne sont des dérivés ni synchroniquement, ni historiquement, servent à désigner des oiseaux :

  • agace « la pie »
  • agasse « la pie »
  • ageasse « la pie »
  • calouasse « la pie »
  • craouillasse « la pie »
  • darnagasse « la pie »
  • jacasse « la pie »
  • jocasse « la grive »
  • bécasse
  • scolopace
  • trijasse

-ace et -asse s’accolent à des substantifs, à des verbes et à des adjectifs pour former des substantifs ou d’autres adjectifs :

  • banne > bannasse
  • barque > barcasse
  • bec > bécasse
  • brume > brumasse
  • coing > cognasse
  • corne > cornasse
  • cuir > cuirasse
  • cul > culasse
  • fille > fillasse
  • grain > grenasse/grainasse
  • grêle > grêlasse
  • miel > mélasse
  • mill(ion) > milliasse
  • paille > paillasse
  • paon > paonace
  • papier > paperasse
  • pin > pinace
  • plume > plumace
  • rose > rosace
  • savant > savantasse
  • teigne > teignasse/tignasse
  • terre > terrasse
  • ville > villace
  • vin > vinasse
  • homme > hommasse
  • pédant > pédantasse
  • savant > savantasse
  • blond > blondasse
  • fade > fadasse
  • laid > laidasse
  • lourd > lourdasse
  • mou > mollasse
  • vif > vivace
  • chier > chiasse
  • crever > crevasse
  • laver > lavasse
  • lier > liasse
  • tirer > tirasse
  • trainer, traîner > trainasse, traînasse

La terminaison -ace, forme savante, se combine avec d’autres suffixes.

  • efficace/efficacité
  • inefficace/inefficacité
  • loquace/loquacité
  • perspicace/perspicacité
  • pugnace/pugnacité
  • sagace/sagacité
  • salace/salacité
  • tenace/tenacité
  • vivace/vivacité

La terminaison -asse est plus familière, populaire.

  • cocasse/cocasserie
  • cognasse/cognassier
  • dégueulasse/dégueulasserie
  • limace/limaçon
  • mulasse/mulassier
  • paillasse/paillasson
  • paperasse/paperasserie

Étymologie :

Les créations nouvelles ne sont pas nombreuses.

1. du latin –acea (en latin vulgaire –acia) :

  • bonace (1220) < bonacia (latin populaire)
  • fallace (13ème siècle) < fallacia « ruse, tromperie »
  • filasse (1160) < filace < filacea < filum « fil »
  • fouace (12ème siècle) ou fougasse < focacea < focus

2. du latin -ax/-acis :

  • a) contumace (substantif au 13ème siècle, adjectif en 1392) ou contumax « absent, défaillant en parlant de l’accusé » < contumax, contumacia
  • donace ou donax < donax « petit mollusque »
  • efficacité (1327) < efficace (1155) < efficax, efficacis « qui produit de l’effet »
  • fugacité (1827) < fugace (1550) < fugax, fugacis < fugere « fuir »
  • limace (1175) < limacia < limax, limacis « limace, colimaçon »
  • loquace (1764), loquacité (1466) < loquax, loquacitas « bavardage »
  • pugnace (1842),pugnacité (1820) < pugnax, pugnacis < pugnare « combattre »
  • sagace (1495), sagacité (1444) < sagax, sagacitas « odorat subtil »
  • salace (1555), salacité (1560) < salax « lubrique », salacitas
  • tenace (1501), ténacité (1488) < tenax, tenacitas < tenere « tenir »
  • vivace (1496), vivacité (1488) < vivax, vivacitas « vitalité, vivacité »
  • vorace (1603), voracité (xive) < vorax, voracitas < vorare « dévorer »

On remarque bonace « calme de la mer » du latin populaire bonacia, sur malacia « calme de la mer » du grec malakia, analysé en malus + acea et refait sur bonus à cause du sens, à comparer avec l’italien bonaccia et le provençal bonassa, de même sens. Ce mot est employé adjectivement : une mer bonasse « une mer calme ». D’où, peut-être sous l’influence de l’italien, caractère bonasse.

-acanthe, acanth(o)-

acanthe et acanth(o)– sont tirés du grec « épine ».

Le premier élément est toujours tiré du grec qu’il soit un numéral ou un quantificateur.

un coelacanthe : un grand poisson osseux très primitif.

un embryon de ténia hexacanthe : porteur de six crochets.

un holacanthe ou holocanthe : le genre de poissons thoraciques.

un notacanthe : le genre de poissons qui ont des épines libres sur le dos.

elle, il est orthacante : a des épines droites.

une pyracanthe : un buisson ardent, une plante [crataegus pyracantha].

un tragacanthe : le nom donné à plusieurs arbrisseaux du genre astragale qui produisent la gomme adragante.

  • diacanthe « qui porte deux épines au-dessous de chaque feuille »
  • triacanthe « qui porte trois épines »
  • hexacanthe « qui a six épines ou aiguillons »
  • heptacanthe « qui porte sept épines ou aiguillons »
  • ennéacanthe « qui est muni de neuf épines ou aiguillons »
  • décacanthe « pourvu de dix épines »
  • oligacanthe « qui a des épines peu nombreuses »
  • myriacanthe « qui a un grand nombre d’épines »
  • holacanthe « qui est entièrement couvert de piquants »

voir : CNRTL ; dictionnaire des sciences animales ; dictionnaire de l’Académie de médecine.

Le suffixe -ac

-ac

ac vient généralement du suffixe gaulois –acum, qui définit soit un lieu, un élément géographique ou alors l’emplacement ancien d’une villa gallo-romaine. La terminaison -ac est uniquement attestée dans les (anciennes) régions de langues d’oc, ainsi qu’en Bretagne, alors qu’on trouve son équivalent -ay dans les contrées de langues d’oïl. En fait, dans bien des cas, il s’agit de la forme allongée –(i)acum qui a donné la terminaison -iac (ou –iniacum, d’où (i)n-iac étant noté –(i)nhac et (i)ll-iac, (i)lhac en occitan), celle-ci aboutissant aux terminaisons -y et -é dans les régions de langue d’oïl.

On retrouve ce suffixe dans un grand nombre de toponymes du sud-ouest et dans certains substantifs masculins.

en savoir plus : Wiktionnaire.

Le nom (un) ammoniac est emprunté au latin ammoniacum (sal ammoniacus) « gomme résine », en grec ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? « sel ammoniac ou gomme ammoniaque », dérivé de ? ? ? ? ? parce qu’on recueillait ces produits près du temple de Zeus Ammon en Libye.

Les suffixes -able, -ible, -uble

able, –ible et –uble expriment la possibilité.

1. -able et -ible sont des suffixes formateurs d’adjectifs à partir de verbes transitifs directs et exprimant la possibilité passive (« que l’on peut » + infinitif)

On observera que les adjectifs en -able ne peuvent guère être suivis d’un complément d’agent introduit par la préposition par (critiquable par certains, par beaucoup, mais : critiquable pour certains, pour beaucoup). Il est donc préférable de définir -able par la tournure active « que l’on peut » suivi de l’infinitif plutôt que par la tournure passive « qui peut être » suivi du participe passé. Le dérivé qualifie celui ou ce qui est l’objet de l’action. Les exemples sont innombrables :

  • absorbable « qui peut être absorbé », applicable « qu’on peut appliquer », communicable, conciliable, convocable, détachable, dissociable, enviable, identifiable, mangeable, maniable, négligeable, partageable, pénétrable, retouchable, simplifiable, vendable, vérifiable.

Certains dérivés impliquent plutôt l’idée d’obligation que celle de possibilité :

  • admirable « qui doit être admiré »,
  • risible « dont on doit rire »…
  • remédiable (rare) « à quoi l’on peut remédier » est issu de remédier, un verbe transitif indirect. Irrémédiable est au contraire usuel.

-able est parfois accolé à des verbes intransitifs employés transitivement :

  • chômable « qui peut être chômé »;
  • sortable « que l’on peut sortir ».

Dans aimable, le sens du verbe aimer est atténué (« qui mérite d’être aimé » d’où « qui cherche à faire plaisir ») et l’on se rapproche de la valeur active. Il n’en était pas ainsi en français classique. Amiable, terme de droit et de mathématique, est employé par la langue courante dans la locution à l’amiable.

2. Plus rarement, able et -ible sont des suffixes formateurs d’adjectifs à partir de verbes intransitifs.

Le dérivé présente un sens actif (« qui peut + infinitif »). Il qualifie ce à quoi (plus rarement celui à qui) on attribue une action. Il est concurrencé dans ce cas par les adjectifs ayant pour origine un participe en -é et -ant, ainsi que par l’ensemble des adjectifs en -if. Ce dernier suffixe, cependant, ne met pas l’accent sur l’idée de possibilité et correspond régulièrement à des substantifs en -tion (on notera toutefois qu’on dit variable et non variatif malgré l’existence du substantif variation).

Adjectifs qualifiant des substantifs de l’inanimé :

  • convenable « qui doit convenir », « qui convient en effet »
  • délectable « qui délecte »
  • durable « qui doit durer »
  • fermentable ou plus fréquemment fermentescible « qui est susceptible de fermenter »
  • flottable (bouée flottable) « qui peut flotter », voir aussi l’infinitif.
  • immuable (muer) « qui ne change pas »
  • périssable « qui est sujet à périr »
  • préalable « qui doit précéder »
  • semblable « qui ressemble à »
  • valable « qui vaut »
  • variable « qui est susceptible de varier »
  • voir aussi lamentable « qui fait se lamenter ». Mais il y a rupture sémantique avec le verbe se lamenter. Lamentable fonctionne comme un synonyme superlatif de mauvais.

Adjectifs qualifiant des substantifs de l’animé :

  • faillible « qui peut se tromper »
  • serviable « qui rend service »
  • viable « apte à vivre », « qui normalement doit vivre » ? ce terme a été encore employé par Proust dans le sens de « praticable ».

Dans ce sens, le suffixe s’accole exceptionnellement à des verbes transitifs :

  • épouvantable « qui épouvante »
  • secourable « qui secourt »

Par extension : le dérivé sert à qualifier le lieu où l’action est susceptible de se dérouler (« où l’on peut + infinitif ») :

  • flottable (rivière flottable) « sur laquelle quelque chose peut flotter »
  • jouable (terrain jouable) « où l’on peut jouer »
  • navigable « où l’on peut naviguer »
  • patinable « où l’on peut patiner »
  • pâturable « où l’on peut pâturer »
  • praticable (chemin praticable) « où l’on peut passer sans danger »
  • skiable « où l’on peut skier »
  • stationnable « où l’on peut stationner »
  • trottable « où l’on peut trotter »
  • Dans carrossable (de carrosse) « où peuvent circuler des voitures », cyclable « où l’on peut faire du vélo », il ne s’agit sans doute pas de dérivés directs de substantifs, mais plutôt de formations issues de locutions verbales du type circuler en carrosse, circuler à bicyclette, qui pallient l’absence de verbes comme carrosser, cycler.

3. Rarement : suffixe formateur d’adjectifs à partir de substantifs :

Le dérivé exprime la faculté de provoquer. Il a le sens de « qui cause, qui produit ». Le substantif de base possède généralement un correspondant verbal de la même famille morphosémantique :

  • confortable « qui procure du confort » / réconforter
  • dommageable « qui cause du dommage » / endommager
  • effroyable « qui cause de l’effroi » / effrayer
  • pitoyable « qui inspire la pitié » / apitoyer

Noter cependant :

  • corvéable « assujetti à la corvée »
  • justiciable « qui doit passer en justice »
  • préjudiciable « qui porte préjudice »
  • sabotable « dont on peut faire des sabots » (Littré)
  • Rentable est, en synchronie, détaché de rente et mis en rapport avec rendement : « avoir un rendement satisfaisant eu égard à la mise, à l’investissement ».

Le dérivé attribue au substantif qu’il sert à qualifier la qualité contenue dans le substantif de base (il a de la charité ? il est charitable). Dans ce cas, able entre dans la série des suffixes -al, el, eux, ique…, formateurs d’adjectifs à partir de substantifs, et l’on peut se demander s’il ne constitue pas un véritable suffixe homonyme du suffixe -able formateur d’adjectis à partir de verbes. On observera cependant que même dans ce cas une idée verbale sous-tend le suffixe -able ; charitable peut se traduire aussi par « qui fait preuve de charité », équitable par « qui fait preuve d’équité » :

  • charitable « qui a de la charité »
  • équitable « qui a de l’équité », « où l’on a fait preuve d’équité »
  • favorable « qui attire la faveur, qui est à l’avantage de » (lorsque le substantif qualifié est de l’animé : « qui favorise »)
  • raisonnable « doué de raison », « conforme à la raison »
  • véritable « conforme à la vérité », « conforme à ce qui est attendu de… »

Créations récentes :

  • clubbable
  • goncourable
  • ministrable « qui peut devenir ministre »
  • papable « qui peut devenir pape »

Ces dérivés ne forment pas de substantifs en -abilité.

Remarque : -able est-il un suffixe ou une flexion? La majorité des adjectifs en -able/-ible sont des dérivés de verbes, et l’on peut se demander si cette finale est un suffixe véritable ou une flexion, au même titre que -ant et -é (ou -u).

-able/-ible sont toutefois plus indépendants du paradigme verbal que les désinences de participe présent ou de participe passé et se rangent donc plutôt du côté des suffixes : en effet, une seule catégorie de verbes, celle des verbes transitifs directs fournit régulièrement des dérivés en -able ; au demeurant, même dans cette catégorie, l’adjectif verbal en -able/-ible est loin d’être toujours attesté : la dérivation en -able/-ible parait difficile avec certains verbes comme agacer, contrarier, ennuyer, fâcher, navrer ou posséder (qui ne sont pas transposables au passif d’action à l’aide de par) ; les verbes intrans. ne servent que très rarement de base à des adjectifs en -able/-ible, de même que les verbes transitifs indirects ; d’autre part, la notion verbale normalement contenue dans la base s’est parfois affaiblie ; certains dérivés, en particulier les dérivés savants, ne correspondent, en synchronie moderne, à aucun verbe, et l’on a créé des dérivés en -able/-ible sur des radicaux nominaux. Il est vrai que cela s’est également produit pour les désinences -ant (gauchisant), é (chocolaté, molletonné, vanillé), u (feuillu), mais avec une fréquence moindre.

Pourtant l’argument essentiel qui permet de penser que -able est un suffixe et non pas une flexion est que les dérivés qu’il sert à construire fonctionnent toujours comme adjectifs, alors que les formes en -é ou en -ant tiennent à la fois du verbe et de l’adjectif. Que la base soit verbale ou exceptionnellement substantivale, la forme en -able appartient sans hésitation possible à la classe des adjectifs : il s’agit donc bien d’un processus de dérivation.

c/qu. Quand le suffixe -able s’accole à des verbes en -quer, on constate la transformation de -qu- en -c-, chaque fois qu’au verbe correspond un dérivé en -cation. Le c a été rétabli dans les dérivés au 16ème siècle par souci d’étymologie :

  • appliquer / applicable (application), du latin applicare
  • communiquer / communicable (communication), du latin communicare
  • confisquer / confiscable (confiscation), du latin confiscare
  • éduquer / éducable (éducation), du latin educare
  • expliquer / explicable (explication), du latin explicare
  • convoquer / convocable (convocation), du latin vocare
  • évoquer / évocable (évocation), du latin vocare
  • révoquer / révocable (révocation), du latin vocare

Deux dérivés font exception : hypothéquer / hypothécable, pratiquer / praticable, dans lesquels les verbes sont dérivés des substantifs hypothèque et pratique issus respectivement du latin juridique hypotheca, emprunté au grec hupothêkê et du latin médiéval practica, emprunté au grec praktikê.

La graphie reste -qu- dans les dérivés qui ne se rattachent qu’à un verbe en -quer et non à un dérivé en -cation. Dans ce cas, le verbe n’a pas de correspondant latin en -care :

  • attaquer / attaquable de l’italien attacare (du francique stakôn),
  • critiquer / critiquable de critique, du latin criticus emprunté au grec kritikos
  • manquer / immanquable de l’italien mancare (du latin mancus)
  • remarquer / remarquable de l’ancien scandinave merke « marque », avec l’influence de l’italien marcare
  • retorquer / retorquable issu du verbe latin en -qu- retorquere
  • risquer / risquable de risque, de l’italien risco (rischio), en grec rhizikon

gu/g Quand le suffixe s’accole à des verbes en -guer, on note la disparition régulière du u devenu inutile devant un a pour conserver le son [g] : conjuguer / conjugable, fatiguer / fatigable, irriguer / irrigable, larguer / largable, naviguer / navigable.

g/ge Quand le suffixe s’accole à des verbes en -ger, un e s’intercale entre le g et le a, afin que la prononc. [?] de l’infinitif soit maintenue : arranger / arrangeable, changer / changeable, diriger / dirigeable, loger / logeable, manger / mangeable, négliger / négligeable, partager / partageable.

c/ç Quand le suffixe s’accole à des verbes en -cer, le c devient ç devant a pour conserver la prononciation [s] de l’infinitif : commercer / commerçable, effacer / effaçable, influencer / influençable, prononcer / prononçable, remplacer / remplaçable.

Le suffixe -able s’accole à toutes les terminaisons possibles. -ible, qui forme beaucoup moins de dérivés, s’accole de préférence à des radicaux empruntés au latin. Ils sont le plus souvent terminés par s ou par t. La plupart des formations en -ible, en effet, sont des formations savantes, qu’elles aient une forme latine correspondante : comestible < comestibilis, convertible < convertibilis, irascible < irascibilis, séductible < seductibilis,… ou qu’elles aient été formées sur des radicaux savants sans qu’il y ait d’adjectifs latins correspondants : combustible / combustion (combustio), convulsible / convulsion (convulsio), fusible / fusion (fusio). Seuls, peuvent être considérés d’origine populaire des mots comme : faillible, lisible, loisible, nuisible, paisible, traduisible.

En position d’infixe, able / -ible appellent volontiers, sauf lorsqu’ils sont accolés à des substantifs (charitable), le suffixe de noms abstraits -ité pour former avec lui la combinaison -abilité, ibilité, parfois aussi les suffixes -isme et -iste : (probable / probabilisme, probabiliste). La correspondance est fréquente entre les substantifs en -(a)tion / -sion / -ssion et les adjectifs en -able / -ible : adorable / adoration, colonisable / colonisation, congelable / congélation, estimable / estimation, imposable / imposition, liquidable / liquidation, négociable / négociation, recommandable / recommandation, réconcili-able / réconciliation, simplifiable / simplification, admissible / admission, compressible / compression, diffusible / diffusion, digestible / digestion, divisible / division, expansible / expansion, explosible / explosion, perfectible / perfection, réductible / réduction, visible / vision.

Le suffixe -able / -ible / -uble remonte au suffixe latin -abilis, ibilis, ubilis.

L’analyse des dérivés se fait souvent aisément, que la base soit un verbe (absorber / absorbable ; punissant / punissable …) ou que le suffixe soit commutable avec -(t)ion (prévisible / prévision…). Autres commutations : -able / -ateur ; -able / -atoire ; -ible / -eur / -ifier ; -ible / -ent : sécable / sécateur, arable / aratoire, horrible / horreur / horrifier, terrible / terreur / terrifier, intelligible / intelligent, tangible / tangent. Dans bon nombre d’exemples cependant, la base n’est pas isolable en français moderne. Il semble pourtant que, fréquemment, le sentiment de la suffixation demeure et que le sens de la possibilité passive soit plus ou moins consciemment perçu, même si le radical n’est pas compris :

  • capable « qui est en état (de faire quelque chose) » < capabilis de capere « être susceptible de »
  • curable « qui peut être guéri » < curabilis de curare « soigner, guérir » / cure
  • friable « qui peut être broyé » < friabilis d’après friare « broyer »
  • inéluctable « contre quoi on ne peut pas lutter » < ineluctabilis de electari « échapper en luttant »
  • inextricable « qu’on ne peut pas démêler » < inextricabilis de extricare « démêler »
  • insatiable « qui ne peut pas être rassasié » < insatiabilis de satiare « rassasier »
  • potable « que l’on peut boire » < potabilis de potare « boire »
  • vulnérable « qui peut être blessé » < vulnerabilis de vulnerare « blesser »

À noter deux exemples entièrement calqués sur le latin : indélébile « qui ne peut pas s’effacer » < indelebilis de delere « détruire », mobile « qui peut être mu » < movibilis de movere « mouvoir », dans lesquels il s’agit effectivement du même suffixe. La variante -uble n’est guère représentée que dans le mot soluble et ses dérivés (insoluble, indissoluble…) ; la finale -ubile, qui apparaît dans volubile, n’est pas analysée en synchronie moderne.

Certains étymologistes considèrent les mots dérivés de substantifs latins en –bulum, comme apparentés au suffixe –bilis : étable < stabula pluriel de stabulum, incunable < incunabulum, rouable < rutabulum, vocable < vocabulum ; à comparer avec jable < du gaulois latinisé gabulum. Et pour les mots en –bulus, ou –bula : érable < acerabulus ; à comparer avec diable < diabolus, fable < fabula, retable de l’espagnol retablo de table.

Parmi tous les suffixes adjectivaux du latin, bilis est un des plus utilisés. On le rencontre en latin archaïque et classique et surtout en latin tardif où il apparait le plus souvent sous la forme –abilis, tous les verbes formés à cette époque relevant de la première conjugaison. Le suffixe est très productif à toutes les époques du français [doutable a pu être employé pour douteux, attrayable pour attrayant, déshonorable pour déshonorant, mourable pour mourant] à partir des 12ème et 13ème siècles où il s’accolait même couramment à des bases nominales, formation dont il ne reste plus que quelques traces. On ne trouve pas d’exemple de ce suffixe dans les plus anciens textes français. Les formes en -able ont très tôt supplanté celles en -ible. Jusqu’au 16ème siècle, on trouve quelquefois les deux formes employées indifféremment : faisable (14ème siècle) / faisible (14ème siècle), responsable (1284) / responsible (1502), vendable (13ème siècle) / vendible (1515). C’est parfois le dérivé en -ible qui a triomphé, en particulier lorsque le radical se termine par un s (divisible (15ème siècle) / divisable, lisible (1464) / lisable (1474), loisible (1295) / loisable (12ème siècle), nuisible (14ème siècle) / nuisable (12ème siècle), paisible (12ème siècle) / paisable (12ème siècle), à comparer aussi : faillible (13ème siècle) / faillable, penible (12ème siècle) / penable (12ème siècle) ; de manière plus générale, lorsque le radical savant est préféré au radical populaire : comprenable (12ème siècle) / compréhensible (15ème siècle), corrompable (12ème siècle) / corruptible (13ème siècle), creable (12ème siècle) / crédible, percevable (14ème siècle) / perceptible (1372), pourrisable / putrescible (14ème siècle), reprenable / répréhensible (14ème siècle), riable / risible (14ème siècle), veable (13ème siècle) / visible (12ème siècle). Les formations récentes sont nombreuses : capturable, dénonçable, éjectable, encerclable, ministrable, objectivable, possédable, relégable, repêchable, révélable, skiable, spécifiable, unifiable Le suffixe est disponible pour la plupart des verbes transitifs directs. Si tous les adjectifs n’existent pas, il ne semble pas impossible de les former, leur présence dans les nomenclatures de dictionnaires ne se justifiant que lorsque l’adjectif est relativement autonome du verbe. Une preuve supplémentaire de la vitalité du suffixe est l’existence de nombreux dérivés négatifs alors que le verbe négatif correspondant n’existe pas : imperçable, incelable, indiscutable, inatteignable, inétreignable, inévitable, infixable, inimaginable, insondable, insoulevable, intrompable, invincible, inviolable, irrassasiable, irréalisable, irréfreinable, irrésistible. La plupart de ces adjectifs ne sont attestés ou usuels qu’à la forme négative. Les dérivations à partir de verbes intransitifs ou pronominaux sont rares, et dans la plupart des cas, de telles formations paraissent impossibles (aberrer, aberrant ; abonder, abondant ; aboyer ; accéder ; (se) bagarrer,; barboter,; batailler ; bavarder ; bégayer ; bifurquer ; blêmir ; (se) coaliser; (se) démener; (se) désister …). On ne rencontre plus de nouvelles formations en français moderne.

Les dérivés en -able ont pratiquement supplanté ceux en -ible. On rencontre cependant quelques nouvelles formations en -ible, dont la plupart ont un caractère savant : coalescible, conceptible, explosible, fusible, impressible, inexhaustible.

en savoir plus : CNRTL.

Le préfixe ab-, abs-

ab-, abs-

ab– (ou abs– souvent devant c et t) signifie l’éloignement ou l’écart.

  • abarticulaire « qui est en dehors de l’articulation »
  • abduction « mouvement qui écarte un membre ou une partie quelconque du plan médian du corps »
  • abhorrer « détester, sentir une vive répulsion pour … »
  • abject, e « digne du plus grand mépris, qui inspire une violente répulsion » (primitivement « jeté à part »)
  • abjurer « abandonner solennellement une opinion religieuse »; « renoncer solennellement à la religion que l’on professait »
  • ablégat « commissaire chargé d’une mission par le pape » (primitivement « envoyé de »)
  • abnégation « sacrifice volontaire de soi-même, de son intérêt, éloignement de son propre intérêt »
  • abroger « déclarer nul (ce qui avait été établi, institué), annuler, casser, révoquer, supprimer »
  • abscission « perte passagère de la mémoire et même de la connaissance, due à un excès de fatigue … »
  • absence « le fait de n’être pas dans un lieu où l’on pourrait, où l’on devrait être »
  • absorber « engloutir » (primitivement « faire disparaitre en avalant »)
  • s’abstenir « ne pas faire par volonté délibérée » (primitivement « se tenir éloigné »)
  • abstraire « isoler par la pensée (un objet, une personne) »
  • un abusage : [matériaux / verre et céramique] une formation d’éraflures à la surface d’objets en verre, qui est due au frottement de ces objets entre eux ou se produit au contact des équipements de conditionnement ou de manutention. En anglais : scuffing. Journal officiel de la République française du 25/04/2014.
  • signifie « hors de », mouvement de l’intérieur vers l’extérieur : abréaction, en psychanalyse, « réaction d’extériorisation par laquelle un sujet se libère d’un refoulement affectif »
  • exprime un écart quantitatif : abuser « user mal, avec excès ; outrepasser »
  • exprime le point de départ dans le temps : aborigène « personne qui vit dans son pays depuis sa naissance »
  • exprime l’arrêt : ablactation « cessation de la lactation, considérée par rapport à la mère ».

La plupart des dérivés en ab- sont des termes spécialisés. On peut aisément déterminer leurs aires d’emploi qui rendent compte à la fois des quelques mots analysés en synchr. et des mots où le préf. n’est plus analysable :

  • en droit : abdiquer « renoncer à » (au trône) ; abolir « supprimer, abroger, annuler » (abolir une loi) ; abroger
  • en géologie : ablation « perte de substance subie par un relief » ; abrasion « usure mécanique d’une roche par l’eau chargée de débris »
  • en médecine : abcès (d’abcéder) « amas de pus collecté aux dépens des tissus environnants détruits ou refoulés » ; abduction ; aberration « dérangement, déviation hors de l’état normal » ; ablactation ; ablation « action d’enlever chirurgicalement une partie du corps » ; abortif « qui est venu avant terme » « se dit des substances dont l’absorption passe pour provoquer l’avortement » ; abrasion « séparation ou excision de petits fragments muqueux superficiels » ; abréaction ; abruption « fracture transversale d’un os avec des fragments rugueux » (à comparer cependant avec abrupt) ; abscission ; absence (et aussi l’emploi courant du mot) « perte passagère de la mémoire et même de la connaissance, due à un excès de fatigue, ou à une intoxication … » ; abstème.
  • en morale et psychologie : abhorrer « avoir en horreur, détester au plus haut point » ; abjection « extrême degré d’abaissement, d’avilissement » ; abominable « qui inspire de l’horreur, affreux, atroce, horrible, monstrueux »
  • en philosophie et didactique : abscons « difficile à comprendre » abstraire.

Tous ces termes ont une valeur superlative. Quand ils ne sont pas spécialisés, ils relèvent d’un style soutenu.

Ce préfixe présente en latin une forme simple : ab– et une forme élargie : abs-.

Actuellement ab- n’est productif que dans la langue scientifique. Pourtant il est analysable dans un nombre relativement élevé de mots : abarticulaire, abjurer, ablactation, abnégation, abréaction, abscission, abuser, abstenir, (abs-),… On trouvera parfois l’opposition ab- / ad-.

Le préfixe ab- s’oppose, du point de vue sémantique, à ex-, qui marque le mouvement de l’intérieur vers l’extérieur, et à de-, qui peut exprimer le mouvement de haut en bas, ou la diminution. La langue semble avoir préféré de- à ab- et ex-.

en savoir plus : CNRTL.

Le préfixe a-, an-

a-, an-

a-, d’origine grecque, signifie « sans » « privé de ». La plupart des dérivés appartiennent au vocabulaire technique.

  • acardiaque, acataphasie, acéphale, acéphalie, adynamie, agrammatisme, agraphie, aleucémique, alexie, anergie, anorganique, aphasie ;
  • anonyme « sans nom » « inconnu » ; anormal « qui n’est pas normal, qui s’écarte de la norme » ; apolitique « qui se tient en dehors de tout courant politique » ; atypique « qui n’a pas de type régulier » ;
  • achromatique (primitivement « sans couleur ») en optique « qui fait voir les images des objets sans franges irisées », en chimie « qui se colore mal par les colorants usuels » ; apesanteur « absence de pesanteur » ; asymétrique « dépourvu de symétrie » ;
  • acotylédone « dont les cotylédons sont peu visibles » ; acyclique en géologie « qui ne présente pas de caractère cyclique » ; amitose « mode de division directe de la cellule » ; aptère « qui est dépourvu d’ailes ».

Ce préfixe s’écrit a– devant une consonne dont il n’entraine jamais le redoublement : abiotique, acardiaque, acéphale, achromatique, acotylédone, acyclique, adynamie, agrammatisme, agraphie, aleucémique, alexie, alogique, amoral, anormal, apolitique, asymétrie, etc. Il devient an– devant une voyelle : anencéphale, anérétisme, anergie, anorganique, anorthographie, etc.

Le préfixe a- privatif s’accole de préférence aux adjectifs : acyclique, alogique, amoral, atypique, etc. plus rarement à des substantifs : acotylédon, agrammatisme, agraphie.

Dans alogique (« qui ne tombe pas sous les exigences de la logique ») et amoral (« qui est moralement neutre »), le préfixe est commutable avec in- qui signifie « contre, qui va contre… » (illogique « qui va contre la logique, incohérent », immoral « qui viole la morale, qui va à l’encontre de la morale ») ; in- sert à nier et à manifester une réaction contre ce qui est établi, a- exprime la passivité à l’égard de ce qui est, il signifie « qui reste étranger à…, qui est sans rapport avec… ». Cependant, dans quelques néologismes, il se rapproche du sens de anti- (asocial « qui ne peut pas ou ne veut pas s’adapter à la vie sociale » ; asyndical « qui est étranger au…, qui va à l’encontre du syndicalisme »). Et dans le vocabulaire de la médecine : abiotique « contraire à la vie ».

Les dérivés en a- privatif sont :

1. Des mots grecs entrés dans la langue par l’intermédiaire du latin :

  • acéphale, acephalus, ? ? ? ? ? ? ? « tête »
  • acolyte, acolythus, ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? « suivant, serviteur » « clerc dont l’office est de servir à l’autel »
  • alyte, alytes, ? ? ? ? ? ? ? « qu’on ne peut pas dénouer » « batracien terrestre qui porte enroulés autour de ses pattes les chapelets d’œufs pondus par la femelle »
  • anonyme, anonymus, anonyma, anonymum, an + ? ? ? ? ? ? « nom » « qui n’a pas de nom, dont on ignore le nom »
  • asymétrique, asymmeter, ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? « absence de symétrie ».

2. Des emprunts récents faits directement au grec :

  • abiotique (1877), a + ? ? ? ? ? ? ? ? ?, ? ? ? ? ? « vie »
  • achromatique (1764), ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? « sans couleur »
  • adynamie (1808), ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? « faiblesse physique »
  • agrammatisme (1931), ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? « illettré »
  • akinésie (1931), ? ? ? ? ? ? ? ? ? ? « immobilité »

3. Des mots de formation française, qui témoignent de la grande vitalité du préfixe en synchronie :

  • acardiaque, acotylédone, acyclique, agraphie, alogique, amoral, anergie, apolitique.

Le radical est aisément isolable dans la plupart des dérivés : acardiaque, acotylédone, acyclique, adiabatique, agrammatisme, agraphie, aleucémique, alogique, amoral, anorganique, anormal, anorthographie, apolitique, asymétrie. Pour certains dérivés, le radical relève de la langue technique ou scientifique : acataphasie, acathésie, achylie, agénésie, aglossie, agnosie, amitose, amusie, analgésie, anazoturie, anémie, anesthésie, anorexie, apyre…

Le préfixe a- privatif est encore productif dans la langue scientifique et même dans la langue courante : alexie (1907), agrammatisme (1931), akinésie (1931), acyclique (1933), agnosie (1948), aux dépens du préfixe homophone issu du latin.

Le préfixe a-, ad-

Le préfixe a– remonte à la préposition latine ad-, très productive en position préverbale. En latin, ad– modifie surtout des radicaux verbaux mais aussi (bien que très rarement) des radicaux nominaux, des adjectifs et des adverbes. Le d s’assimile le plus souvent à la consonne qui suit, dont il entraine le dédoublement.

Le préfixe a- a pour variante la forme ad-dans un nombre restreint de mots : adjacent(e), adjoindre, adjuger, admettre. Cette forme est reprise de nos jours (bien que très rarement) dans certains néologismes techniques comme adsorber.

Le préfixe a- subsiste essentiellement dans les mots composés de formation ancienne, dont plusieurs sont toutefois en voie de disparition : accourcir, alentir, apetisser, assauvagir, assoter. Il est souvent remplacé ou concurrencé par ra-, où r- a une valeur intensive : rabaisser, ralentir, rabattre, raccrocher… Comme néologisme, on ne relève que amocher « rendre moche, abimer ».

Beaucoup de créations en a- ne sont plus guère analysées de nos jours : accaparer, accomplir, acheter, acquiescer, adapter, admirer, affecter, affrioler, affubler, agglomérer, ajouter, ablution, accastillage, accointance, admonestation, adversaire, affection.

a- est fortement concurrencé en français moderne par le préfixe en-, les suffixes -ifier et -iser. Ces derniers lui sont manifestement préférés par la langue scientifique et technique Aussi les néologismes en a-/ad- sont-ils très rares : accouver, accouvage ; adsorber (1907) calqué sur le radical d’absorber ; alunir et amerrir ont été formés sur atterrir. La faible productivité du préfixe semble due par ailleurs au regain de vitalité du a- privatif particulièrement productif aux 19ème et 20ème siècles, ce dernier étant nettement motivé.

En français moderne le préfixe a- ne s’accole qu’à des mots commençant par une consonne. Les radicaux commençant par une voyelle lui préfèrent le préfixe en- (enorgueillir). a- entraine souvent le redoublement de la consonne initiale du mot de base.

Le préfixe a- se combine avec le préfixe ré- : réaccoutumer, réadapter, réadmettre, réaffirmer, réajuster mais aussi rajuster, réapparaitre, réapprovisionner, réarranger, réarrangement, réassigner, réassortir. Beaucoup plus nombreux sont les exemples où a- se combine avec la forme abrégée du préfixe re- (qui n’exprime pas l’itération) : rabattre, raccompagner, raccourcir, raffiner, raffoler, rajuster, ralentir, rallonger, ramasser, ramener, ramolir, rapetisser, rapprocher, rassembler, rassurer, ravitailler, raviver. L’alliance de r- et de a- entraine souvent des spécialisations sémantiques : affiner, raffiner ; affoler, raffoler ; assurer, rassurer. a- peut également se combiner avec le préfixe dés- : désacclimater, désaccoutumer, désagrément, désapparier, désappointer, désapprouver.

a- exprime une idée de passage d’un état à un autre, ou d’attribution, ou de direction vers un lieu, ou de manière ou encore d’inchoativité.

1. Dans les mots composés à base adjectivale et dans les dérivés de verbes, avec l’idée de passage plus ou moins complet d’un état à un autre « rendre, rendre plus … »

A.? Dans les parasynthétiques (préfixe, radical, suffixe) à base adjectivale.

  • Le tanneur assouplit le cuir :
  • « le tanneur rend le cuir souple » (sens absolu) ;
  • « le tanneur rend le cuir plus souple » (sens relatif, par rapport à l’état de l’objet au début de l’action).

Dans cette fonction, a- est concurrencé :

  • par le préfixe en-, qui va souvent de pair avec une idée d’intériorité : embourgeoiser « pénétrer de l’esprit bourgeois », empuantir « pénétrer de puanteur », engraisser « gaver, gorger », enjuiver « pénétrer de l’esprit juif » … Noter aussi : embêter « ennuyer, contrarier fortement ». Cependant des mots comme enlaidir ou embellir se rapprochent des formations en a-. L’expression la plus nette de la concurrence en langue entre a- et en- est fournie par le couple d’antonymes : appauvrir : « rendre pauvre » « rendre plus pauvre », enrichir : « couvrir de richesses » « couvrir de plus de richesses ». En- implique parfois des connotations d’ordre moral, incompatibles avec le préfixe a- : anoblir, sens propre / ennoblir, sens moral ; durcir, sens propre / endurcir, sens moral.
  • par les formations d’un adjectif de couleur + er / ir qui constituent une classe de verbes symétriques (tantôt transitifs, tantôt intransitifs) : les papiers jaunissent ; jaunir des papiers.
  • par les mots composés en é- : échauffer, éclairer, égayer, épurer ;
  • par les suffixes -ifier et -iser qui n’expriment pas l’idée d’un passage plus ou moins complet ; le passage d’un état à l’autre est total et net : mollifier « rendre mou », amollir « rendre (plus) mou », tranquilliser « rendre tranquille » ; -ifier marque en particulier le passage d’un état physique à un autre : gazéifier, humidifier, liquéfier, solidifier. Il s’accole de préférence à des radicaux savants : dulcifier à côté de adoucir, rubéfier à côté de rougir (à comparer cependant avec amplifier et simplifier). Usités fréquemment dans le langage scientifique, ifier et -iser traduisent surtout la notion de transformation, étrangère au préf. a- : pétrifier « transformer en pierre ».

B. Dans les dérivés de verbes

  • baisser/abaisser : baisser est absolu et abaisser est relatif ; abaisser, c’est baisser vers. Le verbe baisser exprime uniquement l’action ; contrairement à abaisser, il se désintéresse du caractère progressif.
  • raser un mur « abattre un mur à ras de terre » ; araser un mur « mettre un mur de niveau »
  • Dans assujettir, a- rend explicite la différence de niveau entre le sujet et l’objet, la subordination progressive de l’un à l’autre.

2. Dans les mots composés à base substantivale, avec l’idée d’attribution, de direction vers un lieu, de manière.

A. L’idée d’attribution : le substantif de base a valeur de complément d’objet.

  • accoutumer « donner la coutume à … »
  • accréditer « donner l’autorité nécessaire à … »
  • affamer « donner faim à …, faire souffrir de faim en privant de vivres »
  • affiler « primitivement, donner le fil à un tranchant »
  • affourager « pourvoir en fourrage »
  • amariner « pourvoir un navire en marins »
  • annoter « pourvoir un texte de notes » « mettre des notes en marge de … »
  • apeurer « donner peur à … »
  • approvisionner « donner des provisions à … »
  • assoiffer « donner soif à, faire souffrir de soif en privant de boisson » …
  • amariner , le radical est de l’animé (marin).
  • De même, achalander signifiait « pourvoir en chalands (clients) »; ce mot a pris le sens de « pourvoir en marchandises » (un magasin bien achalandé).

B.? L’idée de lieu

Le substantif de base a (ou avait) valeur de complément d’objet :

  • s’accouder « mettre les coudes à … »
  • s’accroupir
  • acculer
  • adosser « mettre le dos à … »
  • s’agenouiller

Le substantif de base a valeur de complément de lieu (au sens propre ou au sens figuré) :

  • Verbes préfixés transitifs : aboutir « arriver au but, atteindre le but », acheminer « faire avancer sur un chemin, mettre en chemin », aliter « mettre au lit », attraper « prendre (comme) dans un piège ».
  • Verbes préfixés intransitifs : alunir « aborder sur la lune », amerrir « se poser à la surface de la mer », apponter « se poser sur la plate-forme d’un porte-avions », atterrir « reprendre terre ». Dans le verbe (s’) attarder « (se) mettre en retard » (de base adjectivale) s’exprime l’idée de temps.

C. L’idée de manière (« disposer, réunir en » + substantif de base).

  • affourcher « primitivement, disposer en fourche »
  • aligner « mettre en ligne »
  • amasser « réunir en quantités considérables »
  • ameuter « assembler en meute pour la chasse » d’où le sens cour. :« rassembler dans une intention de soulèvement ou de manifestation hostile »

3. Dans les dérivés de verbes, avec l’idée d’inchoativité de l’action.

  • ranger signifie « mettre à sa place »; et arranger « créer, assigner aux choses des places convenables », c’est à dire « ranger pour la première fois, établir la combinaison qui donne à un ensemble de choses leur place ». De même, a- suggère l’inchoativité dans : aposter « poster qqn dans un endroit déterminé », assigner « indiquer la place d’une chose »
  • On perçoit avec les sens, avec l’esprit. On aperçoit avec les yeux. L’acte d’apercevoir entraine la perception, analyse intérieure et consciente du stimulus. On apercoit pendant un seul moment.
  • Le verbe paraitre signifie « se montrer » (aux yeux). L’apparition est le début de cette action, l’instant seulement où la chose se révèle (au sens propre et au sens figuré) : un personnage apparait sur la scène (sens propre) ; dans un roman un personnage nous apparait honnête, bon, etc. (sens figuré).

Remarques :

1. Les verbes constituent la part la plus importante des créations en a-. Le préfixe permet :

des formations parasynthétiques (préfixe, radical, suffixe)

  • dont la base est un adjectif : abâtardir, abêtir, abrutir, s’acagnarder, accommoder, accouardir, accourcir, acoquiner, acquitter, adoucir, affadir, affaiblir, affermir, affiner, affoler, affranchir, affriander, aggraver, agrandir, ajuster, alentir, allonger, alourdir, amaigrir, amatir, améliorer, amenuiser, amincir, amoindrir, amollir, annuler, anoblir, apetisser, aplanir, aplatir, appesantir, approcher, approfondir, arrondir, assagir, assainir, assécher, assombrir, assoter, assauvagir, assouplir, assourdir, assurer, attendrir, attiéder, attrister, aveulir, avilir, aviver, etc.
  • dont la base est un substantif : accompagner, accréditer, affamer, affiler, affourager, allaiter, annoter, apeurer, approvisionner, assoiffer.

des formations où le préfixe modifie une base verbale qu’on reconnait aisément (battre, abattre), même si le verbe composé est sémantiquement éloigné du verbe de base (coucher – accoucher; mettre – admettre).

des formations issues de locutions dans lesquelles la préposition à est absorbée par le mot suivant : accroire, faire à croire, laisser à croire ; affleurer, à fleur (de)

2. Moins nombreux que les verbes, les substantifs préfixés en a- sont :

tantôt des dérivés verbaux obtenus par suffixation

  • en -ment pour les verbes en -er : (accommodement, acoquinement, affinement, ajustement, attristement) ou en -issement pour les verbes en -ir inchoatifs (abâtardissement, abêtissement) ;
  • en -age (abordage, achalandage, acostage, affilage, amarinage, arrivage à comparer avec arrivée, atterrage) ou en -issage pour les verbes en -ir inchoatifs (amerrissage, atterrissage) ;
  • et plus rarement en -ation (aggravation, amélioration, annotation).

tantôt des substantifs obtenus par une dérivation régressive : accroc, accrocher ; acquit, acquitter ; affront, affronter (noter cependant la différence de sens entre affront et affronter) ; annonce, annoncer ; atour, atourner.

tantôt des substantifs dont les verbes correspondants ont disparu : adent, adenter ; assentiment, assentir ; attrait, attraire (attirer).

Intégrée au mot qu’elle précède, la préposition à fournit également quelques substantifs : acompte, adieu, ajour, aplomb.

D’autres substantifs remontent à des locutions entièrement lexicalisées (avoir à faire, affaire ; pleuvoir à verse, averse ; jouer à tout, atout) ou partiellement lexicalisées (à-coup, à-peu-près, à-côté). Les formations substantives parasynthétiques à base adjectivales sont très rares : (ac)calm(ie) (voir l’histoire de ce mot), (ap)proxim(ation) / (ap)proxim(atif) (à comparer avec proximité). Les dérivés en a- peuvent être des adjectifs (formes en -ant, ent) : adjacent(e), attenant(e), avenant(e). À noter aussi : aprioriste, a priori.

en savoir plus : CNRTL.

Famille du nom cœur

La famille du nom cœur peut être établie à partir de ces acceptions :

un cœur : un organe, agent principal de la circulation sanguine.

un cœur : ce qui a ou évoque la forme stylisée de cet organe ; ce qui présente ou évoque la forme et la position du cœur.

un cœur : un complexe organique interne, de nature indifférenciée, auquel se rattache parfois une impression de malaise ; l’estomac, le cardia.

un cœur : une partie centrale.

par cœur : mécaniquement, littéralement ; de façon automatique.

le cœur comme foyer ou réceptacle de la vie intérieure (= une mémoire affective ; un mode de connaissance intuitif.

le cœur : le fond secret d’un être, dans son unité et sa vérité primitives, cachées sous les apparences ou se révélant dans un élan de spontanéité, de sincérité ; l’ensemble des sentiments et idées intimes commandant le comportement d’un individu.

le cœur : une disposition à souhaiter, faire telle chose.

le cœur comme foyer ou réceptacle de la vie affective

Extrait du mégadictionnaire de la langue française :

A. un cœur : un organe, agent principal de la circulation sanguine.

Il est recommandé d’adopter, chaque fois que la chose est possible, le préfixe cardio- et les adjectifs cardiaque ou cordial lorsqu’il s’agit du cœur, et le préfixe cardia- et l’adjectif cardial pour le cardia.
Quoique assez utilisé au 19ème siècle en histoire naturelle (cardiacé, cardiopétale, cardiophylle, cardioptère, cardiosperme, etc.), cardio- perd presque toute vitalité au 20e siècle en ce domaine.
Sur la base de -carde se sont formés des termes de médecine (endocarde, hydropéricarde, leptocarde, myocarde, péricarde) ou des termes de zoologie (bucarde, isocarde, vénéricarde). Sur la base de -cardie se sont formés des termes de médecine (bradycardie, dextrocardie, myocardie, tachycardie). CNRTL

B. un cœur :

  • ce qui a ou évoque la forme stylisée de cet organe ;
  • ce qui présente ou évoque la forme et la position du cœur.

elle ou il est cardioïde : est en forme de cœur, est cordiforme.

une cardioïde : une conchoïde du cercle.

On note aussi cordiforme (= en forme de cœur) composé du radical du latin cor, cordis (cœur) et de -forme.

un cœur d’artichaut, de laitue, de palmier

être au cœur d’une activité :

  • avoir un rôle capital ;
  • remplir une fonction essentielle.

avoir du cœur (dans un jeu de cartes).

des coeurs volants : une plante africaine, un petit arbre.


C. le cœur :

  • un complexe organique interne, de nature indifférenciée, auquel se rattache parfois une impression de malaise ;
  • l’estomac, le cardia.

avoir mal au cœur, avoir le cœur barbouillé

un haut-le cœur :

  • une envie de vomir, une nausée ;
  • un sentiment de dégout, une répugnance.

D. un cœur : une partie centrale.

le cœur de la forêt, le cœur du réacteur, le cœur de l’été

à cœur : dans toute l’épaisseur.

le cœur du cœur : le fin fond.

un cœur de marque : une marque commerciale essentielle pour l’activité et l’image d’une entreprise.
un cœur de métier ou métier de base : l’activité première d’une entreprise.
en savoir plus : Vocabulaire francophone des affaires (Office québécois de la langue française)

E. par cœur : mécaniquement, littéralement ; de façon automatique.

apprendre, savoir par cœur.

F. le cœur

  • le foyer ou réceptacle de la vie intérieure ;
  • une mémoire affective ;
  • un mode de connaissance intuitif.

en avoir le cœur net

graver, garder dans son cœur

connaitre quelqu’un par cœur

Le cœur a ses raisons, que la raison ne connait point.

G. le cœur :

  • le fond secret d’un être, dans son unité et sa vérité primitives, cachées sous les apparences ou se révélant dans un élan de spontanéité, de sincérité ;
  • l’ensemble des sentiments et idées intimes commandant le comportement d’un individu.

cœur-à-cœur : intimement.

à cœur ouvert (en toute franchise.

au plus profond de son cœur

avoir le cœur sur les lèvres : s’exprimer spontanément.

un cœur candide, un cœur pur, un cœur bien né, un noble cœur

avoir du cœur : avoir du courage, de la vaillance, une force d’âme ; être généreux)

À cœur vaillant, rien d’impossible.


H. le cœur : une disposition à souhaiter, faire telle chose.

Le cœur n’y est pas.

Si le cœur vous en dit.

avoir du cœur à l’ouvrage

prendre quelque chose à cœur : être décidé à le faire.

faire quelque chose de tout son cœur

à contre-cœur


I. le cœur :

  • le foyer ou réceptacle de la vie affective ;
  • la sensibilité aux phénomènes extérieurs ;
  • la disposition à y répondre par des émotions diverses ;
  • l’affectivité, le sentiment, la sentimentalité ;
  • une personne qui inspire ou éprouve de l’affection.

le cœur affligé, le cœur bouleversé, le cœur gros, le cœur en fête

se fendre le cœur, plonger un poignard dans son cœur, s’en donner à cœur joie

un cœur aimant, ardent, changeant, embrasé, enflammé, épris, fidèle

Loin des yeux, loin du cœur.

joli comme un cœur : joli comme un amour.

un cœur de pierre

la sècheresse du cœur

La basilique du Sacré-Cœur (de Jésus)

Le nom (un) cœur vient du latin classique co?r qui, dans la conception antique, est à la fois le siège de la vie et des fonctions vitales, et celui des passions et des émotions, des pensées et de l’intelligence, de la mémoire et de la volonté, à comparer au grec ? ? ? ? ? ? ? « cœur » et aussi « entrée de l’estomac », « siège des passions et des facultés de l’âme.

Le mot cordial est emprunté au latin médiéval cordialis, d’où cordialement, une cordialité.

Le nom (un) courage est dérivé de cœur.

Le verbe écœurer est dérivé de cœur.

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