Le préfixe a-, ad-

Le préfixe a– remonte à la préposition latine ad-, très productive en position préverbale. En latin, ad– modifie surtout des radicaux verbaux mais aussi (bien que très rarement) des radicaux nominaux, des adjectifs et des adverbes. Le d s’assimile le plus souvent à la consonne qui suit, dont il entraine le dédoublement.

Le préfixe a- a pour variante la forme ad-dans un nombre restreint de mots : adjacent(e), adjoindre, adjuger, admettre. Cette forme est reprise de nos jours (bien que très rarement) dans certains néologismes techniques comme adsorber.

Le préfixe a- subsiste essentiellement dans les mots composés de formation ancienne, dont plusieurs sont toutefois en voie de disparition : accourcir, alentir, apetisser, assauvagir, assoter. Il est souvent remplacé ou concurrencé par ra-, où r- a une valeur intensive : rabaisser, ralentir, rabattre, raccrocher… Comme néologisme, on ne relève que amocher « rendre moche, abimer ».

Beaucoup de créations en a- ne sont plus guère analysées de nos jours : accaparer, accomplir, acheter, acquiescer, adapter, admirer, affecter, affrioler, affubler, agglomérer, ajouter, ablution, accastillage, accointance, admonestation, adversaire, affection.

a- est fortement concurrencé en français moderne par le préfixe en-, les suffixes -ifier et -iser. Ces derniers lui sont manifestement préférés par la langue scientifique et technique Aussi les néologismes en a-/ad- sont-ils très rares : accouver, accouvage ; adsorber (1907) calqué sur le radical d’absorber ; alunir et amerrir ont été formés sur atterrir. La faible productivité du préfixe semble due par ailleurs au regain de vitalité du a- privatif particulièrement productif aux 19ème et 20ème siècles, ce dernier étant nettement motivé.

En français moderne le préfixe a- ne s’accole qu’à des mots commençant par une consonne. Les radicaux commençant par une voyelle lui préfèrent le préfixe en- (enorgueillir). a- entraine souvent le redoublement de la consonne initiale du mot de base.

Le préfixe a- se combine avec le préfixe ré- : réaccoutumer, réadapter, réadmettre, réaffirmer, réajuster mais aussi rajuster, réapparaitre, réapprovisionner, réarranger, réarrangement, réassigner, réassortir. Beaucoup plus nombreux sont les exemples où a- se combine avec la forme abrégée du préfixe re- (qui n’exprime pas l’itération) : rabattre, raccompagner, raccourcir, raffiner, raffoler, rajuster, ralentir, rallonger, ramasser, ramener, ramolir, rapetisser, rapprocher, rassembler, rassurer, ravitailler, raviver. L’alliance de r- et de a- entraine souvent des spécialisations sémantiques : affiner, raffiner ; affoler, raffoler ; assurer, rassurer. a- peut également se combiner avec le préfixe dés- : désacclimater, désaccoutumer, désagrément, désapparier, désappointer, désapprouver.

a- exprime une idée de passage d’un état à un autre, ou d’attribution, ou de direction vers un lieu, ou de manière ou encore d’inchoativité.

1. Dans les mots composés à base adjectivale et dans les dérivés de verbes, avec l’idée de passage plus ou moins complet d’un état à un autre « rendre, rendre plus … »

A.? Dans les parasynthétiques (préfixe, radical, suffixe) à base adjectivale.

  • Le tanneur assouplit le cuir :
  • « le tanneur rend le cuir souple » (sens absolu) ;
  • « le tanneur rend le cuir plus souple » (sens relatif, par rapport à l’état de l’objet au début de l’action).

Dans cette fonction, a- est concurrencé :

  • par le préfixe en-, qui va souvent de pair avec une idée d’intériorité : embourgeoiser « pénétrer de l’esprit bourgeois », empuantir « pénétrer de puanteur », engraisser « gaver, gorger », enjuiver « pénétrer de l’esprit juif » … Noter aussi : embêter « ennuyer, contrarier fortement ». Cependant des mots comme enlaidir ou embellir se rapprochent des formations en a-. L’expression la plus nette de la concurrence en langue entre a- et en- est fournie par le couple d’antonymes : appauvrir : « rendre pauvre » « rendre plus pauvre », enrichir : « couvrir de richesses » « couvrir de plus de richesses ». En- implique parfois des connotations d’ordre moral, incompatibles avec le préfixe a- : anoblir, sens propre / ennoblir, sens moral ; durcir, sens propre / endurcir, sens moral.
  • par les formations d’un adjectif de couleur + er / ir qui constituent une classe de verbes symétriques (tantôt transitifs, tantôt intransitifs) : les papiers jaunissent ; jaunir des papiers.
  • par les mots composés en é- : échauffer, éclairer, égayer, épurer ;
  • par les suffixes -ifier et -iser qui n’expriment pas l’idée d’un passage plus ou moins complet ; le passage d’un état à l’autre est total et net : mollifier « rendre mou », amollir « rendre (plus) mou », tranquilliser « rendre tranquille » ; -ifier marque en particulier le passage d’un état physique à un autre : gazéifier, humidifier, liquéfier, solidifier. Il s’accole de préférence à des radicaux savants : dulcifier à côté de adoucir, rubéfier à côté de rougir (à comparer cependant avec amplifier et simplifier). Usités fréquemment dans le langage scientifique, ifier et -iser traduisent surtout la notion de transformation, étrangère au préf. a- : pétrifier « transformer en pierre ».

B. Dans les dérivés de verbes

  • baisser/abaisser : baisser est absolu et abaisser est relatif ; abaisser, c’est baisser vers. Le verbe baisser exprime uniquement l’action ; contrairement à abaisser, il se désintéresse du caractère progressif.
  • raser un mur « abattre un mur à ras de terre » ; araser un mur « mettre un mur de niveau »
  • Dans assujettir, a- rend explicite la différence de niveau entre le sujet et l’objet, la subordination progressive de l’un à l’autre.

2. Dans les mots composés à base substantivale, avec l’idée d’attribution, de direction vers un lieu, de manière.

A. L’idée d’attribution : le substantif de base a valeur de complément d’objet.

  • accoutumer « donner la coutume à … »
  • accréditer « donner l’autorité nécessaire à … »
  • affamer « donner faim à …, faire souffrir de faim en privant de vivres »
  • affiler « primitivement, donner le fil à un tranchant »
  • affourager « pourvoir en fourrage »
  • amariner « pourvoir un navire en marins »
  • annoter « pourvoir un texte de notes » « mettre des notes en marge de … »
  • apeurer « donner peur à … »
  • approvisionner « donner des provisions à … »
  • assoiffer « donner soif à, faire souffrir de soif en privant de boisson » …
  • amariner , le radical est de l’animé (marin).
  • De même, achalander signifiait « pourvoir en chalands (clients) »; ce mot a pris le sens de « pourvoir en marchandises » (un magasin bien achalandé).

B.? L’idée de lieu

Le substantif de base a (ou avait) valeur de complément d’objet :

  • s’accouder « mettre les coudes à … »
  • s’accroupir
  • acculer
  • adosser « mettre le dos à … »
  • s’agenouiller

Le substantif de base a valeur de complément de lieu (au sens propre ou au sens figuré) :

  • Verbes préfixés transitifs : aboutir « arriver au but, atteindre le but », acheminer « faire avancer sur un chemin, mettre en chemin », aliter « mettre au lit », attraper « prendre (comme) dans un piège ».
  • Verbes préfixés intransitifs : alunir « aborder sur la lune », amerrir « se poser à la surface de la mer », apponter « se poser sur la plate-forme d’un porte-avions », atterrir « reprendre terre ». Dans le verbe (s’) attarder « (se) mettre en retard » (de base adjectivale) s’exprime l’idée de temps.

C. L’idée de manière (« disposer, réunir en » + substantif de base).

  • affourcher « primitivement, disposer en fourche »
  • aligner « mettre en ligne »
  • amasser « réunir en quantités considérables »
  • ameuter « assembler en meute pour la chasse » d’où le sens cour. :« rassembler dans une intention de soulèvement ou de manifestation hostile »

3. Dans les dérivés de verbes, avec l’idée d’inchoativité de l’action.

  • ranger signifie « mettre à sa place »; et arranger « créer, assigner aux choses des places convenables », c’est à dire « ranger pour la première fois, établir la combinaison qui donne à un ensemble de choses leur place ». De même, a- suggère l’inchoativité dans : aposter « poster qqn dans un endroit déterminé », assigner « indiquer la place d’une chose »
  • On perçoit avec les sens, avec l’esprit. On aperçoit avec les yeux. L’acte d’apercevoir entraine la perception, analyse intérieure et consciente du stimulus. On apercoit pendant un seul moment.
  • Le verbe paraitre signifie « se montrer » (aux yeux). L’apparition est le début de cette action, l’instant seulement où la chose se révèle (au sens propre et au sens figuré) : un personnage apparait sur la scène (sens propre) ; dans un roman un personnage nous apparait honnête, bon, etc. (sens figuré).

Remarques :

1. Les verbes constituent la part la plus importante des créations en a-. Le préfixe permet :

des formations parasynthétiques (préfixe, radical, suffixe)

  • dont la base est un adjectif : abâtardir, abêtir, abrutir, s’acagnarder, accommoder, accouardir, accourcir, acoquiner, acquitter, adoucir, affadir, affaiblir, affermir, affiner, affoler, affranchir, affriander, aggraver, agrandir, ajuster, alentir, allonger, alourdir, amaigrir, amatir, améliorer, amenuiser, amincir, amoindrir, amollir, annuler, anoblir, apetisser, aplanir, aplatir, appesantir, approcher, approfondir, arrondir, assagir, assainir, assécher, assombrir, assoter, assauvagir, assouplir, assourdir, assurer, attendrir, attiéder, attrister, aveulir, avilir, aviver, etc.
  • dont la base est un substantif : accompagner, accréditer, affamer, affiler, affourager, allaiter, annoter, apeurer, approvisionner, assoiffer.

des formations où le préfixe modifie une base verbale qu’on reconnait aisément (battre, abattre), même si le verbe composé est sémantiquement éloigné du verbe de base (coucher – accoucher; mettre – admettre).

des formations issues de locutions dans lesquelles la préposition à est absorbée par le mot suivant : accroire, faire à croire, laisser à croire ; affleurer, à fleur (de)

2. Moins nombreux que les verbes, les substantifs préfixés en a- sont :

tantôt des dérivés verbaux obtenus par suffixation

  • en -ment pour les verbes en -er : (accommodement, acoquinement, affinement, ajustement, attristement) ou en -issement pour les verbes en -ir inchoatifs (abâtardissement, abêtissement) ;
  • en -age (abordage, achalandage, acostage, affilage, amarinage, arrivage à comparer avec arrivée, atterrage) ou en -issage pour les verbes en -ir inchoatifs (amerrissage, atterrissage) ;
  • et plus rarement en -ation (aggravation, amélioration, annotation).

tantôt des substantifs obtenus par une dérivation régressive : accroc, accrocher ; acquit, acquitter ; affront, affronter (noter cependant la différence de sens entre affront et affronter) ; annonce, annoncer ; atour, atourner.

tantôt des substantifs dont les verbes correspondants ont disparu : adent, adenter ; assentiment, assentir ; attrait, attraire (attirer).

Intégrée au mot qu’elle précède, la préposition à fournit également quelques substantifs : acompte, adieu, ajour, aplomb.

D’autres substantifs remontent à des locutions entièrement lexicalisées (avoir à faire, affaire ; pleuvoir à verse, averse ; jouer à tout, atout) ou partiellement lexicalisées (à-coup, à-peu-près, à-côté). Les formations substantives parasynthétiques à base adjectivales sont très rares : (ac)calm(ie) (voir l’histoire de ce mot), (ap)proxim(ation) / (ap)proxim(atif) (à comparer avec proximité). Les dérivés en a- peuvent être des adjectifs (formes en -ant, ent) : adjacent(e), attenant(e), avenant(e). À noter aussi : aprioriste, a priori.

en savoir plus : CNRTL.

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